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17/02/2021 | FRANCE | N°18/03073

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 10, 17 février 2021, 18/03073


Copies exécutoiresREPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS







COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 10



ARRET DU 17 FEVRIER 2021



(n° , pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 18/03073 - N° Portalis 35L7-V-B7C-B5FFO



Décision déférée à la Cour : Jugement du 19 Décembre 2017 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS - RG n° F14/11519





APPELANTE



Madame [B] [H]

[Adresse 3]

[Loca

lité 7]



Représentée par Me Marie-sophie VINCENT, avocat au barreau de PARIS, toque : E1858





INTIMEE



SARL BASE prise en la personne de son représentant légal domicilié en

cette qua...

Copies exécutoiresREPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 10

ARRET DU 17 FEVRIER 2021

(n° , pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 18/03073 - N° Portalis 35L7-V-B7C-B5FFO

Décision déférée à la Cour : Jugement du 19 Décembre 2017 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS - RG n° F14/11519

APPELANTE

Madame [B] [H]

[Adresse 3]

[Localité 7]

Représentée par Me Marie-sophie VINCENT, avocat au barreau de PARIS, toque : E1858

INTIMEE

SARL BASE prise en la personne de son représentant légal domicilié en

cette qualité audit siège

[Adresse 8]

[Localité 2]

Représentée par Me Blandine DAVID, avocat au barreau de PARIS, toque : L0165

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 06 Janvier 2021, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme Marie-Antoinette COLAS, Présidente, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :

Madame Marie-Antoinette COLAS, Présidente de Chambre

Madame Véronique BOST, Vice Présidente placée faisant fonction de Conseillère par ordonnance du Premier Président en date du 17 décembre 2020

Madame Florence OLLIVIER, Vice Présidente placée faisant fonction de Conseillère par ordonnance du Premier Président en date du 17 décembre 2020

Greffier, lors des débats : M. Julian LAUNAY

ARRET :

- Contradictoire

- mis à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.

- signé par Madame Marie-Antoinette COLAS, Présidente de Chambre et par Monsieur Julian LAUNAY, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSE DU LITIGE

Madame [B] [H] été engagée par la société Base suivant un contrat de travail à durée indéterminée du 9 juin 2008 à effet au 11 juin 2008, en qualité de directrice de magasin.

Elle a été affectée dans une boutique Arche, située [Adresse 1], a bénéficié du statut de cadre, Niveau VIII

La convention collective applicable est celle des employés des entreprises à succursales du commerce de détail de la chaussure .

Madame [H] détient par ailleurs un mandat de déléguée du personnel depuis 2010.

Le contrat de travail de Madame [H] prévoit en son article 4 le versement d'une prime mensuelle dite « de réalisation » subordonnée à la réalisation l'année précédente d'un niveau de chiffre d'affaires hors taxes préalablement défini.

Par une lettre du 15 février 2010, la société Base a informé Madame [H] qu'elle avait perdu le bénéfice de la prime mensuelle de réalisation pour l'année 2010.

Après avoir saisi l'inspecteur du travail, Madame [H] a porté une demande de provision de rappel de la prime de réalisation et de dommages et intérêts pour discrimination syndicale et pour délit d'entrave devant la formation de référé du conseil de prud'hommes de Paris

Par ordonnance du 4 mars 2011, la formation de référé du conseil de prud'hommes de Paris a débouté Madame [H] de ses demandes.

Madame [H] a saisi le conseil de prud'hommes de Paris le 20 mai 2011 aux fins d'obtenir le paiement des sommes suivantes :

- 5.600 euros à titre de rappel de prime depuis le mois de janvier 2010,

- 10.000 euros à titre de dommages et intérêts pour discrimination syndicale,

- 5.000 euros à titre de dommages et intérêts pour harcèlement moral,

- 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Par la suite, Madame [H] a modifié ses chefs de demandes. Elle a sollicité la résiliation de son contrat de travail aux torts exclusifs de son employeur, et la condamnation de celui-ci à lui verser les sommes suivantes:

- 12 800 € à titre de prime de langues ;

- 9 200 € à titre de rappel de prime depuis le mois de janvier 2010 ;

- 6 000 € à titre d'indemnité de préavis;

- 600 € à titre de congés payés sur préavis ;

- 2 000 € à titre d'indemnité de licenciement ;

- 30 000 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul ;

- 10 000 € à titre de dommages et intérêts pour manquement de l'employeur à l'obligation d'exécution de bonne foi du contrat de travail ;

- 10 000 € à titre de dommages et intérêts pour discrimination syndicale ;

- 5 000 € à titre de dommages et intérêts pour harcèlement moral ;

- 2 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile

à lui remettre les documents de fin de contrat : reçu pour solde de tout compte, certificat de travail et attestation destinée à Pôle Emploi, conformes à la décision à intervenir et à prononcer la capitalisation judiciaire des intérêts.

Par jugement en date du 2 décembre 2013, le conseil de prud'hommes de Paris a condamné la société Base à verser à Madame [H] la somme de 2.400 euros à titre de prime de réalisation pour l'année 2011, outre la somme de 700 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, et l'a déboutée pour le surplus de ses demandes.

Madame [H] n'a pas interjeté appel de ce jugement.

Madame [H] a de nouveau saisi le conseil de Prud'hommes de Paris le 11 septembre 2014 aux fins de condamnation de la société Base à lui verser les sommes suivantes :

- 7.200 euros de prime ;

- 2.500 euros au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile.

Par la suite, par voie de conclusions, Madame [H] a modifié ses demandes, en ce qu'elle a sollicité que soit prononcée la résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts de la société BASE, et en ce qu'elle a conclu à la condamnation de son employeur à lui verser les sommes suivantes:

- 32.000 euros à titre de dommages et intérêts pour discrimination syndicale,

- 5.177,76 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

- 517,77 euros de congés payés y afférents,

- 5.986,79 euros à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement,

- 598,67 euros de congés payés y afférents,

- 16.000 euros au titre de l'indemnité pour licenciement nul,

- 77.666,40 euros au titre de l'indemnité pour violation du statut protecteur,

- 3.000 euros au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile.

Par jugement du 19 septembre 2017, le conseil de prud'hommes de Paris a débouté Madame [H] de l'ensemble de ses demandes.

Madame [H], ayant constitué avocat a interjeté appel dudit jugement, par une déclaration d'appel transmise par le réseau privé virtuel des avocats le 15 février 2018.

Par un arrêt du 20 octobre 2020, la cour a rejeté les moyens tirés de l'unicité de l'instance et de l'autorité de la chose jugée, et a, à la demande de Madame [B] [H] enjoint à la SARL Base de produire divers documents susceptibles de lui permettre de présenter les éléments de nature à laisser supposer une inégalité de traitement.

Par des écritures transmises par le réseau privé virtuel des avocats, auxquelles il est renvoyé pour un exposé des faits et des moyens développés, Madame [H] sollicite le prononcé de la résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts exclusifs de la société Base et la condamnation de celle-ci à lui verser les sommes suivantes :

- 64 726 euros à titre de dommages et intérêts pour discrimination syndicale,

- 5.177,76 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

- 517,77 euros de congés payés y afférents,

- 8 678,47 euros à titre d'indemnité légale de licenciement,

- 35.000 euros au titre de l'indemnité pour licenciement nul,

- 6.000 euros au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile.

Par des écritures transmises par le réseau privé virtuel des avocats, auxquelles il est renvoyé pour un exposé des faits et des moyens développés, et après avoir soulevé l'irrecevabilité de la salariée en application du principe de l'unicité de l'instance et de l'autorité de la chose jugée et l'infirmation du jugement sur ces points, la société BASE conclut à la confirmation du jugement entrepris

Elle s'oppose aux prétentions de Madame [H].

La clôture a été prononcée le 6 janvier 2021 avant l'ouverture des débats.

MOTIFS

Les parties ont échangé des conclusions et des pièces respectivement les 23 décembre 2020 et 5 janvier 2021.

La cour retient que le principe du contradictoire a été respecté en ce que les parties ont pu débattre amplement sur les éléments produits après l'injonction faite à la société de produire de nombreuses pièces pour justifier des salaires et évolutions de carrières des directeurs et responsables de boutiques.

La demande du conseil de Madame [B] [H] tendant à voir écarter les conclusions et pièces de la SARL Base notifiées le 5 janvier 2021, les pièces nouvelles portant pour l'essentiel sur des plannings de salariés d'autres boutiques, alors qu'elle-même avait transmis des conclusions et des pièces le 23 décembre 2020, ne peut prospérer.

Sur les moyens tirés de l'unicité de l'instance et de l'autorité de la chose jugée,

La cour a, aux termes de l'arrêt du 20 octobre 2020, rejeté les moyens tirés de l'unicité de l'instance et de l'autorité de la chose jugée.

Sur la demande de résiliation judiciaire du contrat de travail;

Lorsqu'un salarié reproche à son employeur des manquements graves à ses obligations contractuelles, il a la possibilité de demander la résiliation judiciaire de son contrat de travail.

Le critère déterminant est celui de la possibilité, ou non, pour le salarié de poursuivre son contrat de travail en présence des manquements de l'employeur.

Madame [B] [H] soutient avoir été victime de discrimination syndicale caractérisant un manquement grave de la part de l'employeur rendant impossible la poursuite de la relation contractuelle.

Sur la discrimination syndicale

Aux termes de l'article L.1132-1 du code du travail, aucune personne ne peut être écartée d'une procédure de recrutement ou de l'accès à un stage ou à une période de formation, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, telle que définie par l'article 1er de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008, notamment en matière de rémunération, au sens de l'article L.3221-3, de mesures d'intéressement ou de distribution d'actions, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat en raison de son origine, de son sexe, de ses m'urs, de son orientation sexuelle, de son âge, de sa situation de famille ou de sa grossesse, de ses caractéristiques génétiques, de son appartenance ou de sa non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation ou une race, de ses opinions politiques, de ses activités syndicales ou mutualistes, de ses convictions religieuses, de son apparence physique, de son nom de famille ou en raison de son état de santé ou de son handicap.

L'article L.1134-1 du code du travail prévoit qu'en cas de litige relatif à l'application de ce texte, le salarié concerné présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte telle que définie par l'article 1er de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008, au vu desquels, il incombe à l'employeur de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination, et le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.

Comme faits laissant présumer une discrimination en lien avec ses activités syndicales, Madame [H] invoque:

- l'abandon par l'employeur de la boutique qu'elle dirige, entraînant ainsi une diminution de sa rémunération ;

- la réduction du personnel affecté à la boutique dont elle est responsable;

- l'absence d'invitations aux réunions Retails ;

- l'absence de prise en compte de son mandat dans le quantum de ses objectifs et l'évaluation de sa charge de travail ;

- la perception par les autres directeurs de boutiques de primes exceptionnelles pour compenser la perte de leur prime de réalisation ;

- sa mise à l'écart du processus de promotion interne et l'absence d'entretiens annuels ;

- sa rémunération inférieure à celles des autres directeurs de magasin.

Sur l'abandon par l'employeur de la boutique qu'elle dirige, entraînant ainsi une diminution de sa rémunération ;

Faisant état d'une évolution défavorable du contexte économique induisant une baisse de fréquentation des boutiques par les clients, Madame [B] [H] explique que les boutiques parisiennes ont en plus dû faire face à l'ouverture de trois nouvelles structures sur [Localité 7], ce qui a engendré une baisse du chiffre d'affaires et subséquemment de rémunération pour les responsables de boutiques.

Elle ajoute que l'employeur, qui a mis en place un nouveau concept et un nouveau logo, peut privilégier ou au contraire désavantager une boutique par rapport à une autre par la mise en oeuvre de travaux d'amélioration et de mise en oeuvre du nouveau concept ou, au contraire, en s'abstenant de faire de tels travaux.

Elle fait grief à la société d'avoir privilégié d'autres boutiques par rapport à celle dont elle est responsable et précise que, seules deux boutiques à [Localité 7], dont la sienne n'ont pas bénéficié de ces travaux d'aménagement en fonction du nouveau concept, faisant observer que l'autre boutique en cause a aussi pour responsable une déléguée du personnel.

Outre l'état des banquettes et poufs des moquettes cloquées et les questions de sécurité en lien avec l'étanchéité des réserves, elle justifie avoir déploré à diverses reprises de n'avoir pu bénéficier des mêmes équipements que les autres boutiques, tels que des présentoirs pour les ceintures, un porte parapluie, ni même des interventions du service de ménage au même rythme que celui des autres boutiques.

Pour justifier de cette situation, elle communique aux débats, des photographies du nouveau concept, de la boutique, des courriels et rapports qu'elle a adressés à la direction sur l'état de la boutique dont elle a la responsabilité, le rapport de la visite du client mystère en novembre 2015, lequel avait formulé une appréciation positive sur ses compétences et le document rédigé par la société mettant en évidence cinq des boutiques parisiennes, excluant ainsi celle des Ternes du réseau.

Sur la diminution progressive du personnel affecté à la boutique;

Madame [B] [H] expose qu'à son arrivée, la boutique des Ternes disposait de trois salariés, qu'en dehors d'elle-même, il n'y a plus qu'une autre vendeuse, laquelle intervient souvent dans d'autres boutiques, n'est pas remplacée pendant ses congés, ce qui impose la fermeture fréquente de la boutique pendant la pause déjeuner et nuit à la réalisation du chiffre d'affaires et, par suite, impacte sa rémunération.

Elle justifie avoir sollicité le recrutement de personnel supplémentaire et réfute avoir été à l'origine de la rupture de la période d'essai de personnels.

Sur l'absence d'invitation aux réunions Retails et l'obligation d'appliquer des techniques de ventes et de promotions défavorables;

Après avoir exposé qu'à l'occasion de chaque inter-saison et saison, des réunions retails sont organisées pour permettre à l'ensemble des directeurs de magasins de se rencontrer et d'échanger, elle fait valoir qu'elle n'a pas été invitée à certaines d'entre elles ayant pourtant eu lieu à [Localité 7].

Outre des courriels rédigés par elle et sollicitant une explication, Madame [B] [H] communique le Flash info du mois de juin 2017.

Elle déplore encore s'être vue imposer des techniques de ventes et de promotions défavorables pour les résultats de la boutique, ainsi que la surveillance constante et insistante dont elle a fait l'objet à cet égard.

Elle communique des échanges de courriels à ce propos et dénonce l'entretien du 26 juillet 2016, qui devait porter sur les points abordés par mails mais qui a consisté en un entretien disciplinaire, sans convocation préalable, et ce, en présence de Madame [X] [Y] et de Madame [V].

Elle relève qu'un rappel à l'ordre lui a été notifié par lettre du 3 août 2018 à l'issue de cet entretien.

Sur l'absence de prise en compte de son mandat pour la détermination des objectifs et l'évaluation de la charge de travail,

Madame [B] [H] fait grief à l'employeur de n'avoir pas tenu compte de l'évolution négative du contexte économique, de la baisse des moyens matériels et humains accordés à la boutique des Ternes, de son mandat de déléguée du personnel et des absences en résultant à hauteur des 15 heures de délégation et d'une journée mensuelle en ce qu'il a maintenu les objectifs de chiffre d'affaires. Elle renvoie aux indicateurs de performance ainsi qu'à la lettre de l'inspection du travail en date du 21 octobre 2010.

Elle conteste que Madame [I] ait été recrutée pour pallier les heures de délégation en ce qu'au cours de 16 heures de travail, celle-ci remplaçait Madame [T] le lundi, elle-même le mercredi et complétait l'équipe le samedi, jour de forte affluence de clientèle.

Sur les primes exceptionnelles ayant pour objet de compenser la perte de la prime de réalisation;

Madame [B] [H] soutient que des primes exceptionnelles ont été versées à des directeurs de boutique Arche pour compenser la perte de réalisation, que les éléments produits sont insuffisants et relève qu'elle n'a jamais été destinataire de telles primes.

Sur la mise à l'écart du processus de promotion interne et l'absence d'entretiens annuels;

Madame [B] [H] considère qu'elle a été maintenue à l'écart des processus de promotion interne et vise le fait que le poste d'animateur de réseau ait été confié au directeur des galeries lafayettes, le 19 septembre 2016 après deux années d'ancienneté et sans aucune expérience dans ce type d'activité auparavant.

Elle relève que cette offre n'avait fait l'objet d'aucune publication en interne, et ce, en dépit des engagements de la société de permettre à chaque salarié de présenter sa candidature, informé par voie d'affichage de tous les postes à pourvoir: « managers, directeurs, conseillers de vente, et premiers vendeurs, dans le cadre du développement du réseau et du départ des salariés en place » .

Elle précise qu'elle avait été directrice réseau chez Karl Lagafeld pendant 5 années et que cette expérience lui permettait de pouvoir prétendre à cette responsabilité et à cette opportunité d'évolution.

Elle ajoute qu'elle ne bénéficie plus des entretiens annuels depuis trois années. Elle communique le formulaire d'entretien professionnel vide de l'année 2015 et celui de l'année 2016 rempli par elle seule.

Sur la différence de traitement entre les directeurs de boutique;

Au regard des éléments communiqués par l'employeur après l'injonction judiciaire qui lui en a été faite, et estimant qu'il n'est pas pertinent de comparer sa situation avec celles des responsables de magasins qui n'ont pas le statut de cadre, Madame [B] [H] soutient que la comparaison des rémunérations perçues par les quatre directeurs de boutique disposant comme elle du statut de cadre, lui est défavorable puisque ces trois autres directeurs, Monsieur [S], Madame [L] et Madame [U] perçoivent des rémunérations de base et réelles supérieures à la sienne.

Elle soutient qu'elle était susceptible d'assumer le poste d'animateur réseau confié à Monsieur [S] dont l'ancienneté et l'expérience étaient moindres, que l'ancienneté de Madame [L] est prise en compte par la prime d'ancienneté en sorte que la comparaison avec son salaire de base gomme la différence liée à l'ancienneté. Elle observe encore que la différence entre les chiffres d'affaires de sa boutique et de ceux de Madame [L] est compensée par la prime de réalisation et n'a pas d'incidence sur le salaire de base.

Enfin, elle relève que l'ancienneté de Madame [U] est pertinente puisqu'elle a une ancienneté comparable.

S'agissant des primes et gratifications exceptionnelles, elle fait état du fait qu'elle a été la seule à ne pas en avoir reçu, observe que l'employeur prend en compte son état de santé ce qui relève d'une discrimination en lien avec son état de santé et que la société ne justifie pas que le versement de la prime de 200 euros versée en février 2020 était subordonné à la présence dans l'entreprise.

Elle constate encore que l'impact des changements de groupe de chiffre d'affaires lui a été défavorable en ce qu'elle n'a pas reçu de compensation et qu'en tout état de cause, le chiffre d'affaires réalisé devait lui permettre de percevoir 100 euros par mois.

Après avoir évoqué les différences de salaire de base entre elle et les trois autres directeurs de boutique et relaté les primes perçues par chacun d'eux entre 2014 et 2019, Madame [B] [H] confirme que son salaire de base n'a fait l'objet d'aucune augmentation et qu'elle n'a perçu que les primes de challenge et les primes de dépassement de chiffre d'affaires.

Ce faisant, Madame [B] [H] présente des éléments de nature à laisser supposer l'existence d'une discrimination en lien avec son mandat de déléguée du personnel.

La SARL Base conteste la discrimination invoquée.

S'agissant de l'abandon de la boutique [Adresse 9], tout en faisant remarquer que son intérêt propre n'est pas d'abandonner volontairement une boutique et de perdre ainsi du chiffre d'affaires, la société explique que

- trois boutiques sur onze n'ont pas été refaites, comme en témoignent les photographies des magasins « Leclerc », de [Localité 7] [Localité 6] et de [Localité 5],

- la boutique dont Madame [B] [H] est responsable a été refaite en 2001,et en 2019 ce dont il est justifié par la production de la facture des travaux,

- l'absence de travaux n'a pas d'influence sur l'évolution des ventes ainsi que cela ressort de l'évolution des chiffres de vente des magasins Leclerc et de [Localité 5] ou à l'inverse de l'absence d'évolution positive de magasins rénovés,

- la qualité de délégué du personnel n'a aucune influence sur les décisions prises de rénover ou non des boutiques et en veut pour preuve la boutique tenue par Madame [U],

- le document qualifié de carte de visite par la salariée est une invitation diffusée au printemps 2018 pour faire découvrir un nouveau concept dans un nombre limité de boutiques, faisant observer que d'autres boutiques, à l'instar de celle de Madame [B] [H] n'avaient pas été mentionnées et renvoie au courriel de Madame [X] [Y] à cet égard.

S'agissant de la diminution du personnel pour permettre à Madame [B] [H] d'assumer ses fonctions, la société soutient avoir, lors du départ d'une des personnes affectées à la boutique, tenté de pourvoir à son remplacement en recrutant successivement trois nouveaux salariés qui n'ont pas convenu à Madame [B] [H]. Elle communique l'attestation de Madame [Z] ainsi que les plannings pour les boutiques des ternes, Leclerc et Dragon qui établissent que ces boutiques disposent de la manager et d'un salarié à temps partiel, et qu'elles réalisent un chiffre supérieur à celui de Madame [B] [H].

La SARL Base explique par ailleurs, que :

- la plupart des réunions ont eu lieu alors que Madame [B] [H] était en arrêt maladie, et renvoie aux arrêts de maladie reçus au cours des années 2015, 2017 et 2018,

- elle a respecté les préconisations médicales très restrictives ne permettant pas à la salariée de se déplacer au siège notamment, et fait observer qu'elle ne se rendait pas, pour les mêmes raisons, aux réunions des délégués du personnel ainsi que cela résulte des mentions figurant sur les procès verbaux desdites réunions,

- des réunions intermédiaires limitées à deux ou trois directeurs de magasin avaient lieu sans que tous les directeurs ne fussent invités,

- les documents produits révèlent que Madame [B] [H] a participé à de nombreuses réunions comme les autres responsables de magasins,

- les consignes d'organisation des ventes ont été adressées à tous les magasins et pas seulement à Madame [H] ainsi que cela lui a été rappelé aux termes d'un courriel du 2 juillet 2018,

- le fait que la lettre du 3 août n'ait pas été précédée d'une convocation à un entretien disciplinaire est inopérant car le rappel des bonnes pratiques relève du pouvoir de direction de l'employeur et un tel entretien n'est pas exigé par l'article L. 1332-2 du Code du travail pour un simple rappel à l'ordre.

A propos de la promotion interne que revendique la salariée, la SARL Base fait valoir que le poste dont celle-ci fait état est celui d'animateur réseau et non de directeur réseau, créé à l'automne 2016, soit deux années après la saisine du conseil de prud'hommes.

Elle soutient que ce poste correspondant à une fonction du siège n'est pas inclus dans la liste des postes figurant dans le procès verbal dont se prévaut la salariée pour soutenir qu'il devait faire l'objet d'un affichage pour permettre à tout salarié de présenter sa candidature.

S'agissant des heures de délégation, la société Base précise avoir recruté une salariée à temps partiel pour neutraliser les 15 heures de délégation de Madame [B] [H], qu'elle a apporté les précisions utiles à l'inspection du travail le 30 novembre 2010, que le jugement du conseil de prud'hommes en date du 2 décembre 2013 a rejeté les prétentions à cet égard.

Elle précise que Madame [B] [H] a bénéficié de nombreux entretiens informels sur l'organisation de ses missions, que l'absence d'entretiens individuels pendant une période a concerné tous les collaborateurs et n'est pas en lien avec une mesure discriminatoire mais seulement à des difficultés d'organisation auxquelles il a été remédié au cours de l'année 2019.

Enfin, la SARL Base, qui rappelle que sur la période 2014-2019, elle a exploité 15 points de vente ou boutiques dont un stand aux Galeries Lafayettes, qu'il n'y a que 4 directeurs de boutique dont Madame [H], que les autres ont eu le statut d'employé jusqu'en juin 2015 et ont désormais le statut d'agent de maîtrise, soutient que Madame [B] [H] ne peut prétendre s'être trouvée dans une situation similaire à celles des trois autres directeurs de boutique ayant comme elle le statut de cadre.

Elle expose que:

- Monsieur [S] a une double fonction puisqu'il occupe, outre le poste de directeur de boutique, le poste d'animateur de réseau,

- Madame [L] a une ancienneté qui remonte à 1981 et gère le magasin situé sur le [Adresse 4] qui est le plus important de France en termes de surface de vente et d'effectifs à manager.

- Madame [U], déléguée du personnel, et déléguée syndicale dispose d'une ancienneté comparable à celle de Madame [H] et gère la boutique des Halles.

Elle énumère aussi les 11 primes susceptibles d'être versées aux divers directeurs et responsables de boutique, dont certaines sont contractuelles et d'autres correspondent à des primes discrétionnaires, explique que des salariés ont reçu les primes exceptionnelles sans changer de groupes d'appartenance, que d'autres n'en ont pas reçu tout en ayant changé de groupe et fournit des exemples, tels ceux de Monsieur [J] et de Madame [A].

Elle expose que toutes les primes exceptionnelles ont une justification et renvoie aux pièces produites à cet effet et reposant sur les critères tels que le remplacement lors d'une affectation temporaire dans une autre boutique, la réalisation de nombreux inventaires, la tenue d'une boutique seule le dimanche, la gestion de ventes en ligne...)

Elle fait état du fait que la boutique de Madame [H] est celle qui a connu la plus importante et continue baisse du chiffre d'affaires alors qu'elle était en 2014 la première boutique de taille comparable, ce qui est un critère objectif pour expliquer qu'elle n'ait pas perçu certaines primes, lesquelles sont au surplus proratisées en fonction de la présence effective dans la boutique, que certaines primes n'ont pas été versées eu égard aux absences parfois longues de Madame [B] [H].

Elle fait état d'un chiffre d'affaires passant de 463 892 euros HT en 2014 à 251 515 euros en 2018.

Il résulte des éléments et des explications fournis par les parties et précédemment reprises que si la diminution effective des personnels affectés au soutien des responsables des boutiques, a été imposée à d'autres boutiques, et que la diminution constante du chiffre d'affaires justifie l'absence de versements de primes telles que la prime de réalisation et des primes exceptionnelles, force est de relever que l'absence de travaux de rénovation de la boutique dont Madame [B] [H] était la directrice entre 2014 et 2019, alors que les précédents travaux remontaient à 2001, et ce, malgré la création d'une nouvelle organisation et d'un nouveau logo, et l'état de vétusté démontré de ladite boutique, l'absence de toute augmentation de son salaire de base notamment au cours des six dernières années alors que l'une des directrices de boutique, Madame[U], avait une ancienneté comparable à la sienne, sont autant de décisions que la société Base échoue à justifier par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination en lien avec l'activité syndicale et de déléguée du personnel de Madame [B] [H].

La discrimination syndicale sera retenue nonobstant le fait que l'une des directrices ait pu être elle-même déléguée du personnel et déléguée syndicale et n'ait pas fait l'objet d'une discrimination similaire.

S'agissant de l'inégalité de traitement, la cour se référe au salaire de base de la directrice de boutique, Madame [U], disposant d'une ancienneté comparable et évalue le préjudice matériel de la manière suivante:

2600 euros ' 2225 euros ( rémunération de base de Madame [B] [H]) x 83 mois / 2 soit 15 562,50 euros outre 4668,75 euros pour l'incidence sur la retraite soit au total 20231,25 euros.

Le préjudice moral résultant de la discrimination elle-même et du déficit de reconnaissance professionnelle sera quant à lui réparé par l'allocation d'une somme de 5000 euros.

Sur les conséquences de la discrimination syndicale;

Les manquements graves de l'employeur résultant de la discrimination ainsi opérée justifie la rupture du contrat de travail.

La résiliation judiciaire du contrat de travail sera prononcée aux torts de la société BASE et aura les effets d'un licenciement nul, observation étant faite qu'elle prendra effet à la date du présent arrêt.

Au regard de son ancienneté de plus de deux années, l'indemnité compensatrice de préavis à revenir à la salariée correspond à deux mois de salaire.

Il sera fait droit à la demande formulée à la hauteur de la somme de 5177,76 euros sur la base d'un salaire que la salariée elle-même retient à hauteur de la somme de 2588,88 euros.

Les congés payés afférents sont alloués en sus.

En tenant compte de l'ancienneté remontant au 11 juin 2008, Madame [B] [H] est fondée à réclamer la somme de 8 678,47 euros. Il sera fait droit à cette demande.

Compte tenu de l'effectif de l'entreprise, des circonstances de la rupture, du montant de la rémunération versée au salarié, de son âge, de son ancienneté, de sa capacité à trouver un nouvel emploi eu égard à sa formation et à son expérience professionnelle et des conséquences du licenciement à son égard, tels qu'ils résultent des pièces et des explications fournies, la cour est en mesure d'allouer à Madame [B] [H] une indemnité de 30000 euros pour la nullité de la rupture.

Sur les dépens et les demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile;

La SARL Base qui succombe dans la présente instance sera déboutée de sa demande d'indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile et condamnée aux entiers dépens.

L'équité commande d'allouer à Madame [H] une indemnité de 3000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Vu l'arrêt du 20octobre 2020 ayant rejeté les moyens tirés de l'unicité de l'instance et de l'autorité de la chose jugée;

Infirme le jugement déféré,

Statuant à nouveau,

Prononce la résiliation judiciaire du contrat de travail de Madame [B] [H] aux torts de la SARL Base,

Condamne la SARL Base à verser à Madame [B] [H] les sommes suivantes:

- 25 231, 25 euros à titre de dommages et intérêts pour discrimination syndicale,

- 5.177,76 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

- 517,77 euros de congés payés y afférents,

- 8 678,47 euros à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement,

- 30.000 euros au titre de l'indemnité pour licenciement nul,

- 3.000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

Ordonne la remise à Madame [B] [H] d'une attestation destinée au pôle emploi conforme aux termes du présent arrêt,

Ordonne le remboursement des indemnités versées par l'organisme concerné à hauteur de six mois,

Condamne la SARL Base aux entiers dépens.

LE GREFFIER LA PRESIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 10
Numéro d'arrêt : 18/03073
Date de la décision : 17/02/2021

Références :

Cour d'appel de Paris L1, arrêt n°18/03073 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2021-02-17;18.03073 ?
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