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11/02/2021 | FRANCE | N°18/19474

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 4 - chambre 7, 11 février 2021, 18/19474


République française

Au nom du Peuple français



COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 4 - Chambre 7



ARRÊT DU 11 Février 2021

(n° 37 , 15 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : S N° RG 18/19474 - N° Portalis 35L7-V-B7C-B6HYW



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 15 Janvier 2018 par le tribunal judiciaire de CRETEIL RG n° 17/00037



APPELANTE

Société LE BON LOGIS

[Adresse 10]

[Localité 18]

représentée par Me Stéphanie DELAPORTE, avocat au ba

rreau de VAL-DE-MARNE, toque : PC136



INTIMÉES

Société COMMUNE DE [Localité 18]

[Adresse 21]

[Localité 18]

représentée par Me Bernard LAMORLETTE, avocat au barreau de P...

République française

Au nom du Peuple français

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 4 - Chambre 7

ARRÊT DU 11 Février 2021

(n° 37 , 15 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S N° RG 18/19474 - N° Portalis 35L7-V-B7C-B6HYW

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 15 Janvier 2018 par le tribunal judiciaire de CRETEIL RG n° 17/00037

APPELANTE

Société LE BON LOGIS

[Adresse 10]

[Localité 18]

représentée par Me Stéphanie DELAPORTE, avocat au barreau de VAL-DE-MARNE, toque : PC136

INTIMÉES

Société COMMUNE DE [Localité 18]

[Adresse 21]

[Localité 18]

représentée par Me Bernard LAMORLETTE, avocat au barreau de PARIS, toque : P0205 substitué par Me Karin APRAHAMIAN, avocat au barreau de PARIS

DIRECTION DEPARTEMENTALE DES FINANCES PUBLIQUES DU VAL DE MARNE - COMMISSAIRE DU GOUVERNEMENT

[Adresse 1]

[Localité 17]

représenté par Mme [D] [F], présente en visio-conférence, en vertu d'un pouvoir général

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 26 Novembre 2020, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Hervé LOCU, Président, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Hervé LOCU, président

Monique CHAULET, conseillère

Gilles MALFRE, conseiller

Greffier : Marthe CRAVIARI, lors des débats

ARRÊT :

- CONTRADICTOIRE

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Hervé LOCU, président et par Marthe CRAVIARI, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

La rénovation du quartier du Bord de L'eau est prévue au sein de la commune de [Localité 18].

L'arrêté de déclaration d'utilité publique a été rendu le 18 juin 2015 et l'ordonnance d'expropriation le 2 mai 2016.

Est notamment concernée par l'opération la SCI Le Bon Logis , propriétaire du bien sis [Adresse 10]), sur la parcelle cadastrée section AK n°[Cadastre 13] d'une superficie de 872 m².

La parcelle supporte deux bâtiments : un bâtiment en façade sur rue à usage d'habitation et de commerce et un bâtiment beaucoup plus réduit, en fond de parcelle et correspondant à un garage pour deux véhicules. Le rez-de-chaussé est globalement en mauvais état, avec des aménagements intérieurs non réalisés et des matériaux parfois dégradés. Les appartements sont dans un état correct.

Faute d'accord sur l'indemnisation, la SCI Le Bon Logis a, par mémoire visé au greffe le 14 mars 2017, saisi le juge de l'expropriation du Val-de-Marne.

Par jugement du 15 janvier 2018, après transport sur les lieux le 6 juin 2017, celui-ci a :

- fixé l'indemnité due par la commune de [Localité 18] à la SCI Le Bon Logis à la somme totale de 694.228,90 euros se décomposant comme suit :

- 630.208,10 euros au titre de l'indemnité principale,

[39.110+46.463+207.743 = 293.316 pour la partie commerce et 236.134,50 + 100.757,60 = 336.892,10 pour la partie logement]

- 64.020,80 euros au titre de l'indemnité de remploi,

[5.000 x 20% + 10.000 x 15% + 615.208,10 x 10%]

- 6.499,00 euros au titre de l'indemnité pour déménagement,

- 1.908,00 euros au titre de l'indemnité relative à la taxe foncière.

- débouté la commune de [Localité 18] de sa demande de donner acte de la renonciation des Messieurs [G] [U] et [A] [U], locataires des appartements, à leur droit au relogement,

- dit n'y avoir lieu de statuer de façon alternative,

- condamné la commune de [Localité 18] aux dépens.

La SCI Le Bon Logis a interjeté appel le 23 juillet 2018.

Pour l'exposé complet des faits, de la procédure, des prétentions et moyens des parties, conformément à l'article 455 du code de procédure civile, il est expressément renvoyé à la décision déférée et aux écritures :

- adressées au greffe, par la SCI Le Bon Logis, appelante, respectivement le 20 octobre 2018 et régularisées le 13 décembre 2018, notifiées le 18 décembre 2018 (AR du 20 décembre 2018), et le 23 octobre 2018 (non notifié, il s'agit d'une copie du jugement attaqué) aux termes desquelles elle demande à la cour de :

- la déclarer bien fondée en son appel faisant droit à sa demande en fixation de l'indemnité d'expropriation à la somme de 968.454 euros ;

- infirmer le jugement rendu ;

statuant à nouveau ;

- à titre subsidiaire, à défaut de fixation de l'indemnité d'expropriation revenant à l'appelante à la somme de 968.454 euros :

- diligenter une expertise judiciaire pour évaluer les biens et droits expropriés ;

- fixer l'indemnité d'expropriation après le rapport d'expertise ;

Le 3 décembre 2019 la SCI Le Bon Logis a communiqué une nouvelle pièce, à savoir une expertise de valeur du 28 novembre 2019 par le cabinet [X] [S] expert, qui a été notifiée le 15 janvier 2020 à la commune de [Localité 18] (AR non daté) et le 09 mars 2020 au commissaire du gouvernement (AR du 11 mars 2020).

- déposées au greffe, par la commune de [Localité 18], intimée et appelante incident, le 15 mars 2019, notifiées le 22 mai 2019 (AR du 27 mai et du 3 juin 2019), aux termes desquelles elle demande à la cour :

à titre principal :

- de réformer le jugement rendu par le juge de l'expropriation du tribunal de grande instance de Créteil le 15 janvier 2018 en tant qu'il a fixé à 694.228, 90 euros l'indemnité de dépossession, toutes causes confondues, due à la SCI Le Bon Logis ;

- de fixer l'indemnité de dépossession, toutes causes confondues, due à la SCI Le Bon Logis à la somme de 611.415,63 euros ;

- de rejeter la demande d'expertise formulée par la SCI Le Bon Logis ;

à titre subsidiaire :

- de confirmer le jugement rendu par le juge de l'expropriation du tribunal de grande instance de Créteil le 15 janvier 2018 en toutes ses dispositions ;

- en tout état de cause, de condamner la SCI Le Bon Logis à lui payer la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- de condamner la SCI Le Bon Logis aux entiers dépens de l'instance.

- adressées par le Commissaire du gouvernement, intimé, le 18 mars 2019, notifiées le 22 mars 2019 (AR des 16 et 18 avril 2019), aux termes desquelles il demande à la cour :

- de fixer l'indemnité totale de dépossession à la somme de 694.228,90 euros, se décomposant comme suit :

- 630.208,10 euros au titre de l'indemnité principale, soit :

- au titre des logements :

- 236.134,50 euros au titre de l'indemnité pour les appartements occupés par M. [G] [R] et M. [A] [R], évalués libre d'occupation suite à leur renoncement au droit au relogement ;

[(53,26m² + 56,57m²) x 2.150 €/m²]

- 100.757,60 euros au titre de l'indemnité pour l'appartement occupé par Mme [W] [H], n'ayant pas renoncé à son droit au relogement, un abattement d'occupation de 20% étant prévu ;

[(58,58m² x 2.150 €/m²) x 0.80]

- au titre des locaux commerciaux :

- 207.743 euros au titre de l'indemnité pour la boulangerie, un abattement pour vétusté de 30% étant prévu ;

[(104,10m² x 1.600 €/m²) + (162,77m² x 1.600 €/m² x 0,50) x 0,70]

- 39.110 euros au titre de l'indemnité pour la boucherie, un abattement pour occupation commerciale de 40% étant prévu ;

[(27,89m² x 1.600 €/m²) + (25,70m² x 1.600 €/m² x 0,50) x 0,60]

- 46.463 euros au titre de l'indemnité pour le primeur, un abattement pour vétusté de 30% étant prévu ;

[(25,74m² x 1.600 €/m²) + (31,49m² x 1.600 €/m² x 0,50) x 0,70]- 64.020,80 euros au titre de l'indemnité de remploi ;

[5.000 x 20% + 10.000 x 15% + 615.208 x 10%]

- de fixer la somme de l'indemnité des frais de déménagement sur devis ;

- d'apprécier l'opportunité d'une condamnation fondée sur l'article 700 du code de procédure civile.

MOTIFS DE L'ARRÊT :

La SCI Le Bon Logis fait valoir que :

- le jugement doit être infirmé en ce que l'expropriation est dépourvue de base légale, constitutive d'un détournement de pouvoir et d'un usage abusif et dolosif de la notion d'utilité publique ; en effet, la commune de [Localité 18] avait une solution alternative pour exécuter son projet puisque de vastes terrains libres se situent près du bien exproprié  ;

- le jugement doit être infirmé en ce que l'indemnité principale fixée par le juge est insuffisante pour permettre à l'exproprié de retrouver une propriété "en même et semblable état" sur la commune de [Localité 18] ou Villeneuve Saint George :

- suite à la demande d'accès aux éléments d'informations détenus par l'administration fiscale de l'exproprié, cette dernière n'a produit aucun élément de comparaison pertinent (différence de localisation, biens situés sur la commune de Villeneuve Saint George et non [Localité 18], différence de nature) ; de plus, le bien exproprié est d'activité mixte (commerce et habitations), ce qui n'a pas été pris en compte par l'administration dans le but de dévaloriser le bien exproprié ;

- disposant d'une indemnité d'une valeur de 630.208,10 euros, l'exproprié ne peut prétendre qu'à l'acquisition d'un bien d'une superficie de 183,20 m² alors que le bien exproprié présente une superficie de 577,67m² selon le géomètre [N], mandaté par l'expropriant  ; l'agence effiCity indique que la valeur moyenne du mètre carré est de 3.440 euros sur la [Adresse 22] de la commune de [Localité 18] ; or, le bien exproprié est situé dans cette rue ; de fait, l'exproprié ne peut retrouver une propriété comparable dans sa rue ;

- le jugement doit être infirmé en ce que la méthode d'évaluation sélectionnée pour fixer l'indemnité principale d'expropriation est celle dite "du terrain intégré" ; une partie du terrain du bien exproprié est libre et les constructions situées sur le bien exproprié ne sont constituées que d'un étage ; la méthode de comparaison, basée sur un calcul "sol + construction" est plus appropriée et doit être retenue par la cour ;

- le jugement doit être infirmé concernant les valeurs unitaires retenues pour l'habitation et le commerce ; les valeurs retenues dans le jugement (2.150€/m² pour l'habitation et 1.600€/m² pour les commerces) ne sont pas comparables aux valeurs fixées par la côte annuelle des valeurs vénales immobilières et foncières au 1er janvier 2016 et de celles extraites par l'agence effiCity (respectivement 2.800€/m² et 3.400€/m²) ; en outre, les valeurs retenues par l'expropriant et reprises par le juge correspondent à des ventes sous-évaluées et contradictoires par rapport aux valeurs du marché immobilier figurant dans les publications spécialisées (chambre des notaires, banques, etc) ; de plus, les abattements retenus ne permettent pas à l'exproprié d'acquérir un bien comparable puisque le prix d'acquisition dudit bien ne comprendra pas ces abattements ; par ailleurs, le bien exproprié peut générer une plus-value du fait de sa localisation (proximité des transports et de la Seine), de l'état des constructions correct, étant noté qu'elles ne souffrent pas de fissures malgré qu'elles aient été bâties sur un terrain sableux à fort tassement et caractérisé par une poussée hydrostatique, du respect des normes d'hygiène et de sécurité, du potentiel de longévité de l'immeuble, de l'entretien effectué, bien qu'il ait été suspendu suite à la déclaration d'utilité publique et de l'aménagement des locaux en rapport avec leur activité, dont l'un d'eux est libre d'occupation ;

- les valeurs unitaires à retenir doivent être celles de 2.800€/m² pour l'habitation et de 2.000€/m² pour les commerces ; elles correspondent aux valeurs minimales extraites des données de la côte annuelle des valeurs vénales immobilières et foncières au 1er janvier 2016 concernant la commune de [Localité 18] ;

- les valeurs indemnitaires doivent être fixées comme suit :

- 879.524euros au titre de l'indemnité principale ;

[385.498+443.779+50.227]

- 88.940 au titre de l'indemnité de remploi ;

La commune de [Localité 18] soutient que :

- concernant les caractéristiques du bien :

- le bien exproprié étant soumis au droit de préemption urbain, la date de référence à prendre en compte est celle à laquelle a eu lieu la dernière modification du plan d'occupation des sols, soit le 29 novembre 2011 ;

- le bien exproprié est situé en zone UB, c'est-à-dire une zone à caractère collectif, semi dense, où des bâtiments relativement hauts sont construits en ordre discontinu, en zone B du Plan d'Exposition au Bruit de l'aérodrome [Localité 20]-[Localité 19] ce qui limite les possibilités de construction et dans une zone urbaine dense aux aléas forts et très forts au titre du PRI ;

- le bien est composé d'un bâtiment mixte à usage d'habitation et de commerce et d'un bâtiment à usage de garage ; des incohérences ayant été relevées sur la superficie de la boulangerie, un géomètre expert a été mandaté par la commune afin qu'il détermine les superficies exactes des locaux en présence de la SCI Le Bon Logis ; les locaux commerciaux, notamment les locaux de stockages sont dans un état fortement dégradé (humidité, effritement des plafonds, aménagements et finitions non réalisés) tandis que les locaux d'habitation sont dans un état correct ; les trois locaux à usage d'habitation sont occupés et le sous-sol de l'un d'eux a été inondé à hauteur d'environ 1 mètre ; deux boxes se situent en fond de parcelle ; la surface habitable totale est de 168,41m², la surface dédiée aux commerces est de 377,69m² et la surface des garages est de 36m² ;

- les demandes de l'appelant doivent être déboutées concernant :

- la légalité de l'expropriation : selon une jurisprudence constante, le juge judiciaire n'est pas compétent pour apprécier la légalité des actes administratifs, seuls actes susceptibles de faire grief aux expropriés au titre d'un éventuel détournement de pouvoir ;

- la sélection de la méthode d'évaluation : le juge de l'expropriation détermine souverainement la méthode d'évaluation appropriée ; en outre, la jurisprudence emploit la méthode dite "du terrain intégré" lorsque la totalité ou la quasi-totalité du terrain est occupée par l'immeuble tandis que la méthode dite "analytique" (construction + terrain) est indiquée par la Cour de cassation comme pertinente pour apprécier la valeur d'un terrain et des constructions lorsque le potentiel de constructibilité de la parcelle n'est pas épuisé et que le terrain présente une valeur spécifique valorisable ; par ailleurs, le jugement contesté indique que le terrain exproprié est majoritairement occupé par des constructions et presque entièrement dédié à l'exploitation du terrain commercial ; le jugement doit être confirmé en ce qu'il ne retient pas la méthode dite "analytique" (construction + terrain) pour l'évaluation du bien mais celle du "bâti - terrain intégrés" ;

- le choix des valeurs retenues : la jurisprudence indique que les valeurs issues de la côte annuelle des valeurs vénales immobilières et foncières citées par l'exproprié, la jurisprudence ne constituent pas des ventes effectives et ne peuvent donc être retenues comme éléments de comparaison et que les annonces ou estimations immobilières ne peuvent être retenues au titre d'éléments de comparaison, ce qui conduit à rejeter les valeurs indiquées par l'effiCity ; en outre, la méthode dite "analytique" (construction + terrain) n'ayant pas vocation à être appliquée, il n'y a pas lieu de procéder à la valorisation du bien exproprié ; les termes de comparaisons cités par l'exproprié ne sont pas pertinents et doivent être écartés ;

- la désignation d'un expert : selon la jurisprudence la désignation d'un expert est pertinente lorsque des "difficultés particulières d'évaluation" sont rencontrées, ce qui n'est pas le cas en l'espèce ; il n'y a pas lieu de procéder à la désignation d'un expert ;

- le jugement doit être réformé concernant l'indemnité d'expropriation relative aux locaux à usage d'habitation ; un abattement de 20% pour occupation doit être appliqué sur la valeur libre retenue de 2.150€/m² pour deux appartements qui demeurent occupés à ce jour ; l'indemnisation totale des logements est égale à la somme de 313.900,30 euros [(2.150€x56,57m²)+(2.150€x53,26m²x0,80)+(2.150€x58,58m²x0,80)] ;

- le jugement doit être réformé concernant l'indemnité d'expropriation relative aux locaux à usage de commerce ou d'entrepôt ; un abattement de 40% pour vétusté doit être appliqué à l'indemnité d'expropriation relative aux locaux à usage de commerce ou d'entrepôt eu égard à l'environnement du bien (bâtiments collectifs et pavillons, absence de commerces)  ; l'indemnisation totale des locaux à usage de commerce ou d'entrepôt est égale à la somme de 240.933 euros [37.336,50+166.936,50+36.660] ;

- le jugement doit être réformé concernant l'indemnité de dépossession et l'indemnité de remploi ; eu égard aux constations énoncées ci-dessus, l'indemnité de dépossession doit être égale à 554.923,30 euros et l'indemnité de remploi à 56.492,33 euros ; l'indemnité totale de dépossession doit être égale à la somme de 611.415,63 euros ;

Le commissaire au gouvernement considère que :

- le jugement doit être intégralement confirmé, notamment concernant :

- la méthode d'évaluation de l'indemnité principale : le niveau d'encombrement de la parcelle retire toute plus-value à l'application de la méthode dite "analytique" (construction + terrain) ; la méthode dite du terrain intégré est pertinente en l'espèce ;

- la valeur unitaire retenue : les termes de comparaison proposés pour les logements bénéficient d'une meilleure implantation géographique et la valeur retenue pour les locaux commerciaux est conforme aux termes proposés et tient compte de la situation géographique du bien ; les valeurs retenues par le juge de première instance doivent être considérées comme satisfactoires ;

Le 3 décembre 2019 , la SCI Le Bon Logis a communiqué une nouvelle pièce, à savoir une expertise de valeur du 28 novembre 2019 notifiée le 15 janvier 2020, qui à tort a été enregistrée par le greffe comme étant des conclusions du commissaire du gouvernement et en conséquence a été notifiée à la SCI du Bon Logis et à la commune de [Localité 18], et non au commissaire du gouvernement.

Par arrêt du 5 mars 2020 la cour a :

Vu l'article R 311-26 du code de l'expropriation,

Déclaré recevables les conclusions des parties,

Dit que le greffe va notifier par lettre recommandée avec accusé de réception la nouvelle pièce communiquée par la SCI Le Bon Logis le 3 décembre 2019 (expertise de valeur du 28 novembre 2019 par le cabinet [X] [S] expert).

Sursis à statuer sur les moyens et prétentions des parties et sur le relevé d'office par la cour en application de l'article R311-26 du code de l'expropriation de la pièce nouvelle transmise par la SCI le Bon Logis expertise de valeur du 28 novembre 2019 à la cour le 3 décembre 2019.

Renvoyé l'examen de l'affaire à l'audience du 2 avril 2020 à 9H salle Malesherbes puis l'affaire a été renvoyée à l'audience du 26 novembre 2020 à 9H.

La pièce susvisée a été notifiée par le greffe au commissaire du gouvernement le 9 mars 2020 (AR du 11 mars 2020).

SUR CE , LA COUR

- Sur la recevabilité des pièces

La SCI le Bon Logis indique dans sa note en délibéré du 30 janvier 2020 qu'elle a déposé ses conclusions et pièces dans le délai de 3 mois à compter de son appel, et qu'elle a déposé au greffe le 3 décembre 2019 une expertise amiable pour étayer sa démonstration initiale et que cette pièce n'a pas vocation à formuler de nouvelles demandes , en indiquant qu'elle ne l'avait diligenté que le 6 septembre 2019 et ne pouvait la produire avant et qu'elle est venue en réaction aux conclusions du commissaire du gouvernement qui a maintenu l'évaluation faite en première instance nonobstant les conclusions de l'appelant.

Dans sa note en délibéré du 27 janvier 2020, la commune de [Localité 18] demande à titre principal le rejet de l'expertise susvisée en raison de sa production hors délai et à titre subsidiaire son rejet en raison de son caractère inopérant. Elle indique en effet que cette pièce a été produite au-delà du délai de 3 mois de l'article R311-26 du code de l'expropriation.

Aux termes de l'article R311-26 du code de l'expropriation modifié par décret N°2017-891 du 6 mai 2017-article 41 en vigueur au 1 septembre 2017, l'appel étant du 23 juillet 2018, à peine de caducité de la déclaration d'appel, relevée d'office, l'appelant dépose ou adresse au greffe de la cour ses conclusions et les documents qu'il entend produire dans un délai de trois mois à compter de la déclaration d'appel.

À peine d'irrecevabilité, relevée d'office, l'intimé dépose ou adresse au greffe de la cour ses conclusions et les documents qu'il entend produire dans un délai de trois mois à compter de la notification des conclusions de l'appelant. Le cas échéant, il forme appel incident dans le même délai et sous la même sanction.

L'intimé à un appel incident ou un appel provoqué dispose, à peine d'irrecevabilité relevée d'office, d'un délai de trois mois à compter de la notification qui en est faite pour conclure.

Le commissaire du gouvernement dépose ou adresse au greffe de la cour ses conclusions et l'ensemble des pièces sur lesquelles il fonde son évaluation dans le même délai et sous la même sanction que celle prévue au deuxième alinéa.

Les conclusions et documents sont produits en autant d'exemplaires qu'il y a de parties, plus un.

Le greffe notifie à chaque intéressé et au commissaire du gouvernement, dès leur réception, une copie des pièces qui lui sont transmises.

En l'espèce, la cour dans son arrêt du 5 mars 2020 a déclaré recevables les conclusions des parties et sursis à statuer sur le relevé d'office de la recevabilité de la pièce nouvelle transmise par la SCI le Bon Logis expertise de valeur du 28 novembre 2019 transmise à la cour le 3 décembre 2019.

Cette pièce qui est une expertise de valeur produite hors délai est nouvelle et ne peut s'analyser en une réplique aux conclusions de la commune de [Localité 18] ni à celles du commissaire du gouvernement.

Si cette pièce ne pouvait être produite dans le délai de trois mois, la SCI Le Bon Logis, ayant saisi l'expert le 6 septembre 2019, il lui appartenait lors de sa transmission au greffe le 3 décembre 2019, de solliciter l'autorisation de la produire sur le fondement de l'article R 311-19 du code de l'expropriation applicable en appel en application de l'article R311-29 dudit code qui dispose que si l'une des parties ou le commissaire du gouvernement s'est trouvé dans l'impossibilité de produire, à l'appui de son mémoire et de ses conclusions, certaines pièces ou documents, le juge peut, s'il l'estime nécessaire à la solution de l'affaire, l'autoriser sur sa demande à produire à l'audience ces pièces et documents et ce d'autant que la SCI Le Bon Logis connaît cette disposition, puisqu'elle la reproduit intégralement dans sa note en délibéré.

En conséquence, en application de l'article R311-26 du code de l'expropriation et faute d'avoir eu recours aux dispositions de l'article R311-29 dudit code, il convient après avoir respecté le principe du contradictoire, d'écarter des débats la pièce nouvelle de la SCI du Bon Logis expertise de valeur du 28 novembre 2019 transmise à la cour le 3 décembre 2019.

- Sur le fond

Aux termes de l'article 1er du premier protocole additionnel à la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ratifiée ayant force de loi en France , toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens. Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d'utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international ; ces dispositions ne portent pas atteinte au droit que possèdent les Etats de mettre en vigueur les lois qu'ils jugent nécessaires pour réglementer l'usage des biens conformément à l'intérêt général ou pour assurer le paiement des impôts ou d'autres contributions ou des amendes.

Aux termes de l'article 17 de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen, la propriété est un droit inviolable et sacré, dont nul ne peut être privé si ce n'est lorsque la nécessité publique, légalement constatée, l'exige évidemment, et sous la réserve d'une juste et préalable indemnité.

L'article 545 du code civil dispose que nul ne peut être contraint de céder sa propriété, si ce n'est pour cause d'utilité publique, et moyennant une juste et préalable indemnité.

Aux termes de l'article L321-1 du code de l'expropriation, les indemnités allouées couvrent l'intégralité du préjudice direct, matériel et certain causé par l'expropriation.

Conformément aux dispositions de l'article L322-2, du code de l'expropriation, les biens sont estimés à la date de la décision de première instance, seul étant pris en considération - sous réserve de l'application des articles L322-3 à L322-6 dudit code - leur usage effectif à la date définie par ce texte.

L'appel de la SCI le Bon Logis porte sur la méthode d'évaluation, les valeurs unitaires à retenir et l'appel incident de la commune de [Localité 18] sur les valeurs unitaires et les abattements.

S'agissant de la date de référence, le premier juge a retenu en application des articles L213'6 et L213-4 du code de l'urbanisme la dernière modification du POS de la commune de [Localité 18] soit le 21 décembre 2011 ; la SCI le Bon Logis n'a pas conclu sur ce point ; la commune de [Localité 18] retient sur ce fondement juridique la dernière modification du POS soit le 29 novembre 2011 ; le commissaire du gouvernement en application de l'article de 213'6 du code de l'urbanisme, retient la délibération du 26 septembre 2017 du conseil territorial de l'établissement public territorial Grand [Localité 19] Seine Bièvre qui a approuvé le plan local d'urbanisme de la commune de [Localité 18], applicable à compter du 23 novembre 2017.

Il résulte des articles L 213-6 et L213-4 du code d'urbanisme que la date de référence prévue à l'article L322-2 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique est la date à laquelle est devenu opposable aux tiers, le plus récent des actes rendant public, approuvant, modifiant, révisant le plan local d'urbanisme, délimitant la zone dans laquelle est situé le bien, dès lors que le bien objet de l'expropriation est soumis au droit de préemption urbain, ce qui n'est pas contesté en l'espèce.

Comme l'indique le commissaire du gouvernement par délibération du 26 septembre 2017, le conseil territorial de l'établissement public territorial Grand Orly Seine Bièvres a approuvé le plan local d'urbanisme de la commune de [Localité 18], applicable à compter du 23 novembre 2017 ; en conséquence, la date de référence sera fixée au 26 septembre 2017 et le jugement sera infirmé en ce sens.

S'agissant des données d'urbanisme, à la date de référence, l'immeuble exproprié est situé en zone UB qui correspond aux opérations d'habitats collectifs. Il s'agit d'une zone à caractère principale d'habitat. Toutefois , elle est destinée à permettre l'accueil de fonctions plus mixtes, commerces et services, équipements publics et privés.

Pour ce qui est de la nature du bien, de son usage effectif et de sa consistance, il s'agit d'une parcelle cadastrée AK [Cadastre 13] située [Adresse 10] sur laquelle est édifié un ensemble immobilier comprenant :

- au rez-de-chaussée : un local commercial occupé en vertu d'un bail commercial par la société [Localité 18] viande, un local commercial de primeur, libre d'occupation et à local commercial usage de boulangerie pâtisserie libre d'occupation

- au 1er étage : un appartement occupé par Monsieur [Z] [Y]

- un appartement 1er étage occupé par Monsieur [A] [Y]

- un appartement 2e étage occupé par Madame [W] [H].

Le premier juge indique que le rez-de-chaussée est globalement en mauvais état, pas ou peu entretenu, avec des aménagements intérieurs non réalisés, des matériaux, des murs parfois dégradés et que les appartements sont dans un état correct.

Pour une plus ample description, il convient de se référer au procès verbal de transport.

La SCI du Bon Logis souligne la nature et la qualité des matériaux en indiquant que l'état de l'immeuble est correct dans l'ensemble et que dans les appartements tous les murs sont doublés pour assurer une très bonne isolation, que les huisseries sont en PVC pratiquement neuves et que l'immeuble répond entièrement aux normes d'hygiène et de sécurité ; elle indique que la construction a été réalisée en 1964 et qu'au regard des matériaux utilisés, son entretien et la solidité de l'immeuble, la longévité de cette construction pourra facilement atteindre une durée de 120 années ; s'agissant de l'état d'entretien, hormis le ravalement et le rafraîchissement des peintures extérieures qui sont projetés mais différés en raison de la déclaration d'utilité publique, elle indique qu'elle a réalisé un entretien régulier de sa propriété pour éviter la dépréciation de son patrimoine.

La commune de [Localité 18] rétorque que le bien n'est pas situé en zone pavillonnaire et qu'il entre dans le périmètre de la zone B du plan d'exposition bruit(PEB) de l'aérodrome de [Localité 20]-[Localité 19], limitant les possibilités de construction et qu'il se situe en zone violet foncé au titre du PPRI correspondant à une zone urbaine dense en aléas forts et très forts, notamment une immersion supérieure à 2 m. Il indique que l'état général de l'ensemble est fortement dégradé avec des locaux commerciaux ou à tout le moins des locaux de stockage, dont l'aménagement intérieur et finition n'ont pas été réalisés, dont les plafonds s'effritent présentant une importante humidité.

S'agissant de l'environnement, la SCI du Bon Logis souligne que sa propriété est bien placée pour générer une bonne plus-value étant à proximité du centre d'agglomération, des équipements administratifs et commerciaux, à proximité de transport non loin de la gare RER D de [Localité 18], à proximité de la Seine, et avec une grande façade de 20 m sur la [Adresse 22].

La SCI le Bon Logis fait état d'un détournement de pouvoir en raison d'un usage abusif et dolosif de la notion d'utilité publique afin de réaliser un projet immoral et demande au juge de l'expropriation qu'il limite les effets négatifs des restrictions des servitudes publiques ; outre le fait qu'il n'est pas la compétence du juge de l'expropriation d'apprécier la légalité des actes administratifs, ce que reconnaît d'ailleurs l'appelant, la cour n'est saisie d'aucune demande dans le dispositif des conclusions conformément à l'article 956 alinéa 3 du code de procédure civile sur ces moyens.

S'agissant de la date à laquelle le bien exproprié doit être estimé, il s'agit de celle du jugement de première instance, soit le 15 janvier 2018.

- Sur l'indemnité principale

1° Sur la méthode d'évaluation

Le premier juge indique que la parcelle représente une superficie de 872 m², que les parties ne précisent pas l'emprise du bâti sur cette parcelle, qu'il ressort cependant du transport sur les lieux que le terrain non bâti ne représente pas une superficie homogène exploitable ; que comme le précise la SCI le Bon Logis elle-même dans ses conclusions, ce terrain est utilisé notamment pour la réception des marchandises, la préparation de livraison et le parking des véhicules, les WC extérieurs et les box en fin de parcelle doivent ainsi être considérés comme des accessoires du bien en cause ; il a donc écarté la méthode terrain + construction au bénéfice de la méthode terrain intégré.

La SCI le Bon Logis demande l'infirmation en indiquant que la méthode du terrain intégré ne peut être employée que lorsque :

'la totalité du terrain est occupée par les constructions

'les constructions sont très développées à hauteur de plus de 4 étages

'le terrain est entièrement immobilisé.

Or, sa propriété ne se trouve pas dans ce cas, les constructions sont distribuées sur un rez-de-chaussée pour les commerces et leur dépendance au premier étage à usage d'habitation dans une partie du terrain resté sur un espace libre, la méthode du terrain intégré la pénalise et la prive d' une partie de l'indemnité d'expropriation se rapportant à son terrain libre et la méthode la plus appropriée est la méthode de comparaison : sol + construction.

Cependant, outre le fait que le juge de l'expropriation choisit souverainement la méthode d'estimation qui lui paraît la plus adaptée, comme l'indique le commissaire du gouvernement la répartition des constructions sur la parcelle limiterait fortement la capacité constructible de l'emprise non bâtie, ce taux d'encombrement retire toute plus-value à l'application de la méthode terrain + construction qui n'est pas pertinente ; en outre, la SCI du Bon Logis n'avance aucun argument à l'appui de sa demande d'appliquer la méthode de comparaison sol +construction.

Le jugement sera donc confirmé sur ce point.

2° Sur les superficies

La commune de [Localité 18] a mandaté un géomètre expert afin qu'il détermine les superficies exactes des différents locaux commerciaux et appartements en présence du gérant de la SCI du Bon Logis ; ces superficies détaillées dans le jugement ne sont pas contestées par les parties.

3° Sur la situation locative

A la date de l'ordonnance d'expropriation, soit le 2 mai 2016, les 3 logements étaient occupés ; cependant, les parties se sont accordées à considérer que 2 des 3 logements étaient libres d'occupation pour ne pas appliquer d'abattement pour occupation sur le montant de l'indemnité principale.

4° Sur la fixation d'indemnité

A. partie habitation

Le premier juge a retenu une valeur unitaire de 1150 euros/m² et a appliqué un abattement pour occupation pour des logements à hauteur de 20 %.

Les références des parties

1° Les références de la SCI du Bon Logis

Elle produit une évaluation du prix immobilier de la [Adresse 23] par les consultants Efficity (pièce 5) avec une moyenne de 3 440 euros/m² ; cependant ne peuvent être prises en considération comme références pertinentes que des ventes dont les références de publication sont communiquées afin de pouvoir accéder aux actes de vente et connaître les caractéristiques des biens concernés ainsi que les modalités des transactions ; de simples offres d'achats non concrétisées, des annonces ou des estimations immobilières ne peuvent en conséquence être retenues ; en conséquence , cette référence correspondant à des annonces de biens immobiliers sera écartée.

Elle invoque la cote annuelle des valeurs vénales immobilières et foncières au 1er janvier 2016 - Edition [E] et indique qu'elle accepte un sacrifice à fixer comme valeur unitaire minimale pour l'habitation : 2 800 euros/m² ; cependant, cette cote annuelle ne correspondant pas à des mutations effectives, sera écartée.

2° Les références de la commune de [Localité 18]

Elle invoque 3 mutations qui sont reprises également par le commissaire du gouvernement et qui seront étudiées ci après (T1, T2 et T3).

3° Les références du commissaire du gouvernement

Il propose 7 mutations d'appartements libres d'occupation sur la commune de [Localité 18] avec les références de publication et cadastrale :

N° du terme

Date de vente

Adresse

Shab (m²)

Prix en euros

Prix en euros/m²

Zonage

Observations

T1

3 février 2014

[Adresse 8]

69,27

125'000

1805

UEa

T2

1er avril 2014

[Adresse 9]

64,86

150'000

2313

UEa

cave

T3

15 janvier 2015

[Adresse 11]

42,53

73'000

1805

UAd

remise

T4

15 octobre 2015

[Adresse 5]

62,50

138'000

2313

UAc

cave

T5

22 décembre 2015

[Adresse 16]

61,20

190'000

1716

UAd

cave

T6

21 janvier 2016

[Adresse 2]

41,09

95'000

2208

UAb

cave

T7

26 avril 2016

[Adresse 14]

61,21

107'000

3105

UCa

moyenne

2172

Le commissaire du gouvernement propose au regard de ces termes et de la situation géographique du bien de retenir une valeur unitaire de 2 150 euros/ m².

Ces termes de comparaison situés dans le même secteur géographique sont pertinents et seront retenus.

Si ces termes datent tous de moins de 5 ans, ils sont relativement anciens ; cependant, au regard de l'état uniquement correct du bien, d'espaces vides et de l'absence de commerces, le premier juge a exactement retenu la moyenne de ces termes de référence soit une valeur unitaire de 2 150 euros/m², sans pouvoir atteindre la valeur de 2 800 euros/m² revendiquée par la SCI du Bon Logis.

L'abattement

La commune de [Localité 18] indique que c'est à tort que le 1er juge a appliqué d'abattement pour occupation de 20 % au seul appartement occupé par Madame [H].

La SCI du Bon Logis indique que l'usage d'un coefficient de pondération est une technique de spoliation.

Cependant, la situation locative du bien est l'un des éléments de sa consistance en application de l'article L. 322-1 du code de l'expropriation.

Il convient en conséquence de confirmer le jugement en ce qu'il a exactement appliqué un abattement pour occupation à hauteur de 20 %, au seul appartement occupé par Madame [W] [H], qui n'a pas renoncé au droit au relogement.

L'indemnité est donc de :

- pour l'appartement occupé par Monsieur [G] [U] et son fils M. [A] [U], ayant tous deux renoncé au droit au relogement, évalué libre d'occupation :

(53,26 m² + 56,57 m²) x 2 150 euros/ m² = 236'134,50 euros

- pour l'appartement occupé par Madame [W] [H], n'ayant pas renoncé au droit au relogement  : 58,58 m² x 2 150 euros/ m² x 0,80 (abattement pour occupation) = 100'757,60 euros.

Le jugement sera donc confirmé sur ce point.

B. La partie commerce

Le premier juge a retenu une valeur unitaire de 1600 euros/ m² quel que soit leur superficie, une pondération de 0,5 pour les locaux techniques de stockage, un abattement de 35 % sur la valeur des locaux commerciaux non occupés et un abattement de 40 % pour l'occupation commerciale de la boucherie.

Les références des parties

1° Les références de la SCI du Bon Logis

Elle se fonde sur la côte annuelle des valeurs vénales immobilières et foncières au 1er janvier 2016 - édition [E] faisant ressortir un prix moyen de 2 300 euros/m², et indique qu'elle accepte un sacrifice en retenant une valeur unitaire minimale de 2 000 euros/m².

Cependant cette référence ne correspondant pas à une mutation effective sera écartée.

2° Les références de la commune de [Localité 18]

Elle produit 4 termes de référence avec les références de publication et les références cadastrales, tous en RDC :

N° du terme

Date de vente

Adresse

Superficie

Prix en euros

Prix en euros/m²

T1

14 janvier 2013

[Adresse 15]

79

116'550

1475

T2

25 janvier 2013

[Adresse 3]

30

41'000

1367

T3

11 avril 2013

[Adresse 15]

53

100'000

1887

T4

29 août 2014

[Adresse 12]

115,57

195'000

1687,29

moyenne

1604,07

médiane

1581

Les termes T1, T2 et T3 ne sont pas situés sur la commune de [Localité 18], mais sur la commune de [Localité 18] dans un environnement urbain qui n'est pas comparable avec la localisation du bien exproprié , ils sont en outre trop anciens et seront donc écartés ; seul le terme T4 comparable étant à [Localité 18] sera retenu.

3° Les références du commissaire du gouvernement

Il propose 4 références de mutations de locaux d'activité, libres d'occupation, sur la commune de [Localité 18], le terme T4 étant déjà retenu, avec les références de publication :

N° du terme

Date de vente

Adresse

Superficie

SU

Prix en euros

Prix en euros/m²

T1

19 septembre 2013

[Adresse 4]

213,9

358'800

1677,42

T2

17 avril 2014

[Adresse 6]

150

298'000

1986,67

T3

29 août 2014

[Adresse 12]

115,57

195'000

1687,29

T4

8 octobre 2015

[Adresse 7]

115

190'000

1652,17

moyenne

1750,89

Au regard de la situation géographique du bien et de ces termes de comparaison, le commissaire du gouvernement propose une valeur unitaire de 1 600 euros/ m² pour les locaux d'activité, avec une pondération de 0,50 de la superficie des locaux annexes séparés de la vente.

Ces termes datant de moins de 5 ans étant comparables seront retenus et la commune de [Localité 18] sera en conséquence déboute de sa demande de voir retenir la valeur de 1500 euros/ m² pour les boutiques et de 750 euros/ m² pour les locaux de stockage soit une pondération de 0,50.

Pondération

Les parties s'accordent pour appliquer une pondération de 0,5 pour la partie des locaux ne correspondant pas à la boutique située en façade et accueillir la clientèle et correspondants à des locaux techniques ou de stockage situés sur l'arrière.

L'abattement pour vétusté

Le premier juge au regard de la taille du bien, de sa faible qualité architecturale et des importants travaux de rénovation de finition à effectuer, a appliqué un abattement de 35 % sur la valeur des locaux commerciaux non occupés, qui ne sera pas appliqué à la boucherie qui présente un état d'usage correct à la différence des autres locaux.

La SCI du Bon Logis considère que l'abattement pour vétusté est une technique de spoliation.

La commune de [Localité 18] demande d'appliquer un abattement de 40 % pour vétusté, y compris pour la boucherie.

Le commissaire du gouvernement retient un abattement de 30 % pour vétusté pour la boulangerie et pour les primeurs, mais aucun abattement pour la boucherie.

Au vu des constatations effectuées par le premier juge lors du transport sur les lieux, au regard de l'état de la boucherie, il a exactement considéré qu'il n'y avait pas lieu d'appliquer un abattement pour vétusté.

S'agissant des commerces de boulangerie et de primeurs, il ressort du procès-verbal de transport sur les lieux et des photographies prises que les commerces de boulangerie et de primeurs sont en mauvais état ; ces constatations sont corroborées par les photographies produites par la commune de [Localité 18] concernant le commerce de primeurs et le commerce de boulangerie pâtisserie (page 12,13 des conclusions).

Au vu de ces éléments, le premier juge a exactement appliqué un abattement de 30 % pour vétusté pour ces 2 commerces.

L'abattement pour occupation commerciale

Le 1er juge a appliqué un abattement de 40 % pour occupation commerciale s'agissant de la boucherie.

La SCI le Bon Logis considère qu'il s'agit d'une technique de spoliation.

La commune de [Localité 18] ne conteste pas le taux d'abattement pour occupation.

Il convient de confirmer le jugement en ce qu'il a appliqué l'abattement habituel pour occupation commerciale à hauteur de 40 %.

L'indemnité est donc de :

boucherie :

27,89 x 1600 euros/ m² = 44'624 euros

25,70 m² x 0,50 x 1600 euros/ m² = 20'560 euros

65'184 euros x 0,60 (abattement de 40 % pour occupation commerciale) = 39'110 euros

primeurs :

25,74 m² x 1600 euros/ m² = 41'184 euros

31,49 m² x 0,50 x 1600 euros/ m² = 25'192 euros

66'376 euros x 0,70 (abattement pour vétusté) = 46'463 euros

boulangerie :

104,10 m² x 1600 euros/ m² = 166'560 euros

162,77 m² x 0,50 x 1600 euros/ m² = 130'216 euros

296'776 euros x 0,70 (abattement pour vétusté) = 207'743 euros

Le jugement sera donc confirmé en ce sens.

-Sur la demande subsidiaire d'expertise

La SCI du Bon Logis demande à défaut de fixation d'indemnité d'expropriation revenant à la somme de 968'454 euros, de diligenter une expertise pour évaluer les biens et droits expropriés.

L'article R322'1 du code de l'expropriation dispose qu'en vue de la détermination de la valeur d'immeubles et d'éléments immobiliers non transférables présentant des difficultés particulières d'évaluation, le juge peut désigner un expert par décision motivée ou se faire assister, lors de la visite des lieux, par un notaire ou un notaire honoraire désigné sur une liste établie pour l'ensemble du ressort de la cour d'appel par le premier président, sur proposition du conseil régional des notaires.

Il peut également, à titre exceptionnel, désigner une personne qui lui paraîtrait qualifiée pour l'éclairer en cas de difficultés d'ordre technique portant sur la détermination du montant des indemnités autres que celles mentionnées à l'alinéa qui précède.

En l'espèce, au regard des références retenues par la cour, à la fois pour la partie habitation et la partie commerce, la détermination de la valeur du bien exproprié ne présente aucune difficulté particulière et il convient en conséquence de rejeter cette demande subsidiaire d'expertise.

L'indemnité principale totale est donc de :

236'134,50 + 100'757,60 + 207'743 + 39'110 + 46'463 = 630'208,10 euros.

Le jugement sera donc confirmé en ce sens.

- Sur l'indemnité de remploi

Les taux n'étant pas contestés, il convient de confirmer le jugement en ce qu'il a exactement fixé l'indemnité de remploi la somme de 64'020,80 euros

- Sur l'article 700 du code de procédure civile

L'équité commande de condamner la SCI du Bon Logis à payer la somme de 2000 euros à la commune de [Localité 18] au titre de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel.

- Sur les dépens

Il convient de confirmer le jugement pour les dépens de première instance, qui sont à la charge de l'expropriant conformément à l'article L312-1 du code de l'expropriation.

La SCI du Bon Logis perdant le procès sera condamnée aux dépens d'appel.

PAR CES MOTIFS,

La cour statuant publiquement par mise à disposition au greffe, contradictoirement et en dernier ressort,

Vu l'arrêt du 5 mars 2020 ;

Déclare irrecevable la pièce nouvelle transmise par la SCI le Bon Logis expertise de valeur du 28 novembre 2019 transmise à la cour le 3 décembre 2019 ;

Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions, sauf à fixer la date de référence au 26 septembre 2017 ;

Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires ;

Condamne la SCI du Bon Logis à verser la somme de 2 000 euros à la commune de [Localité 18] au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la SCI du Bon Logis aux dépens.

LE GREFFIERLE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 4 - chambre 7
Numéro d'arrêt : 18/19474
Date de la décision : 11/02/2021

Références :

Cour d'appel de Paris G7, arrêt n°18/19474 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2021-02-11;18.19474 ?
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