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17/12/2020 | FRANCE | N°20/11072

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 1 - chambre 2, 17 décembre 2020, 20/11072


Copies exécutoiresREPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 1 - Chambre 2



ARRET DU 17 DECEMBRE 2020



(n° 390 , 9 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 20/11072 - N° Portalis 35L7-V-B7E-CCFNH



Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 07 Juillet 2020 -Président du tribunal judiciaire de PARIS - RG n° 19/59622





APPELANTE



S.A.S. AMB représentée par son Président, Mons

ieur [I] [N]



[Adresse 4]

[Localité 2]



Représentée et assistée par Me Christophe PEREIRE de la SCP CHRISTOPHE PEREIRE-NICOLAS CHAIGNEAU, avocat au barreau de PARIS, toque...

Copies exécutoiresREPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 1 - Chambre 2

ARRET DU 17 DECEMBRE 2020

(n° 390 , 9 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 20/11072 - N° Portalis 35L7-V-B7E-CCFNH

Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 07 Juillet 2020 -Président du tribunal judiciaire de PARIS - RG n° 19/59622

APPELANTE

S.A.S. AMB représentée par son Président, Monsieur [I] [N]

[Adresse 4]

[Localité 2]

Représentée et assistée par Me Christophe PEREIRE de la SCP CHRISTOPHE PEREIRE-NICOLAS CHAIGNEAU, avocat au barreau de PARIS, toque : D0230

INTIMEE

SCI SAM LION Agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège.

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentée par Me Jean-Claude CHEVILLER, avocat au barreau de PARIS, toque : D0945

Assistée par Me Julien CHABANAT, avocat au barreau de PARIS,

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 02 Décembre 2020, en audience publique, rapport ayant été fait par Mme Hélène GUILLOU, Présidente de chambre conformément aux articles 804, 805 et 905 du code de procédure civile, les avocats ne s'y étant pas opposés.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Hélène GUILLOU, Présidente de chambre

Thomas RONDEAU, Conseiller

Michèle CHOPIN, Conseillère

Greffier, lors des débats : Lauranne VOLPI

ARRÊT :

- CONTRADICTOIRE

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Hélène GUILLOU, Présidente de chambre et par Lauranne VOLPI, Greffier présent lors de la mise à disposition,

Exposé du litige

Par acte sous seing privé en date du 16 novembre 2012, la SCI du [Adresse 4], aux droits de laquelle vient, depuis une vente du 19 décembre 2019, la SCI Sam Lion, a donné à bail commercial à la société Pomegranade Food & Style, aux droits de laquelle vient la SAS AMB dans le cadre d'une cession en liquidation judiciaire, des locaux situés à [Adresse 4], moyennant un loyer annuel de 75 000 euros hors charges.

Le 13 février 2019, la bailleresse a adressé à la locataire un commandement de payer la somme de 61 672,47 euros au titre de la dette locative arrêtée au 8 février 2019, en vain.

Le 18 septembre 2019, la société Sam Lion a assigné la société AMB devant le juge des référés. Elle lui a demandé de :

- constater l'acquisition de la clause résolutoire insérée au bail,

- condamner la locataire à lui payer la somme provisionnelle de 116 676,21 euros au titre de l'arriéré locatif arrêté au 1er septembre 2019 (somme actualisée à l'audience à 176 030,46 euros au titre de l'arriéré locatif arrêté au 4 juin 2020),

- ordonner l'expulsion de la locataire et celle de tous occupants de son chef des lieux loués,

- ordonner le transport et la séquestration du mobilier trouvé dans les lieux dans tel garde-meubles qu'il plaire à la bailleresse aux frais, risques et périls de la locataire,

- condamner la locataire au paiement d'une indemnité d'occupation provisionnelle égale à 6 373,8 euros augmenté des charges jusqu'à la libération des locaux,

- à titre subsidiaire, si le juge accordait des délais de paiement et suspendait les effets de la clause résolutoire, dire qu'à défaut de paiement des loyers courants à bonne date et du strict respect des délais octroyés, la déchéance du terme sera encourue, l'intégralité de la dette deviendra intégralement exigible et la clause résolutoire définitivement acquise avec toutes les conséquences de droit,

- condamner la locataire à payer la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.

En défense, la société AMB a contesté la validité du commandement de payer et ses effets et opposé l'existence d'une contestation sérieuse.

A titre subsidiaire elle a demandé la suspension des effets de la clause résolutoire du bail et l'octroi de délais de paiement.

Par ordonnance du 7 juillet 2020, le juge des référés du tribunal judiciaire de Paris a :

- rejeté la demande de nullité du commandement de payer soulevé par la locataire,

- fixé à la somme de 33 629,33 euros le montant non sérieusement contestable du commandement de payer,

- constaté l'acquisition de la clause résolutoire,

- suspendu les effets de la clause,

- condamné la locataire à payer à la bailleresse la somme de 150 043,97 euros au titre des loyers, charges et indemnités d'occupation impayés au 16 mars 2020,

- dit n'y avoir lieu à référé sur la demande de provision relative à l'échéance du 2ème trimestre 2020,

- autorisé la locataire à se libérer de la dette dans la limite de deux années par 24 mensualités de 6250 euros payables en plus du loyer courant, la première mensualité étant due avec le premier terme du loyer qui viendra à échéance après la signification du présent jugement et la dernière mensualité étant majorée du solde,

- dit que si la locataire se libère ainsi de sa dette, la clause résolutoire sera réputée n'avoir jamais jouée,

- dit que, faute pour la locataire de payer à bonne date, en plus du loyer courant, une seule des mensualités et huit jours après l'envoi d'une simple mise en demeure adressée par lettre recommandée avec avis de réception :

·le tout deviendra immédiatement exigible,

·la clause résolutoire sera acquise,

·il sera procédé à l'expulsion immédiate de la locataire et à celle de tous occupants de son chef des locaux loués,

·en cas de besoin, les meubles se trouvant sur les lieux suivront le régime prévu aux articles L. 433-1 et suivants et R. 433-1 et suivants du code des procédures civiles d'exécution,

·une indemnité provisionnelle égale au montant du loyer contractuel augmenté des charges et taxes sera mise à sa charge en cas de maintien dans les lieux jusqu'à la libération effective des lieux,

- dit n'y avoir lieu à référé sur la clause pénale,

- condamné la locataire à payer à la bailleresse la somme de 1 800 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.

Concernant le commandement de payer, le juge a estimé qu'il était incontestable à hauteur de 33 629,32 euros, la somme de 28 043,15 euros demandée au titre d'un solde antérieur étant injustifiée. Concernant la dette locative dans son ensemble, il estime qu'il est contestable de demander le paiement du 2ème trimestre 2020, correspondant à l'état d'urgence.

Le 28 juillet 2020, la société AMB a fait appel de cette décision, critiquant l'ordonnance en ce qu'elle a :

- rejeté la demande en nullité du commandement de payer,

- fixé à la somme de 33 629,32 euros le montant non sérieusement contestable du commandement de payer,

- constaté l'acquisition de la clause résolutoire,

- condamné la locataire à payer à la bailleresse la somme de 150 043,97 euros au titre des loyers, charges et indemnités d'occupation impayés au 16 mars 2020,

- rejeté toutes les demandes de la locataire,

- condamné la locataire à payer à la bailleresse la somme de 1 800 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.

Aux termes de ses conclusions remises au greffe le 10 novembre 2020, elle demande à la cour de :

A titre principal :

- réformer l'ordonnance entreprise en ce qu'elle a :

·rejeté la demande en nullité du commandement de payer,

·fixé à la somme de 33 629,32 euros le montant non sérieusement contestable du commandement de payer,

·constaté l'acquisition de la clause résolutoire,

·condamné la locataire à payer à la bailleresse la somme de 150 043,97 euros au titre des loyers, charges et indemnités d'occupation impayés au 16 mars 2020,

·rejeté toutes les demandes de la locataire,

·condamné la locataire à payer à la bailleresse la somme de 1 800 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- dire nul et de nul effet le commandement de payer,

- dire que la clause résolutoire n'a pu valablement jouer sur la base d'un commandement de payer nul et de nul effet,

- constater l'existence d'une contestation sérieuse échappant au pouvoir du juge des référés,

- se déclarer incompétent au profit du juge du fond,

- débouter la bailleresse de toutes ses demandes,

A titre subsidiaire :

- confirmer l'ordonnance entreprise en ce qu'elle a :

·suspendu les effets de la clause résolutoire,

·dit n'y avoir lieu à référé sur la demande de provision relative à l'échéance du 2ème trimestre 2020,

·autorisé la locataire à se libérer de la dette dans la limite de deux années par 24 mensualités de 6250 euros payables en plus du loyer courant, la première mensualité étant due avec le premier terme du loyer qui viendra à échéance après la signification du présent jugement et la dernière mensualité étant majorée du solde,

·dit que si la locataire se libère ainsi de sa dette, la clause résolutoire sera réputée n'avoir jamais jouée,

·dit n'y avoir lieu à référé sur la clause pénale,

·rejeté toutes les autres demandes de la bailleresse,

En tout état de cause :

- débouter la bailleresse de toutes ses demandes,

- condamner la bailleresse à payer la somme de 1 500 euros à la locataire au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.

La société AMB expose en substance les éléments suivants :

S'agissant de la nullité du commandement de payer :

- il est de jurisprudence constante qu'un commandement de payer qui n'indique pas le délai d'un mois posé par l'article L. 145-41 du code de commerce est nul,

- En l'espèce, le commandement du 13 février 2019 est contradictoire en ce qu'il demande au locataire de payer 'immédiatement et sans délai' tout en indiquant ce délai d'un mois,

- l'injonction de payer immédiatement est inscrite en gras et en capitale, alors que l'article L. 145-41 du code de commerce est évoqué en petits caractères,

- c'est donc à tort que le juge des référés a estimé que le commandement de payer n'était pas incohérent et a refusé de l'annuler.

S'agissant de la dette locative :

- De jurisprudence constante, est irrégulier et n'entraîne pas l'acquisition de la clause résolutoire un commandement de payer insuffisamment détaillé et injustifié,

- En l'espèce, le commandement de payer du 13 février 2019 est imprécis et semble confondre loyers et charges,

- Il fait apparaître un solde débiteur injustifié de plus de 58 000 euros au 31 décembre 2017,

- La bailleresse a certes produit un nouveau décompte le 23 juillet 2019, mais cela ne suffit pas à corriger a posteriori les erreurs du commandement de payer,

- Dans ces conditions, il est impossible pour la locataire et pour le juge de vérifier l'exactitude du décompte,

- Ces irrégularités constituent une contestation sérieuse qui aurait dû conduire le juge des référés à débouter la bailleresse de sa demande d'acquisition de la clause résolutoire.

S'agissant, subsidiairement, des délais de paiement :

- La locataire a connu des difficultés en raison des récents événements (gilets jaunes et crise sanitaire).

- Son expulsion aurait des conséquences dramatiques et provoquerait certainement sa liquidation judiciaire,

- Preuve de sa bonne foi, elle a réglé 18 000 euros à la bailleresse au cours de la procédure de première instance,

- Depuis que l'ordonnance entreprise lui a été signifiée le 17 août 2020, elle a scrupuleusement respecté l'échéancier de paiement,

- Les délais accordés en première instance doivent donc être maintenus.

Par conclusions remises au greffe le 17 novembre 2020, la société Sam Lion demande à la cour de :

- débouter la locataire de toutes ses demandes,

- confirmer l'ordonnance entreprise en ce qu'elle a :

·rejeté la demande de nullité du commandement de payer,

·constaté l'acquisition de la clause résolutoire,

·condamné la locataire à payer à la bailleresse la somme de 150 043,97 euros au titre des loyers, charges et indemnités d'occupation impayés au 16 mars 2020,

·condamné la locataire à payer à la bailleresse la somme de 1 800 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- infirmer l'ordonnance entreprise en ce qu'elle a:

·dit n'y avoir lieu à référé sur la demande de provision relative à l'échéance du 2ème trimestre 2020,

·suspendu les effets de la clause résolutoire,

·autorisé la locataire à se libérer de la dette dans la limite de deux années par 24 mensualités de 6250 euros payables en plus du loyer courant, la première mensualité étant due avec le premier terme du loyer qui viendra à échéance après la signification du présent jugement et la dernière mensualité étant majorée du solde ;

·dit que si la locataire se libère ainsi de sa dette, la clause résolutoire sera réputée n'avoir jamais jouée,

·dit n'y avoir lieu à référé sur la clause pénale,

- ordonner l'expulsion de la locataire et de tous occupants de son chef,

- ordonner la séquestration des meubles et objets mobiliers se trouvant dans les lieux dans tel garde-meubles qu'il plaira à la cour de choisir et ce aux frais, risques et périls de la locataire,

- condamner la locataire à payer à la bailleresse une provision actualisée de 168 354,78 euros ainsi qu'une provision de 16 835,47 euros au titre de la clause pénale,

- condamner la locataire à payer à la bailleresse une indemnité d'occupation mensuelle correspondant au montant du loyer en cours majoré des charges et taxes à compter rétroactivement de l'ordonnance entreprise et jusqu'à la complète libération des lieux,

- à titre subsidiaire, si le juge accordait des délais de paiement et suspendait les effets de la clause résolutoire, dire qu'à défaut de paiement des loyers courants à bonne date et du strict respect des délais octroyés, la déchéance du terme sera encourue, l'intégralité de la dette deviendra intégralement exigible et la clause résolutoire définitivement acquise avec toutes les conséquences de droit et qu'il sera procédé à l'expulsion de la locataire et de tous occupants de son chef,

- en tout état de cause, condamner la locataire à payer à la bailleresse la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens dont distraction au profit de Maître Jean-Claude Cheviller.

La société Sam Lion a exposé en résumé ce qui suit :

S'agissant de la validité du commandement de payer :

- il est incontestable que la locataire n'a pas payé les causes du commandement de payer dans le délai d'un mois et que la clause résolutoire est donc acquise,

- la locataire prétend que le commandement serait nul car il indiquerait deux délais prétendument contradictoires,

- comme l'a rappelé le juge des référés, il n'y a pourtant aucune contradiction à demander paiement immédiat d'une dette exigible tout en précisant que la clause résolutoire ne sera acquise qu'au bout d'un mois, conformément à la loi,

- le délai d'un mois de l'article L. 145-41 du code de commerce est d'ailleurs rappelé dans le commandement en caractères gras et en majuscule et il ne souffre donc d'aucune ambiguïté sur ce point.

S'agissant de la précision du commandement de payer :

- la locataire prétend également que le commandement serait si imprécis qu'elle n'aurait pas pu connaître le détail de sa dette locative, mais le commandement détaille pour chaque terme impayé le montant du loyer, des charges et des taxes, la locataire n'ayant jamais contesté les avis d'échéances avant la présente procédure,

- sa défaillance est liée à ses difficultés financières,

S'agissant de la dette locative et des délais :

- La dette locative de la locataire s'élevait, lors de l'audience de première instance, à la somme de 176 030,46 euros,

- Aujourd'hui, cette dette a à peine diminué, puisqu'elle s'élève à 168 354,78 euros,

- Des délais de paiement ont été accordés à la locataire au prétexte qu'elle serait prétendument de bonne foi,

- En réalité, la locataire continue à user de man'uvres dilatoires pour faire annuler le commandement de payer et n'a payé à la bailleresse que 30 000 euros entre février 2019 et juin 2020,

- Aucun délai de paiement ne doit lui être accordé,

- Par ailleurs, la cour doit également condamner la locataire à payer une majoration de 10 % en application de la clause pénale, qui est précise et ne nécessite pas d'interprétation.

Il sera renvoyé aux conclusions susvisées pour un plus ample exposé des faits, moyens et prétentions des parties en application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS:

L'expulsion d'un locataire commercial devenu occupant sans droit ni titre en vertu du jeu d'une clause résolutoire de plein droit peut être demandée au juge des référés du tribunal de grande instance en application des dispositions de l'article 809, devenu 835, du code de procédure civile dès lors que le maintien dans les lieux de cet occupant constitue un trouble manifestement illicite ou qu'à tout le moins l'obligation de libérer les lieux correspond dans cette hypothèse à une obligation non sérieusement contestable.

Aux termes des dispositions de l'article 809 alinéa 2, devenu 835 alinéa 2, du code de procédure civile, le président du tribunal peut, dans les cas où l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable, allouer une provision au créancier.

Selon l'article L. 145-41 du code de commerce, les juges saisis d'une demande présentée dans les formes et conditions prévues à l'article 1343-5 du code civil peuvent, en accordant des délais, suspendre la réalisation et les effets des clauses de résiliation, lorsque la résiliation n'est pas constatée ou prononcée par une décision de justice ayant acquis l'autorité de la chose jugée. La clause résolutoire ne joue pas, si le locataire se libère dans les conditions fixées par le juge.

L'article 1343-5 précise que le juge peut, compte tenu de la situation du débiteur et en considération des besoins du créancier, reporter ou échelonner, dans la limite de deux années, le paiement des sommes dues.

En l'espèce, il résulte des pièces produites aux débats que, le 13 février 2019, la SCI du [Adresse 4] a fait délivrer à la société AMB un commandement de payer la somme, au principal, de 61 672,47 euros et visant la clause résolutoire prévue au contrat.

Il faut d'abord indiquer que, contrairement à ce qu'invoque la société appelante, la cour ne saurait prononcer l'annulation ou la nullité du commandement de payer, étant observé :

- qu'il n'entre pas dans les pouvoirs du juge des référés de prononcer une telle nullité, le juge des référés ne pouvant que déterminer si les éventuelles irrégularités invoquées à l'encontre du commandement sont susceptibles de constituer un moyen de contestation sérieuse l'empêchant de constater la résolution du bail,

- que la mention en première page du commandement de ce que les sommes demandées sont exigibles 'immédiatement et sans délais' est une mention exacte, les loyers étant exigibles et pouvant faire immédiatement l'objet de voies d'exécution ce dont le locataire doit être averti, qu'elle est compatible avec la faculté, mentionnée en fin de 1ère page et en 2ème page de l'acte de ce que le bailleur peut s'en prévaloir pour faire constater l'acquisition de la clause résolutoire et que le juge peut être saisi dans le délai d'un mois en vue de l'octroi de délais avec suspension des effets de la clause résolutoire,

- qu'il n'en résulte aucune confusion en l'espèce, le délai d'un mois figurant en première page étant écrit en police plus grande que le reste du texte, en gras et a été souligné, qu'il est précédé de la mention en lettres capitales: 'très important: saisie conservatoire et clause résolutoire',que la clause résolutoire du bail a été annexée à ce commandement, qu'elle est parfaitement claire quant aux conséquence de l'écoulement du délai d'un mois, qu'il est précisé en première page du commandement que l'article L 145-41 du code de commerce est porté au dos de cette page,

- que même délivré pour un montant supérieur à la dette due, le commandement peut néanmoins produire des effets à hauteur des sommes déterminées par le juge,

- que la jurisprudence de la cour d'appel de Paris citée par la société AMB concerne une hypothèse où les obligations à la charge du locataire étaient mal définies, ce qui n'est pas le cas de la simple obligation au paiement visée dans le commandement du 13 février 2019, que les jurisprudences citées de la Cour de cassation concernent, pour l'une, une contradiction entre les clauses du bail et les dispositions de l'article L 145-41 du code de commerce et, pour l'autre, sanctionne le défaut de recherche d'une éventuelle confusion dans l'esprit du locataire, laquelle a été écartée en l'espèce comme n'étant pas sérieuse.

Aucune contestation sérieuse ne s'oppose donc à ce que les effets du commandement de payer visant la clause résolutoire soient examinés.

Il est acquis aux débats que la société AMB s'est abstenue de régler les causes du commandement dans le mois de ce dernier, puisque l'appelante elle-même vient indiquer avoir procédé au paiement d'une somme de 8 000 euros le 28 février 2020, plus d'an après ce commandement, ainsi que la somme de 10 000 euros le 10 mars 2020 de sorte qu'il n'a pas été procédé au paiement de la totalité des sommes dues, même limitées à la partie non contestée.

La société AMB conteste en effet le décompte qui comporte une dette initiale de 58 123,36 euros intitulée 'solde au 31 décembre 2017", sans autre précision.

Même déduction faite de ce solde, aujourd'hui justifié, une somme de 3 541,11 euros restait incontestablement due, dont la SCI Sam Lion était bien fondée à se prévaloir.

En outre, depuis cette date il a été suffisamment justifié du décompte à compter du 31décembre 2014, date à laquelle aucune somme n'était due, la société AMB ne justifiant pas d'un quelconque paiement non pris en compte.

Elle soutient encore qu'elle ne peut connaître le montant réel des charges aucune régularisation de charges n'étant faite.

Cependant il est justifié d'une part que le bail prévoit que le loyer trimestriel comprend une somme au titre des provisions pour charges, ainsi que des régularisations de charges opérées par le bailleur conformément aux relevés du syndic, soit +1 364 euros en mai 2019 au titre de la régularisation de l'année 2019 de la régularisation de charges et - 1 107,59 euros pour l'année 2018.

Dès lors, la cour ne peut que confirmer la décision entreprise, en ce qu'elle a constaté que les conditions d'acquisition de la clause résolutoire étaient réunies à la date du 14 mars 2019.

Les décomptes versés aux débats démontrent suffisamment qu'au 4ème trimestre 2020 inclus une somme de 189 679,10 euros était due, déduction faite du virement effectué le 13 mars 2020 pour un montant de 18 000 euros et que depuis cette date, compte tenu des paiements réalisés, il reste dû, terme d'octobre 2020 inclus la somme de 168 354,78 euros.

La société AMB demande encore qu'il soit jugé qu'il n'y a lieu à référé sur la demande de provision relative à l'échéance du 2ème trimestre 2020. Cependant, elle ne développe aucun moyen à l'appui de cette demande, et il sera constaté que les dispositions légales relatives à la crise sanitaires n'ont pas suspendu l'exigibilité des loyers commerciaux mais seulement interdit l'exercice de voies d'exécution forcée par le bailleur en vue de leur recouvrement pendant une période donnée.

La clause résolutoire était acquise près d'une année avant la crise sanitaire et le tribunal a été saisi dès le mois de septembre 2019.

Toutefois, la société AMB demande l'octroi de délais de paiement de nature à suspendre les effets de la clause résolutoire en application des dispositions de l'article L. 145-41 du code de commerce et de l'article 1343-5 du code civil.

Or la dette a beaucoup augmenté depuis le commandement de payer mais également depuis l'assignation et la décision de première instance. La société AMB ne donne aucun élément permettant de constater qu'elle sera en mesure de payer en plus du loyer courant s'élevant à plus de 8 600 euros une somme supplémentaire de plus de 7 000 euros, alors même qu'elle n'a commencé à s'acquitter de sa dette que lorsque la première décision lui a été signifiée, n'ayant payé aucun loyer en juillet et en août mais seulement réalisé un versement de 6 250 euros le 10 août 2020. Elle ne fait donc pas la preuve de sa bonne foi étant en outre rappelé que sa défaillance est ancienne et persistante.

La décision sera donc infirmée en ce qu'elle a accordé des délais de paiement et suspendu les effets de la clause résolutoire pendant ces délais.

En outre le locataire devra payer une indemnité d'occupation égale au montant du loyer et des charges qu'il aurait payés si le bail s'était poursuivi.

Le bail prévoit en sa page 14 une clause pénale prévoyant qu'encas de recouvrement nécessitant la démarche d'un huissier une majoration de 10% du montant des sommes dues sera mise à la charge du preneur.

Le pouvoir du juge du fond de modérer une clause pénale ne prive pas le juge des référés du pouvoir d'allouer une provision au titre d'une telle clause pénale.

Cependant compte tenu des dispositions applicables pendant la période d'urgence sanitaire, il appartiendra au juge du fond le cas échéant de statuer sur cette demande.

PAR CES MOTIFS

Confirme l'ordonnance du 7 juillet 2020 en ce qu'elle a rejeté la demande de nullité du commandement, constaté que les conditions d'acquisition de la clause résolutoire étaient réunies à la date du 14 mars 2019, ainsi que sur le sort des dépens et l'application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile pour la procédure de première instance,

L'infirme pour le surplus,

et, statuant à nouveau,

Ordonne, à défaut de restitution volontaire des lieux dans le délai d'un mois à compter de la signification du présent arrêt l'expulsion de la SAS AMB et de tout occupant de son chef,

Ordonne l'enlèvement et le dépôt des meubles et objets mobiliers garnissant les lieux loués en un milieu approprié aux frais, risques et périls de la SAS AMB,

Fixe à titre provisionnel l'indemnité d'occupation due par la SAS AMB à compter du 15 mars 2019 et jusqu'à la libération effective des lieux, à une somme égale au montant du loyer et des charges et taxes contractuels,

Condamne la SAS AMB au paiement de cette indemnité,

Condamne la SAS AMB à payer à la SCI Sam Lion une provision de 168 354,78 euros représentant les loyers et indemnités d'occupation due terme d'octobre 2020,

Dit n'y avoir lieu à référé pour le surplus des demandes de provision,

Rejette la demande de délais de paiement,

Condamne la SAS AMB à payer à la SCI Sam Lion une somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile pour l'instance d'appel,

Condamne la SAS AMB aux dépens qui pourront être recouvrés conformément à l'article 699 du code de procédure civile.

La Greffière, La Présidente,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 1 - chambre 2
Numéro d'arrêt : 20/11072
Date de la décision : 17/12/2020

Références :

Cour d'appel de Paris A2, arrêt n°20/11072 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2020-12-17;20.11072 ?
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