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15/01/2021 | FRANCE | N°18/07734

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 12, 15 janvier 2021, 18/07734


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS







COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 12



ARRÊT DU 15 Janvier 2021



(n° , 6 pages)





Numéro d'inscription au répertoire général : S N° RG 18/07734 - N° Portalis 35L7-V-B7C-B547G



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 23 Février 2018 par le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de PARIS RG n° 17/00465





APPELANTE

CPAM du VAL DE MARNE

Division du contentieux

[Adresse

1]

[Localité 4]

représenté par Me Amy TABOURE, avocat au barreau de PARIS





INTIMEE

SA OGF

[Adresse 2]

[Localité 3]

représentée par Me Morgane COURTOIS D'ARCOLLIERES, avocat au barreau...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 12

ARRÊT DU 15 Janvier 2021

(n° , 6 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S N° RG 18/07734 - N° Portalis 35L7-V-B7C-B547G

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 23 Février 2018 par le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de PARIS RG n° 17/00465

APPELANTE

CPAM du VAL DE MARNE

Division du contentieux

[Adresse 1]

[Localité 4]

représenté par Me Amy TABOURE, avocat au barreau de PARIS

INTIMEE

SA OGF

[Adresse 2]

[Localité 3]

représentée par Me Morgane COURTOIS D'ARCOLLIERES, avocat au barreau de PARIS, toque : P0503 substitué par Me Noellie ROY, avocat au barreau de PARIS, toque : P0503

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 20 Novembre 2020, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant M. Pascal PEDRON, Président de chambre, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Monsieur Pascal PEDRON, président de chambre

Madame Sophie BRINET, présidente de chambre

Madame Bathilde CHEVALIER, conseillère

qui en ont délibéré

Greffier : Mme Venusia DAMPIERRE, lors des débats

ARRET :

- CONTRADICTOIRE

- prononcé

par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

-signé par Monsieur Pascal PEDRON, président de chambre, et par Mme Venusia DAMPIERRE, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

La cour statue sur l'appel interjeté par la caisse primaire d'assurance maladie du Val de Marne (la caisse) d'un jugement rendu le 23 février 2018 par le tribunal des affaires de sécurité sociale de Paris dans un litige l'opposant à la société OGF (la société).

FAITS, PROCEDURE, PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES :

Les circonstances de la cause ont été correctement rapportées par le tribunal dans son jugement au contenu duquel la cour entend se référer pour plus ample exposé.

Il suffit de rappeler que M. [P] [Y], chauffeur porteur au sein de la société OGF a été victime d'un accident du travail le 9 août 2013 ainsi relaté par la déclaration d'accident du travail du 13 août 2013 : 'lors du portage d'un cercueil, le salarié a ressenti une douleur dans le bas du dos'.

Le certificat médical initial du 10 août 2013 fait état de lombalgies et prescrit un arrêt de travail jusqu'au 17 août 2013.

La caisse a notifié sa décision de prise en charge de l'accident au titre de la législation sur les risques professionnels le 9 septembre 2013.

L'état de santé de M. [P] [Y] en rapport avec cet accident a été déclaré consolidé à la date du 31 mai 2014 par décision de la caisse du 12 mai 2014.

Un taux d'incapacité permanente partielle de 6% lui a été allloué par décision du 16 juin 2014 pour 'douleur et raideur lombaire sur état antérieur chez un travailleur de force'.

Après avoir vainement saisi la commission de recours amiable, la société OGF a saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale de Paris le 2 janvier 2017 pour se voir déclarer inopposables les arrêts de travail et soins prescrits à son salarié consécutivement à son accident du travail du 9 août 2013 et pris en charge à ce titre.

Par jugement avant dire-droit du 6 octobre 2017, ce tribunal a ordonné une expertise médicale judiciaire confiée au docteur [U].

L'expert a déposé son rapport le 22 décembre 20117.

Par jugement rendu après expertise, le tribunal a homologué le rapport d'expertise, déclaré inopposables à la société OGF les arrêts de travail et soins prescrits à M. [P] [Y] et pris en charge au titre de la législation professionnelle postérieurement au 21 septembre 2013, liquidé les frais d'expertise à la somme de 1000 euros et dit que ces frais seront à la charge de la caisse primaire d'assurance maladie du Val de Marne.

La caisse primaire d'assurance maladie du Val de Marne a interjeté appel le 20 juin 2018 ( mentionnant les chefs de décision critiqués) de ce jugement qui lui avait été notifié le 22 mai 2018.

Par ses conclusions écrites déposées à l'audience par son conseil qui les a oralement développées, la caisse demande à la cour, par voie d'infirmation du jugement déféré, de:

- déclarer opposable à la société OGF la prise en charge de l'intégralité des soins et arrêts de travail prescrits à M. [Y] au titre de son accident du 9 août 2013 ;

- condamner la société OGF au paiement des frais d'expertise ;

- débouter la société de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

- condamner la société aux entiers dépens.

Elle fait essentiellement valoir que :

- La seule référence à un état antérieur par le docteur [U] pour considérer que cet état est responsable des arrêts de travail observés après le 21 septembre 2013 est insuffisante à caractériser l'existence d'une cause totalement étrangère qui est exigée par la jurisprudence ;

- Ledit état antérieur doit être de nature à exclure entièrement le rôle causal du travail et ne pas avoir été aggravé par l'accident ;

- Le docteur [L], expert nommé par le tribunal du contentieux de l'incapacité dans le cadre de l'instance introduite par M. [Y] a expliqué dans son rapport qu'il avait bien été tenu compte de l'évolution propre de l'état antérieur, très modéré du reste, par le médecin conseil de la caisse et que cet état n'expliquait pas à lui seul les conséquences de l'accident ;

- L'état antérieur parfois révélé par le sinistre, doit avoir été la cause exclusive des soins et arrêts dont l'imputabilité à l'accident du travail est contestée pour écarter leur prise en charge au titre de la législation professionnelle ;

- M. [Y] n'était pas en arrêt de travail antérieurement à son accident ;

- L'ensemble des certificats médicaux versés aux débats établissent une continuité de soins ainsi que l'absence d'interférence d'une pathologie indépendante ;

- Ces certificats font tous état des mêmes lésions et démontrent sans équivoque le fait que ledit état antérieur n'est pas la cause exclusive des arrêts et des soins litigieux étant précisé qu'une nouvelle lésion a été prise en charge après avis du médecin conseil à partir du certificat médical du 8 novembre 2013, rédigé à la suite de l'IRM du 4 novembre 2013 qui a objectivé l'état antérieur ;

- Le docteur [U] ne démontre pas que l'état antérieur de M. [Y], très modéré et qui ne donnait pas lieu à incapacité de travail avant l'accident du 9 août 2013, est la cause exclusive des arrêts de travail prescrits à compter du 22 septembre 2013.

Par ses conclusions écrites déposées et soutenues à l'audience par son conseil, la société OGF demande à la cour de :

- confirmer le jugement rendu,

En conséquence :

- entériner le rapport d'expertise du docteur [U] du 20 décembre 2017,

En conséquence :

- déclarer que dans le cadre des rapports caisse/employeur, seuls les arrêts de travail délivrés entre le 9 août 2013 et le 21 septembre 2013, ainsi que les soins dispensés jusqu'au 21 septembre 2013 lui sont opposables,

- déclarer que dans le cadre des rapports caisse/employeur, les arrêts de travail délivrés après la date du 21 septembre 2013 lui sont inopposables,

- condamner la caisse à lui rembourser le montant des frais d'expertise qu'elle a dû avancer soit la somme de 1 000 euros,

- condamner la caisse à lui verser la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Elle expose en substance que :

- Il résulte sans ambiguité du rapport d'expertise du docteur [U] que seuls les arrêts de travail prescrits à M. [Y] du 9 août 2013 au 21 septembre 2013 sont directement imputables à l'accident du travail dont il a été victime le 9 août 2013,

- L'expert a rendu son rapport en tenant compte de l'avis du médecin conseil de la caisse et de celui de l'expert du tribunal du contentieux de l'incapacité et compte tenu de la clarté de ses conclusions, il y a lieu de l'entériner.

Il est fait référence aux conclusions des parties déposées à l'audience du 20 novembre 2020 pour plus ample exposé des moyens développés.

SUR CE, LA COUR :

Il résulte de l'article L. 411-1 du code de la sécurité sociale, que la présomption d'imputabilité au travail des lésions apparues à la suite d'un accident du travail ou d'une

maladie professionnelle, dès lors qu'un arrêt de travail a été initialement prescrit ou que le certificat médical initial d'accident du travail est assorti d'un arrêt de travail, s'étend pendant toute la durée d'incapacité de travail précédant soit la guérison complète, soit la consolidation de l'état de la victime, et qu'il appartient à l'employeur qui conteste cette présomption d'apporter la preuve contraire, à savoir celle que les soins et arrêts contestés sont totalement étrangers au travail .

Dès lors qu'un accident du travail est établi, la présomption d'imputabilité à l'accident des soins et arrêts subséquents trouve à s'appliquer dans la mesure où la caisse justifie du caractère ininterrompu des arrêts de travail y faisant suite, ou, à défaut, de la continuité de symptômes et de soins.

En l'espèce, la caisse justifie par ses productions de ce que le certificat médical initial

d'accident du travail du 10 août 2013 est assorti d'un arrêt de travail jusqu'au 17 août 2013 (pièce n°2 de ses productions) , puis que les arrêts de travail ont été prescrits de manière ininterrompue jusqu'à la consolidation de l'état de santé de M. [Y] étant intervenue le 31 mai 2014 ( pièce n° 4 de ses productions).

La caisse bénéficie donc de la présomption d'imputabilité à l'accident du travail du 9 août 2013 de l'intégralité des arrêts de travail du 10 août 2013 au 31 mai 2014, soit pendant toute la durée d'incapacité de travail précédant la consolidation de l'état de la victime.

Il appartient à l'employeur qui conteste cette présomption d'apporter la preuve contraire, soit notamment celle de l'existence d'un état pathologique préexistant évoluant pour son propre compte sans lien avec l'accident ou d'une cause postérieure totalement étrangère, auxquels se rattacheraient exclusivement les arrêts de travail postérieurs.

L'employeur se prévaut du rapport d'expertise du docteur [U] dont il sollicite l'entérinement.

Dans son rapport, l'expert indique que :

'Les arrêts de travail sont motivés par des lombalgies invalidantes pour le docteur [R], puis par des dorsolombalgies associées à des épisodes sciatalgiques à partir du 20/10/2013. La notion de sciatalgie intervient quand il y a un état antérieur, soit à type d'arthrose interapophysaire postérieure, d'arthrose discale ou éventuellement une hernie discale préexistante qui aurait été ravivée à ce moment là.

(...)

Par ailleurs :

* L'IRM réalisée le 04/11/2013 corrobore l'existence d'un état antérieur avec discopathies étagées L4-L5, L5-S1 et protusion discale en L5-S1,

* Aucune indication chirurgicale n'a été portée après l'IRM du 04/11/2013, le constat clinique du praticien est resté le même,

* Le rapport d'examen du 17/02/2015 émanant du docteur [F] [L] pour le tribunal du contentieux de l'incapacité mentionne l'existence sur une radiographie de 2013 d'une arthrose postérieure L5-S1 avec pincement modéré en L4-L5, cet aspect d'arthropatie dégénérative du rachis lombaire est confirmé par l'IRM du 04/11/2013 qui objective des petits tassements discaux L4-L5 L5-S1 avec protusion discale associée en L5-S1,

* Le taux d'IPP attribué par le médecin conseil est alloué pour 'douleur et raideur lombaire sur état antérieur chez un travailleur de force'.

Au total le patient a bénéficié d'un arrêt de travail du 10/08/2013 au 30/05/2014.

Les différents référentiels relatifs à la durée d'un arrêt de travail : référentiel des sociétés savantes et en particulier celui élaboré par la Haute autorité de santé préconisent pour

- une lombalgie commune une durée d'arrêt de travail qui est de deux jours dans le cadre d'un travail sédentaire et 35 jours pour un travail physique lourd avec charge supérieure à 25 kg,

- une sciatique (hors de la sciatique paralysante) une durée d'arrêt de travail qui est de deux jours dans le cadre d'un travail sédentaire à 35 jours pour un travail physique lourd avec charge supérieure à 25 kg.

En conclusion :

Sur le plan médico-légal, l'accident du travail du 09/08/2013 a été exclusivement responsable d'un lumbago aigu survenant sur un rachis antérieurement pathologique.

La consolidation médicolégale des lésions accidentelles dont l'assuré, Monsieur [P] [Y] a été victime peut être fixée au 21/09/2013, en raison de l'absence de complication, de rééducation fonctionnelle, d'intervention chirurgicale pour état déficitaire.

Au delà de cette date les arrêts de travail prescrits sont en rapport avec l'état antérieur vertébral connu, objectivé par une radiographie de 2013 signalée dans le rapport de l'expert pour le TCI, puis confirmé par l'IRM du 04/11/2013, et pris en compte par le médecin-conseil pour fixer le taux d'IP relatif à l'accident du 09/082013.

Les arrêts de travail et les soins en rapport avec l'accident du travail du 09/08/2013 s'étendent jusqu'au 21/09/2013, au delà, les soins et les arrêts de travail sont à prendre en charge sur le risque maladie au titre d'un état antérieur dégénératif arthrosique lombaire qui évolue pour son propre compte.'

Il ne résulte ainsi nullement de ce rapport d'expertise un état pathologique préexistant évoluant pour son propre compte sans lien avec l'accident ou une cause postérieure totalement étrangère, auxquels se rattacheraient exclusivement les arrêts de travail postérieurs

L'expert se fonde en effet sur des référentiels d'ordre général applicables aux arrêts de travail qui ne s'appliquent pas de façon certaine à la situation de M. [Y].

Il s'appuie sur l'existence d'un état antérieur médicalement constaté pour considérer que l'accident du travail n'a pu engendrer qu'un lumbago aigu et fixer de façon abstraite et sans certitude ( 'peut être fixée') la date de consolidation de cette lésion au 21 septembre 2013, compte tenu des référentiels dont il dispose.

L'expert n'affirme cependant pas que les arrêts de travail postérieurs au 21 septembre 2013 sont totalement étrangers au travail.

Cette expertise n'est donc pas de nature à renverser la présomption d'imputabilité dont bénéficie la caisse.

En conséquence, contrairement à ce que le tribunal a retenu, il convient de dire que l'intégralité des soins et arrêts de travail prescrits à M. [P] [Y] entre le 10 août 2013 et le 30 mai 2014 et pris en charge par la caisse au titre de l'accident du travail du 9 août 2013 est opposable à la société OGF qui devra supporter les frais d'expertise.

La société OGF, qui succombe en ses prétentions, sera déboutée de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS :

LA COUR,

Déclare l'appel recevable,

Infirme le jugement déféré,

Statuant à nouveau :

Déclare l'ensemble des soins et arrêts de travail prescrits à M. [P] [Y] entre le 10 août 2013 et le 30 mai 2014 et pris en charge par la caisse au titre de l'accident du travail du 9 août 2013 opposable à la société OGF ;

Condamne la société OGF au paiement des frais d'expertise judiciaire ;

Déboute la société OGF de ses demandes;

Condamne la société OGF aux dépens d'appel.

La greffièreLe président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 12
Numéro d'arrêt : 18/07734
Date de la décision : 15/01/2021

Références :

Cour d'appel de Paris L3, arrêt n°18/07734 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2021-01-15;18.07734 ?
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