Copies exécutoiresREPUBLIQUE FRANCAISE
délivrées le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 6 - Chambre 4
ARRET DU 10 FEVRIER 2021
(n° , 4 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 17/07477 - N° Portalis 35L7-V-B7B-B3MPP
Décision déférée à la Cour : Jugement du 24 Avril 2017 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS - RG n° 16/02888
APPELANTE
Madame [S] [X]
[Adresse 4]
[Localité 2]
Représentée par Me Estelle BATAILLER, avocat au barreau de PARIS
INTIMEE
SAS FAST RETAILING FRANCE
[Adresse 1]
[Localité 3]
Représentée par Me Romain ZANNOU, avocat au barreau de PARIS, toque : A0113
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 11 Janvier 2021, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Olivier MANSION, conseiller, chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :
Monsieur Bruno BLANC, président
Monsieur Olivier MANSION, conseiller
Madame Anne-Ga'l BLANC, conseillère
Greffier, lors des débats : Mme Victoria RENARD
ARRET :
- contradictoire
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Bruno BLANC, Président et par Victoria RENARD, Greffière, présente lors de la mise à disposition.
EXPOSÉ DU LITIGE :
Mme [X] (la salariée) a été engagée le 3 octobre 2011 par contrat à durée indéterminée en qualité de mécanicienne modèle corséterie par une société, contrat transféré par la suite à la société Fast retailing France (l'employeur).
Elle a été licenciée le 25 juin 2019 pour inaptitude et impossibilité de reclassement.
La salariée a saisi, avant son licenciement, le conseil de prud'hommes d'une demande en résiliation judiciaire de son contrat de travail.
Le jugement du 24 avril 2017 a rejeté toutes ses demandes.
La salariée a interjeté appel le 23 mai 2017.
Elle demande la résiliation judiciaire de son contrat de travail produisant les effets d'un licenciement nul et le paiement des sommes de :
- 4.400 € d'indemnité de préavis,
- 440 € de congés payés afférents,
- 40.000 € de dommages et intérêts pour licenciement nul,
- 40.000 € de dommages et intérêts pour harcèlement moral et manquement à l'obligation de sécurité,
- 35.380 € de dommages et intérêts pour exécution de mauvaise foi du contrat de travail et perte de chance,
- 3.000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile,
et réclame la délivrance sous astreinte de 50 € par jour de retard, de l'attestation Pôle emploi, d'un certificat de travail et de bulletins de salaire conformes au présent arrêt.
Les conclusions de l'employeur ont été déclarées irrecevables par ordonnance du conseiller de la mise en état du 2 septembre 2017, décision confirmée sur déféré, le 27 novembre 2020.
Il sera renvoyé pour un plus ample exposé du litige aux conclusions de l'appelante échangées par RPVA le 26 juillet 2019.
MOTIFS :
L'intimée dont les conclusions ont été déclarées irrecevables est réputée s'approprier les motifs du jugement, sans pouvoir se référer à ses conclusions ou pièces déposées devant la juridiction de première instance.
Ainsi, la cour d'appel qui n'est pas saisie de conclusions de l'intimée doit uniquement examiner les motifs du jugement ayant accueilli les prétentions de cette partie en première instance.
Sur la résiliation judiciaire :
Le salarié peut demander la résiliation judiciaire de son contrat de travail en démontrant que l'employeur est à l'origine de manquements suffisamment graves dans l'exécution de ses obligations contractuelles de telle sorte que ces manquements ne permettent pas la poursuite du contrat de travail.
Si la résiliation est prononcée, elle produit les effets d'un licenciement nul ou sans cause réelle et sérieuse, selon le cas.
En cas de licenciement postérieur à la résiliation, celle-ci prend effet à la date d'envoi de la lettre de licenciement.
En l'espèce, la salariée invoque comme manquements de l'employeur un harcèlement moral, une carence dans l'obligation de sécurité et de protection de sa santé physique et mentale et la suppression de son poste et du service auquel elle appartenait.
En application des articles L. 1152-1 et L. 1154-1 du code du travail, pour se prononcer sur l'existence d'un harcèlement moral, il appartient au juge d'examiner l'ensemble des éléments invoqués par le salarié, en prenant en compte les documents médicaux éventuellement produits, et d'apprécier si les faits matériellement établis, pris dans leur ensemble, permettent de présumer l'existence d'un harcèlement moral au sens de la loi. Dans l'affirmative, il revient au juge d'apprécier si l'employeur prouve que les agissements indiqués ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.
La salariée invoque comme éléments l'agressivité, les reproches et les humiliations provenant de sa supérieure hiérarchique Mme [J], pendant de nombreux mois et à compter du 1er avril 2013.
Elle ajoute qu'elle devait justifier heure par heure de son activité, ce qui n'était pas demandé à ses deux autres collègues, et qu'il lui était reproché de faire des pauses.
Elle se réfère aux attestations de Mmes [G] et [Z] [D] [O] (pièce n°10 et 14), à des mails et un exemple de compte rendu quotidien (pièces n°11 à 13), aux lettres du Dr [L] et du médecin du travail comme aux certificats du Dr [C], psychiatre (pièces n°22 à 25) au titre de la dégradation de son état de santé.
Ces éléments pris dans leur ensemble font présumer le harcèlement moral.
L'employeur n'apporte aucun élément pour renverser cette présomption et les motifs du jugements ne permettent pas d'y procéder.
Le harcèlement moral sera retenu et le préjudice en découlant indemnisé par l'octroi de dommages et intérêts à hauteur de 5.000 €.
Ce manquement suffit à entraîner la résiliation judiciaire du contrat de travail, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres manquements allégués.
Cette résiliation produit les effets d'un licenciement nul.
La salariée est fondée à obtenir paiement des sommes de 4.400 € d'indemnité de préavis et de 440 € de congés payés afférents.
Au regard d'une ancienneté de plus de 7 années et d'un salaire mensuel de référence de 2.200 €, le montant des dommages et intérêts pour licenciement nul sera évalué à 26.400 €.
Sur les autres demandes :
1°) La salariée demande des dommages et intérêts pour exécution de mauvaise foi du contrat de travail et perte de chance.
Elle précise qu'elle n'a pu bénéficier du projet de réorganisation mis en oeuvre en avril 2018, lequel concernait son poste.
Elle invoque la mauvaise foi de l'employeur qui l'a empêchée de pouvoir bénéficier d'un plan de départ volontaire prévoyant une majoration des indemnités.
Cette demande est le complément nécessaire de la demande de résiliation judiciaire.
Cependant, la salariée ne démontre pas l'existence d'un préjudice certain dès lors qu'il n'est pas sûr qu'elle ait pu être incluse dans ce plan de départ volontaire.
La demande portant sur l'exécution de mauvaise foi du contrat sera rejetée.
Par ailleurs, en cas de perte de chance, la réparation du préjudice doit être mesurée à la chance perdue et ne peut être égale à l'avantage qu'aurait procuré cette chance si elle s'était réalisée.
En donnant pas d'information en temps utile à la salariée, celle-ci a perdu une chance de pouvoir bénéficier de ce plan et des avantages financiers en découlant.
Le montant des dommages et intérêts sera fixé à 3.000 €.
2°) L'employeur remettra à la salariée les documents demandés, sans astreinte laquelle ne se justifiant pas faute d'un risque avéré de refus ou de retard.
3°) Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne l'employeur à payer à la salariée la somme de 2.000 €.
L'employeur supportera les dépens de première instance et d'appel.
PAR CES MOTIFS :
La cour statuant par mise à disposition, par décision contradictoire :
- Infirme le jugement du 24 avril 2017 ;
Statuant à nouveau :
- Prononce la résiliation judiciaire du contrat de travail liant Mme [X] à la société Fast retailing France ;
- Condamne la société Fast retailing France à payer à Mme [X] les sommes de :
* 4.400 € d'indemnité de préavis,
* 440 € de congés payés afférents,
* 26.400 € de dommages et intérêts pour licenciement nul,
* 5.000 € de dommages et intérêts pour harcèlement moral ;
- Dit que la société Fast retailing France remettra, sans astreinte, à Mme [X] l'attestation Pôle emploi, un certificat de travail et un bulletin de salaire conformes au présent arrêt ;
Y ajoutant :
- Condamne la société Fast retailing France à payer à Mme [X] la somme de 3.000 € de dommages et intérêts pour perte de chance de bénéficier d'un plan de départ volontaire ;
- Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Fast retailing France à payer à Mme [X] la somme de 2.000 euros ;
- Condamne la société Fast retailing France aux dépens de première instance et d'appel.
LA GREFFIÈRE LE PRÉSIDENT