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21/01/2021 | FRANCE | N°18/24045

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 5 - chambre 9, 21 janvier 2021, 18/24045


REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS





COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 5 - Chambre 9



ARRET DU 21 JANVIER 2021



(n° , 16 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 18/24045 - N° Portalis 35L7-V-B7C-B6XA6



Décision déférée à la Cour : Jugement du 30 Octobre 2018 - Tribunal de Commerce de PARIS - RG n° J201800049





APPELANT



Monsieur [D] [A]

en qualité d'ancien président du [7]

[Adresse 5]

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Représenté par Me Arnaud GUYONNET de la SCP AFG, avocat au barreau de PARIS, toque : L0044, avocat postulant

comparant en personne et assisté de Me Thierry MONTERAN, avocat au barreau de PARIS, ...

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 9

ARRET DU 21 JANVIER 2021

(n° , 16 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 18/24045 - N° Portalis 35L7-V-B7C-B6XA6

Décision déférée à la Cour : Jugement du 30 Octobre 2018 - Tribunal de Commerce de PARIS - RG n° J201800049

APPELANT

Monsieur [D] [A]

en qualité d'ancien président du [7]

[Adresse 5]

[Localité 4]

Représenté par Me Arnaud GUYONNET de la SCP AFG, avocat au barreau de PARIS, toque : L0044, avocat postulant

comparant en personne et assisté de Me Thierry MONTERAN, avocat au barreau de PARIS, toque : P0261, substitué par Me Guillaume BRILLATZ, avocat plaidant

INTIMES

Monsieur [P] [T]

[Adresse 2]

[Localité 6]

Représenté par Me Frédéric INGOLD de la SELARL INGOLD & THOMAS - AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : B1055, avocat postulant

Représenté par Me Béatrice HIEST NOBLET, avocat au barreau de PARIS, toque : P0311, avocat plaidant

SELARL FIDES, en la personne de Me [I] [C], en qualité de liquidateur judiciaire du [7]

[Adresse 3]

[Localité 4]

Représentée par Me Charles-hubert OLIVIER de la SCP LAGOURGUE & OLIVIER, avocat au barreau de PARIS, toque : L0029, avocat postulant

Représentée par Me Lucas VERGNAUD, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant

Monsieur [Y] [B]

en qualité d'ancien président du [7]

[Adresse 1]

[Localité 4]

défaillant

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 03 décembre 2020, en audience publique, devant la Cour composée de :

Madame Michèle PICARD, Présidente

Madame Isabelle ROHART-MESSAGER, Conseillère

Madame Déborah CORICON, Conseillère

qui en ont délibéré

GREFFIER : Madame FOULON, lors des débats

MINISTÈRE PUBLIC : représenté lors des débats par Madame Anne-France SARZIER, avocat général, qui a fait connaître son avis.

ARRET :

- par défaut

- rendu par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Michèle PICARD, Présidente et par Madame FOULON, Greffière .

**********

Le groupe Access Medical Santé (AMS) a été créé en 2007 par Monsieur [Y] [B] par une opération de LBO. La holding AMS détenait plusieurs cliniques dont la clinique [7]. Monsieur [A] était conseiller médical du groupe.

Le groupe AMS a connu des difficultés dés sa création et une procédure de sauvegarde a été ouverte par jugement du tribunal de commerce de Paris du 15 septembre 2008.

C'est ainsi que les établissements du groupe ont été cédés et la totalité du passif a été apuré hormis le passif de la société [7].

Monsieur [T] a été embauché le 30 avril 2010 en qualité de directeur gestionnaire de [7] avec le statut de cadre dirigeant. Il a été nommé directeur général de la société à la suite d'une assemblée générale du 1er août 2011. Il en a démissionné le 21 novembre 2011.

M. [D] [A], médecin radiologue, a été, après la démission de Monsieur [Y] [B], nommé président par intérim de [7] le 4 février 2011. Il a été remplacé à sa demande le 14 novembre 2011 par Monsieur [W].

A la suite d'un audit réalisé par Ernst et Young qui a révélé de nombreuses irrégularités, aucun projet de reprise n'a pu aboutir.

La société [7] a fait l'objet d'une procédure de liquidation judiciaire ouverte par jugement du tribunal de commerce de Paris du 1er mars 2012 sur déclaration de cessation des paiements de son dirigeant, la société PAB Conseil représentée par Monsieur [W]. La date de cessation des paiements a été fixée au 1er septembre 2010.

La Selarl Fides, anciennement EMJ, prise en la personne de Me [I] [C], a été désignée en qualité de liquidateur judiciaire.

Par jugement du 30 octobre 2018, le tribunal de commerce de Paris, saisi par la Selarl Fides, a condamné M. [D] [A], sur le fondement de l'article L.651-2 du code de commerce, au paiement de la somme de 1.086.947 euros aux fins de combler en partie l'insuffisance d'actif de la société [7] et à une interdiction de diriger d'une durée de 4 ans. Les griefs retenus par le tribunal étaient le défaut de déclaration de cessation des paiements dans le délai légal, la poursuite d'une activité déficitaire et une incurie de gestion. Les autres dirigeants ont également été condamnés. Ainsi Monsieur [T] a été condamné à payer au liquidateur la somme de 2.173.894 euros et à une interdiction de gérer d'une durée de 7 ans. Monsieur [B] a été condamné à combler l'insuffisance d'actif à hauteur de 1.096.713 euros et à une mesure de faillite personnelle d'une durée de 7 ans.

Monsieur [D] [A] a interjeté appel de ce jugement par déclaration du 13 novembre 2018.

Monsieur [T] a fait appel incident de la décision.

***

Dans ses dernières conclusion signifiées par voie électronique le 25 avril 2019 Monsieur [A] demande à la cour d'appel de :

- annuler le jugement du tribunal de commerce de Paris du 30 octobre 2018 en ce qu'il a prononcé à l'égard du Docteur [A] une interdiction de gérer d'une durée de 4 ans et l'a condamné, outre les dépens et l'article 700, à payer à la Selarl EMJ, prise en la personne de Me [C], en qualité de liquidateur judiciaire de la Sas [7] la somme de 1 086 947 € au titre de l'insuffisance d'actif, et plus généralement de tout chef de jugement lui faisant grief ;

Subsidiairement,

- infirmer le jugement du tribunal de commerce de Paris du 30 octobre 2018 en ce qu'il a prononcé à l'égard du Docteur [A] une interdiction de gérer d'une durée de 4 ans et l'a condamné, outre les dépens et l'article 700, à payer à la Selarl EMJ, prise en la personne de Me [C], en qualité de liquidateur judiciaire de la Sas [7] la somme de 1 086 947 € au titre de l'insuffisance d'actif, et plus généralement de tout chef de jugement lui faisant grief ;

Statuant à nouveau,

Sur les sanctions personnelles ;

Vu l'article L. 653-1 du code de commerce dans sa rédaction applicable à l'espèce ;

- juger que le Docteur [A], en sa qualité de Docteur en médecine inscrit à l'ordre des médecins, ne peut être condamné à une mesure de sanction personnelle (faillite personnelle ou interdiction de gérer) ;

- débouter, en conséquence, la Selarl Fides, prise en la personne de Maître [I] [C] ès qualités de liquidateur judiciaire de la Clinique [7], de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions tendant à une mesure de sanction personnelle à l'encontre du Docteur [A] ;

Sur la responsabilité pour insuffisance d'actif :

A titre principal : sur l'irrecevabilité de l'action en responsabilité pour insuffisance d'actif

Vu l'article L. 651-2 du code de commerce, dans sa rédaction applicable issue de la loi n°2016-1691 du 9 décembre 2016 ;

Vu l'article 122 du code de procédure civile ;

- juger que la Selarl Fides, prise en la personne de Maître [I] [C] ès qualités de liquidateur judiciaire de la Clinique [7], ne rapporte pas la preuve qui lui incombe de l'existence d'une insuffisance d'actif à la date du 14 novembre 2011, date de démission du Docteur [A] de sa présidence du [7] ;

- déclarer en conséquence irrecevable la Selarl Fides, prise en la personne de Maître [I] [C] ès qualités de liquidateur judiciaire de la Clinique [7], en son action en responsabilité pour insuffisance d'actif dirigée contre le Docteur [A];

A titre subsidiaire : sur le rejet des demandes

Vu l'article L. 651-2 du code de commerce, dans sa rédaction applicable issue de la loi n°2016-1691 du 9 décembre 2016 ;

Vu l'article L. 653-8 du code de commerce, dans sa rédaction applicable issue de la loi n°2015-990 du 6 août 2015 ;

Vu l'arrêt de la Cour de cassation du 24 mai 2018, n°17-18.918 ;

Vu l'article 8 de la DDHC et le principe de nécessité et de légalité des délits et des peines; - juger qu'il n'est pas démontré l'existence d'une insuffisance d'actif certaine à la date de démission du Docteur [A] de la présidence du [7], soit le 14 novembre 2011 ;

- déclarer en conséquence mal fondées les demandes de la Selarl Fides, prise en la personne de Maître [I] [C] ès qualités de liquidateur judiciaire de la Clinique [7], formulées à l'encontre du Docteur [A] ;

- débouter la Selarl Fides, prise en la personne de Maître [I] [C] ès qualités de

liquidateur judiciaire de la Clinique [7], de toutes ses demandes, fins et

conclusions à l'encontre du Docteur [A] ;

Par ailleurs,

Sur l'absence de faute d'omission de déclaration de cessation des paiements dans le délai

légal :

- juger qu'il n'est pas démontré que le Docteur [A] avait connaissance de l'état de cessation des paiements du [7] qui bénéficiait du soutien du Groupe AMS jusqu'à sa démission le 14 novembre 2011 ;

- juger qu'il n'est pas démontré que le Docteur [A] a « sciemment » omis de déclarer l'état de cessation des paiements du [7] dans le délai de 45 jours suivant la survenance de cet état ;

- juger que le Docteur [A] n'a commis aucune faute de gestion consistant en une omission volontaire de la déclaration de cessation des paiements dans le délai légal; - rejeter en conséquence toute demande de condamnation de la Selarl Fides, prise en la personne de Maître [I] [C] ès qualités de liquidateur judiciaire de la Clinique [7] au titre de l'absence de déclaration de cessation des paiements dans le délai légal ;

Sur l'absence de faute de poursuite abusive d'une activité déficitaire :

- constater qu'il n'est pas démontré que la poursuite de l'exploitation ait été déficitaire pendant la présidence du Docteur [A] ;

- juger que la poursuite de l'activité éventuellement déficitaire n'a pas été abusive compte tenu des chances de redressement de la Clinique [7] ;

- constater que le Docteur [A] n'a tiré aucun profit personnel de la poursuite de l'activité éventuellement déficitaire, le Docteur [A] n'étant ni rémunéré et ne percevant aucun autre avantage ;

- constater que le Docteur [A] ne pouvait en tout cas qu'ignorer l'existence d'une activité déficitaire compte tenu des mensonges répétés de Monsieur [P] [T], directeur gestionnaire avec délégation de pouvoirs et directeur général délégué ;

- juger que le Docteur [A] n'a commis aucune faute de gestion consistant en la poursuite abusive d'une activité déficitaire ;

- rejeter en conséquence toute demande de condamnation de la Selarl Fides, prise en la personne de Maître [I] [C] ès qualités de liquidateur judiciaire de la Clinique [7], au titre de la prétendue poursuite abusive d'une activité déficitaire;

Sur l'absence de faute d'incurie de gestion :

- déclarer recevables les attestations produites par le Docteur [A] qui émanent toutes de personnes sachantes, actives au sein du [7] et proches de la Direction, - juger que Monsieur [T] s'est livré volontairement à la diffusion de fausses informations et s'est rendu coupable de rétention d'informations cruciales pour le [7], notamment quant à la perte du droit au bail ;

- juger qu'il ne peut être retenu, sans contradiction, que Monsieur [T] retenait des informations cruciales ou diffusait de fausses informations sur la situation réelle de la société et que Monsieur [A] se désintéressait de la gestion du [7]; - juger que le Docteur [A] n'a commis aucune faute de gestion consistant en un désintérêt dans la gestion du [7] ;

- rejeter en conséquence toute demande de condamnation de la Selarl Fides, prise en la personne de Maître [I] [C] ès qualités de liquidateur judiciaire de la Clinique [7], au titre d'une prétendue incurie de gestion ;

Sur l'absence de lien de causalité :

- juger qu'il n'est pas démontré de lien de causalité entre chacun des actes reprochés au Docteur [A] et l'insuffisance d'actif invoqué ;

- juger que les actes reprochés au Docteur [A] ne sont pas la cause de l'insuffisance d'actif invoqué ;

- constater qu'il est établit que le Groupe DocteGestio n'a renoncé à son projet qu'en raison de la découverte de la perte du droit au bail dont tout le monde ignorait l'existence qui avait été caché par Monsieur [T] ;

- débouter en conséquence la Selarl Fides, prise en la personne de Maître [I] [C] ès qualités de liquidateur judiciaire de la Clinique [7], de toutes ses demandes, fins et conclusions à l'encontre du Docteur [A] ;

D'une manière générale,

- constater que le Docteur [A] n'a été à la direction de la Clinique pendant une durée de 283 jours allant du 4 février au 14 novembre 2011 ;

- constater que le Docteur [A] n'a perçu aucune rémunération au titre de son mandat de Président du [7] (ou tout autre mandat dans le Groupe AMS), ni aucune indemnité ou remboursement de frais, ni aucun avantage en nature ;

- juger que le Docteur [A] n'a commis aucune faute de gestion susceptible d'engager sa responsabilité pour insuffisance d'actif ;

- juger que, si le Docteur [A] a pu commettre des erreurs, il s'agit d'une simple négligence qui n'engage pas sa responsabilité pour insuffisance d'actif, compte tenu des agissements fautifs de Monsieur [P] [T] ;

- constater que le Docteur [A] ne dispose d'aucun patrimoine, ni de facultés contributives suffisantes lui permettant d'exécuter matériellement une lourde condamnation pécuniaire ;

- débouter en conséquence la Selarl Fides, prise en la personne de Maître [I]

[C] ès qualités de liquidateur judiciaire de la Clinique [7], de toutes ses demandes, fins et conclusions à l'encontre du Docteur [A] ;

En tout état de cause :

- débouter la Selarl Fides, prise en la personne de Maître [I] [C] ès qualités de liquidateur judiciaire de la Clinique [7], de toutes ses demandes, fins et conclusions à l'encontre du Docteur [A] ;

- condamner la Selarl Fides, prise en la personne de Maître [I] [C] ès qualités de liquidateur judiciaire de la Clinique [7], à payer au Docteur [A] la somme de 8 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance.

***

Dans ses dernières conclusions signifiées par voie électronique le 29 janvier 2020 Monsieur [P] [T] demande à la cour de :

- recevoir Monsieur [P] [T] en son appel incident et l'y déclarer bien fondé,

A titre principal,

- juger que Monsieur [P] [T] n'a pas la qualité de dirigeant de droit ou de fait de la société [7],

A titre subsidiaire,

- juger que Monsieur [P] [T] n'a comis aucune faute susceptible de mettre en cause sa responsabilité,

En conséquence,

- infirmer le jugement du Tribunal de commerce de Paris en date du 30 octobre 2018 en toutes ses dispositions,

Statuant à nouveau,

- juger n'y avoir lieu à sanction pécuniaire ou personnelle contre Monsieur [P] [T];

- condamner la Selarl Fides prise en la personne de Maître [I] [C] es qualité de liquidateur de la Sas [7] à payer à Monsieur [P] [T] la somme de 10.000 euros au titre de l'article 700 CPC ;

- condamner la Selarl Fides prise en la personne de Maître [I] [C] es qualité de liquidateur de la Sas [7] aux dépens de la procédure de première instance et d'appel.

***

La Selarl Fides a signifié ses dernières conclusions par voie électronique le 27 janvier 2020. Elle demande à la cour de :

- recevoir la Selarl Fides prise en la personne de Maître [I] [C] ès qualités en ses conclusions,

- confirmer le jugement du tribunal de commerce de Paris en date du 30 octobre 2018 en toutes ses dispositions sauf en ce qu'il a condamné Monsieur [A] a une sanction personnelle d'interdiction de diriger de 4 ans pour laquelle la Selarl Fides prise en la personne de Maître [C] ès qualités s'en remet à justice ;

- déclarer en tout état de cause la Selarl Fides prise en la personne de Maître [I] [C] ès qualités bien fondée en son action, fins et prétentions,

- constater qu'il existe une insuffisance d'actif à hauteur de 7.706.466,06 € ;

- constater qu'il existe une insuffisance d'actif au jour de la démission du docteur [A] soit au 14 novembre 2011, et donc également durant le mandat de Monsieur [T];

- constater que Monsieur [P] [T] exerçait une direction de fait en toute indépendance du [7] à compter du 30 avril 2010,

- constater que Monsieur [P] [T] exerçait en tout état de cause une direction de droit du [7] sur la période du 1er août au 21 novembre 2011,

- constater que Monsieur [P] [T] a commis des fautes de gestion résidant dans (i) la tenue d'une comptabilité incomplète, irrégulière et dépourvue de sincérité, (ii) le défaut de déclaration de cessation des paiements dans les 45 jours, (iii) une poursuite abusive d'une activité déficitaire, (iv) de la perte du droit au bail,

- constater que Monsieur [D] [A], a commis des fautes de gestion résidant dans (i) le désintéressement et sa carence dans la gestion de la société ayant conduit à la perte fautive du droit au bail, de la tenue d'une comptabilité irrégulière et dépourvue de sincérité, (ii) l'entretien d'une gestion opaque, et (iii) l'absence de déclaration de cessation des paiements et (iv) la poursuite abusive d'une activité déficitaire ;

- constater que ces fautes de gestion ont directement causé la perte du droit au bail du [7] et ont participé à l'échec des opérations de cession avant et après l'ouverture de la procédure ;

- constater que la perte du droit au bail et l'échec des opérations de cessions sont une cause directe de l'insuffisance d'actifs à hauteur de 7.706.466,06 € ;

- constater les fautes de gestion imputables à Monsieur [D] [A] et à Monsieur [P] [T] à l'origine de tout ou partie de l'insuffisance d'actif constatée dans la procédure de liquidation judiciaire de la Sas [7] ;

- constater que les systèmes de péréquation adopté par le Tribunal a été réalisé au regard des fautes respectives des dirigeants et que les condamnations de Monsieur [A] et de Monsieur [T] Correspondent à leurs fautes personnellement commises durant la durée de leur mandat ;

- constater que Monsieur [D] [A] ne justifie pas de son patrimoine ou de ses revenus;

En conséquence

- rejeter l'intégralité des demandes, fins et conclusions de Monsieur [D] [A],

- rejeter l'intégralité des demandes, fins et conclusions de Monsieur [P] [T],

- confirmer le jugement du Tribunal de Commerce de Paris en date du 30 octobre 2018 en toutes ses dispositions,

A titre subsidiaire

- confirmer le jugement du Tribunal de Commerce de Paris en date du 30 octobre 2018 concernant la condamnation de Monsieur [Y] [B] à supporter l'insuffisance d'actif à hauteur de 1.096.713 €, et la sanction de faillite personnelle prononcée à son encontre pour une durée de 7 ans,

En cas de révision du quantum des condamnations :

- constater que Monsieur [A] a commis des fautes de gestion relatives à la perte du bail et aux échecs des cessions du [7], par son incurie fautive dans la gestion du [7];

- constater que Monsieur [T] a commis des fautes de gestion relatives à la perte du bail et aux échecs des cessions du [7], par son incurie et sa gestion fautive dans la gestion du [7] ;

- rejeter l'intégralité des demandes, fins et conclusions de Monsieur [P] [T],

- rejeter l'intégralité des demandes, fins et conclusions de Monsieur [D] [A],

- condamner Monsieur [A] à payer à Selarl Fides, prise en la personne de Maître [C], ès qualités, la somme de 1.750.000 € compte tenu des fautes de gestion ayant conduit à la perte du droit au bail et à l'échec des opérations de cession ;

- condamner Monsieur [T] à payer à Selarl Fides, prise en la personne de Maître [C], ès qualités, la somme de 2.500.000 € compte tenu des fautes de gestion ayant conduit à la perte du droit au bail et à l'échec des opérations de cession ;

En tout état de cause ,

- rejeter la demande indemnitaire de 15.000 € formulée par Monsieur [T] contre la Selarl Fides (anciennement dénommée EMJ) prise en la personne de Maître [C] en qualité de mandataire liquidateur de la Sas [7];

- condamner Monsieur [D] [A] à payer 10.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile dont distraction au profit de la Selarl Fides (anciennement dénommée EMJ) prise en la personne de Maître [C] en qualité de mandataire liquidateur de la Sas [7] ;

- condamner Monsieur [P] [T] à payer 10.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile dont distraction au profit de la Selarl Fides (anciennement dénommée EMJ) prise en la personne de Maître [C] en qualité de mandataire liquidateur de la Sas [7] ;

- condamner Monsieur [Y] [B] à payer 10.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile dont distraction au profit de la Selarl Fides (anciennement dénommée EMJ) prise en la personne de Maître [C] en qualité de mandataire liquidateur de la Sas [7] ;

***

Le ministère public a signifié son avis le 27 février 2020. Il demande la confirmation des condamnations pécuniaires à l'égard de Messieurs [A] et [T], la confirmation des sanctions personnelles à l'égard de Monsieur [T] et l'infirmation du jugement sur la sanction personnelle de Monsieur [A].

SUR CE

Sur la sanction d'interdiction de gérer à l'égard de Monsieur [A]

Monsieur [A] soutient que l'article L 653-1 du code de commerce qui détermine les personnes susceptibles de faire l'objet de sanctions personnelles exclut les docteurs en médecine, inscrit à l'Ordre et relevant à ce titre de règles disciplinaires propres. La distinction faite par le tribunal qui a considéré que c'était en sa qualité de dirigeant social et non en sa qualité de médecin que la sanction était infligée est sans fondement.

La Selarl Fides fait valoir que Monsieur [A] n'est plus inscrit à l'Ordre en 2019. Toutefois s'il l'était, elle s'en remet à justice.

Le ministère public demande la réformation du jugement, Monsieur [A] ne pouvant faire l'objet d'une sancion personnelle.

Il résulte des dispositions de l'article L653-1 du code de commerce que les dirigeants de personnes morales exerçant une activité professionnelle indépendante soumise à des règles disciplinaires propres ne peuvent faire l'objet d'une interdiction de gérer.

Monsieur [A] est inscrit à l'ordre des médecins et il ne peut donc faire l'objet d'une sanction commerciale.

Le jugement sera en conséquence infirmé sur ce point.

Sur la qualité de dirigeant de Monsieur [T]

Monsieur [T] fait valoir qu'il n'a jamais eu la qualité de dirigeant de fait ou de droit de la société [7]. Au cours du mois de novembre 2011 il était directeur gestionnaire salarié de la clinique et il s'est aperçu qu'il figurait comme directeur général de la Sas [7], fonctions auxquelles il avait été nommé le 1er août 2011 lors d'une assemblée générale qui s'est tenue à son insu et à laquelle il n'a jamais été convoqué. Il n'a pas signé le procès verbal de cette AG et il considère qu'il s'agit d'un acte frauduleux.

Ainsi non seulement il n'a jamais été dirigeant de droit de [7] mais il n'a pas non plus été dirigeant de fait de cette société. Il était lié à la société par un lien de subordination et il ne prenait aucune décision sans en référer à Monsieur [A] et à Monsieur [B]. La délégation de pouvoirs dont il disposait n'était que l'accessoire de son contrat de travail. Il n'avait pas la signature bancaire.

La Selarl Fides expose que Monsieur [T] a été dirigeant de droit du 1er août 2011 au 21 novembre 2011 et dirigeant de fait à compter du 30 avril 2010, qu'il était lié par un contrat de directeur gestionnaire de la clinique Vinci et qu'il a été nommé directeur général de la clinique en août 2011. Il disposait d'une délégation de pouvoirs étendue qui s'exerçait dans les domaines social, médical comptable et financier. Il était en charge de la gestion effective de la société avec une totale autonomie dans l'exercice de sa mission. Les fautes qu'il a commises ont donné lieu à son licenciement pour faute grave par Monsieur [W].

La cour relève que Monsieur [T] en sa qualité de directeur gestionnaire salarié de [7] disposait des plus grands pouvoirs pour engager la société en vertu d'une délégation de pouvoirs qui lui avait été consentie. Le courrier du 13 janvier 2012 lui notifiant son licenciement que lui a adressé Monsieur [W], président, précise qu'il 'assur(ait) la direction en totale autonomie' et énumère les décisions qu'il a prises durant ses fonctions, décisions qui montrent qu'il disposait réellement des pouvoirs les plus étendus et en toute autonomie, caractérisant ainsi une gestion de fait.

Il a également été directeur général de la société et donc dirigeant de droit du 1er août 2011 au 25 novembre 2011, date de sa démission.

En effet il a été nommé directeur général de [7] par décision de l'associé unique selon PV du 1er août 2011, décision publiée au Registre du commerce. A cette fonction il a signé une déclaration de filiation et de non condamnation enregistrée au Registre du commerce le 1er août 2011. Il ne peut sérieusement affirmer que cette nomination a été faite à son insu alors qu'il n'ignorait pas que la déclaration qu'il a signée avait trait à cette nomination.

Le jugement sera donc confirmé sur ce point.

Sur la recevabilité et subsidiairement le rejet de la demande en responsabilité pour insuffisance d'actif à l'encontre de Monsieur [A]

Monsieur [A] soutient qu'il n'y avait pas d'insuffisance d'actif au moment où il a démissionné. L'insuffisance d'actif est une condition de fond de l'action en responsabilité et à défaut d'insuffisance d'actif l'action est irrecevable. Il fait valoir qu'en l'espèce ni le liquidateur ni le tribunal ne démontrent l'existence d'une insuffisance d'actif à la date de sa démission le 14 novembre 2011. Il reproche au tribunal d'avoir confondu insuffisance d'actif et cessation des paiements. Subsidiairement il soulève le mal fondé de l'action pour des raisons identiques.

Selon lui, le 14 novembre 2011 [7] disposait du soutien et de la centralisation de trésorerie mise en place au sein du Groupe AMS. Elle disposait encore de son droit au bail à la date du 14 novembre 2011 (qui n'a été résilié que le 9 mai 2012 sans que Monsieur [A] n'ait été informé de l'existence d'un litige avec le bailleur et encore moins d'une procédure judiciaire engagée postérieurement à sa démission). En raison de la valeur commerciale des locaux, aucune insuffisance d'actif ne peut être sérieusement relevé à cette date du 14 novembre 2011. Enfin à cette date, la Clinique [7] disposait pleinement de son fonds de commerce et enfin, [7] disposait des autorisations d'exercer de l'ARS qui lui assuraient une patientèle et des contrats exclusifs avec les médecins.

La Selarl Fides soutient que le défaut d'insuffisance d'actif n'est pas sanctionné par l'irrecevabilité de la demande. En tout état de cause l'insuffisance d'actif est démontrée.

La cour rappelle que l'ancien dirigeant ayant cessé ses fonctions peut être condamné sur le fondement de l'article L. 651-2 du code de commerce, même si lors de sa cessation d'activité la société n'était pas encore en état de cessation des paiements, dès lors qu'il ne lui était pas reproché d'avoir omis d'en faire la déclaration.

Cependant il est constant que l'insuffisance d'actif doit être certaine à la date à laquelle le dirigeant a cessé ses fonctions mais peu importe qu'elle ne soit pas chiffrée. L'insuffisance d'actif se définit comme étant égale au passif antérieur déclaré admis, moins l'actif réalisé ou la valorisation certaine de l'actif. Pour l'apprécier il convient de prendre en compte la totalité des actifs réalisables de la société.

En l'espèce, Monsieur [A] a démissionné de ses fonctions le 14 novembre 2011. A cette date le passif exigible s'élevait à plus de 3, 5 M€. Les liasses fiscales montrent que les capitaux propres étaient négatifs depuis 2007 et notamment qu'ils étaient négatifs de 2, 2M€ au 30 juin 2011 selon le rapport Ernst et Young, montrant ainsi que l'actif de la société était bien inférieur à son passif. Selon ce rapport,à la date du 31 octobre 2011 les dettes de la société s'élevaient à plus de 4 M€. Le bilan de l'exercice 2011, clôturé à une date très proche de la démission de Monsieur [A] montre un endettement de 8 M€ pour un total d'actifs de 4, 2 M€. Quant à l'actif certes le bail n'était pas encore résilié comme le soutient Monsieur [A] mais les loyers n'étaient déjà plus payés et plusieurs commandements de payer avaient déjà été délivrés.

Dès lors l'existence d'un soutien financier du Groupe AMS, qui n'est pas établie à cette date, n'est pas suffisante à démontrer qu'il n'existait pas d'insuffisance d'actif au moment de la démission de Monsieur [A] compte tenu du montant négatif des capitaux propres.

Il ressort de ces éléments qu'au moment de la démission de Monsieur [A] il existait bien une insuffisance d'actif.

Sur la responsabilité de Monsieur [A]

Monsieur [A] fait valoir qu'aux termes de l'article L651-2 du code de commerce dans sa rédaction applicable issue de la loi du 9 décembre 2016 l'action en insuffisance d'actif est conditionné à l'établissement d'une faute de gestion à l'exclusion d'une simple négligence, un préjudice constitué par une insuffisance d'actif constatée et un lien de causalité entre les deux.

Aux termes de l'article L. 651-2 du code de commerce :

"Lorsque la liquidation judiciaire d'une personne morale fait apparaître une insuffisance d'actif, le tribunal peut, en cas de faute de gestion ayant contribué à cette insuffisance d'actif, décider que le montant de cette insuffisance d'actif sera supporté, en tout ou en partie, par tous les dirigeants de droit ou de fait, ou par certains d'entre eux, ayant contribué à la faute de gestion. En cas de pluralité de dirigeants, le tribunal peut, par décision motivée, les déclarer solidairement responsables. Toutefois en cas de simple négligence du dirigeant de droit ou de fait dans la gestion de la société, sa responsabilité au titre de l'insuffisance d'actif ne peut être engagée.

L'action se prescrit par trois ans à compter du jugement qui prononce la liquidation judiciaire.

Les sommes versées par les dirigeants entrent dans le patrimoine du débiteur.

Elles sont réparties au marc le franc entre tous les créanciers. Les dirigeants ne peuvent pas participer aux répartitions à concurrence des sommes au versement desquelles ils ont été condamnés'.

Il est reproché à Monsieur [A] un défaut de déclaration de cessation des paiements dans le délai de 45 jours, une incurie dans la gestion de [7] et une aggravation du passif par la poursuite d'une activité déficitaire.

Sur le défaut de déclaration de cessation des paiements dans le délai de 45 jours

Monsieur [A] reproche au tribunal de ne pas avoir constaté le caractère délibéré de cette faute. Il explique avoir été victime de rétention d'information de la part de Monsieur [T].

La Selarl Fides expose que ni Monsieur [T], ni Monsieur [A] ni Monsieur [B] n'ont déposé une déclaration de cessation des paiements puisque c'est Monsieur [W] qui l'a effectué. Ce retard a conduit à une aggravation du passif de la société.

Le ministère public fait valoir que le caractère délibéré de l'omission ne concerne que les sanctions personnelles et non la responsabilité pour insuffisance d'actif.

La cour rappelle que l'omission de déclarer la cesstion des paiements constitue une faute de gestion à condition d'établir quil ne s'agit pas d'une simple négligence.

En l'espèce, Monsieur [W] a déposé la déclaration de cessation des paiements le 16 février 2012 et la date de cessation des paiements, devenue définitive, a été fixée au 1er septembre 2010. Ce retard de 18 mois a contribué à l'augmentation du passif à hauteur de 5, 6 M€.

Monsieur [A] a dirigé la société du 4 février 2011 au 14 novembre 2011, date de sa démission.

Lorsqu'il a pris ses fonctions en février 2011 la société faisait déjà l'objet de plusieurs inscriptions de privilèges du trésor public et de l'Urssaf. Par ailleurs la société Zalis a établi un rapport en vue de la cession de la société le 9 juin 2011 duquel il ressort que la situation finanière de la société était déplorable avec une situation nette négative de 2, 3 M €. Le rapport montre que la société était très endettée même si des échelonnements de paiement avaient été consentis par le trésor public, l'Urssaf ou le bailleur.

Monsieur [A] a manifestement ignoré ces signaux et l'omission de déclaration de cessation des paiements qui lui est reprochée constitue bien une faute et non une simple négligence.

Le jugement sera donc confirmé sur ce point.

Sur la poursuite abusive d'une activité déficitaire

Monsieur [A] conteste le caractère abusif de la poursuite d'activité. Il fait valoir qu'il n'était pas rémunéré, qu'il n'a donc tiré aucun avantage personnel à la poursuite de l'activité et qu'il n'a assuré la présidence de la société que pendant 283 jours. Enfin il ne connaissait pas la situation financière de la société du fait des manoeuvres déloyales et mensongères de Monsieur [T].

La Selarl Fides fait valoir que pour retenir cette faute il n'est pas besoin de démonter l'intérêt personnel du dirigeant.

Le ministère public soutient qu'il n'est pas nécessaire de démontrer un interêt personnel et que le caractère abusif de la poursuite de l'activité résulte de la passivité de Monsieur [A] .

La cour rappelle que la faute de gestion résultant de la poursuite abusive d'une activité déficitaire ne nécessite pas que cette poursuite ait été faite dans un intérêt personnel par le dirigeant social.

En l'espèce il est avéré qu'il y a bien eu une poursuite d'activité déficitaire puisque que le 6 janvier 2009 l'assemblée générale de [7], prenant en compte les difficultés de [7] depuis 2007, a autorisé la poursuite de l'exploitation déficitaire jusqu'au 31 décembre 2009. L'autorisation n'a pas été renouvelée par la suite de sorte qu'aucun des dirigeants qui se sont succédés après cette date ne pouvait ignorer la situation de la société. Ils ont néanmoins laissé l'exploitation déficitaire se poursuivre jusqu'au dépôt de bilan avec une forte augmentation du passif.

La cour confirmera donc le jugement sur ce point également.

Sur la faute d'incurie de gestion

Monsieur [A] rejette cette faute sur les agissements fautifs de Monsieur [T] qui lui a caché beaucoup d'éléments sur la situation de la société.

La Selarl Fides expose que Monsieur [B], en sa qualité de Président du [7] a délégué tous pouvoirs de gestion à Monsieur [T] selon contrat de « Directeur Gestionnaire » en date du 30 avril 2010. Ce contrat à durée indéterminée a perduré durant le mandat de président de Monsieur [A]. Ce dernier a toutefois nommé Monsieur [T] en qualité de Directeur Général du [7] selon procès-verbal en date du 1er août 2011. Cette délégation totale des pouvoirs permettait ainsi à Messieurs [B] et [A] de se désengager de la gestion du [7] au profit de Monsieur [T] de telle sorte que la gestion administrative, sociale, financière et comptable de la clinique leur échappait.

Il s'agit ainsi d'un désintéressement total des présidents successifs de la société dans la gestion de la société. Ce comportement constitue, selon le liquidateur, à l'évidence une faute de gestion dont ils ne sauraient s'exonérer en invoquant les fautes imputables à Monsieur [T].

Le ministère public reproche à Monsieur [A] de s'être désintéressé de la gestion de la société et d'avoir laissé Monsieur [T] la gérer sans jamais lui demander d'informations.

La cour relève que Monsieur [B], président de [7], avait donné tous pouvoirs de gestion à Monsieur [T] dès le 30 avril 2010 et que cette délégation de pouvoirs s'est prolongée pendant le mandat de Monsieur [A]. C'est ainsi que ce dernier a laissé à Monsieur [T] la gestion de la société sans exercer aucun contrôle sur la situation financière de la société alors qu'il n'ignorait pas qu'elle connaissait des difficultés financières au moins depuis le rapport Zalis dont il avait eu connaissance en juin 2011, ce rapport précisant notamment que 'l'exploitation de la clinique a été constamment déficitaire au cours des dernières années.'

Il a été notamment relevé que Monsieur [T] lui avait menti sur la situation de la société en lui disant en septembre 2011, dans l'un des rares courriels qu'il lui a adressé, que la clinique était bénéficiaire de 150.000 euros. Monsieur [A] n'a pas tenté d'en savoir plus, de vérifier l'information par quelque moyen que ce soit notamment en interrogeant l'expert comptable ou en demandant les documents comptables et ce, alors qu'en juin le cabinet Zalis lui avait donné une toute autre image de l'activité.

La cour note que Monsieur [A] n'ignorait pas que les loyers n'étaient plus payés ainsi qu'il ressort d'un courriel que lui a transmis Monsieur [T] émanant du bailleur et soulignant qu'aux termes d'un accord transactionnel d'échelonnement du paiement des loyers une échéance était prévue pour le lendemain. Il n'apparaît pas que Monsieur [A] ait vérifié par la suite si l'échéance avait bien été payée.

Comme l'observe à juste titre le tribunal de commerce Monsieur [A] s'est volontairement désintéressé de la gestion de la société qu'il a confiée à Monsieur [T] et cette carence a contribué à l'augmentation de l'insuffisance d'actif.

La cour ajoute que Monsieur [A] s'est probablement consacré à ses taches médicales ou à l'organisation médicale de la clinique mais que ce motif ne peut justifier sa carence dans la gestion de la société alors qu'il avait accepté le mandat de direction.

La faute sera donc retenue à son encontre.

Sur les fautes de Monsieur [T]

Il est reproché à Monsieur [T] une carence dans la comptabilité, la poursuite abusive d'une activité déficitaire et le défaut de déclaration de cessation des paiements.

Sur la comptabilité

Il est reproché à Monsieur [T] une comptabilité irrégulière et incompléte.

Monsieur [T] fait valoir que lors de son arrivée la comptabilité de la clinique était dans un état déplorable. Le commissaire aux comptes, la société MVN Audit rappelait par lettre du 7 janvier 2011 à Monsieur [Y] [B] les carences et les défaillances qu'il avait relevé dans la comptabilité avant même l'embauche de Monsieur [P] [T]. Monsieur [T] a de suite embauché un nouvel expert comptable et une secrétaire comptable. Quant à l'existence d'une perte de plus de 700.0000 euros sur la situation au 30 juin 2011 qu'il aurait caché, elle ne résulte que d'attestations et d'aucun document comptable.

Le ministère public se fonde sur le rapport Ernst et Young pour souligner les carences dans la comptabilité.

La cour relève que s'il est non contesté que lors de son arrivée dans la société Monsieur [T] a trouvé une comptabilité défaillante et qu'il a par la suite tenté d'y remédier en embauchant un comptable et en nommant un nouvel expert comptable, il n'en demeure pas moins que les défauts de comptabilité ont persisté jusqu'à son licenciement. Le rapport établi par Ernst et Young en décembre 2011 montre qu'à cette date la comptabilité de l'exercice 2010 n'était pas arrêtée et qu'aucun rapprochement bancaire n'avait été effectué dans les quatre mois précédents. Ernst et Young a noté qu'un écart de 800.000 euros existait entre le solde bancaire et le solde comptable, montrant ainsi que la comptabilité n'était pas sincère et fidèle. De plus la société n'a communiqué que les liasses fiscales mais pas les comptes sociaux certifiés et leurs annexes.

Il résulte de ces éléments que Monsieur [T] a manqué à son obligation de tenir une comptabilité régulière et sincère.

La faute sera en conséquence retenue.

Sur l'absence de déclaration de cessation des paiements et la poursuite abusive d'une activité déficitaire

Il est encore reproché à Monsieur [T] de ne pas avoir déclaré la cessation des paiements de la société dans le délai légal et d'avoir ainsi poursuivi l'acivité de la société alors qu'il savait qu'elle était déficitaire.

La cour relève que pendant le retard de 18 mois entre la déclaration de cessation des paiements et la date de cessation des paiements l'aggravation du passif a été de plus de 7.000.000 euros. Les créances salariales ont quant à elles augmenté de 1.154.000 euros. Ainsi, Monsieur [T] qui avait été directeur gestionnaire salarié avant d'être nommé directeur général ne pouvait dans ces fonctions ignorer que la société était en cessation des paiements.

L'activité de la société a généré des dettes pendant la période suspecte de sorte que c'est à juste titre que les premiers juges ont retenu à son encontre la poursuite d'une activité déficitaire.

Le jugement sera en conséquence confirmé sur ce point.

Sur les fautes non retenues par le tribunal à l'égard de Messieurs [T] et [A]

La Selarl Fides reproche à Monsieur [T] et à Monsieur [A] d'avoir participé à la perte du droit au bail du [7], et d'avoir ainsi participé à l'échec des opérations de cession.

Le ministère public est également d'avis de retenir ces fautes à l'encontre de Messieurs [A] et [T].

La cour, comme les premiers juges, note que les loyers n'étaient plus payés depuis 2009 puisqu'un premier commandement de payer visant la clause résolutoire avait été effectué par le bailleur le 13 mai 2009, suivi d'un protocole de rééchelonnement du paiement, qu'un second commandement de payer avait été ordonné le 23 juin 2010 suivi d'un nouveau prortocole également non respecté. Ces litiges ont été gérés par Monsieur [B] lui même avec le concours du prédecesseur de Monsieur [T] alors qu'il n'était plus en poste.

Dès lors il n'est pas établi que la perte du droit au bail soit dû à la faute de Messieurs [T] et [A].

Quant à l'echec de la cession il y a lieu également de noter que contrairement à ce que Ernst et Young pointait dans son rapport, la désorganisation de la société, cet élément n'est pas le seul à avoir découragé l'acquéreur potentiel, Alma Viva Santé, d'acquérir la clinique. Monsieur [W] indique que c'était l'une des causes et le mandataire affirme que l'acquéreur a retiré son offre en raison des exigences financières démesurées.

De même que les premiers juges, la cour ne peut trouver de lien de causalité entre les fautes de gestions reprochées aux dirigeants, essentiellement la désorganisation de la société et ce préjudice.

Ces fautes ne seront donc pas retenues et le jugement sera confirmé sur ce point.

Sur la contribution des fautes de gestion à l'insuffisance d'actif

La Selarl Fides expose que :

- La perte du bail de la clinique a provoqué l'échec d'une cession prévue pendant la poursuite

d'activité en procédure de liquidation judiciaire ;

- La tenue d'une comptabilité dont la sincérité et la régularité ont été remises en cause par un rapport d'experts comptables et a provoqué l'échec d'une cession avant la procédure de

liquidation judiciaire ;

- L'absence de déclaration de cessation des paiements dans le délai légal :

- La poursuite abusive d'une activité déficitaire a conduit à l'aggravation du passif de la Clinique pour un montant de 5.651.485,36 € (Pièce n°17 : Déclarations de créances nées durant la période suspecte) soit 61% du passif total ;

- L'incurie des présidents, se traduisant par un désintéressement total de la gestion de la Clinique, a favorisé l'aggravation du passif du [7] puisque sans aucun contrôle, la société poursuivait son activité dans l'opacité la plus totale.

Selon la Selarl Fides Messieurs [B], [A] et [T] ont commis des fautes de gestion ayant contribué à l'insuffisance d'actif de la Sas [7] à hauteur de 7.706.466,06 € et la gravité de ces fautes de gestion justifie la condamnation de ces derniers à la totalité de l'insuffisance d'actif.

La cour relève que l'augmentation du passif au cours de la période suspecte a été de 5.651.485 euros. A cette somme il est juste de déduire le compte courant de la société mère AMS de 2.852.359 euros, soit au total une somme restante de 2.799. 126 euros à laquelle il convient encore de déduire l'augmentation du passif après la démission de Messieurs [A] et [T] pendant la gestion de Monsieur [W] qui n'est quant à lui pas poursuivi en responsabilité..

Au cours de cette période Monsieur [A] a été dirigeant de droit pendant 9 mois, Monsieur [T] dirigeant de fait et de droit pendant 18 mois et Monsieur [B] dirigeant de droit pendant et avant le début de la période suspecte et à ce titre seul responsable parmi les trois dirigeants de la totalité de l'insuffisance d'actif.

Monsieur [B] n'ayant pas interjeté appel de la décision du tribunal de commerce sa condamnation au paiement de la somme de 1.096.713 euros est devenue définitive.

Monsieur [T] et Monsieur [A] ont quant à eux hérité d'une situation financière difficile puisque les loyers n'étaient déjà plus payés à la date à laquelle ils sont intervenus. Ils ne peuvent donc être tenus responsables de la totalité de l'insuffisance d'actif mais seulement de celui auquel ils ont contribué qui est né pendant leur gestion ou co-gestion.

La cour constate également qu'il ressort de courriels que Monsieur [B] a adressé à Monsieur [T] qu'il devait composer dans une certaine mesure avec certaines instructions que ce dernier lui donnait. Sa responsabilité est donc attenuée.

Quant à Monsieur [A] la cour relève que sa responsabilité est également attenuée par les fausses informations que Monsieur [T] lui donnait alors qu'il n'avait pas de raisons de douter de la véracité de ces informations a priori.

Monsieur [T] fait valoir qu'il n'est propriétaire d'aucun bien immobilier et est locataire de son logement. Il est à la retraite et la condamnation qui a été prononcée à son encontre lui apparaît disporportionnée.

Monsieur [A] quant à lui dit ne percevoir qu'une retraite de 1.200 euros par mois n'avoir aucun patrimoine et ne pas être en mesure de faire face à une condamnation pécuniaire. Il continue cependant à exercer la médecine mais aucune pièce n'est produite quant à la consistance de son patrimoine et à ses revenus autres que ceux de l'unique caisse de retraite qu'il produit;

Au regard de ces éléments la cour condamnera Monsieur [T] à payer la somme de 1.500.000 euros et condamnera Monsieur [A] à payer la somme de 850.000 euros.

Sur la sanction personnelle à l'égard de Monsieur [T]

Les fautes retenues commises par Monsieur [T] quant à la comptabilité et quant à l'omission de déclaration de la cessation des paiements dans le délai légal justifient que soit confirmée l'interdiction de gérer de sept ans.

Sur la demande de dommages et intérêts de Monsieur [T]

Le jugement étant confirmé sur le principe cette demande sera rejetée.

Sur l'article 700 du Code de procédure civile

Il serait inéquitable de laisser à la charge de la Selarl Fides les sommes qu'elle a exposées et qui ne sont pas comprises dans les dépens. Monsieur [T] sera en conséquence condamné à lui payer la somme de 10.000 euros de même que Monsieur [A].

PAR CES MOTIFS,

Infirme le jugement rendu le 30 octobre 2018 par le tribunal de commerce de Paris en ce qu'il a condamné Monsieur [D] [A] à une interdiction de gérer,

Confirme le jugement en ce qu'il a retenu la responsabilité de Monsieur [A] dans l'insuffisance d'actif de la société [7],

Confirme le jugement en ce qu'il a retenu la responsabilité de Monsieur [T] dans l'insuffisance d'actif de la société [7],

L'infirme sur le montant de la condamnation,

Statuant à nouveau mais seulement sur ce point,

Condamne Monsieur [A] à payer à la Selarl Fides, ès qualités, la somme de 850.000 euros au titre de sa responsabilité dans l'insuffisance d'actif,

Condamne Monsieur [T] à payer à la Selarl Fides, ès qualités, la somme de 1.500.000 euros au titre de sa responsabilité dans l'insuffisance d'actif,

Confirme le jugement en ce qu'il a condamné Mosnieur [T] à une interdiction de gérer d'une durée de sept ans,

Déboute Monsieur [T] de sa demande de dommages et intérêts,

Condamne Monsieur [A] à payer à la Selarl Fides, ès qualités, la somme de 10.000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile,

Condamne Monsieur [T] à payer à la Selarl Fides, ès qualités, la somme de 10.000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile,

Condamne in solidum Monsieur [A] et Monsieur [T] aux dépens qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.

La greffière La présidente


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 5 - chambre 9
Numéro d'arrêt : 18/24045
Date de la décision : 21/01/2021

Références :

Cour d'appel de Paris I9, arrêt n°18/24045 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2021-01-21;18.24045 ?
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