Copies exécutoiresRÉPUBLIQUE FRANÇAISE
délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 5 - Chambre 5
ARRÊT DU 04 FÉVRIER 2021
(n° , 6 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 18/09107 - N° Portalis 35L7-V-B7C-B5URM
Décision déférée à la cour : jugement du 23 Avril 2018 -tribunal de commerce d'AUXERRE - RG n° 2017001716
APPELANTE
SAS ROUTES ET CHANTIERS MODERNES
Ayant son siège [Adresse 4]
[Localité 3]
N° SIRET : 707 280 236
Prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
Représentée par Me Ghislaine BOUARD, avocat au barreau de PARIS, toque : E0754
Ayant pour avocat plaidant Maître Philippe PUILLET, avocat au barreau de MELUN
INTIMÉE
SAS LTI FRANCE
Ayant son siège social [Adresse 2],
[Localité 1]
N° SIRET : 392 424 693
Prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
Représentée par Me Frédérique ETEVENARD, avocat au barreau de PARIS, toque : K0065
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 21 octobre 2020, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme Camille LIGNIERES, conseillère, chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Mme Marie-Annick PRIGENT, présidente de chambre
Mme Christine SOUDRY, conseillère
Mme Camille LIGNIERES, conseillère
qui en ont délibéré,
Greffière, lors des débats : Mme Hortense VITELA-GASPAR
ARRÊT :
- contradictoire
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Mme Marie-Annick PRIGENT, présidente de chambre et par Hortense VITELA-GASPAR, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
FAITS ET PROCÉDURE :
La société Routes et chantiers modernes (dite RCM) est une entreprise de travaux publics et particuliers et exerce des activités de travaux de génie civil, de transports routiers de marchandises et de location de véhicules industriels.
La société LTI France (dite LTI) exerce une activité de location de véhicules et de transports de plus de 3,5 tonnes.
Les 23 février et 1er mars 2013, la société LTI France s'est engagée en qualité de sous-traitante à l'égard de la société Routes et chantiers modernes, titulaire d'un marché public signé avec l'EPA France à Marne-la-Vallée.
La déclaration de sous-traitance portait sur le transport de déblais provenant du chantier objet du marché public.
Après avoir réglé plusieurs factures émises par LTI, RCM a contesté le mode de facturation et n'a pas payé le solde réclamé par la société LTI soit la somme de 60.350,88 euros.
La société LTI France a mis en demeure le 17 juin 2013, la société Routes et chantiers modernes de procéder au règlement de ce solde qu'elle estime restant dû, en vain.
C'est dans ces conditions que la société LTI France a saisi le tribunal de commerce de Sens qui s'est dit incompétent au profit du tribunal de commerce d'Auxerre d'une demande en condamnation de la société Routes et chantiers modernes en paiement de la somme de 60.350,88 euros toutes taxes comprises au titre de la différence entre ses facturations et les sommes qu'elle a directement perçues du maître de l'ouvrage.
Au cours de cette première instance, la société Routes et chantiers modernes a contesté le bien-fondé de la demande de la société LTI France et demandé, à titre reconventionnel, la condamnation de cette dernière au remboursement de 56.394,36 euros à titre de trop perçu.
Par jugement du 23 avril 2018, le tribunal de commerce d'Auxerre a :
-débouté la société Routes et chantiers modernes de l'ensemble de ses demandes,
-condamné la société Routes et chantiers modernes à payer à titre principal en règlement du solde des factures de transport de déblais la somme de 60.350,88 euros toutes taxes comprises augmentée des intérêts de droit à compter de la mise en demeure du 17 juin 2013 à la société LTI France,
-condamné la société Routes et chantiers modernes à payer à la société LTI France la somme de 1.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
-condamné la société Routes et chantiers modernes aux entiers dépens,
dit qu'il n'y a pas lieu à exécution provisoire,
-liquidé les frais de greffe à la somme de 77,08 euros.
Par déclaration du 5 mai 2018, la société Routes et chantiers modernes a interjeté appel de ce jugement en ce qu'il a :
-débouté la société Routes et chantiers modernes de l'ensemble de ses demandes,
-condamné la Routes et chantiers modernes à payer à titre principal en règlement du solde des factures de transport de déblais la somme de 60 350,88 euros toutes taxes comprises augmentée des intérêts de droit à compter de la mise en demeure du 17 juin 2013 à la société LTI France,
-condamné la société Routes et chantiers modernes à payer à la société LTI France la somme de 1.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
-condamné la société Routes et chantiers modernes aux entiers dépens.
Dans ses dernières conclusions notifiées par le RPVA le 17 janvier 2019, la société Routes et chantiers modernes demande à la cour de :
Vu les pièces fournies par la société Routes et chantiers modernes,
Vu l'article 1134 ancien du code civil,
-constater que le marché conclu entre les parties est un marché au métré,
-constater que la société LTI France ne peut avoir évacué plus de déblais que le DGD du chantier en fait apparaître,
-constater que la masse des déblais réellement transportés par la société LTI France est de 258.871,97 tonnes,
En conséquence,
-débouter la société LTI France de toutes ses demandes fins et moyens présentées en première instance et en appel,
-condamner la société LTI France à payer à la société Routes et chantiers modernes 56 394,37 euros de dommages et intérêts en raison du trop-perçu,
-condamner la société LTI France à payer à la société Routes et chantiers modernes 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
-condamner la société LTI France aux entiers dépens de première instance et d'appel, lesquels pourront être recouvrés par Me Philippe Puillet, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
Dans ses dernières conclusions notifiées par le RPVA le 24 octobre 2018, la société LTI France demande à la cour de :
Vu les pièces fournies aux débats par la société LTI France,
Vu l'article 1134 ancien du code civil,
-dire que le marché conclu entre les parties est un marché qui avait été fait au prix à la tonne de 2,60 euros et que ce marché a été parfaitement exécuté par la concluante,
-dire que la DC4 régularisée entre les parties les 27 février et 1er mars 2013 avait prévu un montant maximum de sommes à verser par paiement direct à 763.986,60 euros hors taxes ou 913 727,97 euros toutes taxes comprises,
-dire que la société LTI France a évacué un tonnage de 299.970 tonnes qui n'a jamais été contesté par la société Routes et chantiers modernes pendant le temps d'exécution du contrat et que d'autre part dans sa correspondance du 2 avril 2013 valant aveu judiciaire, la société Routes et chantiers modernes a admis et reconnu que le tonnage transporté était de 197.340 tonnes entre juin et septembre et 92 780 tonnes entre octobre et décembre soit 290.123 tonnes,
En conséquence,
-confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,
-rejeter l'appel formé par la société Routes et chantiers modernes,
Et ajoutant au jugement,
-condamner à hauteur d'appel la société Routes et chantiers modernes à payer à la société LTI France la somme de 4.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
-condamner en outre la société Routes et chantiers modernes aux entiers dépens, lesquels pourront être recouvrés par Me Frédérique Etevenard conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
L'ordonnance de clôture a été prononcée le 1er octobre 2020.
La cour renvoie, pour un plus ample exposé des faits, prétentions et moyens des parties, à la décision déférée et aux écritures susvisées, en application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.
MOTIFS
Sur la facturation contestée
La société RCM critique le jugement entrepris qui l'a condamnée à payer un solde de factures à hauteur de 60.350,88 euros et l'a déboutée de sa demande reconventionnelle en restitution d'indu, en estimant à tort qu'il s'agissait d'un marché forfaitaire.
L'appelante expose que, s'agissant d'un marché au métré, le prix dans le devis initial n'a fait l'objet que d'une estimation concernant la surface et le volume des déblais effectivement transportés sur ce chantier par la société LTI. Elle s'appuie sur le décompte général du marché définitif pour soutenir qu'elle ne doit à la société RCM qu'une somme totale limitée à 673.067,12 euros pour l'ensemble de ses travaux de déblaiement exécutés sur ce marché. Elle ajoute d'une part que le formulaire DC4 n'a pas été transmis par elle au maitre d'ouvrage, et d'autre part que les bennes des camions n'étaient pas vidées entièrement à chaque trajet selon ce qu'a pu observer son chef de chantier.
En réplique, la société LTI demande la confirmation du jugement qui a retenu que le tonnage transporté était de 197.340 tonnes entre juin et septembre et 92.780 tonnes entre octobre et décembre soit 290.123 tonnes au total, et donc condamné la société RCM à lui payer le solde restant dû.
Sur ce ;
Vu l'article 1134 ancien du code civil dans sa version applicable aux faits de l'espèce, selon lequel « les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites. »,
Vu les articles 6 et 9 du code de procédure civile, selon lesquels les parties ont la charge d'alléguer les faits propres à fonder leurs prétentions et il leur incombe de prouver conformément à la loi les faits nécessaires à leur succès,
Vu les dispositions de l'article L.110-3 du code de commerce affirmant le principe de la liberté de la preuve des actes de commerce à l'égard des commerçants,
Il ressort du devis établi par la société LTI (pièce 1 de LTI) en date du 5 juillet 2011 et signé par la société RCM avec la mention « Bon pour accord » que le tarif tonne était fixé à 2,60 euros et portant la mention manuscrite suivante : « estimé à 147.000 m3x 1,7 x2,60 environ 650.000 euros HT » .
Il s'agit donc d'un marché au métré puisque la superficie de 147.000 m3 n'était indiquée qu'à titre d'estimation sur le devis initial et que le DC4 n°4 établi par le sous-traitant a d'ailleurs fait évoluer la superficie finalement retenue en fonction du nombre de bennes effectivement déchargées selon elle.
Si la société LTI réclame une facturation en s'appuyant sur un formulaire DC4 n°4 indiquant un prix de763.980,06 euros (pièce 2 de la société LTI), néanmoins ce formulaire n'a pas été transmis au maitre d'ouvrage par la société RCM qui l'a contesté estimant que les bennes des camions de son sous-traitant n'étaient pas totalement vidées entre chaque déchargement des déblais.
Il ressort en revanche du décompte général du marché définitif établi le 2 juin 2015 notifié et accepté sans modification par le maitre de l'ouvrage (pièce 3 de la société RCM) que le tonnage des déblais réellement transportés est fixé à 152.277,63 tonnes (mention en page 3 du Décompte général).
En se fondant sur le calcul indiqué sur le devis initial qui a reçu l'acceptation des parties, le prix dû doit donc être fixé à 673.067,12 euros correspondant au nombre de m3 (152.277,63 T) x 1,7 (densité) x 2,60 (euros tarif tonne).
Il est constant que la société LTI a déjà perçu de la société RCM à titre de règlement du prix des travaux de déblaiement pour ce marché, une somme totale de 729.461,49 euros.
Il en ressort un trop perçu de (729.461,49 - 673.067,12) 56.394,37 euros, qui devra être remboursé par la société LTI à la société RCM. Cette dernière sera déboutée de sa demande en paiement au titre d'un solde restant dû sur le prix des transports de déblais.
Le jugement de première instance qui a condamné la société RCM à payer un solde de prix à la société LTI et débouté la société RCM de sa demande reconventionnelle en remboursement de trop perçu sera infirmé.
Sur les frais et dépens
La société LTI succombant supportera les entiers dépens, et devra participer aux frais irrépétibles engagés par la société RCM dans le présent litige à hauteur de 5.000 euros.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Statuant publiquement et contradictoirement,
INFIRME le jugement entrepris dans toutes ses dispositions,
Statuant à nouveau sur ces chefs infirmés,
DÉBOUTE la société LTI France de sa demande en paiement de solde du prix pour les travaux de déblaiement,
CONDAMNE la société LTI France à payer à la société Routes et chantiers modernes (RCM) la somme de 56.394,37 euros au titre du trop perçu pour le prix des transports de déblais,
CONDAMNE la société LTI France à payer à la société Routes et chantiers modernes (RCM) la somme de 5000 euros au titre des frais irrépétibles,
CONDAMNE la société LTI France à payer les entiers dépens.
Hortense VITELA-GASPAR Marie-Annick PRIGENT
Greffière Présidente