RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 6 - Chambre 10
ARRÊT DU 10 Février 2021
(n° , pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : S N° RG 19/12409 - N° Portalis 35L7-V-B7D-CBEZ2
Décision déférée à la Cour :jugement rendu le 24 juin 2013 par le conseil de prud'hommes de PARIS sous le numéro RG 11/11863 ; confirmé par l'arrêt rendu le 16 janvier 2018 par la cour d'appel de PARIS (chambre 4) sous le RG 13/09980 lui-même partiellement cassé et annulé par l'arrêt n°1483 F-D, rendu le 23 octobre 2019 par la Cour de cassation.
APPELANT
M. [E] [D]
[Adresse 1]
[Localité 2]
né le [Date naissance 3] 1959 à [Localité 6]
représenté par Me Jeanne BAECHLIN, avocat au barreau de PARIS, toque : L0034 substitué par Me Mélanie GSTALDER, avocat au barreau de PARIS, toque : C0219
INTIMEE
SAS JD ELYSEES
[Adresse 4]
[Localité 5]
N° SIRET : 319 567 475
représentée par Me Philippe ROZEC, avocat au barreau de PARIS, toque : R045 substitué par Me Sandrine AZOU, avocat au barreau de PARIS, toque : R045
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 15 Décembre 2020, en audience publique, devant la Cour composée de :
Madame Marie-Antoinette COLAS, Présidente de Chambre
Madame Véronique BOST, Vice Présidente placée faisant fonction de Conseillère par ordonnance du Premier Président en date du 31 août 2020
Madame Florence OLLIVIER, Vice Présidente placée faisant fonction de Conseillère par ordonnance du Premier Président en date du 27 août 2020
qui en ont délibéré
Greffier : Julian LAUNAY, lors des débats
ARRET :
- Contradictoire
- mis à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.
- signé par Madame Marie-Antoinette COLAS, Présidente de Chambre et par Monsieur Julian LAUNAY, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSE DU LITIGE
Monsieur [E] [D] a été engagé, le 26 octobre 1989 par la société JD St Mandé, en qualité de coiffeur coefficient 160 à temps complet. Il a signé, le 3 octobre 1995, un contrat en tant que directeur technique coefficient 275 avec la société JD Champ de Mars, puis, en raison de la vente du fonds de commerce de cette société, il a été transféré,le 5 août 1997, sur le site de [Adresse 7], exploité par la société Dessange Elysées, aux droits de laquelle vient la société JD Elysées, en qualité de coiffeur avec maintien de l'ancienneté professionnelle.
Il a travaillé alors à temps partiel les jeudis, vendredis et samedis.
Le 13 septembre 2011, le salarié a saisi de diverses demandes liées à l'exécution du contrat de travail le conseil de prud'hommes de Paris, lequel, par jugement du 24 juin 2013, l'a débouté de ses demandes.
Aux termes de l'arrêt rendu le 16 janvier 2018, la cour d'appel de Paris a:
- dit n'y avoir lieu à ordonner une communication de pièces complémentaires,
- confirmé le jugement,
- rejeté les demandes du salarié formées au titre de la discrimination fondée sur l'état de santé et sur l'exécution déloyale du contrat de travail et les autres demandes.
Monsieur [D] a formé un pourvoi contre cet arrêt.
Par un arrêt du 23 octobre 2019, la Cour de cassation a cassé et annulé l'arrêt de la cour d'appel de Paris mais seulement en ce qu'il a débouté le salarié de ses demandes de rappel de salaire minimum garanti, de rappel de prime d'ancienneté et de congés payés afférents et à voir ordonner la remise d'un bulletin de salaire conforme aux condamnations.
Par dernières écritures visées par le greffe auxquelles il est renvoyé pour un plus ample exposé des faits et des moyens développés, Monsieur [D] demande à la cour d'infirmer le jugement entrepris, en conséquence de :
- condamner la société JD ELYSEES à lui verser les sommes suivantes :
- 184 959,18 euros à titre de rappels de salaire sur temps plein
- 18 495,91 euros au titre de congés payés afférents,
- 5191,19 € à titre de rappel de prime d'ancienneté
- 519,12 € à titre de congés payés afférents
- 6 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile
- Ordonner la remise d'un bulletin de salaire conforme aux condamnations,
- Ordonner la capitalisation des intérêts.
Il fait valoir que:
- la modification du contrat de travail doit être expressément acceptée par le salarié,
- cette acceptation ne peut résulter de la poursuite du contrat aux nouvelles conditions même sur une longue période.
Par dernières écritures visées par le greffe, auxquelles il est renvoyé pour un plus ample exposé des faits et des moyens développés, la société JD ELYSEES s'oppose aux prétentions de Monsieur [D] et demande à la cour de:
- débouter Monsieur [D] de l'intégralité de ses demandes, fins et prétentions,
- condamner Monsieur [D] à lui payer la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner Monsieur [D] aux dépens.
Elle soutient que:
- aucune modification unilatérale de son contrat de travail n'a été imposée à Monsieur [D] qui travaille à temps partiel de sa propre initiative,
- le salaire de Monsieur [D] est proratisé en fonction de son temps de travail mais n'a pas été diminué.
MOTIFS
Aux termes de l'article 1134 dans sa rédaction applicable à l'espèce, les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites. Elle ne peuvent être révoquées que de leur consentement mutuel, ou pour les causes que la loi autorise.
L'article L. 1221-1 du code du travail dispose que le contrat de travail est soumis aux règles du droit commun.
Le salarié doit donner son accord exprès à la modification de son contrat de travail.
La transformation d'un horaire de travail à temps complet en horaire de travail à temps partiel constitue une modification du contrat de travail qui ne peut être réalisée sans l'accord du salarié.
En l'espèce, Monsieur [D] a été embauché en contrat à temps complet. Lors de son transfert au salon Elysées, son contrat de travail a été modifié en ce qui concerne sa qualification et sa rémunération. Il passait de la qualification de directeur technique à celle de coiffeur. En ce qui concerne sa rémunération, elle était ainsi modifiée '17% du chiffre d'affaires H.T. réalisé par vous-même, dont 2% formant la contrepartie de votre obligation de non concurrence, le tout assorti d'un minimum garanti mensuel brut de 18 000 francs, mais ce seulement pendant une durée limitée à 12 mois puis de 15 000 francs par mois'.
Il n'est pas contesté que depuis 1997, Monsieur [D] travaille à temps partiel.
La société JD ELYSEES soutient que ce temps partiel n'aurait pas été imposé à Monsieur [D] mais que celui-ci l'aurait demandé. Elle ne rapporte cependant aucune preuve à cet égard.
Aucun avenant au contrat n'a été conclu entre les parties concernant la réduction de travail de Monsieur [D] et ses conséquences sur sa rémunération.
La société JD ELYSEES ne peut raisonnablement soutenir que le contrat de travail n'a subi aucune modification, se prévalant du temps de travail figurant sur les bulletins de salaire soit de 151,67 heures, et que le salaire versé ne serait que proratisé en fonction du temps de travail effectivement réalisé par Monsieur [D]. Cette explication se heurte au fait que le temps de travail de Monsieur [D] a été effectivement réduit sans qu'il soit démontré que ce dernier ait consenti à cette modification.
La cour relève par ailleurs que la société JD ELYSEES se prévaut, pour justifier de «la légitime proratisation du salaire en fonction du temps de travail», des différents textes régissant le travail à temps partiel, tout en affirmant que le contrat de Monsieur [D] n'a fait l'objet d'aucune modification mais reste un contrat à temps plein, ce dernier ne travaillant néanmoins qu'à temps partiel.
Il est sans conséquence que Monsieur [D] ait continué à exécuter son contrat à ces nouvelles conditions pendant plusieurs années. Il ne peut en être déduit son acceptation de la modification de son contrat de travail.
L'employeur ne pouvait imposer à Monsieur [D] une diminution de son temps de travail et de sa rémunération et ne rapporte pas la preuve de l'acceptation claire et dénuée d'équivoque par Monsieur [D] de cette modification de son contrat de travail
La diminution de sa rémunération n'est en conséquence pas opposable à Monsieur [D].
La cour relève que la société JD ELYSEES ne formule aucune observation quant au montant des demandes de Monsieur [D].
En conséquence, le jugement sera infirmé en ce qu'il a débouté ce dernier de ses demandes de rappels de salaire et de prime d'ancienneté et la société JD ELYSEES sera condamnée à payer à Monsieur [D] les sommes de 184 959,18 euros à titre de rappel de salaire, 18 495,91 euros au titre des congés payés afférents, 5 191,19 euros à titre de rappel de prime d'ancienneté, 519,12 euros au titre des congés payés afférents.
Compte tenu des développements qui précèdent, il convient de faire droit à la demande de remise de documents sociaux conformes aux dispositions du présent arrêt.
La société JD ELYSEES, qui succombe dans ses prétentions, sera condamnée aux dépens.
Il n'est pas inéquitable de laisser à chacune des parties la charge de ses frais irrépétibles.
PAR CES MOTIFS
La Cour,
Infirme le jugement en ce qu'il a débouté Monsieur [E] [D] de ses demandes de rappels de salaire et de prime d'ancienneté,
Statuant à nouveau et y ajoutant,
Condamne la société JD ELYSEES à payer à Monsieur [D] les sommes suivantes:
* 184 959,18 euros à titre de rappel de salaire
* 18 495,12 euros au titre des congés payés afférents,
* 5 191,19 euros à titre de rappel de prime d'ancienneté,
* 519,12 euros au titre des congés payés afférents,
Ordonne la capitalisation des intérêts,
Ordonne la remise des documents sociaux conformes à la présente décision dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt,
Condamne la société JD ELYSEES aux dépens,
Dit n'y avoir lieu à frais irrépétibles
LE GREFFIER LA PRESIDENTE