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06/01/2021 | FRANCE | N°18/09668

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 10, 06 janvier 2021, 18/09668


Copies exécutoiresREPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS







COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 10



ARRET DU 06 JANVIER 2021



(n° , pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 18/09668 - N° Portalis 35L7-V-B7C-B6HQT



Décision déférée à la Cour : Jugement du 28 Juin 2018 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de CRETEIL - RG n° F 17/00557





APPELANTE



Association ASSOCIATION DE DEFENSE ET DE PROTECT

ION DES ENFANT S ET ADULTES DEFICIENTS (ADPED 94) représentée par son Président domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 1]

[Localité 4]



Représentée par Me Matthieu B...

Copies exécutoiresREPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 10

ARRET DU 06 JANVIER 2021

(n° , pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 18/09668 - N° Portalis 35L7-V-B7C-B6HQT

Décision déférée à la Cour : Jugement du 28 Juin 2018 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de CRETEIL - RG n° F 17/00557

APPELANTE

Association ASSOCIATION DE DEFENSE ET DE PROTECTION DES ENFANT S ET ADULTES DEFICIENTS (ADPED 94) représentée par son Président domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentée par Me Matthieu BOCCON GIBOD, avocat au barreau de PARIS, toque : C2477

INTIMEE

Madame [N] [W]

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représentée par Me Flora BARCLAIS, avocat au barreau de VAL-DE-MARNE, toque : PC7

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 05 Novembre 2020, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Florence OLLIVIER, Vice Présidente placée faisant fonction de Conseillère, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :

Madame Marie-Antoinette COLAS, Présidente de Chambre

Madame Véronique BOST, Vice Présidente placée faisant fonction de Conseillère par ordonnance du Premier Président en date du 31 août 2020

Madame Florence OLLIVIER, Vice Présidente placée faisant fonction de Conseillère par ordonnance du Premier Président en date du 27 août 2020

Greffier, lors des débats : M. Julian LAUNAY

ARRET :

- Contradictoire

- mis à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.

- signé par Madame Marie-Antoinette COLAS, Présidente de Chambre et par Monsieur Julian LAUNAY, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSE DU LITIGE

Madame [N] [W] a été engagée par l'association de défense et de protection des enfants et adultes déficients (ADPED 94) le 3 septembre 2007, suivant un contrat de travail à durée indéterminée à temps complet, en qualité d'infirmière.

La convention collective applicable à l'établissement est la convention collective des établissements et services aux personnes inadaptées et handicapées du 15 mars 1966.

Par lettre du 25 février 2017, Madame [N] [W] a été convoquée un entretien préalable à un éventuel licenciement, fixé le 7 mars 2017, et mise à pied à titre conservatoire avec maintien de son salaire.

Son licenciement pour faute grave lui a été notifié par lettre du 31 mars 2017.

Contestant le bien-fondé de son licenciement et sollicitant le paiement de diverses indemnités, Madame [N] [W] a saisi le conseil de prud'hommes de Créteil, qui, par jugement prononcé le 28 juin 2018, a :

- annulé la mise à pied à titre conservatoire notifiée le 25 février 2017,

- dit le licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- condamné l'association à payer à Madame [N] [W], dont le dernier salaire brut a été fixé à la somme de 2 762,64 euros, les sommes suivantes, avec intérêts au taux légal et capitalisation en application de l'article 1154 du Code civil :

*16 575,84 euros d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

*5 295,06 euros d'indemnité légale de licenciement,

*5 525,28 euros d'indemnité compensatrice de préavis,

*552,53 euros au titre des congés payés afférents,

*1300 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, outre les dépens,

- ordonné à l'association de remettre à Madame [N] [W] son dernier bulletin de paie conforme au présent jugement, dans un délai raisonnable,

- débouté Madame [N] [W] du surplus de ses demandes,

- débouté l'association de sa demande reconventionnelle au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

- ordonné l'exécution provisoire.

L'association a interjeté appel de ce jugement par déclaration transmise au greffe le 31 juillet 2018.

Dans ses dernières conclusions, déposées et notifiées par voie électronique, elle demande à la cour d'infirmer le jugement déféré et, statuant à nouveau, de :

- condamner Madame [N] [W] à lui restituer la somme de 11 372,87 euros qu'elle a perçue au titre de l'exécution provisoire de la décision rendue en première instance, avec intérêts légaux,

- débouter Madame [N] [W] de l'ensemble de ses demandes.

- la condamner au paiement de la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens, dont distraction au profit de la SELARL LEXAVOUE PARIS VERSAILLES.

Dans ses dernières conclusions, déposées et notifiées par voie électronique, Madame [N] [W] demande à la cour de confirmer le jugement déféré, de débouter l'association de ses demandes et de la condamner à lui verser la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, outre les dépens.

L'association fait valoir que :

- il est reproché à la salariée les coups portés à l'enfant et son incapacité à garder son calme face à un enfant handicapé,

- il n'existe aucun doute sur la réalité des faits,

- les attestations versées aux débats par Madame [N] [W] sont des attestations de complaisance,

- les faits ne sont pas isolés et l'association lui a déjà signifié des avertissements par le passé.

Madame [N] [W] fait valoir que :

- l'employeur n'a pas établi la cause du licenciement à savoir qu'elle aurait tiré l'oreille et giflé un usager dans le refus de soin ; dès lors, le doute lui a profité, d'autant plus qu'elle a versé aux débats des témoignages démentant ceux fournis par l'employeur,

- elle dément avoir attrapé l'oreille et giflé l'enfant, ce que confirment Mesdames [D] et [H], les agents de service qui ont également assisté à la scène,

- l'employeur n'a pas mené une enquête interne sérieuse lui permettant d'établir sans l'ombre d'un doute l'imputabilité des faits à la salariée,

- la lettre de licenciement est silencieuse sur son passé disciplinaire de sorte que l'employeur ne peut invoquer a posteriori la répétition de faits fautifs comme circonstance aggravante et, en tout état de cause, l'employeur ne peut invoquer de sanctions antérieures de plus de trois ans à l'engagement de la procédure de licenciement.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 9 septembre 2020 et l'audience de plaidoirie s'est tenue le 5 novembre 2020.

Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la cour renvoie pour un plus ample exposé des faits, des prétentions et des moyens développés, aux conclusions respectives des parties.

MOTIFS

Sur le licenciement

Constitue une faute grave un fait ou un ensemble de faits imputables au salarié constituant une violation de ses obligations d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise. Il incombe à l'employeur d'établir la réalité des griefs qu'il formule.

En l'espèce, la lettre de licenciement, qui fixe les limites du litige, est ainsi rédigée :

« (')

Il vous est reproché d'avoir tiré l'oreille et giflé un usager dans le refus de soin, le vendredi 24 février 2017 aux alentours de 14h15. Cette gifle occasionnant des saignements dans la bouche de l'usager. Ces faits se sont déroulés en présence d'une de vos collègues éducatrices, dans la cour de l'établissement, visibles des fenêtres d'un groupe éducatif accueillant des usagers.

(...)»

La matérialité des faits reprochés est établie par les déclarations d'incident et les attestations concordantes de Madame [F] [T], stagiaire, de Madame [Z], éducatrice spécialisée, de Madame [M], directrice, cette dernière déclarant que l'enfant lui a indiqué que Madame [N] [W] lui avait mis un coup de poing et lui avait tiré l'oreille et exposant qu'elle a constaté qu'il saignait à l'intérieur de la bouche.

Monsieur [P], père de l'enfant, a aussi écrit une lettre relatant les propos de ce dernier.

La cour relève au surplus que les lettres et attestations de Mesdames [H] et [D] ne viennent pas contredire les éléments cités ci-dessus, dès lors, d'une part, qu'il n'est pas contesté que l'enfant était agité et qu'il a pu essayer de porter des coups à Madame [N] [W] et, d'autre part, que le fait qu'elles n'aient pas directement vu l'infirmière commettre des violences à l'égard d'[L] n'exclut pas la réalité de ces dernières, dont ont été témoins Madame [F] [T] et Madame [Z] et dont les témoignages ne sont pas qualifiés de mensongers.

Il découle de ce qui précède que les violences commises par Madame [N] [W] à l'égard d'un patient de l'établissement, particulièrement vulnérable en raison de sa situation de handicap, constituait une faute grave empêchant son maintien dans l'établissement et justifiant sa mise à pied conservatoire ainsi que son licenciement, nonobstant l'absence de tout antécédent disciplinaire au cours des trois années précédant l'engagement des poursuites disciplinaires.

En conséquence, le jugement déféré sera infirmé, et Madame [N] [W] sera déboutée de ses demandes d'annulation de la mise à pied conservatoire, d'indemnité compensatrice de préavis, d'indemnité de licenciement et d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Sur la remise d'un bulletin de paie

Eu égard aux précédents développements, la demande relative à la remise d'un bulletin de paie est sans objet et sera donc rejetée.

Le jugement déféré sera infirmé sur ce point.

Sur la restitution des sommes versées au titre de l'exécution provisoire

La cour rappelle que l'infirmation du jugement déféré emporte obligation à la charge de la salariée de restituer les sommes avancées en application de l'exécution provisoire.

Les parties seront renvoyées, en tant que de besoin, devant le juge de l'exécution compétent.

Sur les frais de procédure

Madame [N] [W], succombant à l'instance, sera condamnée aux dépens, étant précisé que les dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile sont inapplicables, le ministère d'avocat n'étant pas obligatoire en l'espèce.

Elle sera, en outre, condamnée à payer à l'association la somme de 500 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Infirme le jugement déféré,

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Déboute Madame [N] [W] de ses demandes,

Rappelle que les litiges relatifs à l'exécution des décisions judiciaire et spécialement du présent arrêt, quant à la restitution des sommes avancées, relèvent de la compétence du juge de l'exécution,

Condamne Madame [N] [W] à payer à l'association de défense et de protection des enfants et adultes déficients (ADPED 94) la somme de 500 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

Condamne Madame [N] [W] aux entiers dépens.

LE GREFFIER LA PRESIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 10
Numéro d'arrêt : 18/09668
Date de la décision : 06/01/2021

Références :

Cour d'appel de Paris L1, arrêt n°18/09668 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2021-01-06;18.09668 ?
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