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22/01/2021 | FRANCE | N°17/09831

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 12, 22 janvier 2021, 17/09831


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS







COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 12



ARRÊT DU 22 Janvier 2021



(n° , 6 pages)





Numéro d'inscription au répertoire général : S N° RG 17/09831 - N° Portalis 35L7-V-B7B-B3ZTB



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 06 Juin 2017 par le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale d'EVRY RG n° 15/00798





APPELANTE

SOCIETE CARREFOUR HYPERMARCHES

[Adresse 1]

[Localité 3]>
représentée par Me Véronique BENTZ, avocat au barreau de LYON, toque : 1025 substituée par Me Adrien ROUX DIT BUISSON, avocat au barreau de LYON, toque : 2085





INTIMEE

CPAM 83 - VAR

[Adress...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 12

ARRÊT DU 22 Janvier 2021

(n° , 6 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S N° RG 17/09831 - N° Portalis 35L7-V-B7B-B3ZTB

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 06 Juin 2017 par le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale d'EVRY RG n° 15/00798

APPELANTE

SOCIETE CARREFOUR HYPERMARCHES

[Adresse 1]

[Localité 3]

représentée par Me Véronique BENTZ, avocat au barreau de LYON, toque : 1025 substituée par Me Adrien ROUX DIT BUISSON, avocat au barreau de LYON, toque : 2085

INTIMEE

CPAM 83 - VAR

[Adresse 4]

[Adresse 4]

[Localité 2]

représentée par Me Rachel LEFEBVRE, avocat au barreau de PARIS, toque : D1901

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 27 Novembre 2020, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Sophie BRINET, Présidente de chambre, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Sophie BRINET, Présidente de chambre

Monsieur Lionel LAFON, Conseiller

Monsieur Gilles REVELLES, Conseiller

Greffier : Mme Venusia DAMPIERRE, lors des débats

ARRET :

- CONTRADICTOIRE

- prononcé

par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

-signé par Madame Sophie BRINET, Présidente de chambre et par Madame Alice BLOYET, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

La cour statue sur l'appel interjeté par la société Carrefour Hypermarchés, ci-après la société, à l'encontre du jugement n°15-00798 rendu le 6 juin 2017 par le tribunal des affaires de sécurité sociale d'Evry dans un litige l'opposant à la caisse primaire d'assurance maladie du Var, ci-après la caisse.

FAITS, PROCÉDURE, PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES :

Les faits de la cause ont été exactement exposés dans la décision déférée à laquelle il est fait expressément référence à cet égard.

Il suffit de rappeler que la société Carrefour a complété le 1er février 2011, une déclaration d'accident du travail concernant l'une de ses salariés, Mme [B] [U], employée comme hôtesse de caisse.

Selon cette déclaration :

' En se rendant à un pot de départ d'une collège dans une salle du magasin, elle a glissé sur une tâche de pétrole sur le sol et a glissé'.

- jour, date et heure de l'accident : 28 janvier 2011 à 12h45,

- horaires de travail le jour de l'accident : de 8h30 à 14h30,

- siège des lésions : non précisé, global,

- nature des lésions : douleur(s).

Mme [U] a été transportée à la polyclinique mutualiste H. Malartic et le certificat médical initial du 28 janvier 2011 mentionne : 'Entorse cervicale' et prescrit un arrêt de travail jusqu'au 6 février 2011.

Le 10 février 2011, la caisse a notifié à la société sa décision de prendre en charge l'accident d'emblée au titre de la législation professionnelle.

Le 16 novembre 2011, la caisse a informé la société que Mme [U] était apte à reprendre une activité professionnelle à la date du 1er décembre 2011.

Contestant l'opposabilité de la prise en charge des arrêts et soins prescrits à Mme [U] au titre de l'accident du 28 janvier 2011, la société a saisi, le 30 août 2013, la commission de recours amiable puis le 6 juillet 2015 le tribunal des affaires de sécurité sociale d'Evry lequel par jugement du 6 juin 2017, l'a déclarée irrecevable en son recours pour cause de forclusion.

C'est le jugement attaqué par la société qui fait déposer et soutenir oralement par son conseil des conclusions invitant la cour à :

- Déclarer son appel recevable et bien fondé

Y faisant droit,

- Infirmer le jugement en ce qu'il a déclaré irrecevable comme forclos son recours visant à obtenir l'inopposabilité à son égard des décisions itératives de prise en charge des arrêts et soins prescrits à Mme [U] au titre de son accident du 28 janvier 2011,

Statuant à nouveau :

A titre principal,

- Dire et juger que l'ensemble des conséquences financières résultant de la prise en charge des arrêts de travail et soins prescrits à Mme [U] ou à tout le moins les prestations servies à compter du 7 février 2011, voire postérieurement au 28 avril 2011, ne sont pas à sa charge et ne doivent notamment pas figurer à son compte employeur,

A titre subsidiaire,

- Ordonner une expertise médicale judiciaire, le litige intéressant les seuls rapports caisse /employeur, afin de vérifier la justification des soins et arrêts de travail pris en charge par la caisse au titre de l'accident dont Mme [U] a déclaré avoir été victime le 28 janvier 2011,

- Nommer tel expert avec pour mission de notamment, de dire si les arrêts de travail et soins prescrits à la victime sont en relation directe et exclusive avec l'accident du travail déclaré, dans l'hypothèse où une partie seulement serait imputable à l'accident, de détailler ces arrêts et soins en relation avec l'accident et fournir tous renseignements utiles sur celle-ci et sur l'éventualité d'un état pathologique préexistant ou indépendant de l'accident et évoluant pour son propre compte, fixer la durée de l'arrêt de travail en rapport avec cet état pathologique indépendant et fixer celle ayant un lien direct et exclusif avec l'accident initial, fixer la date de consolidation de l'état de santé de la victime, rédiger un pré-rapport à soumettre aux parties, intégrer dans le rapport d'expertise final les commentaires de chaque partie concernant le pré-rapport et les réponses apportées à ces commentaires.

- Renvoyer les parties à une audience ultérieure pour qu'il soit débattu du caractère professionnel des arrêts et soins,

- Condamner la caisse à faire l'avance des frais et honoraires engagés du fait de la mesure d'expertise médicale judiciaire,

- En tout état de cause condamner la caisse aux dépens d'instance.

Concernant la recevabilité de son recours, la société fait valoir que ce recours, concernant exclusivement le caractère professionnel des soins et arrêts prescrits et pris en charge pendant 307 jours au titre de l'accident du travail, n'est enfermé dans aucun délai.

Elle soutient en outre qu'en l'absence de preuve par la caisse de l'envoi d'un courrier l'informant d'un quelconque délai de contestation de l'imputabilité des arrêts et soins prescrits au titre de l'accident du travail de sa salariée, elle était recevable à contester l'imputabilité des arrêts et soins prescrits à Mme [U] au titre de l'accident du travail du 28 janvier 2011, aucun délai n'ayant couru.

Sur l'inopposabilité des arrêts de travail et des soins, elle fait valoir que la caisse n'établit pas la continuité des symptômes et des soins qui est la condition d'application de la présomption d'imputabilité des soins et arrêts de travail à l'accident initial.

Elle s'appuie sur l'avis de son médecin conseil, le docteur [I], qui dans sa note établie le 26 janvier 2016, met en évidence une interruption dans la prescription d'arrêts de travail et de soins entre le 7 et le 27 février 2011.

Elle ajoute que le docteur [I] relève la mention 'traumatisme du rachis cervical + épaule droite' sur l'ensemble des certificats médicaux de prolongation prescrits à compter du 28 février 2011, ce qui atteste dans le processus de guérison d'un état pathologique indépendant à savoir un traumatisme de l'épaule.

La caisse fait déposer et soutenir oralement par son conseil des conclusions aux termes desquelles elle demande à la cour de :

- Confirmer en toutes ses dispositions le jugement,

In limine litis,

- Prononcer une fin de non recevoir et déclarer irrecevable le recours de la société,

Sur la procédure,

- Confirmer que la société ne saisit la cour que d'une demande d'infirmation du jugement de première instance et d'une demande d'expertise,

En conséquence,

- Confirmer que la cour statuera sur ces seules prétentions,

Sur le fond,

- Confirmer l'opposabilité à l'encontre de la société de la décision de prendre en charge l'intégralité des prestations, soins et arrêts de travail prescrits à Mme [U] suite à l'accident dont elle a été victime, le 28 janvier 2011,

- Rejeter toute demande d'expertise,

Si par extraordinaire la cour faisant droit à la demande d'expertise de la société,

- Confirmer que l'expert aura pour mission dans l'hypothèse ou une partie des soins et arrêts aurait pour origine un état pathologique préexistant, de détailler les soins et arrêts en relation de causalité avec l'accident par origine ou aggravation, de dire s'il existait un état pathologique préexistant non influencé par l'accident et évoluant pour son propre compte, dans le respect du secret médical, l'employeur n'ayant pas à connaître l'état de santé général de son salarié,

- Réserver les dépens incluant les frais d'expertise.

Elle soutient que la décision relative à la reprise du travail et l'arrêt de l'indemnisation de Mme [U] au titre de l'accident du 28 janvier 2011 à compter du 1er décembre 2011 lui ayant été notifiée le 16 novembre 2011, la société était forclose en saisissant la commission de recours amiable tardivement le 30 août 2013.

Elle fait valoir qu'au regard des dispositions de l'article 954 du code de procédure civile, les 'dire et juger'contenus dans le dispositif des conclusions de l'appelante ne constituent pas une prétention et que par conséquent la cour n'est saisie que d'une demande d'infirmation du jugement de première instance et d'une demande d'expertise.

Sur le fond, elle soutient que la continuité des soins et symptômes est prouvée notamment par des captures d'écran et par le fait que l'assurée a perçu des indemnités journalières, suite à l'accident du travail du 28 janvier 20 11, en continu jusqu'au 30 novembre 2011, date de la consolidation.

Elle rappelle que la présomption d'imputabilité s'étend à toute la période allant jusqu'à la consolidation et que l'employeur peut la détruire en démontrant l'existence d'une cause totalement étrangère au travail, l'expertise ne pouvant suppléer la carence de celui-ci dans l'administration de la preuve.

Il est fait référence aux écritures ainsi déposées de part et d'autre pour un plus ample exposé des moyens proposés par les parties au soutien de leurs prétentions.

SUR CE,

Sur la forclusion :

La caisse soulève l'irrecevabilité de l'action engagée par la société pour forclusion, au motif que la décision relative à la reprise du travail et à l'arrêt de l'indemnisation de Mme [U] au titre de son accident du travail en date du 28 janvier 2011 à compter du 1er décembre 2011 ayant été notifiée le 16 novembre 2011 à la société, celle-ci avait deux mois pour saisir la commission de recours amiable or elle ne l'a fait que le 30 août 2013, soit près de deux ans plus tard.

Toutefois, ni le courrier informant la société de la consolidation de l'étatd e santé de Mme [U] ni aucun autre courrier n'informait l'employeur d'un quelconque délai de contestation de l'imputabilité des arrêts et soins prescrits à Mme [U] au titre de l'accident du travail du 28 janvier 2011.

Rien ne justifie la réception par la société de la notification du 16 novembre 2011 invoquée par la caisse et ce courrier ne mentionne pas le délai de deux mois dans lequel l'employeur avait la possibilité de saisir la commission de recours amiable.

La forclusion ne peut pas être opposée à la société qui n'a pas été expressément informée des délais et modalités de recours.

Le jugement entrepris devra donc être infirmé sur ce point.

Sur les demandes de formées par la société :

La caisse demande à la cour de ne pas statuer sur les demandes formulées dans le dispositif des conclusions de la société sous la forme de 'dire et juger' qui ne sont pas des prétentions au sens de l'article 954 du code de procédure civile, mais ces dispositions ne trouvent pas à s'appliquer en matière de procédure orale.

Les conclusions de la société ont été soutenues oralement à l'audience par son conseil et il sera donc statué sur l'ensemble des demandes et prétentions formulées par la société reprises lors des débats.

Au fond :

En application de l'article L 411 - 1 du code de la sécurité sociale, la présomption d'imputabilité au travail des lésions apparues à la suite d'un accident au travail s'étend aux soins et arrêts de travail prescrits à la victime jusqu'à la date de consolidation de son état de santé ou celle de sa guérison dès lors qu'il y a continuité de symptômes et de soins.

La preuve de la continuité de symptômes et de soins est à la charge de la partie qui se prévaut de l'application de la présomption d'imputabilité.

En l'espèce, la matérialité de l'accident de Mme [U] n'est pas contestée par la société qui critique la relation de causalité entre le sinistre déclaré et les arrêts et soins prescrits et pris en charge.

Pour justifier la prise en charge des soins et arrêts de travail prescrits à la suite de cet accident, la caisse produit

- la déclaration d'accident du travail établie par l'employeur le 1er février 2011,

- le certificat médical initial établi le jour de l'accident soit le 28 janvier 2011 par le docteur [H] [F] au service des urgences de la clinique H Malartic, faisant état d'une entorse cervicale et prescrivant un arrêt de travail jusqu'au 6 février 2011,

- les captures d'écran du logiciel Progrès de traitement des prescriptions d'arrêt de travail et de paiement des indemnités journalières,

- les captures d'écran du logiciel Orphée de traitement des accidents de travail et maladies professionnelles,

- les certificats médicaux de prolongation avec arrêts de travail, rédigés par le docteur [Z], à compter du 28 février 2011 et jusqu'au 30 novembre 2011, pour 'Traumatisme du rachis cervical + épaule droite',

- l'avis de consolidation par le médecin conseil selon lequel Mme [U] était apte à reprendre une activité professionnelle le 1er décembre 2011.

La caisse ne produit pas de certificat médical prescrivant un arrêt de travail ou des soins entre le 7 février et le 27 février 2011.

La production par la caisse d'impressions d'écran de ses logiciels de gestion n'est pas de nature à établir l'imputabilité de soins et arrêts de travail à l'accident du travail dont Mme [U] a été la victime.

La caisse n'établit donc pas au-delà du 7 février 2011 la continuité des arrêts de travail, pas plus qu'une continuité de symptômes et de soins, en l'espèce rompue à partir de cette date.

Dès lors la caisse ne peut se prévaloir de la présomption d'imputabilité postérieurement au 7 février 2011.

En conséquence, les arrêts de travail et soins postérieurs au 7 février 2011 prescrits à Mme [U] seront déclarés inopposables à la société.

La caisse supportera les dépens de l'instance d'appel.

PAR CES MOTIFS

La cour

Rejette le moyen tiré de l'irrecevabilité du recours de la société Carrefour Hypermarchés pour forclusion,

Infirme le jugement rendu par le tribunal des affaires de sécurité sociale d'Evry le 6 juin 2017 en toutes ses dispositions ;

Statuant à nouveau, sur l'ensemble des demandes contenues dans les conclusions déposées et soutenues oralement à l'audience du 27 novembre 2020 par les parties,

Déclare inopposable à la société Carrefour Hypermarchés l'ensemble des prestations, soins et arrêts prescrits à compter du 7 février 2011, à Mme [B] [U],

Déboute les parties du surplus de leurs demandes,

Laisse les dépens d'appel à la charge de la caisse primaire d'assurance maladie du Var.

La greffière, La présidente.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 12
Numéro d'arrêt : 17/09831
Date de la décision : 22/01/2021

Références :

Cour d'appel de Paris L3, arrêt n°17/09831 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2021-01-22;17.09831 ?
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