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24/02/2021 | FRANCE | N°18/12826

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 6, 24 février 2021, 18/12826


Copies exécutoiresREPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS







COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 6



ARRET DU 24 FEVRIER 2021



(n° 2021/ , 9 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 18/12826 - N° Portalis 35L7-V-B7C-B6XHW



Décision déférée à la Cour : Jugement du 05 Février 2018 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS - RG n° F 17/04654





APPELANT



Monsieur [H] [D]

[Adresse 1]
r>Représenté par Me Houcine BARDI, avocat au barreau de PARIS, toque : E1674





INTIMEE



EPIC RATP pris en la personne de son représentant légal

[Adresse 2]

Représentée par Me Sophie M...

Copies exécutoiresREPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 6

ARRET DU 24 FEVRIER 2021

(n° 2021/ , 9 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 18/12826 - N° Portalis 35L7-V-B7C-B6XHW

Décision déférée à la Cour : Jugement du 05 Février 2018 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS - RG n° F 17/04654

APPELANT

Monsieur [H] [D]

[Adresse 1]

Représenté par Me Houcine BARDI, avocat au barreau de PARIS, toque : E1674

INTIMEE

EPIC RATP pris en la personne de son représentant légal

[Adresse 2]

Représentée par Me Sophie MALTET, avocat au barreau de PARIS, toque : R062

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 13 janvier 2021, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Christine DA LUZ, Présidente de chambre chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Christine DA LUZ, Présidente de chambre

Madame Nadège BOSSARD, Conseillère

Monsieur Stéphane THERME, Conseiller

Greffier : Madame Pauline MAHEUX, lors des débats

ARRÊT :

- contradictoire,

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile,

- signé par Madame Christine DA LUZ, Présidente de chambre et par Madame Pauline MAHEUX, Greffière, présente lors de la mise à disposition.

RAPPEL DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE :

M. [H] [D] a été embauché par la RATP le 30 avril 2001, en qualité de « machiniste receveur » (Agent titulaire, ou « Commissionné »).

Il a d'abord travaillé en tant que chauffeur de bus (ligne 65) rattaché au dépôt d'[Localité 3].

En 2012, il est devenu conducteur de tramway (Machiniste) sur la ligne T3A, site [Localité 4] (Centre Bus de [Adresse 5]).

A la suite d'un accident de la voie publique survenu durant la nuit du 26 au 27 août 2016, le salarié a été convoqué par la Responsable d'Exploitation Tramway (RET) T3 a en date du 5 septembre 2016, qui l'a entendu sur les événements et lui a dit qu'elle devait procéder à un retrait à titre conservatoire de son habilitation le temps de l'enquête. N'ayant pas cette carte en sa possession, il l'a remise le lendemain à un autre encadrant de la ligne T3a.

Par courrier en date du 30 septembre 2016, M. [D] a été convoqué à un entretien préalable qui s'est tenu le 17 octobre 2016. Le conseil de discipline a également été saisi.

Suite à l'audience du conseil de discipline du 7 décembre 2016, M. [D] a fait l'objet d'une révocation par courrier recommandé avec accusé de réception du 14 décembre suivant en raison de comportements qualifiées de fautifs.

M. [D] a saisi le conseil de prud'hommes de Paris le 19 juin 2017 pour voir annuler sa révocation, ordonner sa réintégration et condamner en conséquence la RATP à lui payer des sommes à la fois salariales et indemnitaires .

Par jugement rendu le 5 février 2018, notifié le 26 octobre 2018, le conseil de prud'hommes de Paris a requalifié la faute grave en faute simple, et accordé au salarié les sommes suivantes :

* 9510,32 € au titre de l'indemnité légale de licenciement

* 4910,72 € au titre de l'indemnité de préavis

* 491 € au titre des congés payés y afférents

* 1000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

M. [D] a été débouté du surplus de ses demandes.

M. [D] a relevé appel de ce jugement le 9 novembre 2018.

Aux termes de ses ultimes conclusions notifiées par RPVA le 8 février 2019, auxquelles il est expressément fait référence, M. [D] demande à la cour de :

- infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a retenu l'existence d'une faute simple à l'encontre de M. [D] et statuant de nouveau :

1. Dire et juger que la révocation de M. [D] est dépourvue de cause réelle et sérieuse

2. Condamner, en conséquence, la RATP au paiement de la somme de 58928,64 € au titre de la révocation dépourvue de cause réelle et sérieuse ;

3. Confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné la RATP au paiement de la somme de 9510,32 € au titre de l'indemnité de licenciement (révocation) ;

4. Confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné la RATP au paiement de la somme de 4910,72 € au titre de l'indemnité de préavis ;

5. Confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné la RATP au paiement de la somme de 491 € au titre des congés payés y afférents ;

6. condamner la RATP au paiement de dommages-intérêts d'un montant de 10 000 €, sur le fondement de l'article 1240 du Code civil, au titre du préjudice moral et psychologique subi par M. [D] ;

7. condamner la RATP au remboursement des indemnités chômage perçues par M. [D] dans la limite de 6 mois d'indemnités ;

8. Condamner la RATP à payer à M. [D] la somme de 3 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile avec confirmation de la condamnation de même nature prononcée en première instance ;

9. Condamner la RATP aux entiers dépens (y compris les éventuels frais d'exécution de la décision à intervenir).

10. Dire que les sommes de nature salariale produiront des intérêts au taux légal à compter de la saisine du conseil de prud'hommes, et celles de nature indemnitaire à dater du prononcé de l'arrêt à intervenir.

Aux termes de ses ultimes conclusions notifiées par RPVA le 24 avril 2019, auxquelles il est expressément fait référence, la RATP demande à la cour de :

- constater le bien-fondé de la révocation prononcée à l'encontre de M. [D]

En conséquence

- infirmer le jugement du conseil des prud'hommes de Paris en ce qu'il a requalifié le licenciement pour faute grave de M. [D] en faute simple

- dire que la révocation de ce dernier est parfaitement justifiée et régulière ;

- débouter M. [D] de l'ensemble de ses demandes ;

- condamner M. [D] à verser à la RATP la somme de 1.500,00 € en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile ;

- condamner enfin M. [D] aux éventuels dépens.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 14 décembre 2020.

MOTIFS :

I) Sur la nullité la procédure de révocation.

M. [D] soulève quatre séries d'irrégularités procédurales qui selon lui, entraînent la nullité de la procédure de révocation et la prive par suite de tout fondement. Il s'agit des manquements suivants':

- méconnaissance du délai impératif de 21 jours séparant la suspension de la tenue du conseil de discipline

- notification du licenciement au delà du délai d'un mois à dater de l'entretien préalable

- non respect de la communication impérative de l'intégralité des pièces

- prise en compte de faits prescrits.

La RATP soutient pour sa part avoir respecté toutes les garanties procédurales.

Il est constant que le respect de la procédure de consultation du conseil de discipline instaurée par le statut du personnel de la RATP est une garantie de fond dont la méconnaissance aurait pour effet de priver le licenciement de cause réelle et sérieuse.

Il convient donc d'examiner les manquements ci-dessus allégués.

- Sur la méconnaissance du délai impératif de 21 jours séparant la suspension de la tenue du conseil de discipline.

M. [D] expose que la date initiale elle-même (30 septembre 2016) se situait au-delà du délai de l'article 161 alinéa 3, du Statut du Personnel de la RATP, aux termes duquel :

« L'agent doit comparaître devant le conseil de discipline dans un délai maximum de 21 jours calendaires à compter de la date de sa suspension de service » Il précise avoir fait l'objet d'une suspension à titre conservatoire en date du 5 septembre 2016. Le délai de l'article 161 du SP/RATP prenait donc fin le 26 septembre.

Il résulte néanmoins des éléments du débat que le texte précité n'a pas vocation à s'appliquer car M. [D] n'a pas fait l'objet d'une suspension de service mais d'un retrait d'habilitation à la conduite de tramway T3a à titre conservatoire le temps de l'enquête. Il ne s'agissait donc pas d'une suspension de service puisque M. [D] était affecté sur des services bus (pièces 7 et 8 de l'employeur). Ce moyen sera donc rejeté.

- Sur la notification du licenciement au delà du délai d'un mois à dater de l'entretien préalable

En matière de licenciement disciplinaire, les dispositions de l'article L 1332-2, du code du travail sont applicables au cas d'espèce.

Ce texte dispose que lorsque l'employeur envisage de prendre une sanction, il convoque le salarié en lui précisant l'objet de la convocation, sauf si la sanction envisagée est un avertissement ou une sanction de même nature n'ayant pas d'incidence, immédiate ou non, sur la présence dans l'entreprise, la fonction, la carrière ou la rémunération du salarié. Lors de son audition, le salarié peut se faire assister par une personne de son choix appartenant au personnel de l'entreprise. Au cours de l'entretien, l'employeur indique le motif de la sanction envisagée et recueille les explications du salarié. La sanction ne peut intervenir moins de deux jours ouvrables, ni plus d'un mois après le jour fixé pour l'entretien. Elle est motivée et notifiée à l'intéressé.

La saisine du conseil de discipline prévu par le statut personnel de la RATP est néanmoins interruptive du délai d'un mois précité quand la convocation de ce conseil a lieu dans ce délai et que le salarié en a été informé.

Tel est bien le cas en l'espèce puisque le salarié a été convoqué à l'entretien préalable le 17 octobre 2016 et la notification de la saisine du conseil de discipline lui a été notifiée le 15 novembre 2016, soit moins d'un mois plus tard (pièce n°12 de l'employeur).

Ici encore, il n'existe donc aucune irrégularité procédurale et tout moyen contraire sera rejeté.

- Sur le non-respect de la communication impérative de l'intégralité des pièces

M. [D] expose que les représentants du personnel ont pu relever : « de plus, des pièces ne figurant pas au dossier nous sont présentés ce jour' »

Néanmoins, ce grief exprimé dans des termes flous ne saurait suffire à retenir un quelconque manquement d'autant que les pièces incriminées n'ont pas été listées. Ce moyen sera donc rejeté.

- Sur la prise en compte de faits prescrits.

M. [D] expose qu'aux termes de l'article 165 in fine du Statut, aucune mesure disciplinaire prononcée depuis plus de trois ans ne peut être invoquée à l'appui d'une nouvelle mesure.

Il soutient que la lettre de révocation piétine les dispositions impératives de l'article précité et invoque des faits prescrits qu'il conteste.

L'examen de cette lettre démontre cependant que l'employeur n'a nullement évoqué au soutien de la révocation une quelconque mesure disciplinaire qui serait survenue plus de trois ans auparavant puisque précisément le salarié n'a pas fait l'objet de sanction disciplinaire préalable ainsi que cela ressort du procès verbal du conseil de discipline. Le courrier de révocation fait simplement mention d'incidents préalables qui ne sont que des éléments de contexte, sachant que les griefs fondant cette mesure de révocation étaient pour leur part bien circonscrits et totalement indépendants de quelconques agissements préexistants.

Les moyens invoqués par le salarié au soutien d'une demande d'annulation de la procédure de révocation sont donc infondés et seront rejetés.

2° Sur le caractère réel et sérieux de la révocation et l'existence d'une faute grave.

Il ressort de l'article L. 1235-1 du code du travail qu'en cas de litige, le juge à qui il appartient d'apprécier le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l'employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties; si un doute subsiste il profite au salarié.

Le licenciement doit être justifié par une cause réelle et sérieuse et être motivé. Les faits sur lesquels repose ce licenciement doivent être exacts, c'est à dire être la véritable raison du licenciement, ils doivent être précis, existants, et objectifs c'est à dire être matériellement vérifiables.

Quand le licenciement est prononcé pour faute grave, comme tel est le cas en l'espèce, il incombe à l'employeur de prouver la réalité de celle-ci, c'est à dire de prouver non seulement la réalité de la violation des obligations découlant du contrat de travail ou des relations de travail mais aussi d'établir que cette faute est telle qu'elle impose le départ immédiat du salarié, le contrat ne pouvant se poursuivre même pour la durée limitée du préavis.

Il ressort de la lettre de licenciement qui fixe les limites du litige que M. [D] a été licencié pour les faits suivants :

- Non-respect des procédures dictées par la réglementation d'entreprise et la réglementation ferroviaire: non déclaration d'accident, non déclaration du freinage d'urgence, absence de prise de contact avec le chef de poste.

- Conduite dangereuse.

- Comportement agressif à l'égard d'un supérieur hiérarchique

- Prise de service sans être muni de la carte d'habilitation et sans avoir prévenu l'encadrement local.

- Sur le non respect des procédures.

En cas d'incident, le machiniste est tenu de respecter une procédure stricte émanant notamment des instructions de sécurité ferroviaire et de l'Instruction professionnelle du machiniste-receveur tels que justifiées aux débats.

C'est ainsi que l'Instruction de Sécurité Ferroviaire 2002 prévoit en son paragraphe 17 que : « Chaque fois qu'un agent constate un incident, une anomalie sur un tramway ou sur une installation fixe qui perturbe ou risque de perturber l'exploitation, celui-ci doit aviser sans délai le régulateur en lui donnant toutes les précisions utiles. Si l'agent intervient dans le traitement de l'anomalie, il doit renseigner le régulateur sur l'état d'avancement des opérations et communiquer impérativement le résultat final de celles-ci avant de reprendre la marche ».

Il existe également une procédure spécifique en cas de bruit anormal résultant de l'Instruction de Sécurité Ferroviaire 2010 selon laquelle « Un bruit anormal ou suspect peut résulter d'anomalies au matériel roulant ou à la voie. Dans ce cas, l'agent de conduite doit appliquer les consignes suivantes :

* Informer immédiatement le régulateur ;

* vérifier l'état du rail, de la rame, de la plate-forme, en se conformant aux instructions données par le régulateur,

* rendre compte au régulateur de la situation en donnant le plus d'informations possibles et suivre les prescriptions du régulateur.'»

Le freinage d'urgence nécessite aussi une procédure spécifique. L'Instruction de Sécurité Ferroviaire 2003 dispose au paragraphe 6.13, que « L'agent de conduite utilise le freinage d'urgence en cas de nécessité absolue, lorsque les circonstances ou le règlement l'exigent. A l'arrêt, un message d'excuse doit être diffusé aux voyageurs, puis l'agent de conduite informe le régulateur du lieu, de la voie et du fait générateur du freinage d'urgence ».

Ces instructions sont complétées par l'engagement n° 4 de l'Instruction professionnelle du machiniste-receveur qui dispose que « Quelque soit le type d'accident, même si le tiers intéressé ne veut pas donner suite :

- informer immédiatement l'encadrement d'exploitation

- rechercher des témoins parmi les clients ou passants,

- recueillir les informations utilises pour l'établissement du dossier d'accident »

Il résulte de tout ce qui précède que lorsque le machiniste-receveur entend un bruit anormal, fait usage du freinage d'urgence ou constate un incident, il doit informer le régulateur de ligne mais également établir un rapport rendant compte de l'événement.

Les pièces versées aux débats démontrent que M. [D] n'a appliqué aucune de ces règles. Il n'a nullement informé le régulateur de l'incident, dont il avait pourtant eu conscience.

C'est un autre machiniste arrivant en sens inverse, sur la ligne T3a, M. [B], qui voyant la rame de M. [D] à l'arrêt, feux de détresse allumés, a seul pris l'initiative d'user de son téléphone mobile pour appeler celui-ci, ayant vu «le visage d'un collègue désemparé».

C'est à celui-ci que M. [D] a demandé de vérifier l'état de sa rame.

C'est encore M. [B] qui a appelé le régulateur et lui a rapporté l'incident et non M. [D].

M. [L], régulateur en service dans la nuit du 26 au 27 août 2016 a précisé n'avoir reçu aucune information d'un accident corporel, de suspicion d'accident ou tout autre fait de sécurité survenu dans la nuit du 26 au 27 aout 2016 de la part de Mr [D] (20ème T3a).C'est seulement Mr [B] (29ème T3a) qui l'a informé au moyen de son téléphone portable.

M. [D] ne saurait utilement se retrancher derrière les actions respectives des deux collègues précités pour soutenir que le procédure aurait été respectée alors que ces derniers n'avaient eu qu'une connaissance partielle des faits, et qu'il lui appartenait personnellement et immédiatement de donner connaissance au régulateur de l'intégralité des informations relatives à l'incident.

Le fait que la radio aurait été hors d'état de marche n'est pas démontrée et en tout état de cause, il pouvait alerter le régulateur au moyen de son téléphone portable puisqu'il venait précisément d'utiliser ce mode de communication avec M. [B], qui lui-même avait alerté le régulateur. En outre, à son retour au PCL, M. [D] n'a pas pas davantage avisé le chef de poste.

Les faits ci-dessus rappelés demontrent que M. [D] n'a nullement respecté les procédures existantes et n'a jamis porté à la connaissance de ses encadrants l'anomalie qui s'était produite pendant la nuit écoulée.

- Sur la dangerosité de la conduite.

M. [D] réfute cette conduite dangereuse au motif que l'accident ne serait pas avéré et qu'il n'aurait percuté personne.

Les termes mêmes de son rapport d'information du 6 septembre 2016, démontrent pourtant qu'une anomalie s'est nécessairement produite durant la nuit du 26 au 27 août 2016 dont il a eu conscience.

En effet, il a indiqué avoir vu qu'un piéton, dont il donne une description physique et vestimentaire précises, se trouvait «'entre les deux voies'», qu'il n'avait pas gongué «'pour éviter de lui faire peur'» et que plus loin, il avait entendu «'un bruit'» l'ayant amené à un arrêt immédiat.

La conjonction de ces quatre facteurs': localisation d'une personne en un lieu dangereux, ayant dû normalement nécessiter l'usage du gong, l'existence d'un bruit subséquent ainsi que le freinage d'urgence établit l'existence d'une situation à risque, la réalisation d'un incident en découlant et la conscience de celui-ci.

Du reste, la demande d'examen complémentaire que produit M. [D] dans sa pièce n°32 en date du 9 septembre 2016, fait apparaître la mention suivante de la part du médecin du travail': « Je vois M. [D] en état de choc après un accident qu'il a évité sur le tram ».

Le courriel de la victime versé en pièce 5 établit que celle-ci a été percutée alors qu'elle attendait, qu'elle était de dos, regardant dans la direction de l'arrivée de son taxi, et qu'elle n'a pas entendu arriver le tramway conduit par M. [D], (celui-ci ayant reconnu ne pas devoir utiliser son gong).

Elle décrit alors un violent impact qui l'a projetée à terre.

Elle précise que le tramway s'est arrêté à 500 m d'elle pendant une minute et est reparti sans que personne ne vienne s'enquérir de son état. C'est son taxi qui l'a emmené à l'hôpital où des radios ont été réalisées, puis une IRM du rachis cervical ultérieure, devant révéler une fracture de l'épineuse en T3 ainsi qu'une hernie discale en C5-C6.

Les faits qui se sont déroulés dans la nuit du 26 au 27 août 2016, tels que décrits dans le mail de la victime précité, et expliqués par M. [D] dans son rapport en date du 6 septembre 2016, sont d'une évidente gravité.

Cet incident est d'autant plus grave qu'il n'a été porté à la connaissance de la RATP que par la seule victime auprès du service juridique, le 2 septembre 2016 de telle sorte que si celle-ci ne s'était pas manifestée, il ne lui aurait jamais été signalé.

Du reste, c'est suite à ce courriel qu'une enquête a été diligentée et a donné lieu à un compte rendu le 9 septembre 2016, concluant comme suit':

«'L'analyse des pièces du dossier permet d'établir que l'agent de conduite :

- ne déclare pas un accident/incident au chef de poste,

- utilise son téléphone portable personnel sur la ligne pendant l'exploitation,

- n'est pas en possession de sa carte d'habilitation,

- ne prévient pas l'encadrement local qu'il n'est pas en possession de sa carte d'habilitation

- ne rédige pas de 636 immédiatement, suite à la consigne du RET T3a

- ne respecte pas la limitation de vitesse

- ne déclare pas au chef de poste qu'il a réalisé un FU

Il s'agit de manquements à la sécurité ferroviaire ».

Suite à cette enquête, la mesure suivante a été proposée': saisie de la commission d'examen des habilitations.

Celle-ci s'est réunie le 28 octobre 2016 et a préconisé le retrait définitif de son habilitation délivrée le 12 juillet 2012.

Le Directeur du Département BUS a suivi la proposition émise par la commission d'examens des habilitations et ainsi prononcé, le 14 novembre 2016, le retrait définitif de l'habilitation à la conduite des tramways de M. [D].

- Sur le comportement agressif à l'égard d'un supérieur hiérarchique.

Le rapport d'information du 5 septembre 2016 de Mme [S] établit qu'alors que M. [D] avait signé le rapport et en avait obtenu une copie, il était revenu dans son bureau en lui demandant l'original du rapport qu'il avait finalement gardé par devers lui, en refusant de le lui restituer et en disant soudainement qu'il ne le signerait pas.

Mme [S] précise alors que l'agent avait commencé à hausser le ton, puis qu'il était allé en salle du personnel, s'était énervé, avait crié puis tapé sur la table de manière violente. Il était revenu à 22h dans le bureau de Mme [S], s'était à nouveau énervé, s'était mis une nouvelle fois à crier et était sorti du bureau comme une furie en hurlant.

Cette attitude non utilement démentie par le salarié établit manifestement une attitude d'insubordination caractérisée.

- Sur la prise de service sans être muni de la carte d'habilitation et sans avoir prévenu l'encadrement local.

Conformément à l'engagement n° 1 de l'Instruction professionnelle du machiniste-receveur, lors de sa prise de service, le machiniste-receveur : « se munit de tous les documents ou objets nécessaires à la réalisation de son service, par exemple : ['] habilitation à la conduite des tramways ['] ».

L'ISF 2002 dispose, quant à elle, en son paragraphe 6 que : « L'agent habilité à la conduite d'un tramway avec voyageurs est porteur pendant le service :['] de sa carte nominative d'habilitation à la conduite d'un tramway avec voyageurs valide pour la ligne et le matériel roulant où le service est effectué »

Le rapport d'information du 5 septembre 2016 précité de Mme [S] indique qu'elle lui retire sa carte d'habilitation à la conduite de Tramway T3a, à titre conservatoire, mais l'agent lui signale qu'il ne l'a pas en sa possession et dit qu'il la lui apportera le lendemain.

Ces faits reconnus par le salarié démontrent que celui-ci a contrevenu aux règles ci-dessus rappelées.

Il résulte abondamment de tout ce qui précède que la faute grave du salarié est rapportée.

Dès lors le jugement entrepris sera infirmé en ce qu'il a requalifié cette faute grave en faute simple et en ce qu'il lui a alloué des sommes au titre de l'indemnité légale de licenciement, de l'indemnité de préavis, et des congés payés afférents.

M. [D] sera condamné à payer une somme de 200 € à la RATP sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS,

LA COUR,

INFIRME en toutes ses dispositions le jugement du conseil des prud'hommes de Paris en date du 5 février 2018.

DIT que la révocation de M. [D] pour faute grave est régulière et fondée.

DÉBOUTE M. [D] de ses demandes plus amples ou contraires.

CONDAMNE M. [D] aux dépens.

CONDAMNE M. [D] à verser à la RATP la somme de 200 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

LA GREFFIÈRELA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 6
Numéro d'arrêt : 18/12826
Date de la décision : 24/02/2021

Références :

Cour d'appel de Paris K6, arrêt n°18/12826 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2021-02-24;18.12826 ?
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