RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 6 - Chambre 12
ARRÊT DU 15 Janvier 2021
(n° , 6 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : S N° RG 16/09841 - N° Portalis 35L7-V-B7A-BZJ37
Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 09 Juin 2016 par le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale d'EVRY RG n° 14/00823
APPELANTE
CPAM DE L'ESSONNE
Département Juridique
[Adresse 3]
[Localité 5]
représentée par Me Florence KATO, avocat au barreau de PARIS, toque : D1901
INTIMEE
Madame [C] [X]
née le [Date naissance 1] 1971 à [Localité 7]
[Adresse 4]
[Localité 6]
représentée par Me Catherine KLINGLER, avocat au barreau de PARIS, toque : E1078
Monsieur le Ministre chargé de la sécurité sociale
[Adresse 2]
[Localité 7]
avisé - non comparant
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 15 Octobre 2020, en audience publique, devant la Cour composée de :
M. Pascal PEDRON, Président de chambre
Mme Sophie BRINET, Présidente de chambre
M. Lionel LAFON, Conseiller
qui en ont délibéré
Greffier : Mme Venusia DAMPIERRE, lors des débats
ARRÊT :
- CONTRADICTOIRE
- prononcé
par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile. L'arrêt mis à disposition initialement le 27 novembre 2020 a été prorogé au 15 janvier 2021.
-signé par M. Pascal PEDRON, Président de chambre et Mme Venusia DAMPIERRE, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
La cour statue sur l'appel régulièrement interjeté par la caisse primaire d'assurance maladie de l'Essonne, ci-après 'la caisse', d'un jugement rendu le 9 juin 2016 par le tribunal des affaires de sécurité sociale d'Evry dans un litige l'opposant à Mme [C] [X].
FAITS , PROCEDURE , PRETENTIONS DES PARTIES
Les faits de la cause ont été exactement exposés dans la décision déférée à laquelle il est fait expressément référence à cet égard .
Il suffit de rappeler que le service du contrôle médical de la caisse a procédé à l'étude d'une partie de l'activité de Mme [X], infirmière libérale, sur la période du 1er novembre 2010 au 31 octobre 2012.
Il en est résulté le 26 décembre 2013 une notification de la caisse à Mme [X] d'un indu de 44 249,99 euros.
Mme [X] a contesté cette notification devant la commission de recours amiable, qui a rejeté son recours le 4 avril 2014.
Puis elle a saisi par lettre du 7 juin 2014 le tribunal des affaires de sécurité sociale d'Evry.
Par jugement en date du 9 juin 2016, ce tribunal a annulé la décision rendue par la commission de recours amiable, débouté la caisse de sa demande reconventionnelle en paiement et débouté les parties de leurs demandes fondées sur l'article 700 du code de procédure civile, en considérant que la caisse ne rapportait pas la preuve de l'indu qu'elle invoquait, les pièces par elle transmises étant insuffisantes ou inexploitables.
Le jugement a été notifié à la caisse le 13 juin 2016, qui en a relevé appel par lettre datée du 4 juillet 2016.
La caisse fait déposer et soutenir oralement par son conseil des conclusions invitant la cour:
- à infirmer le jugement déféré en ce qu'il a dit non fondée sa créance,
- à déclarer recevable et bien fondée sa demande reconventionnelle en paiement et à condamner Mme [X] à lui verser la somme de 44 249,99 euros, ainii que la somme de 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile;
elle soutient que la procédure de contrôle est régulière, qu'elle a permis de mettre en lumière 8 griefs, que les accords aux demandes d'entente préalable ne dispensent pas le professionnel de santé du respect des règles de facturation, qu'elle fournit bien les preuves de l'existence de l'indu.
Mme [X] fait déposer et soutenir oralement par son conseil des conclusions invitant la cour:
- à confirmer le jugement entrepris, par substitution de motifs,
- à titre principal déclarer nulle la procédure, au motif que la caisse ne lui a pas adressé de mise en demeure préalable et a porté atteinte aux droits de la défense en la privant d'un degré de discussion, en violation de l'article R.133-9-1 du code de la sécurité sociale dans sa rédaction issue du décret du 20 août 2009, et subsidiairement à considérer que seuls les soins postérieurs au 8 septembre 2012 peuvent être retenus au titre de l'indu à hauteur de la somme de 5 225,67 euros,
au motif que la notification d'indu est signée par le directeur de la gestion du risque et non par le directeur de la caisse,
- à titre subsidiaire, sur le fond, à débouter la caisse de sa demande en paiement, au motif qu'elle ne détaille pas patient par patient ce qui est dû et pourquoi,
- à titre très subsidiaire dire que l'intégralité de l'indû est mal fondé à l'exception des erreurs qu'elle admet,
- à condamner la caisse à lui verser la somme de 3 000 euros en application de l'article 700 précité.
Il est fait référence aux écritures ainsi déposées de part et d'autre pour un plus ample exposé des moyens proposés par les parties au soutien de leurs prétentions .
SUR CE ,
La caisse a relevé appel du jugement dans les formes et délais légaux, son appel est donc recevable.
Sur la régularité de la procédure:
L'article L.133-4 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction applicable aux faits, dispose: ' En cas d'inobservation des règles de tarification ou de facturation:
1° Des actes, prestations et produits figurant sur les listes mentionnées aux articles L.162-1-7, L.162-1, L.165-1, L.162-22-7 ou relevant des dispositions des articles L.162-22-1 et L.162-22-6;
2° Des frais de transport mentionnés à l'article L.321-1,
l'organisme de prise en charge recouvre l'indu correspondant auprès du professionnel ou de l'établissement à l'origine du non-respect de ces règles et ce, que le paiemenjt ait été effectué à l'assuré, à un autre professionnel de santé ou à un établissement.
Il en est de même en cas de facturation en vue du remboursement, par les organismes d'assurance maladie, d'un acte non effectué ou de prestations et produits non délivrés.
Lorsque le professionnel ou l'établissement faisant l'objet de la notification d'indu est également débiteur à l'égard de l'assuré ou de son organisme complémentaire, l'organisme de prise en charge peut récupérer la totalité de l'indu. Il restitue à l'assuré et, le cas échéant, à son organisme complémentaire les montants qu'ils ont versés à tort.
L'action en recouvrement, qui se prescrit par trois ans, sauf en cas de fraude, à compter de la date du paiement de la somme indue, s'ouvre par l'envoi au professionnel ou à l'établissement d'une notification de payer le montant réclamé ou de produire, le cas échéant, leurs observations.
En cas de rejet total ou partiel des observations de l'intéressé, le directeur de l'organisme d'assurance maladie adresse, par lettre recommandée, une mise en demeure à l'intéressé de payer dans le délai d'un mois. La mise en demeure ne peut concerner que les sommes portées sur la notification.
Lorsque la mise en demeure reste sans effet, le directeur de l'organisme peut délivrer une contrainte qui, à défaut d'opposition du débiteur devant le tribunal des affaires de sécurité sociale, comporte tous les effets d'un jugement et confère notamment le bénéfice de l'hypothèque judiciaire.
Une majoration de 10% est applicable aux sommes réclamées qui n'ont pas été réglées aux dates d'exigibilité mentionnées dans la mise en demeure. Cette majoration peut faire l'objet d'une remise.
Un décret en Conseil d'Etat définit les modalités d'application des trois alinéas qui précèdent.'
L'article L.315-1 du même code, dans sa rédaction applicable aux faits, dispose:
'I Le contrôle médical porte sur tous les éléments d'ordre médical qui commandent l'attribution et le service de l'ensemble des prestations de l'assurance maladie, maternité et invalidité, ainsi que des prestations prises en charge en application des articles L.251-2 et L.254-1 du code de l'action sociale et des familles.
II Le service du contrôle médical constate les abus en matière de soins, de prescriptions d'arrêt de travail et d'application de la tarification des actes et autres prestations (...)
IV Il procède également à l'analyse, sur le plan médical, de l'activité des professionnels de santé dispensant des soins aux bénéficiaires de l'assurance maladie, notamment au regard des règles définies par les conventions qui régissent leurs relations avec les organismes d'assurance maladie ou, en ce qui concerne les médecins, du règlement mentionné à l'article L.162-14-2.
La procédure d'analyse de l'activité se déroule dans le respect des droits de la défense et selon les conditions définies par décret (...)'
L'article R.315-1-1 du même code, dans sa rédaction applicable aux faits, dispose: ' Lorsque le service du contrôle médical procède à l'analyse de l'activité d'un professionnel de santé en application du IV de l'article L.315-1, il peut se faire communiquer, dans le cadre de cette mission, l'ensemble des documents, actes, prescriptions et éléments relatifs à cette activité.
Dans le respect des règles de la déontologie médicale, il peut consulter les dossiers des patients ayant fait l'objet de soins dispensés par le professionnel concerné au cours de la période couverte par l'analyse. Il peut, en tant que de besoin, entendre et examiner ces patients.
Il en informe au préalable le professionnel, sauf lorsque l'analyse a pour but d démontrer l'existence d'une fraude telle que définie à l'article R.147-11, d'une fraude en bande organisée telle que définie à l'article R.147-12 ou de faits relatifs à un trafic de médicaments (...)'.
L'article R.315-1-2 du même code, dans sa rédaction applicable aux faits, dispose: 'A l'issue de cette analyse, le service du contrôle médical informe le professionnel concerné de ses conclusions. Lorsque le service du contrôle médical constate le non-respect de règles législatives, règlementaires ou conventionnelles régisant la couverture des prestations à la charge des organismes de sécurité sociale, il en avise la caisse. La caisse notifie au professionnel les griefs retenus à son encontre, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception. Dans le délai d'un mois qui suit la notification des griefs, l'intéressé peut demander à être entendu par le service du contrôle médical.'
En l'espèce le service du contrôle médical d'Ile de France, en application des articles L.315-1 et R.315-1-1 et suivants précités, et en la personne du docteur [K] médecin conseil de la caisse, a avisé Mme [X], par lettre recommandée avec avis de réception datée du 11 mars 2013, qu'il allait procéder à une analyse de son activité d'infirmière libérale.
Le même service, par lettre datée du 3 juin 2013 et adressée à Mme [X] en recommandé avec accusé de réception, lui a fait savoir qu'un certain nombre d'anomalies avaient été mises en évidence sur la période du 1er novembre 2010 au 31 octobre 2012, et que ces faits seraient transmis à la caisse, en charge de lui notifier les griefs. Mme [X] était également informée qu'elle était en droit d'être entendue par le service du contrôle médical dans le délai d'un mois suivant cette notification des griefs, et qu'elle pouvait y être assistée. Etait joint à ce courrier un tableau récapitulant les dossiers et prestations concernées et pour chacun d'eux les faits reprochés.
Par lettre du 13 juin 2013, également envoyée en recommandé avec accusé de réception, la caisse procédait à la notification à Mme [X] des griefs, pour non-respect des dispositions du code de la santé publique et de la nomenclature générale des actes professionnels (NGAP).
Mme [X] sollicitait un entretien, et il n'est pas contesté que cet entretien contradictoire a eu lieu, précisément les 8 juillet 2013 et 25 juillet 2013, et qu'elle a signé le tableau des anomalies.
La caisse a fait savoir à Mme [X], par lettre en date du 25 octobre 2013 et envoyée en recommandé avec accusé de réception, qu'au terme de la procédure contradictoire et considérant les anomalies retenues à l'issue des deux entretiens elle entendait donner des suites contentieuses aux griefs relevés.
Enfin, le 23 décembre 2013, toujours par lettre recommandée avec demande d'accusé de réception, la caisse lui a notifié un indu et lui a réclamé une somme de 44 249,99 euros. Il était précisé qu'elle disposait d'un délai de deux mois pour procéder au règlement ou de faire des observations et qu'elle avait également la possibilité de saisir dans ce délai la commission de recours amiable. Mme [X] n'a pas fait d'observation et a saisi la commission de recours amiable par lettre de son conseil datée du 23 février 2014.
Mme [X] soutient que la procédure en recouvrement de l'indû serait nulle au motif qu'une première notification de l'indu lui a été adressée, sans aucun préavis, et qu'il y avait lieu d'appliquer les dispositions de l'article R.133-9-1 du code de la sécurité sociale dans sa rédaction issue du décret n°2009-988 du 20 août 2009, qui exigeait l'envoi d'une mise en demeure séparée de la notification de l'indu.
Elle considère que la caisse a commis une irrégularité en procédant par la lettre datée du 23 décembre 2013 à la fois à la notification de l'indu et à la mise en demeure de payer, faisant application de l'article précité dans sa rédaction issue du décret n°2012-1032 du 7 septembre 2012, qui permettait de procéder ainsi, mais qui n'était applicable qu'aux indus postérieurs à sa publication, et donc inapplicable aux soins dispensés avant le 8 septembre 2012. Elle reproche à la caisse de l'avoir ainsi privée d'un niveau de discussion.
L'article R.133-9-1 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction issue du décret n°2009-988 du 20 août 2009 dispose: 'La notification de payer prévue à l'article L.133-4 est envoyée par le directeur de l'organisme d'assurance maladie au professionnel ou à l'établissement par lettre recommandée avec demande d'avis de réception.
Cette lettre précise la cause, la nature et le montant des sommes réclamées et la date du ou des versements indus donnant lieu à recouvrement. Elle mentionne l'existence d'un délai d'un mois à partir de sa réception, imparti au débiteur pour s'acquitter des sommes réclamées. Elle informe ce dernier qu'à défaut de paiement dans ce délai, il sera mis en demeure de payer l'indu avec une majoration de 10%. Dans le même délai, l'intéressé peut présenter ses observations écrites à l'organisme d'assurance maladie.
En cas de désaccord avec les observations de l'intéressé et en l'absence de paiement dans le délai imparti, le directeur de l'organisme lui adresse par lettre recommandée avec demande d'avis de réception la mise en demeure prévue à l'article L.133-4. Cette mise en demeure comporte la cause, la nature et le montant des sommes demeurant réclamées, la date du ou des versements indus donnant lieu à recouvrement, le motif qui, le cas échéant, a conduit à rejeter totalement ou partiellement les observations présentées, le montant de la majoration de 10% afférente aux sommes encore dues ainsi que le délai de saisine de la commission de recours amiable prévue à l'article R.142-1.'
Il est exact qu'en application de l'article 8 du décret n°2012-1032 du 7 septembre 2012, la nouvelle rédaction de ce texte ne s'applique qu'aux indus correspondant à des périodes postérieures à sa date de publication.
La période contrôlée allant de novembre 2010 à octobre 2012, l'article R.133-9-1 est bien applicable à l'espèce dans sa rédaction émanant du décret de 2009.
La notification d'indu du 26 décembre 2013 fait bien mention des articles L.133-4 et R.133-9-1 du code de la sécurité sociale, donc ceux-ci trouvent à s'appliquer sous leur ancienne rédaction
et le non-respect en l'espèce de celle-ci a privé l'intimée d'une véritable phase intermédiaire amiable à laquelle elle aurait eu droit, lui causant un préjudice du fait de l'incertitude où elle s'est trouvée placée, qui pour éviter la forclusion ne pouvait que la conduire à saisir la commission de recours amiable, sans attendre le résultat de cette phase amiable.
L'irrégularité affecte l'entier contrôle et la procédure de recouvrement mise en oeuvre par la caisse est par conséquent nulle.
Le jugement déféré sera donc confirmé en ce qu'il a annulé la décision de la commission de recours amiable du 4 avril 2014 et débouté la caisse de sa demande reconventionnelle en paiement.
L'équité ne commande pas de faire application de l'article 700 du code de procédure civile.
La caisse appelante sera condamnée au paiement des dépens d'appel, en application de l'article 696 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
LA COUR ,
DECLARE recevable l'appel interjeté par la caisse primaire d'assurance maladie de l'Essonne,
ANNULE la procédure de redressement diligentée par la caisse primaire d'assurance maladie de l'Essonne,
CONFIRME le jugement déféré en ce qu'il a annulé la décision de la commission de recours amiable en date du 4 avril 2014 et débouté la caisse de sa demande reconventionnelle en paiement .
REJETTE les demandes des parties fondées sur l'article 700 du code de procédure civile,
CONDAMNE la caisse primaire d'assurance maladie de l'Essonne aux dépens d'appel.
La greffièreLe président