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03/03/2021 | FRANCE | N°18/13338

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 6, 03 mars 2021, 18/13338


Copies exécutoiresREPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS







COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 6



ARRET DU 03 MARS 2021



(n° 2021/ , 11 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 18/13338 - N° Portalis 35L7-V-B7C-B6Z4F



Décision déférée à la Cour : Jugement du 24 Septembre 2018 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS - RG n° F 17/07977





APPELANTE



SA FIMECOR Agissant poursuites et diligen

ces de ses représentants légaux, en exercice, domiciliés en cette qualité audit siège social,

[Adresse 1]

Représentée par Me Christian VALENTIE, avocat au barreau de PARIS, toq...

Copies exécutoiresREPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 6

ARRET DU 03 MARS 2021

(n° 2021/ , 11 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 18/13338 - N° Portalis 35L7-V-B7C-B6Z4F

Décision déférée à la Cour : Jugement du 24 Septembre 2018 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS - RG n° F 17/07977

APPELANTE

SA FIMECOR Agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux, en exercice, domiciliés en cette qualité audit siège social,

[Adresse 1]

Représentée par Me Christian VALENTIE, avocat au barreau de PARIS, toque : C2441

INTIME

Monsieur [O] [I] [X]

[Adresse 2]

Représenté par Me Anne VAN DETH-TIXERONT, avocat au barreau de PARIS, toque : E0068

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 20 janvier 2021, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Christine DA LUZ, Présidente de chambre chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Christine DA LUZ, Présidente de chambre

Madame Nadège BOSSARD, Conseillère

Monsieur Stéphane THERME, Conseiller

Greffier : Madame Pauline MAHEUX, lors des débats

ARRÊT :

- contradictoire,

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile,

- signé par Madame Christine DA LUZ, Présidente de chambre et par Madame Pauline MAHEUX, Greffière, présente lors de la mise à disposition.

RAPPEL DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE :

M. [O] [I] [X] a été embauché à compter du 22 novembre 2006 par contrat de travail à durée indéterminée à temps plein en qualité de chef de mission.

Le contrat de travail prévoyait une convention de forfait annuel en jours (article 4 contrat de travail).

M.[I] [X] est devenu chef de mission et percevait en dernier lieu 68 900 euros de salaire annuel brut.

La société emploie plus de dix salariés et la convention collective nationale des experts comptables et commissaires aux comptes est applicable à la relation de travail.

Une procédure de rupture conventionnelle aurait été envisagée entre les parties en mars 2016 mais celle-ci n'a pas abouti.

Par lettre recommandé en date du M.[I] [X] a été convoqué à un entretien préalable à un éventuel licenciement fixé le 14 avril 2016 et il a été licencié par lettre en date du 20 avril suivant pour faute grave.

M.[I] [X] a saisi le conseil des prud'hommes de Paris le 24 mai 2016 qui par jugement du 24 septembre 2018 a fait partiellement droit à ses demandes en ce qu'il a :

dit le licenciement sans cause réelle et sérieuse,

condamné la société FIMECOR à lui verser les sommes suivantes :

17 592 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

1759,20 euros à titre d'indemnité de congés payés sur préavis,

11 043, 86 euros à titre d'indemnité de licenciement,

46 912 euros à titre d'indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse,

1000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Par déclarations en dates des 23 et 26 novembre 2018 enrôlées respectivement sous les n° 18-13338 et 18-13407, la société FIMECOR a interjeté appel du jugement.

Aux termes de ses ultimes conclusions remises au greffe et transmises par le réseau privé virtuel des avocats le 26 juillet 2019, auxquelles il est expressément fait référence, la société FIMECOR demande à la cour de :

infirmer le jugement du conseil des prud'hommes de Paris en date du 24 septembre 2018

et statuant à nouveau, dire et juger que le licenciement pour faute grave notifié à M.[I] [X] est fondé et en conséquence,

débouter M.[I] [X] de l'ensemble de ses demandes,

confirmer le jugement pour le surplus,

condamner M.[I] [X] à verser la somme de 5000 euros à la société FIMECOR au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Par conclusions remises au greffe et transmises par le réseau virtuel des avocats le 18 octobre 2019, auxquelles il est fait expressément référence, M.[I] [X] demande à la cour de :

- confirmer le jugement du conseil des prud'hommes en ce qu'il a :

dit que le licenciement était sans cause réelle et sérieuse

condamné la société FIMECOR à lui verser les sommes suivantes :

17 592 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis

1759,20 euros à titre d'indemnités de congés payés sur préavis

11 043,86 euros à titre d'indemnité de licenciement

ordonné la remise de l'attestation d'employeur destiné au pôle emploi

fixé la moyenne de ces 3 derniers salaires à 5 864 euros

- réformer le jugement du conseil des prud'hommes et, statuant à nouveau :

condamner la société FIMECOR à verser à M.[I] [X] les sommes suivantes :

105 552 euros à titre d'indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse

21 198,61 euros à titre de rappel de salaire

2198,61 euros à titre d'indemnités de congés payés sur rappel de salaire

35 184 euros à titre d'indemnité pour travail dissimulé

5864 euros à titre de dommages et intérêts pour retard dans l'organisation de la visite d'embauche

5000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture a été prononcée le 14 décembre 2020 dans le dossier n° 18-13407, et le 20 janvier 2021 dans le dossier n°18-13338.

Les parties ont sollicité la jonction.

MOTIFS :

- Sur la demande de jonction.

Il est de l'intérêt d'une bonne justice d'ordonner la jonction des causes enregistrées au greffe sous les n°18-13338 et 18-13407; l'instance se poursuivant sous le numéro de rôle le plus ancien, à savoir le n° de RG 18-13338.

- Sur la rupture du contrat de travail.

Il ressort de l'article L. 1235-1 du code du travail qu'en cas de litige, le juge à qui il appartient d'apprécier le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l'employeur au soutien de la mesure de licenciement, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties; si un doute subsiste il profite au salarié.

Quand le licenciement est prononcé pour faute grave, il incombe à l'employeur de prouver la réalité de la faute grave, c'est à dire de prouver non seulement la réalité de la violation des obligations découlant du contrat de travail ou des relations de travail mais aussi que cette faute est telle qu'elle impose le départ immédiat du salarié, le contrat ne pouvant se poursuivre même pour la durée limitée du préavis.

Pour apprécier la gravité de la faute, les juges doivent tenir compte des circonstances qui l'ont entourée et qui peuvent atténuer la faute et la transformer en faute légère.

La lettre de licenciement du 21 avril 2016 qui fixe les limites du litige est rédigée ainsi qu'il suit':

« Monsieur,

Par courrier recommandé AR en date du 4 Avril 2016, nous vous avons convoqué à un entretien préalable envisageant à votre égard un éventuel licenciement.

Cet entretien s'est tenu le jeudi 14 avril 2016, dans nos locaux au cours duquel vous vous êtes présenté seul.

Lors de celui-ci nous avons débattu de manière contradictoire des faits qui justifiaient votre convocation à cet entretien préalable et qui vous ont été reprochés.

C'est pourquoi nous vous informons que nous avons décidé de vous notifier votre licenciement pour les motifs qui vous ont été exposés lors de votre entretien et qui mettent en cause la bonne marche de la société.

Vous avez été engagé par la SA FIMECOR et occupez la fonction de directeur de mission, statut cadre, et vous vous trouvez au deuxième niveau hiérarchique du Cabinet après l'associé signataire.

A ce titre, il vous appartenait d'adopter un comportement en adéquation avec votre fonction et d'exécuter votre mission avec professionnalisme, rigueur et dans le respect de votre hiérarchie et de votre entourage professionnel.

Or, nous avons à déplorer les faits suivants qui concernent tant vos défaillances professionnelles que votre comportement et qui nuisent gravement à la bonne marche de l'entreprise :

Sur les défaillances professionnelles :

- Sur le dossier HYPE

Je viens d'apprendre récemment, il y a 3 semaines, lors de la réunion avec le client pour l'arrêté des comptes 2015, qu'il vous avait reproché votre manque de professionnalisme dans l'exécution de votre mission et votre attitude arrogante à son égard.

Le client s'était rendu compte lui-même que vous n'aviez pas comptabilisé les rémunérations du dirigeant, seule personne rémunérée dans la société holding, ce qui constituait des comptes bancals.

- Sur le dossier LUCAS FINE WINE :

Il s'agissait de notre première intervention dans ce dossier en qualité de commissaire aux comptes, Le dossier était techniquement très simple.

Vous vous êtes occupé seul de l'entier dossier et vous êtes venu me le présenter comme étant complet avec quasiment que le rapport à signer, sans aucune alerte préalable.

Pourtant, ma simple revue rapide du dossier a montré que vous n'aviez effectué aucun contrôle sur la valorisation des stocks alors qu'ils représentent une part très significative de l'actif de la société (pas moins de 89% du total de l'actif).

Je vous ai déclaré qu'il m'était impossible de signer le rapport de certification des comptes en l'état et je vous ai demandé donc de retourner vers le client afin de valider les prix d'achats d'un niveau suffisant des stocks, les quantités étant elle validées par la confirmation d'un stockeur externe à l'entreprise.

Vous avez déclenché la colère du client, pourtant habitué de longue date aux audits variés, lequel a émis des griefs contre notre société sur la manière de réaliser un audit de manière professionnelle, nous reprochant notamment une absence d'anticipation des besoins de documents afin d'éviter de revenir vers lui au dernier moment.

L'ayant progressivement rassuré, nous avons pu finaliser nos travaux, sans que ce soit dans des conditions de confort optimales pour moi-même, signataire.

- Sur le dossier MAT INTER

Malheureusement, votre défaillance professionnelle s'est réitérée avec votre mission d'audit d'acquisition de la société MAT INTER dont vous aviez la charge de superviser.

Vous m'avez déclaré qu'il n'y avait aucun problème majeur sur ce dossier.

Cependant, le client (acheteur) m'a contacté directement afin de me rappeler que la date limite pour lever les conditions suspensives de rachat liées à l'audit arrivée à échéance et qu'il ne voyait aucun document arriver.

Je vous ai dès lors demandé à voir le dossier et le projet de rapport préparé par vos soins et me suis aperçu avec stupeur qu'aucun travail n'a été fait sur les rotations de stocks alors que l'on pouvait dès l'origine savoir qu'une grande quantité de petites références était à déprécier.

Je vous ai donc demandé de réclamer au vendeur les éléments nous permettant de vérifier le niveau des dépréciations pratiquées et je n'ai découvert que très récemment après que notre client ait racheté la société et qu'il nous a produit des éléments concrets afin de mettre en 'uvre sa garantie de passif soit fin janvier 2016 que :

- Ce n'est qu'au dernier moment que vous aviez requis ces informations,

- Vous étiez prêt à me faire signer un rapport d'audit sans rien mentionner sur ces stocks, rapport qu'heureusement j'ai complété avant l'émission par une réserve sur ces dépréciations de stocks,

- Le montant de ces stocks à rotation lente devant être dépréciés serait de l'ordre de 600 à 700 Ke,

- Devant votre absence de réponse à la demande de l'avocat du client de produire une attestation pour que le client acheteur de la société puisse introduire sa demande de garantie de passif, j'ai dû moi-même produire cette attestation en début de semaine, sans avoir tous les éléments du contexte terrain que vous connaissiez, mais au seul vu des échanges d'emails que vous m'aviez communiqué.

Lorsque nous avons fait un point sur ce dossier, le seul argument que vous m'avez opposé était le manque de temps ...

A votre retour de votre mission auprès de LVMH le 21 mars 2016, je vous ai confié la supervision finale de dossiers de commissariat aux comptes membres d'un groupe dont vous étiez en charge par le passé.

Vous m'avez fait part par email d'erreurs et de manques relativement peu significatifs sur l'annexe des comptes, ceux-ci ne nécessitant pas de modification avant la signature du rapport.

Vous m'avez donc préparé les rapports à signer.

Après avoir signé un ou deux exemplaires, j'ai toutefois regardé un peu plus en détail l'annexe des comptes et la phrase que vous aviez incluse dans le rapport sur la « justifications des appréciations, qui selon nos normes doit porter sur les points les plus significatifs, pour m'apercevoir que cette phrase parlait des dépréciations de stocks et de créances pour une société (Cardiweb) qui ne dispose pas de stocks et a rarement à déplorer de dépréciation de créances.

Cette remarque n'était donc ni justifiée et ni appropriée.

En revanche, la justification que nous incluons tous les ans dans notre rapport depuis l'origine de ce mandat (plus de 12 ans) sur les « produits constaté d'avance » relatifs aux prestations s'étalant sur plusieurs exercices était absente du rapport, ce qui constitue une grave erreur dans l'exécution de votre mission.

Sur votre attitude :

Avant votre départ en mission au sein de LVMH qui vous amenait en dehors du bureau pour plusieurs mois, je vous ai demandé un point précis de l'état de l'ensemble des missions dont vous étiez en charge.

Malgré de nombreuses demandes réitérées de ma part, orales puis par email, vous persistiez à m'écrire que vous avez vaguement discuté des dossiers avec les collaborateurs et avec la secrétaire du cabinet.

J'ai donc été contraint de reprendre tous les dossiers gérés par vos soins en direct, en plus de ma charge de travail vis-à-vis des clients que je suis directement.

Du fait de ce manque de communication de votre part et de l'absence de transmission d'informations aux

collaborateurs, il a été constaté :

- des erreurs de TVA (dossier la Générale),

- absence de comptabilisation des augmentations de capital (dossier Cardinklink),

- erreurs ayant incité 1e client à rompre notre prestation pour 2016 (dossier [M]),

- erreur de versement d'acomptes d'IS, etc..

Enfin, j'ai été informé par le client et non par vous de la date de la fin de votre mission au sein de LVMH. Ce dernier m'a fait part de sa déception dans l'exécution de votre mission, me précisant qu'il avait découvert des erreurs qui ont nécessité de sa part un recadrage régulier et surtout la nécessité de contrôler systématiquement ce que vous aviez réalisé.

A votre retour, le 21 mars 2016 je vous ai demandé lors d'un débriefing comment s'était déroulée la mission, vous m'avez fait part d'une auto-satisfaction totale'

Tous ces éléments constituent des fautes professionnelles graves qui ont d'importantes répercussions sur la bonne marche de l'entreprise et rendent impossible de poursuivre une relation de travail qualitative, dans une atmosphère sereine et de confiance.

Aussi pour les motifs sus énoncés, nous nous voyons contraint de procéder à votre licenciement pour faute grave qui prendra donc effet immédiatement à la date d'envoi de la lettre de licenciement, sans indemnité de préavis ni de licenciement.

Les sommes vous restant dues vous seront adressées par courrier ainsi que votre certificat de travail, votre reçu pour solde de tout compte et votre attestation Pôle Emploi.

Nous vous rappelons que vous disposez d'un crédit d'heures au titre du DIF de 21 heures au 31 décembre 2014 à reporter au titre du compte personnel de Formation sur le site www.moncomptefom1ation.gouy.fr.

Dès réception de la présente, nous vous invitons à remettre tout élément ou document confidentiel ayant trait au cabinet ou à ses clients que vous pourriez détenir, ainsi que les matériels, ordinateurs codes et clés.

Je vous prie d'agréer, Monsieur, l'expression de mes salutations distinguées. »

M.[I] [X] soutient que le motif du licenciement ne caractérise pas une faute grave ni même une cause réelle et sérieuse de licenciement aux motifs que :

- les faits allégués ne sont pas établis et pour la majorité d'entre eux, se révèlent prescrits.

- les faits incriminés ne constituent pas des violations d'une obligation contractuelle; tandis que les griefs relatifs à son attitude sont infondés.

La société soutient au contraire que les faits ne sont nullement prescrits car le simple fait que M.[E] ait pu être mis en copie d'échange d'e-mails lors de la réalisation des missions dont M.[I] [X] avait la responsabilité, ne démontre pas que la société avait une connaissance exacte de la réalité, de la nature et de surtout de l'ampleur des faits. La société ajoute que l'existence des manquements est caractérisée et que M.[I] [X] a fait preuve d'un manque de communication volontaire, caractéristique d'une faute grave ayant conduit M.[E] à gérer en direct les dossiers.

*Sur la prescription des faits fautifs :

Selon l'article L. 1332-4 du code du travail, aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à l'engagement de poursuites disciplinaires au-delà d'un délai de deux mois à compter du jour où l'employeur en a eu connaissance, à moins que ce fait ait donné lieu dans le même délai à l'exercice de poursuites pénales.

Le délai de prescription de deux mois de l'article L.1332-4 du code du travail court à compter du jour où l'employeur a une connaissance exacte de la réalité, de la nature et de l'ampleur des faits reprochés au salarié

Concernant le dossier HYPE, le client, M.[P], a transmis des interrogations sur le bilan, par courriel du 24 janvier 2015 en mettant M.[E] en copie. Il a également avisé directement ce dernier de son «'mécontentement'» au sujet du travail effectué dès «'la réunion de clôture des comptes annuels 2015'» (attestation de M. [P] versée en pièce 22 de l'employeur). Ces faits, remontant à l'année 2015 et portés à la connaissance de M. [E] dès cette époque, sont manifestement prescrits.

Concernant le dossier LUCAS FINE WINE, les griefs apparaissent reposer sur des courriels versés en pièce 6 de l'employeur mais qui datent de juin 2015. Ces faits sont donc également prescrits.

S'agissant du dossier MAT INTER, la société se fonde sur des échanges d'e-mails de janvier 2016 concernant la vérification des stocks (sa pièce n°7). Outre que ces courriels ne semblent pas faire apparaître un quelconque mécontentement du client, ils ont été précédés de courriels de M.[I] [X] transmettant à M. [E] en date du 27 février 2015, pour relecture, le rapport d'audit d'acquisition, ainsi que les annexes modifiées puis des réponses de ce dernier (pièces 41 à 44 du salarié). Dans ces conditions, ces faits apparaissent pareillement prescrits.

Les griefs relatifs aux dossiers expressément cités dans la lettre de licenciement étant couverts par la prescription, il reste à examiner le bien fondé du manquement tiré de «'l'attitude du salarié et son manque de communication ».

* Sur l'existence d'une faute grave.

La société FIMECOR expose que malgré de nombreuses demandes réitérées, orales puis par e-mail, M.[I] [X] aurait persisté à refuser de donner des éléments concrets afin de suivre correctement ses dossiers. (sa pièce n°13).

Ce manque de communication volontaire serait caractéristique d'une faute grave et aurait conduit M. [E] à gérer en direct les dossiers. La société ajoute que ce manque de communication aurait eu pour conséquence :

- des erreurs de TVA (dossier la Générale),

- absence de comptabilisation des augmentations de capital (dossier Cardinklink),

- erreurs ayant incité le client à rompre notre prestation pour 2016 (dossier [M]),

- erreur de versement d'acomptes d'IS, etc' (ses pièces n°14 à 17)

La société soutient avoir été informée par le client LVMH de la fin de la mission de son salarié, ce qui démontrait une fois encore, selon elle, le manque de professionnalisme de ce dernier (sa pièce n°18).

Ces faits fautifs sont contestés par le salarié.

Les courriels versés en pièce 13 par l'employeur se bornent à faire état d'échanges entre M. [E] et M.[I] [X] aux termes desquels le premier demandait au second de renseigner un tableau concernant l'état de ses dossiers (courriels des 13 et 14 décembre 2015) et auxquels le salarié apportait dès le 21 décembre suivant une réponse accompagnée du tableau récapitulatif demandé. Cette pièce tend plutôt à démontrer que le salarié a bien communiqué sur les points demandés et ne saurait donc établir le manquement allégué.

Les e-mails versés en pièces 14 à 17 ne sont pas davantage révélateurs d'une quelconque faute de l'intéressé si ce n'est le courriel de M. [E] lui même en date du 20 janvier 2016, qui fait état de manière laconique, d'une «'erreur de [O] [X] sur la déclaration de TVA de juillet 2015 déclarée en retard '». Le courriel de Mme [F] versé en pièce 16 fait plutôt grief au cabinet FIMECOR de ne pas l'aviser du changement des interlocuteurs en charge de son dossier mais n'objective aucun manquement strictement imputable à M. [X]. Ici encore, les faits fautifs ne sont pas rapportés.

L'employeur ajoute que lors d'un entretien du 23 mars 2016, avec Mmes [Y] et [N], ces dernières ont indiqué que le travail de M.[I] [X] n'aurait pas été satisfaisant et qu'il résulterait des notes prises lors de cet entretien que : le salarié « identifie mais ne va pas plus loin » - il existe un « problème d'attitude » - le salarié « ne se contrôle pas assez » - que « les livrables devraient être parfaits » - qu'il y a « des erreurs matérielles » - qu' « il ne devrait pas avoir à faire ce type de correction »' (Pièce n°19) Cette pièce est néanmoins dépourvue de tout caractère probant dès lors qu'il s'agit de la photocopie de notes manuscrites illisibles prises dans un contexte ignoré par un ou des auteurs dont la qualité professionnelle n'est pas explicitée.

La cour constate que tous les faits rappelés ci-dessus, à les supposer existants, relèveraient en toute hypothèse d'un grief d'insuffisance professionnelle, laquelle ne peut présenter un caractère fautif qu'en cas d'abstention volontaire ou de mauvaise volonté délibérée du salarié, éléments qui ne résultent ni des pièces précitées ni même des termes de la lettre de licenciement.

La cour dit en conséquence que ces manquements ne sont pas établis et confirme le jugement entrepris en ce qu'il a retenu que le licenciement n'était pas fondé sur une cause réelle et sérieuse.

- Sur les demandes pécuniaires.

1) Sur l'indemnité compensatrice préavis, les congés payés sur préavis, l'indemnité conventionnelle de licenciement.

C'est par une exacte appréciation des circonstances de la cause que les premiers juges ont reconnu à M.[I] [X] les sommes respectives 17592,00 € au titre de l'indemnité compensatrice puisque ce dernier avait le statut de cadre ainsi que 1759,20 € au titre des congés payés sur préavis et enfin 11 043,86 € au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement; le jugement étant confirmé de ces chefs.

2) Sur les dommages et intérêts pour retard dans l'organisation de la visite médicale d'embauche.

M.[I] [X] expose avoir été embauché à compter du 22 novembre 2006 or la visite médicale d'embauche n'a eu lieu que 2 ans après, soit le 17 janvier 2008. Il soutient avoir « nécessairement» subi un préjudice de ce chef et revendique des dommages et intérêts à hauteur d'un mois soit 5864,00 €.

L'existence d'un préjudice et l'évaluation de celui-ci relèvent du pouvoir souverain d'appréciation des juges du fond or s'il n'apparaît pas contesté par l'employeur que le salarié n'a pas bénéficié d'une visite médicale d'embauche dans les délais requis, il reste que celle-ci a finalement eu lieu et que surtout ce dernier ne justifie pas du préjudice que ce retard aurait occasionné pour lui.

Sa demande de ce chef sera rejetée et le jugement entrepris sera confirmé sur ce point.

3) Sur la nullité du forfait jours, les heures supplémentaires et les congés payés afférents.

M.[I] [X] soutient que la société FIMECOR n'a pas respecté les exigences existantes dans le cadre de l'exécution de la convention de forfait en jours, puisqu'il n'a pas été soumis à un moment quelconque à un contrôle de sa charge de travail et de l'amplitude de son temps de travail, de telle sorte que cela entraîne la nullité du forfait. Dès lors, le salarié demande la condamnation de la société FIMECOR à lui payer les heures supplémentaires effectuées.

Il revendique de ce chef les sommes de :

- 7580,23 € à titre de rappel de salaire, augmentée de la somme de 758,00 € au titre des congés payés sur rappel de salaire pour 2014

- 6236,38 € à titre de rappel de salaire, augmentée de la somme de 623,63 € au titre des congés payés sur rappel de salaire pour 2015

- 8169,58 € à titre de rappel de salaire, augmentée de la somme de 816,95 € au titre des congés payés sur rappel de salaire pour 2016.

Soit au total: 21 986,19 euros outre 2198,61 euros.

Aux termes de ses conclusions d'appel, la société FIMECOR conteste l'existence de ces heures supplémentaires.

Le principe de la convention annuelle du forfait jours de M.[I] [X] en application de l'accord sur l'aménagement du temps de travail n'est pas discutée par les parties. Il a été convenu aux termes du contrat de travail renvoyant à la convention collective nationale du cabinet et l'accord de branche et prévoit que le temps de travail sera effectué en nombre de jours, 218 jours par période annuelle complète d'activité, en tenant compte du nombre maximum de jours de congés défini à l'article L223-2 du code du travail. La rémunération du salarié était ainsi forfaitaire.

M.[I] [X] fait valoir qu'en l'absence d'entretien annuel individuel relatif à sa charge de travail, cette convention de forfait est privée d'effet et demande en conséquence le paiement d'heures supplémentaires.

L'article L3121-46 du code du travail, en sa version applicable à l'instance, dispose que 'Un entretien annuel individuel est organisé par l'employeur, avec chaque salarié ayant conclu une convention de forfait en jours sur l'année. Il porte sur la charge de travail du salarié, l'organisation du travail dans l'entreprise, l'articulation entre l'activité professionnelle et la vie personnelle et familiale, ainsi que sur la rémunération du salarié.'

Si l'employeur ne prend aucune mesure pour s'assurer de la charge de travail du salarié, de l'organisation du travail, de l'articulation entre l'activité professionnelle et la vie personnelle et familiale ainsi que sur la rémunération, notamment par un entretien individuel annuel avec le salarié, la convention de forfait jour est inopposable au salarié qui est en droit de demander le paiement des heures supplémentaires accomplies.

Le cabinet FIMECOR prétend avoir bien opéré un suivi de la charge de travail de son salarié à travers un document de contrôle permettant de s'assurer de la compatibilité de la charge du travail du salarié avec le respect des temps de repos quotidien et hebdomadaire; ce document de contrôle étant complété de l'entretien annuel mais il n'en justifie pas.

Comme le soutient M.[I] [X], les évaluations qui ont été effectuées le concernant ne comportent aucune mention relative à son temps de travail, sa charge ou son organisation.

En l'absence d'entretien annuel organisée par l'employeur sur ces points, et de toute autre diligence concernant la durée et la charge de travail, la convention de forfait lui est inopposable.

Si l'article L. 3171-4 du code du travail dispose que la preuve des heures de travail effectuées n'incombe spécialement à aucune des parties et que l'employeur doit fournir au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié, il appartient à ce dernier de fournir préalablement au juge les éléments de nature à étayer sa demande.

Si le salarié n'a pas à apporter des éléments de preuve mais seulement des éléments factuels, pouvant être établis unilatéralement par ses soins, encore s'agit-il qu'ils revêtent un minimum de précision afin que l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail accomplies, puisse y répondre utilement.

En l'espèce , le salarié expose que sa demande d'heures supplémentaires, est étayée par un décompte précis, effectué d'après les feuilles de temps remplies à la demande de l'employeur et remises chaque mois.

Il produit en effet en pièces 34 à 36 des décomptes explicites auxquels l'employeur n'oppose aucune pièce contradictoire remettant en cause leur contenu. Il conviendra donc d'allouer une somme de 20 000 euros à titre de rappels de salaire à M.[I] [X] outre 2 000 euros au titre des congés payés afférents; le jugement entrepris étant infirmé de ces chefs.

4) Sur l'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé.

M.[I] [X] soutient que la société l'aurait, en connaissance de cause, laissé effectuer des heures supplémentaires de manière conséquente, en ne respectant pas les temps de travail, et revendique en conséquence une indemnité au titre du travail dissimulé à hauteur des 6 mois forfaitaire prévu par l'article L 8223-1 du code du travail, soit la somme de 35 184,00 €.

L'article L.8221-1 du code du travail prohibe le travail totalement ou partiellement dissimulé défini par l'article L.8221-3 du même code relatif à la dissimulation d'activité ou exercé dans les conditions de l'article L.8221-5 du même code relatif à la dissimulation d'emploi salarié.

Aux termes de l'article L.8223-1 du code du travail, le salarié auquel l'employeur a recours dans les conditions de l'article L.8221-3 ou en commettant les faits prévus à l'article L.8221-5 du même code relatifs au travail dissimulé a droit, en cas de rupture de la relation de travail, à une indemnité forfaitaire égale à six mois de salaire.

La dissimulation d'emploi salarié prévue par le texte précité n'est caractérisée que s'il est établi que l'employeur a agi de manière intentionnelle or cela ne résulte nullement des élements de la cause.

La demande indemnitaire de ce chef sera rejetée et le jugement entrepris sera confirmé.

5) Sur l'indemnité pour licenciement sans cause réelle ni sérieuse.

Il est constant qu'à la date de présentation de la lettre recommandée notifiant le licenciement, le salarié avait au moins deux ans d'ancienneté dans une entreprise de 11 salariés et plus ; il y a donc lieu à l'application de l'article L. 1235-3 du code du travail dont il ressort que le juge octroie une indemnité au salarié qui ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois.

Compte tenu notamment de l'effectif de l'entreprise, des circonstances de la rupture, du montant de la rémunération du salarié, de son âge, de son ancienneté, de sa capacité à trouver un nouvel emploi eu égard à sa formation et à son expérience professionnelle et des conséquences du licenciement à son égard, tels qu'ils résultent des pièces et des explications fournies, la cour retient que l'indemnité à même de réparer intégralement le préjudice de M.[I] [X] doit être évaluée à la somme de 46 912 € ainsi que l'ont pertinemment retenu les premiers juges.

Le jugement déféré sera donc confirmé sur ce point.

- Sur les autres demandes.

Il y a lieu de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a ordonné la remise des documents de fin de contrat mais sans qu'aucune astreinte ne soit prononcée de ce chef.

Il y a lieu d'allouer une somme de 2000 euros à M.[I] [X] sur le fondement de l'article 700.

PAR CES MOTIFS,

LA COUR,

ORDONNE la jonction des causes enregistrées au greffe sous le n° de RG 18- 13338.

INFIRME le jugement du conseil de prud'hommes de Paris en date du 24 septembre 2018 en ce qu'il a débouté M. [O] [I] [X] de ses demandes au titre des heures supplémentaires et congés payés afférents.

Statuant à nouveau de ces chefs :

CONDAMNE la SA FIMECOR à payer à M. [O] [I] [X] la somme de 20 000 euros à titre de rappels de salaires pour les heures supplémentaires outre 2 000 euros au titre des congés payés afférents.

CONFIRME le jugement entrepris pour le surplus.

Y ajoutant,

CONDAMNE la SA FIMECOR à allouer une somme de 2 000 euros à M. [O] [I] [X] sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

CONDAMNE la SA FIMECOR aux dépens.

LA GREFFIÈRELA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 6
Numéro d'arrêt : 18/13338
Date de la décision : 03/03/2021

Références :

Cour d'appel de Paris K6, arrêt n°18/13338 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2021-03-03;18.13338 ?
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