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21/01/2021 | FRANCE | N°18/19582

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 5 - chambre 5, 21 janvier 2021, 18/19582


Copies exécutoiresRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 5



ARRÊT DU 21 JANVIER 2021



(n° , 11 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 18/19582 - N° Portalis 35L7-V-B7C-B6IDA



Décision déférée à la cour : jugement du 15 mai 2018 -tribunal de commerce de Paris - RG n° 2018000212





APPELANTE



SARL EDITIONS DIS VOIR

Ayant son siège social [Adresse 2]r>
[Localité 3]

N° SIRET : 339 041 378

Prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège



Représentée par Me Etienne DESHOULIERES, avocat au ba...

Copies exécutoiresRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 5

ARRÊT DU 21 JANVIER 2021

(n° , 11 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 18/19582 - N° Portalis 35L7-V-B7C-B6IDA

Décision déférée à la cour : jugement du 15 mai 2018 -tribunal de commerce de Paris - RG n° 2018000212

APPELANTE

SARL EDITIONS DIS VOIR

Ayant son siège social [Adresse 2]

[Localité 3]

N° SIRET : 339 041 378

Prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

Représentée par Me Etienne DESHOULIERES, avocat au barreau de PARIS, toque : E1654,

Ayant pour avocat plaidant Me Willy FOURDRINIER, avocat au barreau de PARIS, toque : E1654,

INTIMÉE

SA ACTES SUD

Ayant son siège social [Adresse 4]

[Localité 1]

N° SIRET : 340 883 974

Prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

Représentée par Me Guillaume DAUCHEL de la SELARL Cabinet SEVELLEC, avocat au barreau de PARIS, toque : W09,

Ayant pour avocat plaidant Me Franck BENALLOUL, avocat au barreau de MARSEILLE

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l' article 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 15 Octobre 2020, en audience publique, la cour, composée de :

Mme Marie-Annick PRIGENT, présidente de chambre,

Mme Christine SOUDRY, conseillère,

Mme Camille LIGNIERES, conseillère,

qui en ont délibéré.

Un rapport a été présenté par Mme Camille LIGNIERES dans les conditions prévues à l'article 804 du code de procédure civile.

Greffière, lors des débats : Mme Liselotte FENOUIL

ARRÊT :

- contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Mme Marie-Annick PRIGENT, présidente de chambre et par Hortense VITELA-GASPAR, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

FAITS ET PROCEDURE :

La société Éditions Dis Voir est un éditeur indépendant d'ouvrages de fond de culture contemporaine.

La société Actes Sud est une maison d'éditions et de vente de livres et autres produits intellectuels, elle a assuré la diffusion en librairies des ouvrages des Editions Dis voir pendant des années à la suite d'un contrat conclu le 2 janvier 2007.

Le 18 juin 2015, la société Actes Sud a résilié le contrat la liant à la société Éditions Voir Sud, à effet du 31 décembre 2015, conformément au préavis contractuel.

Au terme du préavis, la société Éditions Dis Voir devait, dans le cadre des opérations de déstockage, récupérer l'intégralité des ouvrages en stock. Ces opérations de déstockage, effectuées par la société Union Distribution en qualité de sous-traitante de la société Actes Sud, ont donné lieu à un différend quant à l'état des ouvrages stockés : la société Éditions Dis Voir a refusé de les récupérer au motif qu'ils n'auraient pas été stockés de façon à assurer leur conservation.

En janvier 2016, Actes Sud a demandé à Dis Voir de récupérer ses ouvrages restés en stockage.

Courant juin/juillet 2016, des courriers ont été échangés concernant les frais de nettoyage des ouvrages et leur reconditionnement.

Par acte d'huissier de justice du 29 novembre 2016 la société Éditions Dis voir a assigné la société Actes Sud, devant le tribunal de commerce de Paris afin d'obtenir le remboursement des ouvrages perdus ou détériorés dans le cadre du dépôt ainsi que l'octroi de dommages et intérêts.

Parallèlement, la société Éditions Dis Voir a, par acte d'huissier de justice du 2 février 2017, assigné la société Actes Sud, en présence de son sous-traitant la société Union Distribution, en référé auprès du président du tribunal de commerce de Paris aux fins de se voir allouer une provision correspondant aux frais de tri et reconditionnement des ouvrages entreposés en vrac et aux fins d'injonction à la société Actes Sud de remettre le stock après avoir été trié, rangé par titre et conditionné pour permettre le transport des livres et aux fins de voir désigner un huissier de justice aux fins d'un constat exhaustif de l'état du stock.

Par ordonnance du 18 mai 2017, le président du tribunal de commerce de Paris statuant en référé a dit n'y avoir lieu à référé et a renvoyé l'affaire au fond selon la procédure à jour fixe.

Un procès-verbal de constat par huissier de justice a cependant été établi en date du 7 avril 2017 à la demande de la société Union Distribution sur le lieu de stockage des ouvrages objets du litige.

Par jugement du 15 mai 2018, rectifié le 10 juillet 2018, le tribunal de commerce de Paris a :

-joint les causes n°2017010774 et 2017029224 ;

-dit hors de cause la société Union Distribution, sauf pour qu'il soit statué sur sa demande reconventionnelle au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

-dit n'y avoir lieu de retirer des débats la pièce n°16 produite par la société Éditions Dis Voir ;

-condamné la SA Actes Sud à payer à la SARL Éditions Dis Voir la somme de 4.842,32 euros ;

-condamné la SARL Éditions Dis Voir à payer à la SA Actes Sud la somme de 939 euros ;

-ordonné la compensation judiciaire entre ces condamnations ;

-condamné la SARL Éditions Dis Voir à payer à la SASU Union Distribution la somme de 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

-condamné la SA Actes Sud à payer à la SARL Éditions Dis Voir la somme de 1.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

-ordonné l'exécution provisoire ;

-rejeté les demandes des parties autres, plus amples ou contraires ;

-condamné la SA Actes Sud aux dépens.

Par déclaration du 2 août 2018, la société Éditions Dis Voir a interjeté appel de ce jugement.

Par conclusions notifiées par le RPVA le 22 septembre 2020, la société Éditions Dis Voir demande à la cour de :

Vu l'article 16 du code de procédure civile,

Vu l'article 961 du code de procédure civile,

Vu les 1915 et suivants du code civil,

-recevoir la société Éditions Dis Voir en son appel ;

En conséquence,

-infirmer le jugement en ce que le tribunal a :

'retenu la co-responsabilité de la société Éditions Dis Voir quant à la détérioration de ses ouvrages déposés entre les mains de la société Actes Sud et diminué de 50% le montant des dommages et intérêts alloués en conséquence de cette détérioration ;

'diminué de 85% le montant des dommages et intérêts alloués en conséquence de la détérioration ;

'appliqué un taux de 80% au titre de la marge brut sur frais variable et un taux de 5% au titre du « chiffre d'affaires manqué » outre un taux de 50% au titre de la prétendue co-responsabilité de la société Éditions Dis Voir sur le montant des dommages et intérêts alloués au titre du préjudice d'image subi par la société Éditions Dis Voir ;

- condamné la société Éditions Dis Voir à payer 50% des frais de stockage facturés par la société Actes Sud, soit 936 euros ;

- rejeté les demandes de la société Éditions Dis Voir au titre des écarts d'inventaire ;

-confirmer le jugement en ses autres dispositions ;

Statuant à nouveau,

-débouter la société Actes Sud de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;

-ordonner la restitution du stock de la société Éditions Dis Voir sous astreinte de 500 euros par jour de retard à compter de la signification de l'arrêt à intervenir ;

-condamner la société Actes Sud à verser à la société Éditions Dis Voir les sommes suivantes, avec intérêts et capitalisation :

'5.649 euros au titre des 449 exemplaires de Life Extreme « nettoyés » par la société Union Distribution ;

'22.955 euros au titre des autres ouvrages « nettoyés » par la société Union Distribution ;

'14.414 euros au titre des écarts d'inventaires ;

'127.500 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait de la rétention du stock depuis le 31 décembre 2015 ;

-condamner la société Actes Sud à verser à la société Éditions Dis Voir la somme de 12.000 euros au titre des frais irrépétibles de première instance et d'appel ;

-condamner la société Actes Sud aux entiers dépens dont distraction au profit de Me Etienne Deshoulières conformément à l'article 699 du code de procédure civile.

Par conclusions notifiées par le RPVA le 23 septembre 2020, la société Actes Sud demande à la cour de :

-confirmer le jugement dont appel en ce qu'il a :

'débouté la société Éditions Dis Voir de sa demande tendant à la condamnation de la société Actes Sud à lui verser la somme de 14.414 euros au titre des écarts d'inventaires ;

Sur l'appel incident,

-infirmer le jugement dont appel en ce qu'il a :

'condamné la société Actes Sud à verser à la société Éditions Dis Voir la somme de 4.842,80 euros à titre de dommages et intérêts ;

'débouté la société Actes Sud de sa demande reconventionnelle tendant à la condamnation de la société Éditions Dis Voir à payer à la société Actes Sud la somme de 1.877,98 euros au titre des frais de stockages facturés par la société Union Distribution depuis le 31/12/2015 ;

'débouté la société Actes Sud de sa demande tendant à la condamnation de la société Editions Dis Voir à lui verser la somme de 10.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance ;

'condamné la société Actes Sud à verser à la société Éditions Dis Voir la somme de 1.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

'condamné la société Actes Sud aux dépens de l'instance.

Et, statuant a nouveau,

- débouter la société Éditions Dis Voir de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;

-condamner la société Éditions Dis Voir à payer à la société Actes Sud le montant des frais de stockages facturés par la société Union Distribution depuis le 31/12/2015, soit la somme de 2.673,12 euros à la date du 31 décembre 2018 à laquelle s'ajoutera 202 euros par trimestre jusqu'à la date de récupération effective des ouvrages par la société Éditions Dis Voir ;

-condamner la société Éditions Dis Voir à verser à la société Actes Sud la somme de 10.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance.

L'ordonnance de clôture a été prononcée le 24 septembre 2020.

La cour renvoie, pour un plus ample exposé des faits, prétentions et moyens des parties, à la décision déférée et aux écritures susvisées, en application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

***

MOTIFS

Sur la responsabilité de la société Actes Sud dans la détérioration des livres stockés

Le tribunal a considéré que la société Actes Sud devait payer 45% du prix public des livres pilonnés (soit 1.120,80 euros) et que les parties étaient co-responsables à 50% chacune de l'état défraichi des 713 livres et du stock de l'ouvrage « Life extrême » et a fixé à 15% des bénéfices tirés de la vente des livres la perte de chance subie par la société Éditions Dis Voir.

La société Éditions Dis Voir critique le principe même d'un partage de responsabilité ainsi que le % appliqué pour fixer le préjudice subi par elle du fait du pilonnage de certains de ses ouvrages et de la détérioration de ses ouvrages stockés par la société Actes Sud.

La société Actes Sud, quant à elle, demande l'infirmation du jugement concernant les dommages et intérêts auxquels elle a été condamnée.

L'intimée reconnaît sa responsabilité pour 115 livres pilonnés sans accord de l'éditeur, mais conteste le % appliqué. Elle soutient que l'indemnisation de ces ouvrages pilonnés ne saurait excéder la valeur comptable nette des exemplaires concernés.

Concernant les livres défraichis, la société Actes Sud prétend qu'elle ne peut en être tenue responsable en ce qu'il s'agit soit des invendus de retour de librairies où ils ont pu être manipulés, soit de livres mis en rayonnage par Union Distribution comme cela est d'usage. Elle ajoute que la société Éditions Dis Voir aurait dû filmer ces ouvrages individuellement, comme c'est l'usage pour les beaux livres ou livres d'art.

Sur les livres pilonnés

La société Actes Sud reconnaît qu'elle aurait dû avoir l'autorisation préalable de la société Éditions Dis Voir avant de procéder au pilonnage de 115 livres, elle estime pourtant que le préjudice subi par la société Actes Sud à ce titre ne peut excéder la valeur comptable nette des exemplaires concernés en faisant valoir que les ouvrages concernés ont été vendus au mieux à quelques dizaines exemplaires et que les stocks restants sont largement excédentaires pour satisfaire aux éventuelles commandes.

La société Éditions Dis Voir réplique, à bon escient, que ces livres sont des ouvrages de fond devenus des « livres cultes », ce qui explique l'interdiction de mise au pilon qu'elle a demandé admise par voie d'avenant. La société Éditions Dis Voir justifie des commandes récentes de ses livres même anciens (pièces 23 à 26, 31,40 et 41 de la société Éditions Dis Voir). Il ressort des échanges courriels précédents que les parties ont déjà admis que soit retenue une valeur de 45% du prix de vente de l'ouvrage en compensation de la mise au pilon par le distributeur de ce type d'ouvrages (pièce 22 de la société Actes Sud).

Il est donc justifié, à l'instar de ce qu'ont décidé les 1ers juges, de fixer le préjudice subi par la société Éditions Dis Voir à 45% du prix public qui correspond au chiffre d'affaires réalisé par l'éditeur sur la vente d'un ouvrage en librairie soit, en prenant en compte un prix de vente moyen de 30 euros par livre comme indiqué par l'appelante, une somme totale de 1.552,50 euros (45% de 30x115) .

Sur les 713 livres défraichis

Le procès-verbal établi contradictoirement par huissier de justice dans l'entrepôt de stockage sur lequel s'appuie l'appelante n'est pas exhaustif, l'huissier constatant n'ayant ouvert qu'un échantillon des colis renfermant les livres stockés objets du litige, soit seulement 15 livres sur lesquels il a pu être constaté du « gondolage » ou « quelques « traces de noircissures ». Ce procès-verbal de constat ne permet donc pas de déterminer le nombre des ouvrages effectivement « défraichis » sur l'ensemble du stock des ouvrages de la société Éditions Dis Voir (pièce 12 de la société Éditions Dis Voir). Quant aux extraits de la vidéo (pièce 16 de la société Éditions Dis Voir) produits par la société Éditions Dis Voir et montrant des livres dans des cartons, ils ont une force probante très faible car ils ne permettent pas d'identifier clairement à quoi correspondent ces cartons et les ouvrages qu'ils contiennent.

En revanche, il ressort du tri réalisé par la société Union Distribution et terminé le 22 février 2017 (courrier du conseil de cette dernière du 22-3-17 en pièce 11) que 449 exemplaires sont encore commercialisables et que 43 ont été déclassés en défraichis. Or, rien d'autre au dossier ne vient contredire de manière pertinente cet état des lieux établi par la société Union Distribution. En effet, l'éditeur n'ayant toujours pas récupéré l'ensemble de ces exemplaires, il n'en a pas vérifié l'état un à un.

Les seuls ouvrages que la société Éditions Dis Voir a accepté de récupérer depuis le début de la procédure portent sur les titres JC Averty et No World No Winter et au vu de la fiche de réception du 29 novembre 2017, sur un total de 75 exemplaires, seulement 6 ont été déclarés défectueux au vu de chacun des ouvrages effectivement récupérés (pièces 22 de la société Actes Sud).

Il ressort du tableau des mouvements de stock produit par la société Éditions Dis Voir qu'une partie de ces ouvrages représente des exemplaires retournés par les librairies.

Or l'article XV-2 du contrat conclu entre les parties prévoit : « il est convenu que les retours de librairie seront repris par l'éditeur quel que soit leur état. L'éditeur aura la faculté lors de la reconnaissance de ces retours d'opter pour le pilon ou la réintégration en stocks. En cas de réinsertion, les exemplaires défraîchis seront rénovés, aux frais de l'éditeur, sur la base des tarifs de prestations annexés au présent contrat. En cas de destruction, le distributeur délivrera un certificat de pilon. » (pièce 2 de la société Éditions Dis Voir)

Concernant les retours de libraires, la société Éditions Dis Voir ne peut donc être tenue pour responsable d'un dommage, ces livres devant être « repris en l'état » par l'éditeur, si ce dernier n'en demande pas un nettoyage à ses frais ou un pilonnage.

Concernant les ouvrages qui ne sont pas des retours de libraires et qui sont restés en stock, une faute du gardien dans l'exécution de son contrat de dépôt doit être démontrée par la société Éditions Dis Voir.

Il convient d'abord de relever qu'au vu du catalogue Dis Voir (pièce 27 de la société Éditions Dis Voir), cette dernière édite de « beaux livres » ou « livres d'art », ce qui est confirmé par les autres pièces versées au dossier (PV de constat d'huissier en pages 7 et 8 de la pièce 12 de la société Éditions Dis Voir, capture d'écran d'Art book dans conclusions de la société Éditions Dis Voir) pour lesquels il est constant que l'éditeur n'a pas pris la précaution, avant leur dépôt auprès du diffuseur, de les emballer individuellement par un film plastique selon les usages pratiqués pour ce type de livres.

Il convient également de relever que la société Éditions Dis Voir reproche à la société Actes Sud de ne pas avoir stocké ses livres dans les cartons de leur livraison initiale préparés par l'éditeur, cependant, la société Actes Sud fait valoir à bon escient qu'il lui est impossible de le faire puisque ces livres sont destinés à être envoyés à des libraires et éventuellement retournés et doivent donc être mis en rayonnage pour être facilement accessibles.

Quant à leur reconditionnement après retour des libraires ou après inventaire annuel quand ils ne sont pas vendus, il ressort du contrat conclu le 2 janvier 2007 et de la fiche des tarifs de prestations particulières que si l'éditeur ne demande pas de prestation particulière, il est prévu entre les parties que ce reconditionnement s'effectue en vrac dans des containers. Or, selon les échanges de courriels entre Mme [S] (Dis Voir) et M. [C] (Actes sud) produits en pièces 5 à 8 de la société Actes Sud, la société Éditions Dis Voir a refusé les prestations particulières à ses frais consistant en un nettoyage, un tri entre les ouvrages commercialisables et ceux défectueux, et un reconditionnement particulier notamment par titres et dans des cartons d'un poids maximum de 25 kgs.

Dans le cadre d'un geste commercial, le sous-traitant chargé du stockage par la société Actes Sud, la société Union Distribution, a pourtant effectué à ses frais ce reconditionnement terminé le 22-02-2017 (pièce 11 de la société Éditions Dis Voir).

Il s'ensuit qu'aucune faute commise par la société Actes Sud dans l'exécution du contrat de dépôt n'est prouvée en l'espèce, la société Éditions Dis Voir échoue à démontrer que la société Actes Sud a engagé sa responsabilité quant à l'état des livres qualifiés de « défraichis ».

Le jugement de première instance ayant condamné la société Actes Sud à payer une indemnisation à ce titre sera infirmé.

Sur le stock de l'ouvrage « Life Extreme »

Les ouvrages « Life Extreme » constituent également un stock de « beaux livres » pour lesquels l'éditeur n'a pas pris la précaution selon les usages de les emballer individuellement par un film plastique avant leur dépôt auprès du diffuseur.

Pour les mêmes motifs que ceux exposés concernant les autres livres défraîchis, il n'est pas démontré un comportement fautif de la société Actes Sud dans l'exécution de ses obligations dans le cadre du contrat de dépôt conclu avec la société Éditions Dis Voir.

La société Éditions Dis Voir sera déboutée de sa demande en indemnisation de ce chef.

Le jugement de première instance sera infirmé quant aux condamnations de la société Actes Sud en indemnisation de la société Éditions Dis Voir.

Sur les écarts d'inventaire

La société Éditions Dis Voir a sollicité une indemnisation pour des écarts d'inventaire, cependant, comme il a été relevé à bon droit par les 1ers juges, l'appelante n'établit nullement que les écarts d'inventaire dépassent la tolérance quantitative dite « de passe » de 2% admise par le contrat qui lie les parties, conformément aux dispositions de l'article XIV -2 du contrat liant les parties (pièce 2 de la société Actes Sud).

Concernant le stock Socadis, sous-traitant de la société Actes Sud au Canada, il est justifié que cette dernière a conservé ledit stock en attente des instructions de la société Éditions Dis Voir. (pièces 24 et 25 de la société Éditions Dis Voir)

Le jugement entrepris ayant rejeté toute demande d'indemnisation au titre des écarts d'inventaire sera confirmé sur ce point.

Sur le préjudice d'image

Le seul préjudice d'image qui pourrait avoir été causé par un comportement fautif de la société Actes Sud serait celui imputé au pilonnage des ouvrages non autorisés. la société Actes Sud a justifié qu'elle n'a pu répondre à des commandes de libraires du fait du pilonnage non autorisé pour certains de ces ouvrages mais qui sont commandés en petit nombre d'exemplaires (pièces 23 à 26, 31,40 et 41 de la société Éditions Dis Voir).

Les premiers juges ont à bon droit fixé ce préjudice subi par la société Actes Sud de ce fait à hauteur de 1.000 euros.

Sur la prise en charge des frais de stockage

L'appelante sollicite que les entiers frais de stockage facturés par Union Distribution après la date de cessation effective du contrat soit à compter du 31 décembre 2015 soient mis à la charge de la société Editions Dis Voir.

La société Actes Sud, quant à elle, demande que les frais de stockage soient supportés par la société Éditions Dis Voir et ce jusqu'à la date de récupération effective des ouvrages. A cet effet, elle soutient qu'elle a assuré le reconditionnement de l'ensemble des ouvrages, ce qui n'était pas prévu par les conditions générales du contrat conclu entre les parties et qu'elle ne s'est pas opposée à la reprise des stocks par l'éditeur.

Sur ce ;

A la lecture des échanges par courriels et courriers entre les parties depuis la fin du contrat les liant, il ressort que la société Éditions Dis Voir a retardé la récupération du stock en émettant des demandes particulières consistant en des prestations spéciales par rapport aux prestations standard prévues par le contrat, en exigeant notamment la mise à disposition de ses ouvrages dans leur conditionnement d'origine, alors que le sous-traitant de la société Actes Sud a assuré à ses frais, dans un geste commercial, le tri distinguant les ouvrages qui sont commercialisables de ceux qui sont déclarés « défraichis ».

Au terme de ce tri, les ouvrages étaient prêts à être récupérés dès le 22-02-2017 selon un courrier du conseil de la société Actes Sud adressé à la société Éditions Dis Voir en date du 22 mars 2017(pièce 11 de la société Actes Sud) indiquant : « votre client peut venir récupérer ses stocks dès que possible ». Pourtant, la société Editions Dis Voir a refusé de les récupérer en l'état lors des opérations du constat par huissier du 7 avril 2017.

Il convient d'ailleurs de relever que pour les ouvrages JC Averty et No World No Winter quand la société Editions Dis Voir a voulu les récupérer elle l'a fait en novembre 2017 sans difficulté, avec seulement 6 livres défectueux sur les 115 stockés.

Il est donc légitime que les frais de stockage soient mis à la charge de l'éditeur à compter de la date à laquelle elle a été informée de la mise à disposition effective du stock reconditionné, soit à compter du 22 mars 2017.

Il conviendra donc, selon ce que demande la société Actes Sud à hauteur de 202 euros par trimestre, de fixer le coût de stockage mis à la charge de la société Éditions Dis Voir pour la période du 22-03-2017 (date de mise à disposition après reconditionnement) au 21-01-2021 (date de la présente décision) comme suit : 202 euros x 15 trimestres et 1 mois , soit 3097 euros.

La décision de première instance sera infirmée sur le quantum des frais de stockage dus par les Editions Dis Voir.

L'injonction demandée par l'appelante envers la société Actes Sud aux fins de lui restituer le stock sous astreinte n'est pas nécessaire et ne sera pas ordonnée.

Sur la compensation judiciaire

L'article 1348 du code civil prévoit que : « La compensation peut être prononcée en justice, même si l'une des obligations, quoique certaine, n'est pas encore liquide ou exigible. A moins qu'il n'en soit décidé autrement, la compensation produit alors ses effets à la date de la décision. » 

Aux termes de la présente décision, les créances de la société Editions Dis Voir envers la société Actes Sud sont de 1.552,50 euros et 1.000 euros, soit un total de 2.552,50 euros, alors que la créance de la société Actes Sud envers les Editions Dis Voir est de 3.097 euros au titre des frais de stockage arrêtée au 21-01-2021.

La compensation judiciaire sera prononcée entre ces créances qui sont connexes car liées à l'exécution d'un même contrat entre les mêmes parties.

Il reste donc un solde dû par la société Éditions Dis Voir à la société Actes Sud de 544,50 euros (3097-2552,50).

Sur les frais et dépens

La décision de première instance sera confirmée sur les frais et dépens.

La société Éditions Dis Voir, appelante au principal, et succombant partiellement en son appel supportera les entiers dépens.

L'équité commande que chacune des parties qui succombe partiellement dans leurs demandes respectives conservera les frais irrépétibles engagés par elles en procédure d'appel.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Statuant publiquement et contradictoirement,

INFIRME le jugement entrepris des chefs de condamnation de la société Actes Sud à payer à la société Éditions Dis Voir la somme de 14.593,01 euros et la condamnation de la société Éditions Dis Voir à payer à la société Actes Sud la somme de 939 euros ;

LE CONFIRME pour le surplus,

Statuant à nouveau de ces chefs infirmés,

CONDAMNE la société Actes Sud à payer à la société Editions Dis Voir les sommes de :

- 1552,50 euros au titre des livres pilonnés sans autorisation,

- 1.000 euros au titre du préjudice d'image,

DÉBOUTE la société Éditions Dis Voir de ses autres demandes en indemnisation au titre des livres défraichis, des ouvrages « Life extrême » et au titre des écarts d'inventaire,

CONDAMNE la société Editions Dis voir à payer la société Actes Sud la somme de 3.097 euros au titre des frais de stockage pour la période du 22 mars 2017 jusqu'au jour de la présente décision,

ORDONNE la compensation judiciaire entre les créances de la société Éditions Dis Voir et la société Actes Sud et dit que le solde restant dû à ce titre par la société Éditions Dis Voir à la société Actes Sud est de 544,50 euros ;

Y ajoutant,

REJETTE la demande en injonction à l'encontre de la société Actes Sud aux fins de restituer le stock à la société Editions Dis Voir,

REJETTE les demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE la société Éditions Dis Voir aux entiers dépens de l'appel.

Hortense VITELA-GASPAR Marie-Annick PRIGENT

Greffière Présidente


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 5 - chambre 5
Numéro d'arrêt : 18/19582
Date de la décision : 21/01/2021

Références :

Cour d'appel de Paris I5, arrêt n°18/19582 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2021-01-21;18.19582 ?
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