REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 5 - Chambre 9
ARRET DU 18 FEVRIER 2021
(n° , 8 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 18/26662 - N° Portalis 35L7-V-B7C-B6YXX
Décision déférée à la Cour : Jugement du 13 Novembre 2018 - Tribunal de Commerce de PARIS - RG n° 2016065233
APPELANT
Monsieur [B] [W]
[Adresse 1]
[Localité 4]
Représenté par Me Frédéric LALLEMENT de la SELARL BDL Avocats, avocat au barreau de PARIS, toque : P0480, avocat postulant
Représenté par Me Julien TURCZYNSKI, avocat au barreau de PARIS, toque : A0042, avocat plaidant
INTIMEE
SELARL SMJ, en la personne de Me [V]
en qualité de liquidateur judiciaire de la SAS VICTORIA PATRIMOINE
[Adresse 2]
[Localité 3]
Représentée par Me Thierry SERRA de la SELARL SERRA AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : E0280, avocat postulant et plaidant
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 14 janvier 2021, en audience publique, devant la Cour composée de :
Madame Michèle PICARD, Présidente
Madame Isabelle ROHART-MESSAGER, Conseillère
Madame Déborah CORICON, Conseillère
qui en ont délibéré
GREFFIER : Madame FOULON, lors des débats
MINISTÈRE PUBLIC : représenté lors des débats par Madame Anne-France SARZIER, avocat général, qui a fait connaître son avis.
ARRET :
- contradictoire
- rendu par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Madame Michèle PICARD, Présidente et par Madame FOULON, Greffière .
**********
La société Catz Gestion exerçait une activité de gestion locative à travers la commercialisation auprès de particuliers de maisons individuelles construites par la SA Catz Construction.
En 2007, la société Catz Construction a fait l'objet d'une procédure de liquidation judiciaire, à cette occasion M. [W] est devenu président de Catz Gestion et la société a changé de dénomination sociale pour devenir Victoria Patrimoine. Elle s'est spécialisée dans le conseil en gestion de patrimoine, gestion locative et le conseil en investissement outre-mer aux fins de défiscalisation.
Puis, en 2008 la société Victoria Patrimoine s'est spécialisée dans la distribution de produits de défiscalisation dans le domaine photovoltaïque en coopération directe avec la société SFER et la société GESDOM appartenant toutes deux à M. [W] et dirigées par lui.
En 2011 ces produits ne pouvant plus bénéficier de la défiscalisation au titre de la loi dite « Girardin » , la société Victoria Patrimoine s'est reconvertie dans la distribution d'un autre produit lié au secteur photovoltaïque : les Stations Autonomes d'Eclairage (SAE).
Ce nouveau produit s'étant révélé inéligible à la défiscalisation, les sociétés SFER et GESDOM qui représentaient 70% du chiffre d'affaires de Victoria Patrimoine se sont trouvées en difficulté financière, la société SFER a fait l'objet d'une procédure de sauvegarde, un plan de sauvegarde a été adopté le 20 août 2014 par le tribunal mixte de commerce de Saint-Denis.
La société Victoria Patrimoine n'avait plus en décembre 2011 qu'une activité de gestion locative sous mandat.
Le 27 juillet 2012, le commissaire aux comptes de la société Victoria Patrimoine, mettait en 'uvre une procédure d'alerte.
Fin 2012 la CGAIM a retiré sa garantie financière à la société Victoria Patrimoine au titre de cette activité, mais néanmoins celle-ci a poursuivi son activité et M. [W] en devenait le seul associé.
Le 26 avril 2013 Monsieur [W] créait la société Victoria Gestion, laquelle devenait cessionnaire de l'activité de Victoria Patrimoine, mais ne lui en réglait pas le prix de 125.000 euros.
En effet, alors que dans un premier temps il avait envisagé de céder l'activité de la société Victoria patrimoine qui comprenait 184 mandats de gestion locative et avait confié à la société CBI TROUBAT un mandat de vente moyennant le prix de 350 000 euros, bien que la société CBI TROUBAT ait trouvé cinq acquéreurs acceptant de payer le prix convenu, dont 2 sans conditions suspensives, M. [W] a choisi de vendre cette activité à un prix inférieur à la société Victoria gestion qu'il contrôlait, sans en payer le prix.
Le 6 novembre 2013, le tribunal de commerce de Créteil ouvrait une procédure de redressement judiciaire à l'égard de la société Victoria Patrimoine et fixait la date de cessation des paiements au 22 juin 2012. Me [P] était nommé administrateur judiciaire et la SELARL SMJ mandataire judiciaire.
Le dossier était dépaysé et le 19 mars 2014 le tribunal de commerce de Paris prononçait la liquidation judiciaire de la société Victoria Patrimoine et désignait la SELARL SMJ liquidateur judiciaire.
Le 27 octobre 2016 le tribunal de commerce de Paris étendait la procédure de liquidation judiciaire à la société Victoria Gestion et maintenait la SELARL SMJ, en la personne de Me [R] [V], en qualité de liquidateur judiciaire.
Considérant que M. [W] avait commis de nombreuses fautes de gestion, et notamment s'était abstenu de déclarer la cessation des paiements dans les délais légaux et avait poursuivi une activité déficitaire dans un intérêt personnel, la SELARL SMJ l'a assigné devant le tribunal de commerce de Paris par acte du 28 octobre 2016.
Les opérations de liquidation judiciaire mettent en évidence l'existence d'un passif définitif dé 1.938 383,90 euros, d'un passif contesté avec des instances en cours de 264 543,23 euros, tandis que l'actif réalisé s'élève à la somme de 15 492 euros.
Par jugement du 13 novembre 2018, le tribunal de commerce de Paris a :
- Prononcé la faillite personnelle de M. [B] [W],
- Fixé la durée de cette mesure à 15 ans.
- Condamné M. [B] [W] à payer à la SELARL SMJ en la personne de Me [R] [V], mandataire judiciaire, la somme de 1 922 852 € au titre de I'insuffisance d'actif, déboutant du surplus,
- Condamné M. [B] [W] à payer à la SELARL SMJ en la personne de Me [R] [V], mandataire judiciaire, la somme de 20 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
M. [B] [W] a interjeté appel de ce jugement par déclaration du 22 novembre 2018.
Par ordonnance du 4 juin 2019, le délégataire du Premier Président a :
- s'agissant de la condamnation pécuniaire, suspendu l'exécution provisoire au-delà de la somme d'un million d'euros,
- s'agissant de la sanction personnelle, a suspendu l'exécution provisoire relative à l'exercice des fonctions de dirigeant de la société SFER.
À l'audience le conseil de M. [W] indique que celui-ci n'a réglé aucune somme au titre de sa responsabilité pour insuffisance d'actif.
* * *
Dans ses dernières conclusions auxquelles il est expressément référé, notifiées par voie électronique le 23 octobre 2019, M. [B] [W] demande à la cour de :
- Infirmer le jugement du tribunal de commerce de Paris du 13 novembre 2018 en toutes ses dispositions,
- Dire n'y avoir lieu à sanction
Subsidiairement
- Réduire à de plus justes proportions la condamnation pécuniaire prononcée à son encontre,
- Réduire la durée de la condamnation de faillite personnelle.
Dans ses dernières conclusions auxquelles il est expressément référé, notifiées par voie électronique le 17 mai 2019, la SELARL SMJ demande à la cour de :
- Confirmer le jugement
- Condamner M. [W] a lui payer la somme de 20.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
À l'audience, Mme l'avocat général retient l'intégralité des faits qui sont reprochés à M. [W] et sollicite la confirmation du jugement en ce qu'il l'a condamné à une sanction de faillite personnelle d'une durée de 15 ans.
S'agissant de la sanction patrimoniale, elle demande sa condamnation au paiement d'une d'une somme se situant entre 800 000 euros et 1 million d'euros.
SUR CE,
1.Sur l'action en responsabilité pour insuffisance d'actif.
Sur la poursuite d'une activité déficitaire.
La SELARL SMJ souligne que M. [W] aurait dû déclarer la cessation des paiements au plus tard le 6 août 2012 compte tenu de la date de cessation des paiements fixée définitivement par le tribunal de commerce de Créteil au 22 juin 2012.
Elle expose que la rémunération de M. [W] était excessive et a augmenté en 2012 alors que le chiffre d'affaire, sur la même période, avait chuté de 75%.
Elle ajoute que l'inéligibilité du SAE aurait dû être évidente dès la loi de finance du 29 décembre 2010 et qu'elle l'était en tout état de cause dès la fin de l'année 2011. Elle estime que dans ces conditions l'embauche de nouveaux salariés excédait manifestement les capacités de la société.
Elle souligne que la location de 8 véhicules de luxe n'était pas justifiée par les besoins de la société.
Elle soutient que la prise à bail de nouveaux locaux en février 2012 excédait les capacités de l'entreprise qui ne pouvait plus compter sur les commissions de placement des produits défiscalisés, et n'était pas justifiée par les besoins des salariés.
Elle rappelle que la date de cessation des paiements a été définitivement fixée au 22 juin 2012, que le redressement judiciaire a été ouvert sur assignation de l'URSSAF, 16 mois après, que l'exercice 2013 a dégagé un résultat d'exploitation déficitaire de plus de 600.000 euros, une perte de la valeur de l'actif net et que les déclarations de créances montrent un passif de 636.879,15 euros, postérieur au 6 août 2012.
M. [W] répond que la poursuite de l'activité est directement liée à ses tentatives de maintenir l'activité de l'entreprise et de la restructurer.
Il soutient que les difficultés de l'entreprise sont uniquement liées au revirement de l'administration fiscale sur la défiscalisation des SAE, que l'inégilibilité de ce produit au dispositif « Girardin » n'était établie que le 31 mai 2013 par la réponse de l'administration fiscale à la demande de l'administrateur judiciaire de la société SFER et que c'est à cette date que le caractère inévitable de la cessation des paiements s'est avéré patent.
Il soutient qu'il a adapté la masse salariale à l'activité de la société, qu'il a procédé à des licenciements en 2012, puis que la restructuration, afin de commercialiser les SAE, a nécessité d'embaucher de nouveaux cadres.
Il indique que sa rémunération de 16.500 euros par mois a été approuvée par l'assemblée générale et n'était pas excessive pour un dirigeant.
Il expose que les locaux loués, dont une partie n'était utilisée que comme archives, étaient adaptés à l'activité, que le loyer était raisonnable et que la reconversion dans la commercialisation des SAE nécessitait une plus grande surface afin de réunir les conseillers du réseau.
Il soutient que l'ensemble des véhicules pris en leasing étaient nécessaires à l'activité de la société et que les voitures ne constituent pas un actif de la société.
Il ajoute que le transfert des contrats était dans l'intérêt de la société à laquelle il évitait des frais financiers.
Il estime que le retard dans la déclaration de cessation des paiements n'a pas aggravé l'insuffisance d'actif.
Il convient de relever que malgré la procédure d'alerte déclenchée le 27 juillet 2012 par le commissaire aux comptes, puis le retrait de la garantie financière à la société Victoria patrimoine, fin 2012, M. [W] a néanmoins choisi de continuer son activité, exposant ses clients au risque de ne pas récupérer les fonds leur revenant au titre des mandats locatifs qui lui avaient été confiés.
Or, dès le déclenchement de la procédure d'alerte, la société Victoria patrimoine était en état de cessation des paiements, puisque le jugement d'ouverture a fixé la date de cessation des paiements au 22 juin 2012, étant précisé que cette date ainsi fixée s'impose au juge de la sanction.
Le fait de poursuivre une activité déficitaire, puisque, en 2012, le résultat d'exploitation était négatif à hauteur de 1.233 909 euros, en l'absence de perspectives de la société, constitue une faute de gestion, d'autant plus évidente que M. [W] avait été dûment averti par la procédure d'alerte diligentée par le commissaire aux comptes en juillet 2012.
Cette faute de gestion est particulièrement grave, puisque concomitamment M. [W] s'allouait une rémunération excessive, d'un montant annuel de 201 926 euros en 2012, étant précisé qu'il n'a fourni aucun élément comptable permettant de connaître sa rémunération en 2013.
De même, M. [W] gérait de façon dispendieuse la société débitrice puisqu'en 2012, alors que l'activité était déficitaire, il a poursuivi le contrat de crédit-bail portant sur des véhicules de luxe, dont deux Porsche Cayenne et quatre Audi. C'est ainsi que le crédit-bail des 2 véhicules Porsche constituait une charge financière de 79 026,57 euros en 2012 et 2013.
De surcroît alors que le chiffre d'affaires, qui étaient de plus de 2 millions d'euros pendant tous les années précédentes, a chuté à 1 114 000 euros en 2012, la masse salariale excédait le montant du chiffre d'affaires (en 2012 le chiffre d'affaires était de 1.114 117 euros et la masse salariale de 1.249.243 euros).
De même, ainsi que l'a relevé le tribunal, malgré la chute de chiffre d'affaires en 2011 et 2012, M. [W] n'a pas usé de la faculté de résiliation triennale du bail, ce qui lui aurait permis de rendre les locaux de 320 m² appartenant à la Sas Stebalia, associée de Victoria patrimoine, le 31 décembre 2012, alors que la société ne payait plus ses loyers depuis juillet 2012. C'est ainsi que la créance de la bailleresse au titre des loyers impayés depuis 2012 a été admise au passif pour 105 159 euros.
De la même façon, deux autres baux ont été conclus par M. [W] le 15 janvier 2012 et dès septembre 2012 la société Victoria Patrimoine a cessé de payer les loyers de ces deux baux.
Ainsi, comme l'a souligné le tribunal, les moyens engagés par M. [W] étaient injustifiés au regard de l'activité de la société Victoria Patrimoine et ces faits constituent également une faute de gestion, excédant la simple négligence.
Le retard à effectuer une déclaration de cessation des paiements a entraîné de nouvelles dettes pendant la periode suspecte, et il résulte des déclarations de créances que le passif ayant une origine postérieure au 6 août 2012 s'élève à la somme de 636 879,15 euros.
Par ailleurs, pendant la période suspecte, M. [W] a continué à percevoir une rémunération extrêmement importante puisqu'au titre de l'exercice 2012 il a perçu 201 926 euros alors que l'exercice était largement déficitaire.
Il s'ensuit que les fautes de gestion ainsi retenues ont contribué à l'insuffisance d'actif.
De surcroît, la société débitrice a été privée d'actifs du fait de la gestion de M. [W].
En effet, alors que la société CBI Troubat, à laquelle M. [W] avait donné mandat de trouver un un acquéreur aux fins de vendre les mandats de gestion locative, avait trouvé plusieurs acquéreurs pour un montant de 350 000 euros, il s'est abstenu de procéder à la vente et a préféré les céder à la société Victoria gestion qui ne lui a versé aucune somme.
Par ailleurs, la société Victoria Patrimoine a cédé des meubles à la société IWA, dirigée par M. [B] [W], pour un prix non payé de 8855 euros et a effectué une avance non remboursée de 32 133,03 euros à cette société. Ces fautes graves ont également contribué à l'insuffisance d'actif.
Il sera également retenu le fait que M. [W] a profité d'avances de la part de la société débitrice, ainsi que l'a relevé le commissaire aux comptes dans un courrier du 14 juin 2011 et au 6 novembre 2013, son compte courant était encore débiteur d'un montant de 1504,17 euros.
Il a également mis à disposition des locaux à titre gratuit au profit de la société Victoria gestion qu'il dirigeait, n'a pas respecté les règles fiscales et sociales, ce qui a entraîné des pénalités au titre de la TVA exigible en 2009 et 2010 d'un montant de 66 194 euros et pour l'impôt sur les sociétés de 2012 une pénalité de 8897 euros. Ces fautes graves commises par M. [W] ont contribué à l'insuffisance d'actif.
M. [W] prétend que l'insuffisance d'actif est d'un montant de 829 557,59 euros et non de plus de 1 900 000 euros, comme le soutient le liquidateur judiciaire et fait valoir que le montant de la condamnation est totalement disproportionnée avec ses revenus. Il indique que ses revenus nets se sont élevés à la somme de 128 746 euros en 2014,103 300 euros en 2015, 96 006 euros en 2016,95 1989 euros en 2017 et 94 964 euros en 2018, qu'il n'a aucun patrimoine immobilier et que ses charges locatives annuelles sont d'un montant de 25 000 euros.
Cependant, M. [B] [W] a pendant de nombreuses années perçu des rémunérations très importantes au titre de sa gestion de la société Victoria patrimoine, puisque celles-ci étaient de plus de 237 000 euros en 2010, plus de 189 000 euros en 2011 et plus de 201 000 euros en 2012 et il bénéficiait également d'avantages en nature importants tels que de l'usage de voitures de luxe, ce qui aurait dû lui permettre de se constituer un patrimoine et de faire face à ses dettes.
Compte tenu de l'ensemble de ces éléments, du nombre de fautes particulièrement graves retenues à son encontre et de leur implication dans l'insuffisance d'actif, il convient de confirmer le jugement en ce qu'il l'a condamné à supporter l'insuffisance d'actif, mais il apparaît proportionné de limiter le montant de la condamnation en responsabilité pour insuffisance d'actif à la somme de 800.000 euros.
2.Sur la sanction personnelle.
2.1 Sur la poursuite d'une activité déficitaire.
Selon l'article L653'3, 1° du code de commerce, le tribunal peut prononcer la faillite personnelle de tout dirigeant qui a poursuivi abusivement une exploitation déficitaire qui ne pouvait conduire qu'à l'état de cessation des paiements.
Ainsi qu'il a précédemment été indiqué, M. [W] a poursuivi abusivement une activité déficitaire dans un intérêt personnel, car malgré l'existence d'un état de cessation des paiements, -puisque le jugement d'ouverture a fixé la date de cessation des paiements au 22 juin 2012-, malgré également la procédure d'alerte déclenchée le 27 juillet 2012 par le commissaire aux comptes, puis le retrait de la garantie financière à la société Victoria patrimoine, fin 2012, M. [W] a néanmoins choisi de continuer son activité, exposant ses clients au risque de ne pas récupérer les fonds leur revenant au titre des mandats locatifs qui lui avaient été confiés.
Concomitamment M.[W] s'allouait une rémunération excessive, d'un montant annuel de 201 926 euros en 2012, étant précisé qu'il n'a fourni aucun élément comptable permettant de connaître sa rémunération en 2013.
De même, en 2012, alors que l'activité était déficitaire, il a poursuivi le contrat de crédit-bail portant sur des véhicules de luxe, dont deux Porsche Cayenne et quatre Audi, lui permettant d'utiliser au quotidien de tels véhicules, ce qui caractérise son intérêt personnel à la poursuite de l'activité.
Par ailleurs, ainsi que l'a relevé le tribunal de commerce, le maintien injustifié de l'activité de la société Victoria Patrimoine a permis à M. [W] de procéder délibérément et de façon méthodique au démantèlement de la société en dispersant ses actifs dans les différentes sociétés dont il avait le contrôle, sans contrepartie.
Il s'ensuit que c'est à juste titre que les premiers juges ont retenu ce grief.
2.2 Sur l'usage des biens contraire à l'intérêt de la personne morale pour favoriser une autre personne morale ou entreprise dans laquelle il était intéressé directement ou indirectement.
Selon l'article L.653-4,3° du code de commerce, le tribunal peut prononcer la faillite personnelle de tout dirigeant, de droit ou de fait, qui a fait des biens ou du crédit de la personne morale un usage contraire à l'intérêt de celle-ci à des fins personnelles ou pour favoriser une autre personne morale ou entreprise dans laquelle il était intéressé directement ou indirectement.
En l'espèce, la société débitrice a été privée d'actifs du fait de la gestion de M. [W].
En effet, alors que des acquéreurs potentiels se sont présentés pour acquérir les mandats de gestion locative de la société Victoria Patrimoine, M. [W] a préféré les céder à la société Victoria gestion qui ne lui a versé aucune somme.
Par ailleurs, la société Victoria Patrimoine a cédé des meubles à la société IWA, dirigée par M. [B] [W], pour un prix non payé de 8855 euros et a effectué une avance non remboursée de 32 133,03 euros à cette société.
Il s'ensuit que le grief sera retenu et le jugement sera confirmé.
2.3 Sur le grief de défaut de comptabilité
Selon l'article L 653-56 du code de commerce, « le tribunal peut prononcer la faillite personnelle de toute personne mentionnée à l'article L. 653-1 contre laquelle a été relevé l'un des faits ci-après : d'avoir fait disparaitre les documents comptables, ne pas avoir tenu de comptabilité lorsque les textes applicables en font l'obligation, ou avoir tenu une comptabilité fictive, manifestement incomplète ou irrégulière au regard des dispositions applicables »
Tant l'administrateur que le liquidateur judiciaire ont constaté que la comptabilité était incomplète. C'est ainsi que dans un courrier du 27 mai 2014 Me [P], administrateur judiciaire, écrivait au liquidateur judiciaire qu'il ne disposait pas des comptes relatifs aux exercices exercice 2012 et 2013 et que le seul document en sa possession était la balance globale établie sur la période du 1er janvier 2012 au 6 novembre 2013.
C'est à juste titre que le jugement a souligné que les balances générales des exercices 2012 et 2013 ne correspondaient pas à la tenue d'une comptabilité conforme aux obligations imposées par les articles L123-12 et L123-14 du code de commerce, que les liasses fiscales 2012 et 2013 n'ont été ni communiquées ni reconstituées et que cette situation atteste d'une carence avérée dans la tenue obligatoire des comptes et de leurs annexes.
Il s'ensuit que la comptabilité était incomplète ou irrégulière au regard de la législation et le jugement sera confirmé en ce qu'il a retenu ce grief.
2.4 Sur l'augmentation frauduleuse du passif et le détournement d'une partie de l'actif.
Selon l'article L 653-4, 5° du code de commerce, « le tribunal peut prononcer la faillite personnelle de toute personne mentionnée à l'article L. 653-1 contre laquelle a été relevé l'un des faits ci-après : d'avoir détourné tout ou partie de l'actif ou frauduleusement augmenté le passif de la personne morale »
M. [W] a fait céder par la société Victoria Patrimoine des meubles à la société IWA, dirigée par lui-même, pour un prix non payé de 8855 euros et a effectué une avance non remboursée de 32 133,03 euros à cette société.
Par ailleurs, il a profité d'avances de la part de la société débitrice, ainsi que l'a relevé le commissaire aux comptes dans un courrier du 14 juin 2011 et au 6 novembre 2013, son compte courant était encore débiteur d'un montant de 1504,17 euros.
Il a également mis à disposition des locaux à titre gratuit au profit de la société Victoria gestion qu'il dirigeait, n'a pas respecté les règles fiscales et sociales, ce qui a entraîné des pénalités au titre de la TVA exigible en 2009 et 2010 d'un montant de 66 194 euros et pour l'impôt sur les sociétés de 2012 une pénalité de 8897 euros.
Il s'ensuit que c'est à juste titre que le tribunal a retenu ce grief.
Les quatre griefs retenus à l'encontre de M. [W] sont d'une particulière gravité et sont directement la cause de l'importance de l'insuffisance d'actif constatée.
M. [W] indique qu'il est à la tête d'un groupe de plus de 50 salariés, qu'il dirige la société SFER et exécute son plan de sauvegarde. Il soutient que sa présence à la tête de cette société est indispensable.
Cependant, compte tenu de l'importance de la gravité des faits constatés, il apparaît nécessaire que M. [W] soit éloigné de la vie des affaires.
En conséquence, le jugement sera confirmé en ce qu'il l'a condamné à une faillite personnelle d'une durée de 15 ans.
3. Sur les dépens et les frais hors dépens.
M. [W] sera condamné aux dépens de première instance et d'appel, le jugement sera confirmé en ce qu'il l'a condamné au paiement d'une somme de 20 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et l'équité commande de le condamner à une somme supplémentaire de 10 000 euros pour les frais hors dépens exposés en appel.
PAR CES MOTIFS,
Confirme le jugement en ce qu'il a retenu la responsabilité pour insuffisance d'actif de M. [W],
L'infirme sur le montant de la condamnation
Statuant à nouveau,
Condamne M. [B] [W] à payer entre les mains de la société SMJ, prise en la personne de Maître [V], ès qualités de liquidateur judiciaire de la société Victoria patrimoine, une somme de 800 000 euros au titre de sa responsabilité pour insuffisance d'actif,
Confirme le jugement en ce qu'il a prononcé à son encontre une sanction de faillite personnelle pour une durée de 15 années,
Confirme le jugement en ce qu'il a condamné aux dépens de première instance et y ajoutant le condamne aux dépens d'appel,
Confirme le jugement en ce qu'il l'a condamné au paiement d'une somme de 20 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et, y ajoutant, le condamne à une somme de 10 000 euros pour les frais hors dépens exposés en appel.
La greffière La présidente