La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

26/01/2021 | FRANCE | N°18/12981

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 11, 26 janvier 2021, 18/12981


Copies exécutoiresREPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 11



ARRÊT DU 26 JANVIER 2021



(n° , 10 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 18/12981 - N° Portalis 35L7-V-B7C-B6YEP



Décision déférée à la Cour : Jugement du 02 Août 2018 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS - RG n° 18/01856





APPELANTES



SARL LES GOUTTEURS D'OR représenté par son mandataire

liquidateur la SELARL [I] YANG TING

[Adresse 1]

[Localité 5]

Représentée par Me Sandrine ZARKA, avocat au barreau de PARIS, toque : E0260



Association UNEDIC DÉLÉGATION A...

Copies exécutoiresREPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 11

ARRÊT DU 26 JANVIER 2021

(n° , 10 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 18/12981 - N° Portalis 35L7-V-B7C-B6YEP

Décision déférée à la Cour : Jugement du 02 Août 2018 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS - RG n° 18/01856

APPELANTES

SARL LES GOUTTEURS D'OR représenté par son mandataire liquidateur la SELARL [I] YANG TING

[Adresse 1]

[Localité 5]

Représentée par Me Sandrine ZARKA, avocat au barreau de PARIS, toque : E0260

Association UNEDIC DÉLÉGATION AGS CGEA IDF OUEST

[Adresse 2]

[Localité 7]

Représentée par Me Hélène NEGRO-DUVAL, avocat au barreau de PARIS, toque : L0197

INTIMÉS

Monsieur [V] [J]

[Adresse 3]

[Localité 8]

Représenté par Me Tristan AUBRY-INFERNOSO, avocat au barreau de PARIS

Madame [B] [X]

[Adresse 4]

[Localité 6]

Non représentée

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 10 Décembre 2020, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme Anne HARTMANN, Présidente de chambre, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :

Anne HARTMANN, Présidente de chambre,

Valérie CAZENAVE, Conseillère,

Laurence DELARBRE, Conseillère,

Greffier, lors des débats : Madame Mathilde SARRON

ARRÊT :

- par défaut

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Anne HARTMANN, Présidente de chambre et par Mathilde SARRON, Greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

RAPPEL DES FAITS, PROCÉDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES

La SARL Les Goutteurs d'or a conclu le 6 décembre 2013 avec Mme [B] [X] un contrat de location gérance portant sur l'exploitation d'un fonds de commerce, connu sous l'enseigne Xango Bar, propriété de Mme [X].

La SARL Les Goutteurs d'or exerce une activité de restauration et de débit de boissons.

M. [V] [J], né en 1971, a été engagé par la SARL Les Goutteurs D'or en qualité de directeur d'établissement, selon un contrat de travail en date du 17 janvier 2014.

Les relations contractuelles entre les parties étaient soumises à la convention collective nationale des Hôtels, Cafés, Restaurants.

Par jugement du 6 décembre 2017, le tribunal de commerce de Paris a prononcé la liquidation judiciaire de la société Les Goutteurs d'or. Il a désigné la SELARL [I] Yang-Ting en la personne de Maître [E] [I] en qualité de mandataire liquidateur.

M. [J] s'est alors rapproché du mandataire liquidateur afin d'être licencié.

Par courrier du 19 décembre 2017, le mandataire judiciaire a indiqué à M. [J] avoir procédé à la résiliation du contrat de location gérance le 6 décembre 2017, de sorte qu'il en a été fait retour à son propriétaire Mme [X].

Demandant la résiliation judiciaire de son contrat de travail à l'encontre du mandataire liquidateur et subsidiairement à l'encontre de Mme [X] et diverses indemnités à ce titre, M. [J] a saisi le 12 mars 2018 le conseil de prud'hommes de Paris qui, par jugement du 2 août 2018 a :

- Fixé la rupture du contrat de travail au 19 décembre 2017 ;

- Fixé la créance de M. [J] au passif de la société Les Goutteurs d'or dont la SELARL [I] Yang Ting prise en la personne de Maître [I] est mandataire liquidateur, et en présence de l'AGS CGEA IDF Ouest, aux sommes suivantes :

- 7.514,55 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis

- 751,45 euros au titre des congés payés afférents

- 12.524,25 euros au titre des dommages et intérêts pour rupture abusive

- 1.000,00 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile

- Ordonné à la SELARL [I] Yang Ting prise en la personne de Maître [I], mandataire liquidateur de la société les Goutteurs d'or, la délivrance de l'attestation Pôle Emploi, avec exécution provisoire.

- Débouté M. [J] du surplus de ses demandes

- Débouté la SELARL [I] Yang Ting prise en la personne de Maître [I] mandataire liquidateur de la société les Goutteurs d'or de sa demande formée au titre de l'article 700 du code de procédure civile

- Déclaré les créances opposables à l'AGS CGEA IDF Ouest dans la limite des articles L.3253-6 et suivants du code du travail ;

- Dit que les dépens seront inscrits au titre des créances privilégiées conformément à l'article L.622-17 du code du commerce.

Par déclarations du 14 novembre 2018, L'UNEDIC DÉLÉGATION AGS CGEA IDF Ouest et la SELARL [I]- Yang-Ting ont interjeté appel de cette décision qui leur a été notifiée le 15 octobre 2018.

Les procédures ont été jointes par ordonnance datée du 10 janvier 2019.

Par conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats, la SELARL [I] Yang-Ting prise en la personne de Maître [I], mandataire judiciaire liquidateur de la société Les Goutteurs d'or, demande à la cour de :

Infirmer le jugement du Conseil de Prud'hommes de Paris du 2 aout 2018 en ce qu'il a :

- Fixé la rupture au 19 décembre 2017

- Fixé la créance de M. [J] au passif de la société Les Goutteurs d'or représentée par la SELARL [I] Yang-Ting ès qualité aux sommes suivantes :

-7.514,55 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis

- 751,45 euros au titre des congés payés afférents

-12.524,25 euros au titre des dommages intérêts pour rupture abusive

- 1.000 euros au titre de l'article 700 du CPC

- Ordonné à la SELARL [I] ' Yang Ting prise en la personne de

Maitre [I] mandataire liquidateur de la société Les Goutteurs d'Or, la

délivrance de l'attestation Pôle Emploi, avec exécution provisoire.

- Déclaré les créances opposables à l'AGS CGEA IDF Ouest dans la limite des articles

L.3253-6 et suivants du code du travail

Statuant à nouveau,

- Dire et juger que le contrat de travail de M. [J] s'est poursuivi avec Mme [B] [X] conformément à l'article 1224-1 du code du travail,

En conséquence,

- Débouter M. [J] de l'intégralité de ses demandes à son égard,

- Condamner M. [J] à lui verser la somme de 800 euros au titre de l'article 700 du CPC

- Le condamner aux entiers dépens.

Par conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocets, l'Unedic Délégation AGS CGEA IDF Ouest demande à la cour de :

Infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a :

- Fixé la rupture du contrat de travail de M. [J] au 19 décembre 2017

- Fixé la créance de M. [J] au passif de la société Les Goutteurs d'or aux sommes suivantes :

- Préavis : 7.514,55 euros

- Congés payés afférents : 751,45 euros

- Dommages et intérêts pour rupture abusive : 12.524,25 euros

- Article 700 du CPC : 1.000,00 euros

- Ordonné à la SELARL [I] Yang Ting prise en la personne de Me [I] mandataire liquidateur de la société Les Goutteurs d'or la délivrance de l'attestation Pôle emploi avec exécution provisoire ;

- Déclaré les créances opposables à l'AGS CGEA IDF Ouest 

Statuant à nouveau,

- Donner acte au CGEA d'IDF Ouest, unité déconcentrée de l'Unédic, appelé en intervention forcée, des conditions de mise en 'uvre et des limites de sa garantie

Dire que le contrat de travail de M. [J] s'est poursuivi avec Mme [B] [X], bailleresse, conformément aux dispositions de l'article L.1224-1 du code du travail

En conséquence,

- Débouter M. [J] de l'intégralité de ses demandes en ce qu'elles sont dirigées à l'encontre de la procédure collective de la société les Goutteurs d'Or avec demande de garantie de l'AGS

Très subsidiairement,

- Dire que la garantie de l'AGS ne peut s'appliquer aux demandes relatives à la rupture du contrat de travail de M. [J], le contrat de travail n'ayant pas été rompu par le mandataire liquidateur

- Confirmer le jugement en ce qu'il a débouté M. [J] du surplus de ses demandes

Par conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats, M. [J] demande à la cour de :

- Confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a :

- Dit que la rupture du contrat est imputable à la société Les Goutteurs d'or, représentée par son mandataire liquidateur la SELARL [I] Yang Ting, prise en la personne de Me [I] ;

- Dit que la rupture du contrat s'analyse en un licenciement abusif ouvrant droit pour M. [J] à des dommages et intérêts pour rupture abusive ;

- Constaté que la rupture du contrat est intervenu en date du 19 décembre 2017 ;

- Fixé au passif de la société SARL Les goutteurs d'or :

- Au titre de l'indemnité de préavis : 7.514,55 euros

- Au titre des congés payés afférents : 751,46 euros

- Au titre de l'article 700 du CPC : 1.000 euros

- Ordonné à la SELARL [I] Yang Ting, prise en la personne de Maître [I], mandataire liquidateur de la société Les Goutteurs d'or, la délivrance de l'attestation pôle emploi

- Déclaré les créances opposables à l'AGS CGEA IDF Ouest dans la limite des article L. 3253-6 et suivants du code du travail, la rupture étant intervenue dans les 15 jours suivant le jugement d'ouverture de liquidation judiciaire en date du 6 décembre 2017 ;

- Débouté la SELARL [I] Yang Ting de sa demande au titre de l'article 700 du CPC ;

- Dit que les dépens seront inscrits au titre des créances privilégiées conformément à l'article L.622-17 du code du commerce ;

- Infirmer le jugement pour le surplus et, statuant à nouveau :

A titre principal,

- Fixer au passif de la société SARL Les Goutteurs d'or les sommes suivantes :

- A titre de dommages et intérêts pour licenciement abusif : 50.000 euros cette somme à caractère indemnitaire étant nette de tous prélèvements sociaux ;

- Au titre de l'indemnité légale de licenciement : 2.504,85 euros

- A titre de dommages et intérêts pour privation du bénéfice du contrat de sécurisation professionnelle : 6.262,20 euros cette somme à caractère indemnitaire étant nette de tous prélèvements sociaux ou,

- Au titre des dommages et intérêts pour licenciement irrégulier : 2.504,85 euros nets ;

- Condamner la société SARL Les Goutteurs d'or, représentée par la SELARL [I] Yang-Ting à remettre à M. [J] des documents de fin de contrat conformes à l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 50 euros par jour de retard

- Condamner la SELARL [I] Yang Ting à payer à M. [J] la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du CPC ;

- Condamner la SELARL [I] Yang Ting aux entiers dépens de l'instance

Subsidiairement, dans l'hypothèse où la Cour ne ferait pas droit à la demande de dommages et intérêts pour perte de bénéfice des conditions relatives au chômage pour motif économique,

Condamner la SELARL [I] Yang Ting à remettre à M. [J] une attestation Pôle Emploi précisant le motif économique de la rupture du contrat, sous astreinte de 50 euros par jour de retard.

A titre subsidiaire, dans l'hypothèse où la Cour considérait que le contrat de travail de M. [J] a été transféré à Mme [B] [X] en sa qualité d'entrepreneur en nom personnel immatriculé au RCS de Paris sous le numéro 327 794 855,

Constater que la rupture du contrat de travail est imputable à la société unipersonnelle [B] [X] et est intervenue en date du 6 décembre 2017, faute pour cette dernière d'avoir fourni du travail à M. [J] et de l'avoir rémunéré des salaires lui étant dus ;

Condamner la société unipersonnelle [B] [X] à payer à M. [J] les sommes suivantes :

A titre de dommages et intérêts pour licenciement abusif : 50.000 euros, cette somme à caractère indemnitaire étant nette de tous prélèvements sociaux ;

Au titre de l'indemnité légale de licenciement : 2.504,85 euros

Au titre de l'indemnité de préavis : 7.514,55 euros

Au titre des congés payés afférents : 751,46 euros

Au titre des dommages et intérêts pour licenciement irrégulier : 2.504,85 euros ;

Condamner la société unipersonnelle [B] [X] à remettre à M. [J] des documents de fins de contrat conformes à la décision à intervenir, sous astreinte de 50 euros par jour de retard ;

Condamner la société unipersonnelle [B] [X] à payer à M. [J] la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamner la société unipersonnelle [B] [X] aux entiers frais et dépens d'instance.

Mme [B] [X] n'a pas constitué avocat, la déclaration d'appel et les conclusions d'appel lui ont été régulièrement signifiées par voie d'huissier le 7 février 2019, l'acte étant remis à l'étude de l'huissier instrumentaire.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des moyens et des prétentions des parties, la cour se réfère à leurs conclusions écrites ainsi qu'au jugement déféré.

SUR CE, LA COUR

La SELARL [I] Yang Ting, mandataire liquidateur de la société les Goutteurs d'or, soutient qu'elle a résilié de façon régulière le contrat de location gérance, ce dont elle justifie, que c'est à tort que les premiers juges ont dit qu'en raison de l'irrégularité de la résiliation, le contrat de travail de M. [J] n'avait pas été transféré.

Elle fait également valoir que, le contrat de location-gérance ayant été résilié, le contrat de travail de M. [J] a été repris par Mme [X] conformément à l'article 1224-1 du code du travail, que dès lors aucune rupture abusive ne peut lui être reprochée, qu'il n'est apporté aucun élément de nature à démontrer la ruine du fonds rendant son exploitation impossible tel un incendie ou un cas de force majeure, que la liquidation judiciaire entraînant toute cessation d'activité, il devait mettre fin à la location-gérance, que les premiers juges ont fait une interprétation erronée du courrier daté du 19 décembre 2017, que les demandes de M. [J] ne pouvaient être dirigées qu'à l'égard de Mme [X], qu'en tout état de cause, M. [J] n'étaie d'aucun élément sa demande de dommages et intérêts qu'il présente au visa de l'article L1235-5 du code du travail.

L'Unédic soutient que lorsqu'une société locataire-gérante d'un fonds de commerce fait l'objet d'un jugement de liquidation judiciaire, il appartient au mandataire-liquidateur de notifier au bailleur la résiliation du contrat de location -gérance et de l'informer du transfert des contrats de travail conformément aux dispositions de l'article L.1224-1 du code du travail, la seule exception au transfert des contrats de travail étant la ruine du fonds, notion appréciée très restrictivement, qu'en l'espèce, à la suite de la liquidation judiciaire de la société les Goutteurs d'or, le contrat de location-gérance a été résilié par le mandataire liquidateur, de sorte qu'il en a été fait retour à son propriétaire, Mme [X], qu'en application de l'article L. 1244-1, le contrat de travail de M. [J] a été transféré à Mme [X], que M. [J] n'apporte aucun élément de nature à démontrer la ruine du fonds rendant son exploitation impossible, que la retraite envisagée de Mme [X] est inopposable, que le mandataire liquidateur devait mettre fin à la location-gérance, la cession du fonds n'étant pas envisageable. Il ajoute qu'en tout état de cause, la garantie de l'AGS ne s'applique pas aux demandes de M. [J] relatives aux indemnités de rupture du contrat de travail au regard des dispositions des articles L1224-1 et L3253-8 2° du code du travail.

M. [J] fait valoir que la résiliation du contrat de location-gérance par le mandataire liquidateur est irrégulière en ce que l'accusé de réception versé aux débats ne comporte aucune date certaine, que la date de réception est raturée et que le tampon de la poste est invisible, que le jour indiqué sur le tampon semble être le 15, ce qui correspondrait au 15 janvier 2018, que les prétendues preuves de dépôt ne permettent pas de déterminer avec certitude la date de résiliation du contrat de location-gérance. Il soutient que dès lors, son contrat de travail n'a pas pu être transféré à Mme [X] et qu'il appartenait au mandataire liquidateur de le licencier pour motif économique. Il ajoute que le transfert des contrats de travail ne peut s'opérer qu'au bénéfice d'un nouvel employeur, ce qui n'est pas le cas en l'espèce en l'absence de nouvel exploitant du fonds de commerce, qu'en outre, les dispositions de l'article L. 1224-1 du code du travail ne s'appliquent pas non plus si le fonds n'est plus exploitable, ce qui est caractérisé lorsque toute activité avait cessé avant l'expiration du bail, qu'en l'espèce il n'a pas pu échapper au mandataire liquidateur que le fond de commerce ne pouvait plus être exploité par Mme [X], propriétaire non exploitant du fonds, et qu'elle ne pouvait dès lors avoir la qualité d'employeur, que le caractère inexploitable du fonds de commerce était caractérisé dès lors que la cessation totale de l'activité du fonds de commerce est intervenue dès le 26 octobre 2017, que l'ouverture de la liquidation judiciaire est intervenue un mois et demi après la fermeture de l'établissement, de telle sorte qu'il n'existait plus de clientèle à cette date, que l'absence de viabilité économique du fonds de commerce a conduit à la résiliation du contrat de location-gérance et que Mme [X] ne disposait plus des moyens humains et matériels permettant son exploitation. Il indique que par conséquent, la résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts de la société les Goutteurs d'Or est intervenue à la date à laquelle le mandataire liquidateur l'a informé de la rupture de la relation contractuelle avec la société Les Goutteurs d'or soit le 19 décembre 2017, si bien que l'AGS est tenue de garantir les sommes fixées au passif de la liquidation judiciaire.

A titre subsidiaire, il sollicite la résiliation du contrat aux torts de Mme [B] [X] dans la mesure où celle-ci s'est non seulement abstenue de lui fournir du travail et ce, dès le 6 décembre 2017 mais s'est également abstenue de lui verser les salaires qui lui étaient dûs sans pour autant engager de procédure disciplinaire à son encontre.

Sur la régularité de la résiliation du contrat de location-gérance

Il résulte des pièces versées aux débats que le mandataire liquidateur a adressé une lettre recommandée avec accusé de réception à Mme [X] le 19 décembre 2017 pour l'informer qu'il résiliait le contrat de location gérance et qu'il lui faisait retour du fonds avec l'ensemble des salariés y attachés, en précisant que la résiliation et le retour du fonds ainsi que des salariés étaient d'effet au 6 décembre 2017.

Il est justifié que cette lettre recommandée a été déposée à la Poste le 20 décembre 2017.

Le mandataire liquidateur justifie également que ce courrier de résiliation a bien été réceptionné par Madame [X] qui a signé l'accusé de réception et qui a reconnu devant le conseil des prud'hommes en avoir été informée.

Il y a lieu de considérer que la résiliation du contrat de location-gérance est régulière. Le jugement déféré est infirmé.

Sur la résiliation du contrat de travail aux torts de la SARL Les Goutteurs d'or

L'article L. 1224-1 du code du travail dispose que « lorsque survient une modification dans la situation juridique de l'employeur, notamment par succession, vente, fusion, transformation du fonds, mise en société de l'entreprise, tous les contrats de travail en cours au jour de la modification subsistent entre le nouvel employeur et le personnel de l'entreprise. »

Ces dispositions sont d'ordre public et s'imposent aux parties.

L'article L. 1224-1 s'applique toutes les fois qu'il y a transfert d'une entité économique autonome conservant son identité et dont l'activité est poursuivie ou reprise et notamment, lorsque par suite de la résiliation du contrat de location-gérance par le mandataire liquidateur, le fonds de commerce revient dans le patrimoine du bailleur, à la condition que l'activité n'a pas totalement disparu, que l'entreprise subsiste et que son exploitation est susceptible d'être poursuivie, ou que le fonds n'est pas en ruine, c'est à dire dès lors qu'il est constaté le transfert d'une entité économique constituée d'un ensemble organisé de personnes ou d'éléments corporels ou incorporels permettant l'exercice d'une activité économique qui poursuit un objectif propre.

En l'espèce, les pièces produites aux débats sont insuffisamment probantes pour établir que le fonds de commerce était en ruine ou que son activité ne pouvait plus être exploitée notamment en raison de l'absence de toute clientèle, quand bien même ce fonds de commerce était fermé depuis le 26 octobre 2017 et qu'une procédure de liquidation judiciaire a été ouverte le 6 décembre 2017.

Le seul fait que Mme [X], propriétaire du fonds de commerce, avait fait valoir ses droits à la retraite et qu'elle ne pouvait elle-même exploiter ce fonds est inopérant.

L'article L. 1224-1 du code du travail est applicable en ce qu'il y a, à défaut d'éléments contraires probants, transfert d'une entité économique autonome conservant son identité et dont l'activité peut être poursuivie ou reprise.

Le contrat de travail de M. [J] a donc été transféré à Mme [X], propriétaire du fonds de commerce suite à la résiliation du contrat de location-gérance le 19 décembre 2017.

Il y a donc lieu de débouter M. [J] de l'intégralité de ses demandes dirigées à l'encontre de la SELARL [I] Yang Ting et de l'Unédic Délégation AGS CGEA IDF Ouest.

Sur la résiliation du contrat de travail aux torts de Mme [B] [X]

Il y a lieu de constater que depuis le 19 décembre 2017, suite à la résiliation et au retour du fonds de commerce et des contrats de travail au propriétaire du fonds de commerce, Mme [B] [X] n'a pas fourni de travail à M. [J] et qu'elle ne lui a pas versé ses salaires.

La résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts de Mme [B] [X] doit dès lors être prononcée en raison des graves manquements qui lui sont imputables et qui rendent impossible la poursuite du contrat de travail à compter du prononcé de l'arrêt.

La résiliation judiciaire aux torts de l'employeur produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

M. [J] a droit aux indemnités de rupture ainsi qu'à des dommages et intérêts venant réparer le préjudice subi.

- sur l'indemnité compensatrice de préavis

M. [J] sollicite une indemnité compensatrice de préavis de 7.514,55 euros, soit trois mois de salaire, sur la base d'un salaire mensuel moyen de 2.504,85 euros, calculé sur les douze derniers mois travaillés.

Il résulte de l'article L.1234-1 du code du travail que lorsque le licenciement n'est pas motivé par une faute grave, le salarié a droit :

"1° S'il justifie chez le même employeur d'une ancienneté de services continus inférieure à six mois, à un préavis dont la durée est déterminée par la loi, la convention ou l'accord collectif de travail ou, à défaut, par les usages pratiqués dans la localité et la profession ;

2° S'il justifie chez le même employeur d'une ancienneté de services continus comprise entre six mois et moins de deux ans, à un préavis d'un mois ;

3° S'il justifie chez le même employeur d'une ancienneté de services continus d'au moins deux ans, à un préavis de deux mois.

Toutefois, les dispositions des 2° et 3° ne sont applicables que si la loi, la convention ou l'accord collectif de travail, le contrat de travail ou les usages ne prévoient pas un préavis ou une condition d'ancienneté de services plus favorable pour le salarié".

Il résulte de la convention collective des hôtels, cafés et restaurants que le préavis est de trois mois pour les cadres dont l'ancienneté est égale ou supérieure à 2 ans.

Cette disposition plus favorable doit s'appliquer à M. [J].

Il y a lieu de faire droit à sa demande et de lui allouer la somme de 7.514, 55 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis, outre la somme de 751, 45 euros au titre des congés payés y afférents.

- sur l'indemnité légale de licenciement

Il résulte des articles L. 1234-9 et R. 1234-2 du code du travail dans sa rédaction applicable au présent litige que l'indemnité légale de licenciement ne peut être inférieure à un quart de mois de salaire par année d'ancienneté.

M. [J] est entré au service de la société Les Goutteurs d'or le 17 janvier 2014.

Il y a lieu de faire droit à sa demande dans les limites de celle-ci et de lui allouer la somme de 2.504,85 euros à ce titre.

- sur les dommages et intérêts au titre de l'absence de cause réelle et sérieuse du licenciement

La résiliation du contrat , prononcée par la cour produisant les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, M. [J] a droit à des dommages et intérêts venant réparer le préjudice subi sur le fondement des articles L.1235-3 et L.1235-3-2 du code du travail, dans sa version applicable au présent litige. L'entreprise occupant habituellement moins de onze salariés et compte tenu de son ancienneté, il a droit au minimum à 2 mois de salaire brut.

M. [J] fait valoir l'inconventionnalité du barème inscrit à l'article L. 1235-3 du code du travail au regard de l'article 10 de la convention n°158 de l'organisation internationale du travail et de l'article 24 de la charte sociale européenne, textes qui sont d'application directe et dont la valeur normative est supérieure aux règles de droit interne. Il demande à la cour d'écarter ce barème au profit d'une juste indemnisation de son préjudice et fait valoir qu'il n'a pas été formellement licencié, de telle sorte qu'il a été privé de la possibilité d'adhérer à Pôle Emploi à la suite de cette rupture, qu'il a dû attendre la notification du jugement du conseil des prud'hommes le 12 octobre 2018 pour être admis au bénéfice de l'ARE, qu'il a été privé des indemnités chômage entre le 6 décembre 2017 et le 6 août 2018 soit pendant 8 mois, et qu'il n'a pas retrouvé d'emploi depuis le mois de décembre 2017. Il sollicite dès lors des dommages et intérêts à hauteur de 50 000 euros.

Il y a lieu d'observer que le barème inscrit à l'article L. 1235-3 du code du travail a été déclaré conforme à la Constitution par une décision du Conseil constitutionnel en date du 21 mars 2018 et que le Conseil d'Etat, dans un arrêt du 7 décembre 2017, avait rejeté en référé la demande de suspension de l'article 2 de l'ordonnance 2017-1387 instituant ce barème, considérant que les auteurs de cette ordonnance n'avaient pas entendu faire obstacle à ce que le juge détermine, à l'intérieur des limites fixées par ce barème, le montant de l'indemnisation versée à chaque salarié en prenant en compte d'autres critères liés à la situation particulière de celui-ci.

En l'espèce, le montant minimal prévu par le barème, n'empêche pas le juge de déterminer le préjudice réel subi par le salarié du fait de son licenciement injustifié en fonction des éléments qu'il expose.

M. [J] était âgé de 46 ans au moment de la rupture du contrat de travail. Il justifie de ce qu'il est inscrit sur la liste des demandeurs d'emploi depuis le 30 juillet 2018 et qu'il a été admis au bénéfice des allocations d'aide au retour à l'emploi le 16 octobre 2018 mais rétroactivement au 6 août 2018. Il ressort par ailleurs des pièces produites qu'il a retrouvé un emploi entre le 25 novembre 2019 et le 31 juillet 2020 et qu'il est de nouveau demandeur d'emploi depuis cette date.

En considération de sa situation particulière et eu égard notamment à son âge, à l'ancienneté de ses services, à sa formation et à ses capacités à retrouver un nouvel emploi, la cour dispose des éléments nécessaires pour évaluer la réparation qui lui est due à la somme de 20. 000 euros nets.

-sur les dommages et intérêts pour licenciement irrégulier

Il résulte de l'article L.1235-2 du code du travail que lorsqu'une irrégularité a été commise au cours de la procédure, notamment si le licenciement d'un salarié intervient sans que la procédure requise aux articles L.1232-2, L.1232-3, L.1232-4, L.1233-11, L.1233-12 et L.1233-13 ait été observée ou sans que la procédure conventionnelle ou statutaire de consultation préalable au licenciement ait été respectée, mais pour une cause réelle et sérieuse, le juge accorde au salarié, à la charge de l'employeur, une indemnité qui ne peut être supérieure à un mois de salaire.

A contrario, lorsque le licenciement est dénué de cause réelle et sérieuse, il n'y a pas lieu d'allouer au salarié une indemnité pour irrégularité de la procédure en sus de celle pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Il y a donc lieu de débouter M. [J] de sa demande.

Sur les autres demandes

Il convient d'ordonner à Mme [B] [X] de remettre à M. [V] [J] les documents de fin de contrat (attestation Pôle Emploi, certificat de travail, solde de tout compte et bulletin de salaire récapitulatif) conformes au présent arrêt, et ce, dans le délai de deux mois à compter de la notification de celui-ci, sans qu'il y ait besoin de prononcer une astreinte.

Il apparaît équitable de condamner Mme [B] [X] à payer à M. [V] [J] la somme de 1.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Il y a lieu de débouter les parties du surplus de leurs demandes.

Mme [B] [X] sera en outre condamnée aux dépens de première instance et d'appel.

PAR CES MOTIFS,

La cour,

INFIRME le jugement déféré en toutes ses dispositions

Statuant de nouveau et y ajoutant,

DIT que la résiliation du contrat de location gérance est régulière,

DIT qu'en application de l'article L1224-1 du code du travail, le contrat de travail de M. [J] a été transféré à Mme [B] [X],

DÉBOUTE en conséquence M. [V] [J] de toutes ses demandes à l'encontre de la SELARL [I] Yang Ting et de L'UNEDIC DÉLÉGATION AGS CGEA IDF OUEST,

PRONONCE la résiliation du contrat de travail aux torts de Mme [B] [X] à compter de ce jour,

DIT que cette résiliation produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse,

CONDAMNE Mme [B] [X] en qualité d'exploitante en nom personnel à payer à M. [V] [J] les sommes suivantes :

-7514,55 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis

- 751, 45 euros au titre des congés payés y afférents

- 2504, 85 euros au titre de l'indemnité légale de licenciement

- 20 000 euros nets à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi en raison du licenciement sans cause réelle et sérieuse.

RAPPELLE que les créances salariales portent intérêts au taux légal à compter de la réception par l'employeur de sa convocation devant le conseil de prud'hommes tandis que les créances indemnitaires portent intérêts au taux légal à compter de la notification de la décision en fixant tout à la fois le principe et le montant,

ORDONNE à Mme [B] [X] de remettre à M. [V] [J] les documents sociaux (bulletin de paie récapitulatif, certificat de travail, attestation Pôle Emploi et solde de tout compte) conformes au présent arrêt et ce, dans le délai de deux mois à compter de la notification de celui-ci,

CONDAMNE Mme [B] [X] à payer à M. [V] [J] la somme de 1.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

DÉBOUTE les parties du surplus de leurs prétentions

CONDAMNE Mme [B] [X] aux dépens de première instance et d'appel

LE GREFFIERLE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 11
Numéro d'arrêt : 18/12981
Date de la décision : 26/01/2021

Références :

Cour d'appel de Paris L2, arrêt n°18/12981 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2021-01-26;18.12981 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award