Copies exécutoiresREPUBLIQUE FRANCAISE
délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 1 - Chambre 2
ARRET DU 17 DECEMBRE 2020
(n° 379 , 6 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 20/02349 - N° Portalis 35L7-V-B7E-CBMZS
Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 08 Janvier 2020 -Président du tribunal judiciaire de BOBIGNY - RG n° 19/01684
APPELANTE
SARL MBTH représentée par son gérant, Monsieur [N] [O]
[Adresse 1]
[Adresse 1]
Représentée et assistée par Me Ouali BENMANSOUR, avocat au barreau de PARIS, toque : G0198
INTIMEE
SCI DU TILLEUL agissant poursuites et diligences de son représentant légal, domicilié ès qualités audit siège,
[Adresse 3]
[Adresse 3]
Représentée et assistée par Me Vanessa PERROT de l'AARPI Cap.InSight Avocats Associés, avocat au barreau de PARIS, toque : D2104
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 18 Novembre 2020, en audience publique, rapport ayant été fait par Mme Michèle CHOPIN, Conseillère conformément aux articles 804, 805 et 905 du code de procédure civile, les avocats ne s'y étant pas opposés.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Hélène GUILLOU, Présidente de chambre
Thomas RONDEAU, Conseiller
Michèle CHOPIN, Conseillère
Greffier, lors des débats : Lauranne VOLPI
ARRÊT :
- CONTRADICTOIRE
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Hélène GUILLOU, Présidente de chambre et par Lauranne VOLPI, Greffier présent lors de la mise à disposition,
EXPOSE DU LITIGE
Par contrat en date du 4 août 2011, la SCI Du Tilleul a loué à la SARL MBTH un local commercial situé dans une copropriété, composée de 7 lots ou cellules à Gagny (93).
Au cours de l'année 2012, deux incendies ont ravagé les cellules no 3 à 7 de la copropriété, ce qui a rendu nécessaire des travaux de rénovation et notamment la reprise du mur mitoyen entre le local loué (cellule n°2) et un local voisin (cellule n°3).
Le syndicat de copropriété a déposé une demande préalable de travaux auprès des services d'urbanisme de la mairie de [Localité 4], cette demande ayant été rejetée au motif que ces travaux relevaient du permis de construire.
Le 18 juin 2018, le tribunal administratif de Montreuil a confirmé la décision de la mairie de [Localité 4], ce qui a été confirmé par arrêt de la cour administrative d'appel le 29 mars 2019.
Par exploit du 20 septembre 2019, la société MBTH a assigné la sci Du Tilleul devant le juge des référés pour lui a demander de :
- à titre principal, faire injonction au bailleur de procéder aux travaux de reconstruction du mur séparatif entre la cellule n°2 et la cellule n°3 et ce sous astreinte ;
- à titre subsidiaire, faire injonction au bailleur de communiquer, sous astreinte, toute les documents nécessaires au dépôt de la demande de travaux auprès du service de l'urbanisme de [Localité 4] et notamment le plan de géomètre ainsi que le relevé de l'existant ;
- condamner le bailleur à supporter les frais relatifs au dépôt de ce dossier, notamment les frais de l'architecte et du géomètre et plus généralement tous les frais nécessaires ;
- en tout état de cause, condamner le bailleur à payer la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens.
En défense, la société Du Tilleul a demandé au juge de :
- constater la nullité de l'assignation ;
- déclarer l'action du locataire irrecevable en ce qu'elle serait prescrite ;
- débouter le locataire de toutes ses demandes qui se heurtent à une contestation sérieuse ;
- condamner le locataire à payer au bailleur la somme de 4 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Par ordonnance du 8 janvier 2020, lle juge des référés du tribunal judiciaire de Bobigny a :
- rejeté l'exception de nullité soulevée par le bailleur ;
- déclaré irrecevable le locataire en ses demandes ;
- condamné le locataire à payer au bailleur la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens.
Par déclaration en date du 28 janvier 2020, la société MBTH a interjeté appel de cette décision, demandant l'infirmation de l'ordonnance en toutes ses dispositions.
Aux termes de ses conclusions communiquées par la voie électronique le 13 octobre 2020, elle demande à la cour de :
« Vu les articles 808 et 809 du Code de procédure civile,
Vu l'article 606 du Code civil,
Vu les articles 1719 et suivants du Code civil
Il est sollicité de la Cour:
' DIRE ET JUGER la Société MBTH recevable en son appel,
' DIRE ET JUGER que la Société MBTH est bien fondée en ses demandes,
' INFIRMER partiellement la décision rendue par le Juge des référés prés le Tribunal de Grande Instance de BOBIGNY,
A TITRE PRINCIPAL:
- DIRE ET JUGER qu'il est fait injonction à la Société SCI DU TILLEULS de procéder
aux travaux de reconstruction du mur séparatif entre la cellule n°2 et la cellule n°3,
- DIRE ET JUGER que ces travaux devront être réalisés sous astreinte de 500 €uros
par jour de retard à compter de la décision à venir,
A TITRE SUBSIDIAIRE, si la Cour n'entend pas ordonner la réalisation des travaux par le bailleur,
' DIRE ET JUGER qu'il y a lieu à faire injonction à la Société bailleresse qui devra communiquer sous astreinte tous les documents nécessaires au dépôt de la demande de travaux auprès du service de l'urbanisme de [Localité 4], et notamment le plan de géomètre ainsi que le relevé de l'existant, sous astreinte de 500 €uros par jour de retard ce à compter de la décision à venir,
' DIRE ET JUGER que dans l'hypothèse évoquée ci-dessus tous les frais relatifs au dépôt de ce dossier seront pris en charge par le bailleur, notamment les frais de l'architecte, les frais du géomètre et plus généralement les frais nécessaires pour ce faire se rapportant audit dossier y compris concernant les frais à engager auprès de la commission de sécurité la SOCOTEC, ce de manière à ce que la Société MBTH n'en ait pas à assumer l'avance à charge pour elle de communiquer au bailleur les devis, factures et autres demandes de paiement relatifs aux frais évoqués, que la Société SCI DU TILLEUL sera condamnée à verser la somme de 10.000 €uros au titre d'une avance sur frais qui sera versée sur le compte CARPA de Maître Ouali BENMANSOUR, Avocat au Barreau de PARIS ce à compter d'un délai de 7 jours à compter de la décision à venir,
- ORDONNER à la SCI DU TILLEUL de communiquer à la Société MBTH, et à son Conseil, Maître [E] [L] une copie complète de la promesse de cession du terrain sis au [Adresse 2].
Si la Cour entend confirmer l'ordonnance de référé contestée en toutes ses
dispositions, la Société MBTH, DIRE ET JUGER qu'il y a lieu à la restitution du dépôt de garantie pour la somme de 9.900 €uros, et l'y ORDONNER.
- DIRE ET JUGER qu'il y a lieu à condamner la Société bailleresse au paiement de 4.000 €uros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,
- DIRE ET JUGER qu'il y a lieu au paiement des dépens.
- ORDONNER l'exécution provisoire de la décision à venir. »
La société MBTH expose notamment que :
- les conditions de l'urgence et du trouble manifestement illicite sont réunies.
- Il est en effet urgent que les travaux de remise en état puissent être réalisés pour qu'elle puisse reprendre son activité et le comportement du bailleur est une violation du contrat de bail et constitue donc un trouble manifestement illicite, tant et si bien que cette situation, si elle perdure, risque d'entraîner la liquidation judiciaire du locataire.
- Le premier juge a estimé que le locataire se prévalant d'un trouble de jouissance, le délai de prescription de 2 ans devait courir au moment où ce trouble a commencé, c'est à dire au moment du second incendie de sorte que l'action serait prescrite.
- pourtant, les actions menés par le locataire et le syndicat de copropriétaire, avec l'accord du bailleur, devant les juridictions administratives jusqu'en 2018 ont repoussé le point de départ du délai de prescription, de sorte que l'action n'est pas prescrite.
- le refus de la mairie d'autoriser les travaux n'empêchent pas de déposer une nouvelle demande d'autorisation de travaux avec le soutien du bailleur et l'annulation du plan local d'urbanisme par le juge administratif en 2019 laisse penser que cette nouvelle démarche pourrait aboutir.
- il n'y a donc pas de perte juridique de la chose.
- la sci du Tilleul prétend que les documents qui lui sont demandés sont imprécis, alors qu'au contraire, cette demande est parfaitement claire, et que les documents demandés sont nécessaires au dépôt d'une nouvelle demande de travaux.
Par conclusions communiquées par la voie électronique le 22 octobre 2020, la société Du Tilleul demande à la cour de :
« Vu les pièces produites
Vu les articles 834 et 835 du Code de procédure civile
Vu l'article 2224 du Code civil
Vu l'article 122 du Code de procédure civile
Il est demandé à la Cour d'Appel de Paris :
CONFIRMER l'ordonnance du Président du Tribunal Judiciaire en date du 8 janvier 2020 (RG19/01684), en toutes ses dispositions,
A titre subsidiaire,
DECLARER prescrites les demandes de la société MBTH,
DIRE ET JUGER qu'il n'existe ni urgence, ni violation manifeste de la règle de droit de nature à caractériser un trouble manifestement illicite
En conséquence, et dans tous les cas DEBOUTER la SARL de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions,
CONDAMNER la société MBTH à payer 5.000 € au titre de l'article 700 du Code de procédurecivile, outre les entiers dépens de l'instance. »
La société Du Tilleul expose notamment que :
- Son prétendu manquement au titre des travaux de remise en état est apparu après le deuxième incendie du 3 septembre 2012 et c'est donc à compter de cette date qu'est née l'action,
- L'action est ainsi prescrite depuis le 4 septembre 2014 en application de l'article L.145-60 du code de commerce comme l'a justement jugé le juge des référés.
- Même si la cour appliquait, comme le bailleur le demandait en première instance, le délai de droit commun de 5 ans, l'action serait également prescrite.
- Les procédures menés par le locataire devant les juridictions administratives jusqu'en 2018 n'ont pas eu d'effet sur le délai de prescription.
- A titre subsidiaire, la demande de la société MBTH que lui soit restitué le dépôt de garantie est également prescrite et irrecevable.
- l'appelante se prévaut également d'une situation d'urgence et d'un trouble manifestement illicite.
- or, l'urgence ne peut qu'être écartée, les faits remontant à plus de 8 ans.
- S'agissant du trouble manifestement illicite, la société MBTH se fonde sur l'obligation de délivrance du bailleur de l'article 1719 du code civil, alors que cependant, il est manifeste que la chose est juridiquement détruite et que le bail est donc résilié de plein droit par application de l'article 1722.
- En effet, même si le local n'est pas lui-même détruit, il est devenu dans les faits totalement inexploitable, en raison notamment du refus de la mairie d'autoriser les travaux de rénovation.
- Contrairement à ce qu'affirme le locataire, le bailleur et le syndicat des copropriétaires ont tout fait pour rendre à nouveau le local exploitable, notamment en désamiantant ledit local et en déposant des demandes d'autorisation de travaux, en vain.
- Même si le bail n'a pas été résilié explicitement, la cour constatera que le locataire ne paye plus ses loyers depuis l'incendie et que le bailleur ne les réclame plus.
- Le bail étant résilié, aucun trouble manifestement illicite ne peut être retenu.
- Outre le problème des travaux, la destination initiale du local est de toute façon devenu incompatible avec le nouveau plan local d'urbanisme, la copropriété étant désormais en zone d'habitation.
- La perte juridique de la chose est également caractérisée par la dangerosité des lieux
- la demande de communication de documents du locataire est contradictoire avec sa demande principale visant à faire condamner le bailleur à réaliser les travaux.
- cette demande n'est pas suffisamment claire, puisqu'il n'est pas précisé quels documents sont demandés.
- toute demande de faire réaliser ces travaux est vouée à l'échec.
- rien ne justifie que le bailleur délivre au locataire le compromis de vente portant sur le terrain, le locataire étant un tiers à ce contrat.
Il sera renvoyé aux conclusions susvisées pour un plus ample exposé des faits, moyens et prétentions des parties en application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.
SUR CE LA COUR
sur la prescription
L'article 2224 du code civil énonce que les actions personnelles et mobilières se prescrivent par cinq années à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer.
La société MBTH se fonde sur les dispositions de l'article 1719 du code civil et expose que la sci Les Tilleuls a ainsi manqué à son obligation de délivrance, pour n'avoir pas engagé les travaux nécessaires après la survenance des deux incendies.
Or, il n'est pas contesté que lesdits incendies sont survenus les 12 mars et 3 septembre 2012 ni que ces deux incendies ont rendu impossible l'activité de réception et traiteur exercée par la société MBTH dans le local de la cellule no 2.
Le point de départ de la prescription se situe donc bien au plus tard à la date du 3 septembre 2012, date du second incendie. La société MBTH se réfère, pourtant, aux « circonstances qui ont suivi »l'incendie mais toutefois, elle ne les caractérise pas, de sorte que lesdites circonstances ne peuvent être sérieusement retenues comme constituant le point de départ de la prescription.
L'existence des procédures administratives, menées par la société MBTH elle-même, à l'encontre des décisions de la mairie de [Localité 4] n'ont pas eu pour effet de repousser le point de départ du délai de prescription, dans la mesure où pour être interruptive de prescription, la citation en justice doit être adressée à celui que l'on veut empêcher de prescrire, de sorte que la saisine des juridictions administratives ne peut avoir interrompu la prescription à l'égard du bailleur qui n'était pas partie au litige.
L'ordonnance rendue sera confirmée sur ce point.
La décision étant confirmée, il n'y a lieu d'envisager que la demande subsidiaire relative au dépôt de garantie.
sur la restitution du dépôt de garantie
La société MBTH formule à titre subsidiaire une demande de restitution du dépôt de garantie. Toutefois, il apparaît, outre qu'elle ne fonde pas cette demande en droit que:
le bail n'a pas été résilié
la perte juridique de la chose, si tant est qu'elle soit avérée, ne peut en l'état être datée,
De la sorte cette demande ne peut prospérer, avec l'évidence requise en référé et relève de l'appréciation du juge du fond.
sur les autres demandes
Le sort des dépens et de l'indemnité de procédure pour la procédure de première instance ont été exactement réglés par le premier juge.
Il convient de confirmer l'ordonnance entreprise de ces chefs.
Il y a lieu de condamner la société MBTH, partie perdante, aux dépens.
En outre, elle doit être condamnée à verser à la sci Les Tilleuls qui a dû exposer des frais irrépétibles pour faire valoir ses droits, une indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile qu'il est équitable de fixer à la somme de 1.000 euros pour la procédure d'appel.
PAR CES MOTIFS
Confirme l'ordonnance rendue en toutes ses dispositions,
Déboute les parties de leurs autres demandes,
Condamne la société MBTH aux dépens d'appel,
Condamne la société MBTH à payer à la sci Les Tilleuls la somme de 1.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
La Greffière, La Présidente,