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07/01/2021 | FRANCE | N°18/08879

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 7, 07 janvier 2021, 18/08879


Copies exécutoiresREPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 7



ARRET DU 07 JANVIER 2021



(n° , 10 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 18/08879 - N° Portalis 35L7-V-B7C-B6DTF



Décision déférée à la Cour : Jugement du 05 Juin 2018 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS - RG n° 17/10391







APPELANTE



Mademoiselle [K] [G]

[Adresse 2]

[Localité 3

]



Représentée par Me Kevin MENTION, avocat au barreau de PARIS







INTIMEE



SELARL HERACLES AVOCATS

[Adresse 1]

[Localité 3]



Représentée par Me Fernando MANES, avocat au b...

Copies exécutoiresREPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 7

ARRET DU 07 JANVIER 2021

(n° , 10 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 18/08879 - N° Portalis 35L7-V-B7C-B6DTF

Décision déférée à la Cour : Jugement du 05 Juin 2018 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS - RG n° 17/10391

APPELANTE

Mademoiselle [K] [G]

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représentée par Me Kevin MENTION, avocat au barreau de PARIS

INTIMEE

SELARL HERACLES AVOCATS

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentée par Me Fernando MANES, avocat au barreau de PARIS, toque : C2249

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 27 Novembre 2020, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Bérengère DOLBEAU, Conseillère, chargée du rapport.

Ce magistrat, entendu en son rapport, a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Bérénice HUMBOURG, Présidente de Chambre,

Madame Marie-Hélène DELTORT, Présidente de chambre,

Madame Bérengère DOLBEAU, Conseillère.

Greffier, lors des débats : Madame Lucile MOEGLIN

ARRET :

- CONTRADICTOIRE,

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,

- signé par Madame Bérénice HUMBOURG, Présidente de chambre et par Madame Lucile MOEGLIN, Greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS ET PROCEDURE

Mme [G] a intégré le cabinet Héraclès avocats le 2 octobre 2017.

Mme [G] a quitté définitivement le cabinet Héraclès le 8 novembre 2017.

Mme [G] a saisi le conseil de prud'hommes de Paris le 20 décembre 2017 afin notamment de demander la requalification de son contrat de travail à durée déterminée en un contrat de travail à durée indéterminée, un rappel de salaire et de ses heures supplémentaires, ainsi que pour contester son licenciement.

Par jugement du 5 juin 2018 le conseil a débouté Mme [G] de l'ensemble de ses demandes, débouté la société Héraclès avocats de ses demandes reconventionnelles, et laissé les dépens à la charge de Mme [G].

Pour statuer ainsi, sur la nature des relations contractuelles, le conseil a jugé que Mme [G] n'a versé aucun élément démontrant qu'elle était titulaire au sein du cabinet Héraclès avocats d'un contrat de travail et que le cabinet Héraclès avocats verse aux débats une convention de stage pour la période du 3 novembre 2017 au 31 décembre 2017. Le conseil a jugé que Mme [G] avait la volonté de placer les relations contractuelles sous l'égide d'un stage et non d'un contrat de travail à durée déterminée. Sur la rupture du stage, le Conseil a jugé qu'à défaut de convention de stage régularisée par l'établissement d'enseignement, c'est à bon droit que la société Héraclès avocats a mis fin au stage de Mme [G].

Mme [G] a interjeté appel du jugement le 12 juillet 2018.

PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Par conclusions transmises par la voie électronique le 27 mars 2019, Mme [K] [G] demande à la Cour d'infirmer le jugement de première instance, en toutes ces dispositions, et de condamner la société Héraclès Avocats au versement des sommes suivantes :

- 840 euros nets de rappels de salaire ainsi que 84 euros de congés payés sur cette somme ;

- 734 euros nets de rappels d'heures supplémentaires ainsi que 73 euros nets de congés payés sur cette somme ;

- 1.800 euros nets au titre d'indemnité légale de requalification d'un contrat de travail en CDI ;

- 1.800 euros de dommages et intérêts pour rupture abusive ;

- 1.000 euros de dommages et intérêts au titre du caractère brutal et vexatoire de cette rupture ;

- 1.800 euros nets au titre du non-respect du préavis de rupture ;

- 10.800 euros d'indemnité pour travail dissimulé ;

- 1.000 euros de dommages et intérêts au titre des préjudices subis du fait de l'absence de remise des documents de fin de contrat, d'absence d'application d'une convention collective, d'absence de remise d'un bulletin de paie et de paiement du salaire et des heures supplémentaires dans les délais légaux.

- 3.000 euros HT soit 3.600 euros TTC au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

Elle soutient que Maître [F] avait requis une candidature à un stage sur son adresse mail personnelle, et qu'il était impossible dans sa situation de recourir à un stage puisqu'elle était diplômée du certificat d'aptitude à la profession d'avocat (CAPA)depuis le mois d'octobre 2017 et que l'accord professionnel du 19 janvier 2007 précise qu'aucune convention de stage ne peut être conclue entre un cabinet d'avocat et une personne titulaire du certificat d'aptitude à la profession d'avocat.

Elle soutient que le travail effectué était incompatible avec un stage, les missions effectuées correspondaient à du secrétariat.

Elle soutient qu'en l'absence de convention de stage signée, le statut de salarié doit lui être accordé, et que son employeur ne lui a demandé de compléter une convention de stage de l'université d'[4] que début novembre 2017, après sa demande de paiement du salaire convenu.

Sur les rappels de salaire, elle soutient que lors de son embauche sa rémunération a été fixée à 1800 euros nets par mois du mois d'octobre 2017 jusqu'à fin décembre 2017 et qu'elle n'a été payée que 1500 euros en octobre 2017 sans recevoir ses salaires pour les mois de novembre et décembre 2017.

Sur les heures supplémentaires non rémunérées, elle fait valoir qu'elle commençait à 9h30 et finissait au minimum à 19h30 tous les jours avec une pause repas de 13 heures à 14 heures.

Sur la requalification du contrat de travail à durée déterminée en un contrat de travail à durée indéterminée, elle soutient qu'aucun contrat écrit n'a été établi.

Sur la rupture indigne, elle fait valoir qu'il s'agit d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, et qu'elle a subi une rupture abusive de son contrat de travail avec un caractère brutal et vexatoire.

Sur le travail dissimulé, elle soutient que la société Héraclès Avocats n'a pas effectué les obligations légales auxquelles sont tenus les employeurs en cas d'embauche d'un salarié, que son employeur ne lui a délivré aucune fiche de paie et a refusé de lui payer ses heures supplémentaires.

Sur les autres préjudices subis, elle soutient qu'elle n'a jamais reçu ses documents après la rupture de son contrat de travail et qu'elle n'a pas pu s'inscrire à pôle emploi alors qu'elle avait exercé comme juriste depuis 2012.

Par conclusions transmises par la voie électronique le 11 janvier 2019, la société Héraclès avocats demande à la Cour de confirmer le jugement en ce qu'il a débouté Mme [G] de toutes ses demandes, et d'infirmer le jugement en ce qu'il a débouté la société Héraclès avocats de toutes ses demandes et de condamner Mme [G] aux sommes suivantes :

-5.000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;

-3.000 euros à titre d'amende civile ;

-3.000 euros à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive.

Sur la relation de stage, le cabinet Héraclès fait valoir que dans l'attente de ses résultats au certificat d'aptitude à la profession d'avocat, Mme [G] a intégré le cabinet dans le cadre d'un stage de deux mois, et que celle-ci a bien postulé à un stage au vu de son courriel, et a fourni une convention de stage qu'elle a signée.

Elle soutient que Mme [G] a été gratifiée pour son travail et qu'il lui appartenait d'encaisser le chèque remis à ce titre.

Sur les heures supplémentaires, elle soutient qu'il ne lui a jamais été demandé d'en effectuer.

Elle indique qu'elle était en droit de rompre le stage au regard des manquements de Mme [G] et qu'elle n'était tenue par aucun préavis, ni par la remise des documents de fin de contrat.

Sur les demandes reconventionnelles, elle fait valoir que Mme [G] ne fournit pas la convention de stage qu'elle a pourtant signée.

Pour un plus ample exposé des moyens des parties, la Cour se réfère expressément aux conclusions notifiées par RPVA.

L'instruction a été déclarée close le 7 octobre 2020.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la relation contractuelle :

Les parties s'opposent sur la qualification à donner à la relation de travail qui a débuté le 2 octobre 2017 et s'est achevée le 8 novembre 2017.

Il résulte de l'article 124-1 du code de l'éducation que les périodes de formation en milieu professionnel font l'objet d'une convention entre le stagiaire, l'organisme d'accueil et l'établissement d'enseignement, dont les mentions obligatoires sont déterminées par décret.

Il y a lieu de rappeler que les stages en entreprise doivent obligatoirement faire l'objet d'une convention de stage et que l'existence d'un écrit signé par l'ensemble des parties est une condition d'existence et de validité du stage.

La société Heracles Avocats soutient que Mme [G] a travaillé dans le cabinet dans le cadre d'un stage de deux mois, et verse aux débats pour en justifier :

- un courriel de Mme [G] du 26 septembre 2017 indiquant "J'ai eu vos coordonnées grâce à Sophia. Je me permets de vous contacter aujourd'hui afin de vous soumettre une candidature à un poste de juriste stagiaire" ;

- la copie d'une convention de stage de l'université [4] entre le cabinet d'avocats Heracles et Mme [K] [G], datée du 3 novembre 2017, et signée uniquement par la stagiaire, sans cachet de l'organisme de formation ni du lieu de stage ;

- une attestation du 29 mars 2018 de Mme [T] [O], stagiaire au sein du cabinet, qui indique avoir vu quelques jours avant son départ Mme [G] remplir et signer sa convention de stage en plusieurs exemplaires qu'elle a remis à Me [F].

Il résulte des pièces produites que Mme [G] n'était plus étudiante à l'université [4] depuis le mois de juin 2015, et qu'elle a obtenu son certificat d'aptitude à la profession d'avocat (CAPA) le 25 octobre 2017, et ne pouvait donc plus obtenir de convention de stage dans ce cadre au-delà du 30 juin 2017, ainsi que le confirme le courriel du 28 juin 2018 de la responsable des stages à l'école du barreau d'[Localité 5].

Ainsi, aucun établissement d'enseignement ne pouvait lui fournir une convention de stage.

En outre, la convention produite par le cabinet Heracles Avocats n'est pas signée par le lieu de stage, ni par l'établissement de formation, et est datée du 3 novembre 2017, soit plus d'un mois après l'arrivée le 2 octobre 2017 de Mme [G] au sein du cabinet d'avocats. Il résulte d'ailleurs d'un SMS du 9 novembre 2017 de M. [E] [F], avocat au sein du cabinet Heraclès, que celui-ci indiquait : "Par ailleurs, je vous informe ne pouvoir malheureusement donner suite à votre demande de stage et partant signer de convention avec vous. Votre premier mois d'essai ayant été réglé..."

Il en résulte qu'aucune convention de stage n'a été signée entre les parties.

La convention de stage produite, qui n'a pas de valeur en l'absence de signature et de cachet, ne justifie donc pas de l'existence d'un stage de Mme [G] au sein de la société Heracles.

En outre, il résulte des attestations produites que Mme [G] effectuait des tâches régulières correspondant à un poste de travail permanent dans l'entreprise, en l'espèce, des tâches de secrétariat :

- attestation de Mme [I] [U], avocate, collaboratrice libérale au sein du cabinet Heraclès du 19 au 27 octobre 2017, qui atteste le 27 novembre 2017 que Mme [K] [G] était assignée aux tâches de secrétariat : l'accueil téléphonique et physique des clients, l'impression, la numérisation et la photocopie de documents et l'affranchissement et le dépôt des courriers à la poste, et qu'elle a été remplacée à son départ par Mme [Z] [O] ;

- attestation de Mme [R] [B], avocate, ayant travaillé au sein du cabinet Heraclès du 18 septembre au 15 décembre 2017, qui atteste le 13 décembre 2017 que Mme [G] a été affectée au poste de secrétaire bien qu'elle ait été recrutée en qualité de juriste.

Aussi, l'absence de preuve de l'existence d'un stage au sein du cabinet Heraclès emporte le statut de salariée au bénéfice de Mme [G].

Sur le rappel de salaire pour la période travaillée :

Mme [G] sollicite la somme de 840 € au titre du solde du salaire lui restant dû pour la période travaillée du 2 octobre 2017 au 8 novembre 2017, indiquant que les parties avaient convenu d'un salaire de 1 800 € net et qu'elle n'a perçu qu'un chèque de 1 500 € le 30 octobre 2017.

Le cabinet Heraclès Avocats soutient que seule une gratification de 1 500 € avait été convenue, en se fondant sur le chèque d'un montant de 1 500 € versé par Mme [G].

Sont versées aux débats l'attestation de Mme [B], déjà citée, qui mentionne qu'une rémunération de 1 800 € nets par mois avait été convenue entre Mme [G] et la personne chargée du recrutement, et la mention portée sur la convention non signée qui indique une gratification de 1 800 €.

En l'absence de tout autre élément, il y a lieu de fixer le salaire net de Mme [G] à la somme de 1 800 € par mois, et de condamner la société Heraclès Avocats à lui verser le solde dû, soit la somme de 780 € (300 € pour le solde d'octobre 2017 et 480 € pour les 8 jours travaillés en novembre 2017), outre la somme de 78 € au titre des congés payés.

Sur la requalification de la relation de travail en contrat à durée indéterminée:

L'article L.1242-12 du code du travail dispose que le contrat de travail à durée déterminée est établi par écrit et comporte la définition précise de son motif. A défaut, il est réputé conclu pour une durée indéterminée.

En l'absence de tout contrat de travail écrit et signé par les parties, la relation de travail entre Mme [G] et le cabinet Heracles sera donc requalifiée en contrat à durée indéterminée.

L'article L.1245-2 alinéa 2 du code du travail prévoit que lorsque le conseil de prud'hommes fait droit à la demande de requalification d'un contrat de travail à durée déterminée en contrat à durée indéterminée, il accorde au salarié une indemnité, à la charge de l'employeur, ne pouvant être inférieure à un mois de salaire. Cette disposition s'applique sans préjudice de l'application des dispositions du titre III du présent livre relatives aux règles de rupture du contrat de travail à durée indéterminée.

La société Heraclès Avocats sera donc condamnée à verser à Mme [G] la somme de 1 800 € net au titre de l'indemnité de requalification.

Cette somme étant indemnitaire, il n'y a pas lieu de faire droit à la demande au titre des congés payés afférents.

Sur la rupture du contrat de travail :

L'employeur, qui, à l'expiration d'un contrat de travail à durée déterminée, ultérieurement requalifié en contrat à durée indéterminée, ne fournit plus de travail et ne paie plus les salaires, est responsable de la rupture qui s'analyse en un licenciement et qui ouvre droit, le cas échéant, à des indemnités de rupture.

En l'espèce, Mme [G] a vu son contrat rompu par un SMS de Maître [F] du 9 novembre 2017.

La rupture du contrat de travail doit donc s'analyser en un licenciement abusif.

La salariée a droit au paiement d'une indemnité compensatrice de préavis, qui conformément à l'article L. 1234-5 du code du travail doit correspondre à la rémunération brute qu'elle aurait perçue si elle avait travaillé pendant la période du délai-congé et des congés payés afférents. Il lui sera donc allouée la somme de 1 800 euros nets au titre de l'indemnité compensatrice de préavis, les congés payés afférents n'étant pas sollicités.

Enfin, l'article L. 1235-5 du code du travail, dans sa rédaction postérieure à l'ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017, applicable à la cause, prévoit que la salariée qui présente une ancienneté inférieure à une année, doit être indemnisée de son licenciement à hauteur d'un mois de salaire maximum.

Mme [G] fait valoir qu'elle a eu de graves difficultés financières liées à la perte de son emploi, et produit ses prêts et ses relances pour impayés.

Au vu de son âge (30 ans), de son ancienneté (1 mois) et de ses difficultés pour retrouver un emploi, il y a lieu de lui accorder la somme de 1 800 € à titre de dommages intérêts pour licenciement abusif.

Sur le caractère brutal et vexatoire de la rupture :

Tout salarié licencié dans des conditions vexatoires ou brutales peut prétendre à des dommages et intérêts en réparation du préjudice distinct de celui résultant de la perte de l'emploi.

Mme [G] soutient que son licenciement a été particulièrement brutal et vexatoire, puisqu'elle a reçu un SMS le 9 novembre 2017 à 10h14 lui indiquant que son contrat ne se poursuivrait pas, et qu'elle n'a bénéficié d'aucun préavis, ni d'aucun délai pour se préparer.

Il résulte en effet des pièces versées aux débats que Mme [G] a dû quitter le cabinet du jour au lendemain, sans explication.

Il y a donc lieu de lui accorder de ce chef la somme de 500 € à titre de dommages intérêts.

Sur les heures supplémentaires :

De manière générale, selon l'article L. 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, l'employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Si le décompte des heures de travail accomplies par chaque salarié est assuré par un système d'enregistrement automatique, celui-ci doit être fiable et infalsifiable. Il résulte de ces dispositions, qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées. Après analyse des pièces produites par l'une et l'autre des parties, dans l'hypothèse où il retient l'existence d'heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l'importance de celles-ci et fixe les créances salariales s'y rapportant.

En l'occurrence, Mme [G] indique qu'elle a effectué 48,5 heures supplémentaires qui ne lui ont pas été réglées.

Elle produit un tableau précisant les heures supplémentaires effectuées jour par jour, et en indiquant son horaire d'arrivée et son horaire de départ pour chacune de ces journées.

Elle produit également l'attestation de Mme [B] du 19 décembre 2017 indiquant que Mme [G] arrivait généralement à 9h30 et repartait à 19h30 environ, et des copies d'échanges SMS professionnels envoyés le 13 octobre 2017 à 19h19.

Il s'en déduit que Mme [G] présente, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'elle prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur d'y répondre utilement. Dès lors, il incombe à la société Heraclès Avocats, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, de formuler ses observations, laquelle ne peut se borner à critiquer les éléments produits par la salariée et doit verser aux débats des documents objectifs sur les temps effectivement travaillés.

En l'espèce, l'employeur ne verse aucune pièce et soutient qu'il n'a jamais demandé à Mme [G] d'effectuer des heures supplémentaires.

Au regard des éléments fournis par l'une et l'autre des parties, la cour évalue à 734,40 euros bruts la somme devant être retenue au titre des heures supplémentaires effectuées outre les congés payés afférents.

Sur le travail dissimulé :

L'article L. 8221-5 du code du travail dispose qu'est réputé travail dissimulé par dissimulation d'emploi salarié le fait pour tout employeur :

1° Soit de se soustraire intentionnellement à l'accomplissement de la formalité prévue à l'article L. 1221-10, relatif à la déclaration préalable à l'embauche ;

2° Soit de se soustraire intentionnellement à l'accomplissement de la formalité prévue à l'article L. 3243-2, relatif à la délivrance d'un bulletin de paie, ou de mentionner sur ce dernier un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement accompli, si cette mention ne résulte pas d'une convention ou d'un accord collectif d'aménagement du temps de travail conclu en application du titre II du livre Ier de la troisième partie ;

3° Soit de se soustraire intentionnellement aux déclarations relatives aux salaires ou aux cotisations sociales assises sur ceux-ci auprès des organismes de recouvrement des contributions et cotisations sociales ou de l'administration fiscale en vertu des dispositions légales.

Il est constant que la dissimulation d'emploi salarié est constituée dès lors que l'employeur se soustrait intentionnellement à la déclaration préalable d'embauche ou à la remise de bulletins de salaire ou encore lorsqu'il omet sur le bulletin de paie un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement effectué.

Toutefois, la dissimulation d'emploi salarié prévue par ces textes n'est caractérisée que s'il est établi que l'employeur a agi de manière intentionnelle.

En l'espèce, la société Heraclès Avocats, qui n'avait signé aucune convention de stage avec Mme [G], n'a pas fait de déclaration d'embauche, ne lui a pas fourni de bulletin de salaire pour le mois d'octobre 2017, et n'a pas versé de cotisations sociales sur ce salaire.

En l'absence de convention de stage, la société Heraclès Avocats ne pouvait ignorer qu'elle devait procéder aux différentes déclarations dans le cadre d'un travail salarié. Le caractère intentionnel est donc démontré.

Il y a donc lieu de condamner la société Heraclès Avocats à verser à Mme [G] la somme de 10 800 € au titre de l'indemnité de travail dissimulé.

Sur les dommages intérêts pour absence de remise des documents sociaux :

Postérieurement à la rupture de son contrat, Mme [G] n'a reçu aucun document de fin de contrat ni de solde de tout compte, et n'a donc pu s'inscrire à Pôle Emploi ou faire valoir ses droits.

Il y a donc lieu de lui accorder la somme de 500 € à titre de dommages intérêts pour le préjudice découlant de l'absence de toute remise des documents de fin de contrat.

Sur l'article 700 du code de procédure civile :

Il apparaît inéquitable de laisser à la charge de Mme [G] la totalité des frais qu'elle a dû supporter au cours de la présente instance.

Il y a donc lieu de lui accorder la somme de 2 500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Sur les demandes reconventionnelles :

La SELARL Heraclès Avocats succombant dans la présente instance, ses demandes reconventionnelles au titre de la procédure abusive, de l'amende civile et de l'article 700 du code de procédure civile seront rejetées.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant publiquement par arrêt contradictoire et mis à disposition au greffe,

INFIRME le jugement sauf en ce qu'il a débouté la SELARL Heraclès de ses demandes reconventionnelles ;

Et statuant à nouveau,

REQUALIFIE la relation de travail de Mme [G] et de la société Heracles Avocats en un contrat de travail à durée indéterminée ;

DIT que le licenciement de Mme [K] [G] est dépourvu de cause réelle et sérieuse,

CONDAMNE la SELARL Heraclès Avocats à payer à Mme [K] [G] les sommes suivantes, avec intérêts au taux légal à compter de la saisine du conseil de prud'hommes pour les sommes à caractère salarial et à compter du prononcé de l'arrêt pour celles à caractère indemnitaire, et avec capitalisation des intérêts :

- 780 € bruts au titre du rappel de salaires pour la période travaillée, outre la somme de 78 € bruts au titre des congés payés afférents ;

- 1 800 € nets au titre de l'indemnité de requalification ;

- 1 800 € bruts au titre de l'indemnité compensatrice de préavis ;

- 1 800 € à titre de dommages intérêts pour licenciement abusif ;

- 500 € à titre de dommages intérêts pour rupture brutale et vexatoire ;

-734,40 euros bruts au titre des heures supplémentaires et 73,44 € bruts au titre des congés payés afférents,

- 10 800 € au titre de l'indemnité pour travail dissimulé,

- 500 € à titre de dommages intérêts pour non remise des documents de fin de contrat,

- 2 500 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.

ORDONNE la remise par la SELARL Heraclès Avocats au profit de Mme [K] [G] de bulletins de salaire, d'une attestation destinée à Pôle emploi et d'un certificat de travail conformes à l'arrêt dans le délai d'un mois suivant la notification de l'arrêt ;

DÉBOUTE les parties de leurs autres demandes,

CONDAMNE la SELARL Heraclès Avocats au paiement des dépens de première instance et d'appel.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 7
Numéro d'arrêt : 18/08879
Date de la décision : 07/01/2021

Références :

Cour d'appel de Paris K7, arrêt n°18/08879 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2021-01-07;18.08879 ?
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