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10/02/2021 | FRANCE | N°18/07231

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 9, 10 février 2021, 18/07231


Copies exécutoiresREPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS







COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 9



ARRET DU 10 FEVRIER 2021

(n° , 5 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 18/07231 - N° Portalis 35L7-V-B7C-B52KX



Décision déférée à la Cour : Jugement du 09 Janvier 2018 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS - RG n° F16/02884





APPELANTE



Madame [H] [O]

[Adresse 1]

[Localité 3]r>


Représentée par Me Florence FEUILLEBOIS, avocat au barreau de PARIS, toque : E0463







INTIMEE



SA CREDIT INDUSTRIEL ET COMMERCIAL prise en la personne de ses représentants légau...

Copies exécutoiresREPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 9

ARRET DU 10 FEVRIER 2021

(n° , 5 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 18/07231 - N° Portalis 35L7-V-B7C-B52KX

Décision déférée à la Cour : Jugement du 09 Janvier 2018 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS - RG n° F16/02884

APPELANTE

Madame [H] [O]

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentée par Me Florence FEUILLEBOIS, avocat au barreau de PARIS, toque : E0463

INTIMEE

SA CREDIT INDUSTRIEL ET COMMERCIAL prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représentée par Me Charles-hubert OLIVIER, avocat au barreau de PARIS, toque : L0029

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 02 Décembre 2020, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme Sandra ORUS, présidente de chambre, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :

Madame Sandra ORUS, première présidente de chambre

Madame Graziella HAUDUIN, présidente de chambre

Madame Françoise SALOMON, présidente de chambre

Greffier, lors des débats : Madame Anouk ESTAVIANNE

ARRET :

- contradictoire

- mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile

- signé par Madame Sandra ORUS, présidente et par Madame Anouk ESTAVIANNE greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

RAPPEL DES FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Mme [H] [O] a été engagée par la société CM CIC SECURITIES aux droits laquelle vient la SAS CIC, en qualité d'économiste, le ler août 2012.

Par courrier du 31 décembre 2015, la salariée a été convoquée à un entretien préalable à un licenciement qui s'est déroulé le 12 janvier 2016 et à l'issue duquel l'intéressée a été dispensée d'activité puis licenciée le 3 février 2016 pour insuffisance professionnelle.

Mme [O] a saisi le conseil de prud'hommes de Paris le 16 mars 2016.

Par un jugement du 9 janvier 2018, le conseil de prud'hommes l'a déboutée de l'ensemble de ses demandes, l'a condamnée aux dépens et a débouté la SAS CIC de sa demande reconventionnelle.

Mme [O] a interjeté appel le 4 juin 2018.

Dans ses dernières conclusions communiquées par RPVA le 10 novembre 2020, auxquelles il est fait expressément référence, Mme [O] sollicite de la cour de:

- Infirmer le jugement en ce qu'il l'a déboutée de l'ensemble de ses demandes et condamnée aux dépens;

-Confirmer le jugement en ce qu'il a débouté la SAS CIC de sa demande reconventionnelle;

Par conséquent:

-Déclarer recevables et bien fondées ses demandes;

-Juger que le licenciement intervenu est dénué de cause réelle et sérieuse;

-Condamner la SAS CIC à verser à lui verser les sommes suivantes :

- 116.995,80 euros (15 mois de salaire) à titre d'indemnité pour licenciement dénué de cause réelle et sérieuse sur le fondement de l'article L.1235-3 du code du travail;

- 30.000 euros (4 mois de salaire) à titre de dommages intérêts pour préjudice moral résultant du harcèlement moral organisationnel sur le fondement de l'article L.1152-1 du code du travail;

- 4.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile;

- Aux entiers dépens sur le fondement de l'article 696 du code de procédure civile;

- Ordonner la capitalisation des intérêts et le report du point de départ des intérêts à la date de réception de la saisine par le défendeur sur le fondement des articles 1231-7 et 1343-2 du code civil.

Dans ses dernières conclusions communiquées par RPVA le 14 novembre 2020 auxquelles il est fait expressément référence, la SAS CIC sollicite de la cour de:

- Dire Mme [O] mal fondée en son appel;

- Confirmer le Jugement entrepris en toutes ses dispositions;

- Débouter Mme [O] de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions;

- Condamner Mme [O] à payer au CIC la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.

L'instruction ayant été clôturée par ordonnance du 3 novembre 2020 et l'affaire fixée à l'audience du 2 décembre 2020.

MOTIFS

Sur le licenciement

Il ressort des dispositions de l'article L.1235-1 du code du travail qu'en cas de litige, le juge à qui il appartient d'apprécier le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l'employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties'; si un doute subsiste il profite au salarié.

L'insuffisance professionnelle se définit comme l'inaptitude du salarié à exécuter son travail de manière satisfaisante, au regard de son statut, de ses responsabilités et des compétences requises pour l'exercice de ses fonctions; elle doit donc reposer sur les éléments concrets et ne peut être fondée sur la seule appréciation purement subjective de l'employeur.

L'employeur de Mme [O] lui reproche: une lenteur d'exécution et de non finalisation des travaux, un défaut de qualité des travaux effectués, un plagiat, une insuffisance des interventions lors des réunions du matin, un refus des clients de collaborer avec la salariée.

Il établit ainsi, en produisant les évaluations de la salariée à compter du premier semestre 2014, que Mme [O] rend son travail avec retard (rédaction de slide et d'écrits), la veille pour lendemain ou le jour même, sans anticipation, justifiant de relectures dans l'urgence par le supérieur hiérarchique et un report d'une partie de la charge sur le reste de l'équipe; que ces insuffisances ont été relevées notamment lors des points mensuels sur les taux, le 6 mai 2014, lesquels, sans contestation sérieuse, ont été soumis à son supérieur hiérarchique au dernier moment justifiant, en raison de leur caractère non abouti , une reprise dans l'urgence par ce dernier; que cette faiblesse de la productivité n'a pas été rectifiée puisqu'elle est relevée à nouveau dans l'évaluation du 2ème semestre 2014 où il est précisé : «'..La vitesse d'exécution insuffisante conduit à ce que [H] soit débordée par la charge de travail, ce qui réduit sa capacité à développer une pensée originale. Elle peine à intégrer l'ensemble du flux d'informations dans le rythme nécessaire pour être au niveau d'une économiste senior qui doit convaincre des clients sophistiqués et très bien informés'».

L'employeur produit trois exemples (travaux «' France: au pied du mur'»; L'éclaireur Macro; Macro Hebdo) au terme desquels il met en évidence des travaux incomplets ou inachevés et repris par des collaborateurs, perturbant le processus de production avec les mêmes remarques critiques de son supérieur hiérarchique M. [I].

Sans contradiction utile, le CIC justifie que la salariée a bénéficié d'un temps conséquent et de soutiens pour finalement produire des travaux non aboutis.

Le CIC fait état d'une production de qualité insuffisante, au-delà du retard et des aides apportées: publication de données erronées ou non conformes, des contre-sens, des lacunes sur la maîtrise des concepts de base de l'économie pour lesquels l'employeur donne des exemples précis et non contredits; que l'ensemble de ces insuffisances est rapporté tant par l'évaluation de 2014 que celle de 2015 et justifie une intervention constante de la hiérarchie dans le suivi de ses travaux (mails de M. [I] pièces 28, 30, 31, 31 bis).

Dans l'entretien d'évaluation du ler semestre 2015, l'employeur reproche également à sa salariée d'avoir inséré dans ses travaux, sans en informer sa hiérarchie, un plagiat de publications de la concurrence ou d'articles de presse, alors qu'il lui était demandé des analyses originales, ce qu'elle ne conteste pas sérieusement.

Le CIC fait grief à Mme [O] d'observer une attitude de plus en plus en retrait lors des conférences du matin «'morning meetings» devant les équipes des commerciaux et qui lui est reprochée lors de l'évaluation du premier semestre 2015, la salariée refusant même d'intervenir alors qu'elle a bénéficié d'une formation spécifique à l'expression orale (formation de 35 heures pour le perfectionnement à l'expression orale et à la prise de parole en public).

Si Mme [O] conteste la matérialité de ces faits, il est d'abord relevé que le témoignage de son supérieur hiérarchique est clair et précis et qu'elle a pris acte lors de ses évaluations 2014 et 2015 de la nécessité d'intervenir davantage devant les équipes des commerciaux, admettant explicitement la réalité de l'insuffisance relevée pour ce type de poste ; que la pression alléguée de son supérieur hiérarchique ne peut être établie par la seule attestation d'une salariée, Mme [N], qui a quitté l'établissement un an avant les faits reprochés à Mme [O], et qui n'est pas corroboré par un témoignage précis et contemporain des faits reprochés.

Enfin, l'employeur reproche à la salariée un nombre d'interventions extérieures insuffisant, alléguant une insatisfaction de la clientèle qu'il ne rapporte cependant que par le message de Mme [K], pour une intervention survenue trois ans avant les faits et une comparaison non suffisamment étayée avec les interventions d'un autre collaborateurs ; ce grief est écarté.

La cour relève cependant que face à l'ensemble des insuffisances professionnelles relevées par l'employeur, lenteur dans l'exécution, manque d'anticipation pour la préparation du travail, lacunes techniques, insuffisances des interventions internes devant les équipes, actées chaque semestre depuis 2014 jusqu'à la rupture du contrat de travail, Mme [O], qui avait été embauchée en qualité d'économiste confirmée, n'a pas répondu aux attentes de son employeur; que des soutiens lui ont été apportés; que des formations pour améliorer ses performances lui ont été octroyées; qu'il n'est pas démontré par la salariée un environnement de travail dégradé au regard de la charge de travail et de l'organisation interne qui aurait justifié ces insuffisances, qui sont apparues à partir 2014 et 2015; qu'enfin, le motif d'un licenciement organisé pour faire obstacle aux dispositions de l'article L 1224-1 du code du travail, dans le cadre de la fusion entre CM-CIC Securites et CiC, n'est pas démontré alors que l'insuffisance professionnelle est établie.

Au regard de l'ensemble de ces éléments, la cour considère que le licenciement de Mme [O] pour insuffisance professionnelle est justifié et confirme le jugement déféré.

Le licenciement reposant sur une cause réelle et sérieuse les demandes présentées au titre des indemnités de rupture sont rejetées.

Sur le harcèlement moral

Aux termes de l'article L.1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir des agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

L'article L.1154-1 du même code prévoit qu'en cas de litige, le salarié concerné présente des faits laissant présumer l'existence d'un harcèlement et il incombe alors à l'employeur, au vu de ces éléments, de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

Mme [O] soutient qu'elle a été victime d'un harcèlement moral personnel et organisationnel; elle verse au débat trois attestations d'anciennes collègues qui font état des pressions exercées par son supérieur hiérarchique M. [I], de ses propos humiliants, d'une absence totale de reconnaissance professionnelle, des mails adressés à toute heure du jour et de la nuit, de travaux confiés en fin de journée, d'une charge de travail excessive qui a conduit à un burn out et le développement d'un ulcère constaté par le médecin du travail. Elle verse au débat les messages électroniques, des attestations et des certificats médicaux du médecin du travail.

L'ensemble de ces éléments laisse présumer l'existence d'un harcèlement moral.

L'employeur fait cependant valoir à juste titre que l'attestation de Mme [J], ancienne collaboratrice, fait essentiellement état de griefs personnels et se contente d'invoquer une attitude agressive injustifiée et des propos blessants sans les citer ni les caractériser; que Mme [M] évoque des tensions et une mauvaise ambiance de travail mais admet qu'elle n'a vu que très peu Mme [O] ; que Mme [N] qui décrit une bonne ambiance de travail entre collaborateurs, fait état d'un climat de tension, de remarques déplaisantes et d'une attitude «'tyrannique'» de M. [I] à l'encontre de Mme [O] sans la caractériser précisément.

Il établit surtout par l'ensemble des pièces produites que les prestations professionnelles de Mme [O] n'ont cessé de se dégrader après 2013, imposant une surveillance et une intervention constantes sur le travail rendu, ce dont il justifie ; que ce mécontentement du supérieur hiérarchique, son exigence voire son autorité qui se sont exprimés dans le cadre de son pouvoir de direction sur la salariée ne démontrent pas l'existence d'agissements répétés de harcèlement moral; qu'il n'est rapporté aucun fait précis sur la dégradation des conditions de travail de la salariée notamment l'existence d'une charge de travail anormale pour un cadre senior dont il était attendu une réactivité et une anticipation dans l'exercice de ses fonctions; que la désorganisation du service alléguée par Mme [O] n'est pas établie ; qu'aucun propos dégradant et humiliant tenu par M. [I] n'est précisément rapporté au débat quand bien même les témoignages font état des tensions au sein du service ; que les mails produits restent courtois ; que la dévalorisation constante de son travail n'est rapportée par aucun élément, les évaluations qui mettent en évidence ses insuffisances, rédigées par son supérieur hiérarchique, sont précises et mesurées ; que la mise à l'écart alléguée ne repose sur aucun élément autre que le choix du supérieur hiérarchique de confier à d'autres collaborateurs des dossiers à compléter dans l'urgence ; que les certificats médicaux du médecin du travail qui relaient les déclarations de la salariée n'établissent pas le lien avec une dégradation des conditions de travail liée à une situation de harcèlement moral et ne font, en tout état de cause aucune préconisation relative à un aménagement du poste de travail de la salariée.

Il résulte de tout ce qui précède que les faits et les décisions reprochés à l'employeur sont justifiés par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

Le jugement qui a débouté Mme [O] de toutes ses demandes est confirmé.

En équité, chacune des parties conservera la charge de ses frais irrépétibles.

Succombant Mme [O] sera condamnée aux dépens.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Confirme le jugement en toutes ses dispositions;

Y ajoutant :

Rejette toute autre demande;

Condamne Mme [H] [O] aux dépens.

LE GREFFIER LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 9
Numéro d'arrêt : 18/07231
Date de la décision : 10/02/2021

Références :

Cour d'appel de Paris K9, arrêt n°18/07231 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2021-02-10;18.07231 ?
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