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17/12/2020 | FRANCE | N°18/05782

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 9, 17 décembre 2020, 18/05782


Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE


délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS











COUR D'APPEL DE PARIS


Pôle 6 - Chambre 9





ARRET DU 17 DECEMBRE 2020


(n° , 8 pages)





Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 18/05782 - N° Portalis 35L7-V-B7C-B5SPJ





Décision déférée à la Cour : Jugement du 10 Janvier 2018 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BOBIGNY - RG n° F 14/03066








APPELANT






Monsieur A... B...


[...]


[...]





Représenté par Me Isabelle SIMONNEAU, avocat au barreau de PARIS, toque : D0578











INTIMEE





SAS VALEO VISION agissant poursuites et diligences en la per...

Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 9

ARRET DU 17 DECEMBRE 2020

(n° , 8 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 18/05782 - N° Portalis 35L7-V-B7C-B5SPJ

Décision déférée à la Cour : Jugement du 10 Janvier 2018 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BOBIGNY - RG n° F 14/03066

APPELANT

Monsieur A... B...

[...]

[...]

Représenté par Me Isabelle SIMONNEAU, avocat au barreau de PARIS, toque : D0578

INTIMEE

SAS VALEO VISION agissant poursuites et diligences en la personne de son président domicilié en cette qualité audit siège [...]

[...]

Représentée par Me Luca DE MARIA de la SELARL SELARL PELLERIN - DE MARIA - GUERRE, avocat au barreau de PARIS, toque : L0018

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 21 Octobre 2020, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme Sandra ORUS, présidente de chambre, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :

Madame Sandra ORUS, présidente de chambre

Madame Graziella HAUDUIN, présidente de chambre

Madame Françoise SALOMON, présidente de chambre

Greffier, lors des débats : Madame Anouk ESTAVIANNE

ARRET :

- contradictoire

- mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile

- signé par Madame Sandra ORUS, présidente et par Madame Anouk ESTAVIANNE greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

RAPPEL DES FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

M. A... B... a été embauché par la société Valeo Vision Système d'Essuyage par contrat à durée indéterminée, à compter du 17 avril 2001, en qualité de «'directeur informatique de la branche moteurs et actionneurs'», statut cadre, position IIIB, niveau hiérarchique N-4.

Du 15 avril 2003 à septembre 2008, il a travaillé pour la société Valéo Sécurité Habitacle, au poste de directeur informatique, statut cadre dirigeant, niveau hiérarchique N-4.

Du ler octobre 2008 au 31 octobre 2010, il est embauché par la société Valéo Interiors Controls, en qualité de directeur informatique, sous le statut de cadre dirigeant.

Du 1er novembre 2010 au 31 décembre 2010, il a été muté au sein de la société Valeo Management Services, en qualité de «'directeur groupe solution business'», classification Cadre Position III B de la convention collective nationale des cadres de la métallurgie.

A compter du 1er janvier 2011, M. B... a été muté au sein de la Société Valeo Vision en qualité de Directeur Groupe Solutions Business, avec le statut de cadre dirigeant.

Le 11 avril 2014, la société Valeo Vision a convoqué M. B... à un entretien préalable à un licenciement, fixé au 18 avril.

Le 24 avril 2014, M. B... a été licencié pour insuffisance professionnelle.

Il a saisi le 2 juillet 2014 le conseil de prud'hommes de Bobigny qui, dans un jugement du 10 janvier 2018, a dit qu'il n'avait pas le statut de cadre dirigeant, que le licenciement était dépourvu d'une cause réelle et sérieuse, que la SAS Valeo Vision n'avait pas recueilli son autorisation pour réduire ses jours de congés et RTT les jours de fermeture de l'entreprise; a condamné l'employeur au paiement de 191.000 euros d'indemnités pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, 572,19 euros à titre de rappel d'indemnité compensatrice d'un jour de congé pour ancienneté, 1.144,39 euros à titre de rappel d'indemnité compensatrice de 2 jours de RTT, 1.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, l'a débouté du surplus de ses demandes, a débouté l'employeur de sa demande reconventionnelle au titre des frais irrépétibles et a condamné ce dernier aux dépens.

M. B... a interjeté appel le 25 avril 2018.

Dans ses dernières conclusion d'appel n°4 responsives et récapitulatives notifiées par voie électronique le 18 septembre 2020, M. B... sollicite de la cour de:

- Confirmer le jugement du conseil de prud'hommes en ce qu'il a jugé que :

- M. B... n'avait pas le statut de cadre dirigeant ;

- Le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse ;

- La SAS Valeo Vision est condamnée au titre des rappels d'indemnité compensatrice de congés payés et de RTT, ainsi qu'à un article 700 du CPC ;

- Réformer le jugement sur le surplus ;

- Dire et juger que M. B... n'avait pas le statut de cadre dirigeant;

- Dire et juger que le licenciement est sans cause réelle et sérieuse;

- Dire et juger que la SAS Valeo Vision a exécuté le contrat de travail de manière déloyale;

- Dire et juger que la SAS Valeo Vision n'a pas recueilli l'autorisation de M. B... pour déduire de ses congés et RTT les jours de fermeture de l'entreprise imposés;

En conséquence:

- Condamner la Société SAS Valeo Vision au paiement des sommes suivantes :

- 575.000 euros nets à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

- 240.952,76 euros bruts à titre de rappel d'heures supplémentaires découlant de l'annulation de son statut cadre dirigeant ;

- 110.264,28 euros bruts au titre des contreparties obligatoires en repos pour

dépassement du contingent annuel d'heures supplémentaires ;

- 35.121,71 euros bruts à titre d'indemnité compensatrice de congés payés sur les rappels de salaire ci-dessus ;

- 95.900 euros à titre de dommages-intérêts pour travail dissimulé ;

- 15.000 euros à titre de dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail ;

- 572,19 euros bruts à titre de rappel d'indemnité compensatrice d'un jour de congé pour ancienneté irrégulièrement déduit du bulletin de paie du mois de mai 2014 et correspondant à un jour de fermeture de la société ;

- 1.144, 39 euros bruts à titre de rappel d'indemnité compensatrice de deux jours de RTT irrégulièrement déduits du bulletin de paie du mois de juin 2014 et correspondant à deux jours de fermeture de la société ;

- 5.000 euros à titre d'indemnité sur le fondement l'article 700 du code de procédure civile

- Dire et juger que les condamnations seront assorties des intérêts aux taux légaux et ce, à compter

de la saisine du Conseil de Prud'hommes et ordonner la capitalisation des intérêts également à compter de la saisine du conseil de prud'hommes ;

- Condamner enfin la société SAS Valeo Vision aux entiers dépens en ceux compris les frais d'exécution ;

- En tout état de cause, la débouter de toute demande reconventionnelle éventuelle.

Dans ses dernières conclusions, notifiées par voie électronique le 3 septembre 2020, la société Valéo Vision sollicite de la cour de:

- Réformer le jugement rendu le 10 janvier 2018 par le conseil de prud'hommes de Bobigny en ce qu'il a :

- Dit que M. B... n'avait pas le statut de cadre dirigeant ;

- Dit le licenciement de M. B... dépourvu de cause réelle et sérieuse ;

- Dit que la société SAS Valeo Vision n'a pas recueilli l'autorisation de M. B... pour réduire de ses jours de congés et RTT les jours de fermeture de l'entreprise ;

- Condamné la SAS Valeo Vision au paiement des sommes suivantes :

- 191.000 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

- 572,19 euros à titre de rappel d'indemnité compensatrice d'un jour de congé pour ancienneté ;

- 1.144,39 euros à titre de rappel d'indemnité compensatrice de deux jours de RTT ; - 1.500 euros au titre de l'article 700 du code de Procédure civile ;

Subsidiairement :

- Réformer le jugement en ce qu'il a condamné la SAS Valeo Vision au paiement de la somme de 191.000 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

- Réduire le montant de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse au strict minimum légal, soit 95.400 euros ;

- Confirmer le jugement pour le surplus ;

- Débouter en tout état de cause M. B... de toutes ses demandes, fins et conclusions ;

- Statuer ce que de droit sur les dépens.

La date de clôture a été prononcée le 22 septembre 2020 et l'affaire a été fixée le 21 octobre 2020 pour être plaidée.

MOTIFS

Sur le licenciement

L'employeur soutient que la rupture des relations contractuelles est due aux carences managériales de l'intéressé, à son incapacité à gérer ses équipes et à ses difficultés techniques dans la réalisation de ses missions.

Pour constituer une cause réelle et sérieuse de licenciement, le non respect des objectifs ou l'insuffisance de résultats doivent être établis par des éléments objectifs, imputables au salarié et être la conséquence d'une insuffisance professionnelle ou d'un comportement fautif de celui-ci.

La société Valéo reproche d'abord à son salarié de s'être abstenu de faire appliquer les règles de sûreté et de sécurité à l'ensemble de ses collaborateurs ainsi que les validations nécessaires à leurs déplacements.

Elle produit le rappel à l'ordre de son N+1, M. J..., du 15 octobre 2013, qui fait état de la situation «'inacceptable'» des prestataires qui relèvent du périmètre fonctionnel de M.B..., sans régularisation de leurs contrats; elle verse en outre plusieurs messages électroniques de rappels à l'ordre adressés à M. B..., les 22 octobre 2012, 11 septembre 2013 et le 26 janvier 2014 concernant la présence sur site des consultants et prestataires, restés seuls à des heures tardives, après l'horaire de tolérance de 21H.

Il est relevé encore que ces demandes de respect des consignes sur site, s'agissant des questions sensibles de sûreté et de sécurité au sein de l'entreprise, sont adressées par la DRH à M. B... qui ne réagit pas, en dépit d'un avertissement du 12 octobre 2012 qui lui a été précédemment adressé en ce sens, situation qu'il ne contredit pas utilement, aucun document écrit, autre qu'une simple capture d'écran pour l'organisation d'une réunion postérieure à l'engagement de la procédure de licenciement, n'étant produit.

Le premier grief est caractérisé.

L'employeur reproche ensuite à M. B... une mauvaise gestion des relations individuelles, tant à l'égard des équipes internes de Valéo qu'avec les fournisseurs.

Il produit au débat les entretiens annuels de 2012, 2013 et 2014 qui relèvent tous des insuffisances de M. B... dans la gestion relationnelle des équipes. Il est expressément relevé, à chaque évaluation, qu'une amélioration des relations avec les équipes et les fournisseurs est indispensable; que l'insatisfaction des équipes internes persiste.

Ainsi, dans l'évaluation de 2012, cette insuffisance est exprimée en ces termes:'

« Malgré une bonne année sur les projets réussis, de nombreux problèmes sont apparus sur le comportement humain et le respect des procédures..une forte amélioration des relations avec les équipes et les fournisseurs est indispensable à ce niveau.'»

Lors de l'évaluation en cours de semestre 2013, le supérieur hiérachique relève: «'Une forte amélioration des relations avec les équipes et les fournisseurs est toujours indispensable. Toujours une insatisfaction des équipes internes Valéo. La relation avec les fournisseurs doit progresser'».

La société Valéo fait le constat, lors de l'entretien de 2014 pour l'année 2013, d'une insatisfaction de plusieurs collaborateurs qui se plaignent de la manière de travailler, du manque d'écoute de M. B... sur les priorités données dans le travail et sur le comportement dans les interactions personnelles, situation qui impacte la motivation de l'équipe, l'employeur relevant, en outre, que si un faible progrès est mesuré dans les relations avec les fournisseurs, la confiance n'est pas établie avec la société Accenture. Il conclut en ces termes: «' M. B... n'a pas progressé en 2013. Plusieurs problèmes sont récurrents: - problèmes de gestion du personnel sur le fond. Toujours des problèmes sur la non prise en compte de la charge de travail de ses collaborateurs. Un comportement aléatoire quand aux relations entre personnes,des difficultés avec certains membres de son équipe.'»

Lors de ces entretiens contradictoires, il est relevé que M. B... indique qu'il n'a pas de retour négatif de ses collaborateurs lors des entretiens du semestre, à l'exception de la charge de travail qui a nécessité un renforcement de l'équipe. Il est cependant taisant sur l'absence d'amélioration relevée tant avec les équipes qu'avec les fournisseurs, notamment la société Accenture, principal fournisseur de Valéo.

La réitération de ces constats et l'absence d'amélioration relevée dans les relations managériales entre M. B... et ses collaborateurs sur trois années, qui sont des faits précis, vérifiés et abordés contradictoirement lors des entretiens d'évaluation, n'est pas contredite utilement par les seules affirmations de M. B... relatives à l'absence de toute difficulté relationnelle ou par la production d'attestations favorables à l'occasion de son départ de l'entreprise.

Le second grief est donc établi.

L'employeur reproche enfin à son salarié des insuffisances techniques dans la gestion des dossiers qui lui étaient confiés, qui ont conduit à des objectifs non atteints dans la gestion opérationnelle des dossiers en 2013.

Il justifie d'une absence de suivi de l'inventaire des licences SAP utilisées par Valéo, des erreurs relevées dans l'exécution des tâches par ses collaborateurs et plus généralement d'une absence d'implication de M. B... sur la conduite de ses missions.

Il produit ainsi le message de recadrage adressé par M. J... à M. B... qui lui rappelle ce qui est attendu de lui dans le suivi des missions confiées à ses collaborateurs (courriel du 12 septembre 2013) ; il justifie du transfert du suivi du dossier SAP à M. R..., autre directeur de la DSI Valéo et de la reprise en main du projet TOTEM par M. V..., directeur du projet, qui s'en ouvre directement dans un message du 26 avril 2013 adressé au N+1 de M. B... où il indique «' avoir fait le travail de A...'».

Il en est de même du suivi du dossier TRIP ( gestion des notes de frais de SAP) qui est jugé insuffisant par un autre directeur, M. O..., qui indique dans un message du 25 octobre 2013, qu'en raison de la durée anormale du suivi du projet, il en reprend le contrôle.

Ces insuffisances seront expressément relevées dans le dernier entretien d'évaluation du 7 janvier 2014 où il est évoqué notamment le point suivant: «' un support limité sur Totem et ITEsoft: plusieurs rappels ont été faits sur le rôle de l'IS dans sa dimension: aide à la mise en place, optimisation des licences, gestion d'un Core System avec centralisation des sources, gestion des process utilisateurs'». L'employeur précise en conclusion que des problèmes récurrents sont également relevés concernant la gestion du Core System Valeo (Totem, iTesoft, architecture des licences) et pointe un manque d'approfondissement des sujets, des problèmes de planification des ressources disponibles et des budgets, une insuffisante prise en compte de la standardisation des procédures nécessaires.

Or, M B... se contente de contester ces insuffisances en se référant aux évaluations satisfaisantes de 2012 et à la performance du groupe, sans apporter une contradiction étayée aux reproches personnels formulés, notamment sur son absence de suivi des collaborateurs sur les dossiers majeurs qui lui étaient confiés, sur son absence d'application correcte de la méthodologie informatique qui ont justifié, courant 2013, une reprise en main dans trois dossiers (SAP, TOTEM, TRIP) par d'autres directeurs et qui ont été relevées dans l'évaluation de 2013.

Il est relevé que les objectifs opérationnels et managériaux du salarié, s'ils ont été partiellement atteints jusqu'en 2012, n'ont jamais été atteints par la suite, et ont conduit à une évaluation qualifiée d'insuffisante en 2013; que les mêmes reproches adressés à M.B... par sa hiérarchie émanent d'évaluateurs différents: que le salarié mis en cause de manière récurrente sur son mode de management, n'apporte aucune contradiction aux reproches formulés lors des évaluations, même s'il fait référence en 2013 à la charge de travail de ses collaborateurs « qui a nécessité un renforcement de l'équipe'».

La cour relève au demeurant que la société fait droit , dans le courant de l'année 2013, à ses demandes de recrutement de personnel, ce dont le salarié lui donne acte dans l'évaluation, étant relevé qu'il appartenait à M. B..., du fait de son positionnement, devant le constat d'une surcharge de travail de ses équipes, d'anticiper sur les demandes de recrutement et qu'il ne saurait faire grief dès lors à son employeur d'un recrutement tardif pour justifier ses propres carences.

Il résulte de ce qui précède que le licenciement pour cause réelle et sérieuse de M. B... est justifié, par infirmation du jugement, le salarié ne justifiant par ailleurs d'aucun élément sérieux susceptible de caractériser un licenciement économique détourné.

Le salarié est débouté de ses demandes indemnitaires subséquentes au titre des dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Sur l'exécution du contrat de travail

Sur le statut de cadre dirigeant

La société Valeo soutient que M. B... qui bénéficiait du statut de cadre dirigeant l participait à ce titre à la direction des services d'information du groupe Valéo, lesquels constituent une entreprise à part entière et qu'il était notamment rattaché au premier cercle autour de M. J..., directeur des systèmes d'information du Groupe, éléments que conteste M.B....

L'article L 3111-2 du code du travail dispose que "sont considérés comme ayant la qualité de cadre dirigeant les cadres auxquels sont confiées des responsabilités dont l'importance implique une grande indépendance dans l'organisation de leur emploi du temps, qui sont habilités à prendre des décisions de façon largement autonome et qui perçoivent une rémunération se situant dans les niveaux les plus élevés des systèmes de rémunération pratiqués dans leur entreprise ou établissement. ".

Sur le fondement de ces dispositions qui dégagent des critères légaux cumulatifs, il convient d'examiner les fonctions réellement occupées par le salarié dans l'entreprise et les conditions dans lesquelles il était réellement habilité à les remplir.

L'examen des fonctions occupées par M. B... au sein de la société Valéo Vision, telles qu'elles résultent de l'ensemble des pièces produites, non utilement contredites, permet de relever d'une part, que le salarié ne disposait pas d'une grande indépendance dans l'organisation de son emploi du temps, tout déplacement professionnel le concernant étant soumis à la validation préalable de son «'supérieur'» ou de son «'manager'» ( rappel évoqué dans la lettre de licenciement); que toute procédure d'achat était soumise à la validation préalable de la direction des services de l'information du Groupe; que les demandes de prestation relevaient, dans tous les cas, de plusieurs validations hiérarchiques y compris pour des engagements de dépenses minimes, en contradiction avec l'affirmation de l'employeur selon laquelle le salarié gérait «' dix à douze millions du budget de la direction des systèmes d'information'».

Il est relevé d'autre part, que M. B... détenait un pouvoir de décision relatif dans les choix techniques et fonctionnels qui devaient tous être validés par sa hiérarchie (changement de fournisseur, sous-traitance) et qu'il est notamment démontré que la conduite des projets porteurs pour Valéo, confiés au salarié, ont été supervisés systématiquement par M. J..., N+1 de M. B..., ce qui contredit l'affirmation selon laquelle ce dernier disposait d'une large autonomie dans ses décisions; qu'au demeurant, il ne disposait d'aucun pouvoir décisionnel en matière de recrutement qui était soumis à l'autorisation préalable de la hiérarchie.

S'agissant de sa rémunération, il justifie que son passage de Valéo Management Services à Valéo Vision n'a eu aucun impact sur sa rémunération et que son salaire est resté constant pendant tout son parcours professionnel,même lorsqu'il a été nommé dans la catégorie des cadres dirigeants chez Valeo Interior controls, bénéficiant du même salaire que lorsqu'il était simple cadre; il démontre en outre, sans contestation sérieuse, qu'il n'a pas bénéficié des actions gratuites dites «'de performance'» ou du nouveau régime de retraite supplémentaire couvrant les cadres dirigeants du groupe; qu'à ce seul titre, l'employeur ne peut prétendre qu'il bénéficiait d'un niveau de rémunération des plus élevés de l'entreprise.

Il s'ensuit que M. B... ne relevait pas des critères légaux cumulatifs énumérés par l'article L.3111-2 du code du travail.

Enfin, il n'est pas contesté qu'il ne participait ni au Comex ni au Codir, réunions des instances dirigeantes, et qu'il n'a jamais été convié à la réunion des «'Leaders'» à laquelle participaient les dirigeants du groupe Valéo, démontrant ainsi qu'il n'appartenait pas au cercle restreint des managers, participant aux décisions stratégiques de l'entreprise qu'elle soit définie dans le cadre de la direction des services de l'information du groupe ou du groupe lui même.

C'est donc à juste titre que les premiers juges ont écarté la qualification de cadre dirigeant pour M. B....

En conséquence, ne relevant pas des dispositions de l'article L 3 111-2 du code du travail, le salarié doit être soumis aux règles de droit commun relatives à la durée du travail.

Sur les heures supplémentaires

Aux termes des dispositions de l'article L. 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments.

M. B... verse au débat, un tableau de son agenda Valeo qui répertorie ses jours de congés, les journées où il était sur le site de Bobigny ou sur un autre site, les jours de déplacement à l'étranger, pour la période 2013-2014; une photographie de son agenda professionnel électronique ; des photographies de courriels envoyés au cours de l'année 2011, qui révèlent des envois dès 7h du matin ou après 20H ou 22h au cours de la période 2012-2014.

Sur la base de ces éléments, M. B... demande un rappel d'heures supplémentaires suffisamment précis pour permettre à la société Valéo de répondre.

L'employeur conteste le caractère précis des éléments versés par le salarié sans fournir de pièce sur les horaires de travail effectués par ce dernier.

Toutefois, la cour relève que de nombreuses pages de l'agenda du salarié sont vierges de tout rendez-vous ou réunions; que l'heure d'envoi des mails ne démontre pas l'amplitude de la journée de travail du salarié; en outre, la cour a retenu que les griefs de manque d'implication du salarié et d'absence de la prise en compte du travail de ses collaborateurs, laissés seuls à des heures tardives, étaient constitués.

Au regard de l'ensemble de ces éléments, la cour retient que le salarié a effectué des heures supplémentaires dans une moindre mesure toutefois que celles alléguées et lui alloue à ce titre la somme de 25 000 euros outre celle de 2500 euros au titre des congés payés afférents par infirmation du jugement.

Il s'ensuit qu'en l'absence de dépassement du contingent annuel d'heures supplémentaires la cour confirme le jugement en ce qu'il a débouté le salarié de sa demande au titre du repos compensateur.

Sur le travail dissimulé

Aucun élément ne permet d'imputer à l'employeur une volonté manifeste de dissimuler le travail accompli par l'intéressé, celui-ci ayant par ailleurs été embauché sous contrat à durée indéterminée écrit et sans qu'il soit argué d'une quelconque défaillance dans l'accomplissement des diverses formalités relatives à l'embauche, si bien que le jugement déféré sera par ces motifs substitués confirmé en ce qu'il a rejeté la demande formée au titre de l'indemnité pour travail dissimulé.

Sur l'exécution déloyale du contrat de travail

M. B... ne démontre pas l'indifférence de l'employeur à sa charge de travail ni le préjudice distinct de celui déjà réparé par le rappel de salaire accordé.

Sa demande sera rejetée par infirmation de l'appréciation des premiers juges.

Sur les autres demandes

Les premiers juges, par des motifs adaptés, ont exactement retenu qu'il était dû à M.B... des rappels d'indemnités au titre d'un jour de congés et deux jours de RTT à hauteur de 572,19 euros et 1144,39 euros.

Le jugement est confirmé sur ce point.

La société Valéo sera condamnée aux dépens.

En équité, chacune des parties conservera la charge de ses frais irrépétibles.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Infirme le jugement sauf en ce qu'il a rejeté les demandes de dommages-intérêts pour travail dissimulé et exécution déloyale du contrat de travail et condamné l'employeur au titre du rappel d'indemnités pour les jours de congés et de RTT indûment retenus ;

Statuant à nouveau et y ajoutant :

Dit que le licenciement de M. A... B... est fondé sur une cause réelle et sérieuse ;

Le déboute de toute demande indemnitaire au titre de la rupture abusive du contrat de travail ;

Condamne la société Valéo à payer à M. A... B... la somme de 25 000 euros à titre de rappel d'heures supplémentaires ;

Condamne la société Valéo à payer à M. A... B... la somme de 2 500 euros à titre d'indemnité compensatrice de congés payés sur les rappels de salaire ;

Rejette toute autre demande ;

Condamne la société Valéo aux dépens.

LE GREFFIER LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 9
Numéro d'arrêt : 18/05782
Date de la décision : 17/12/2020

Références :

Cour d'appel de Paris K9, arrêt n°18/05782 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2020-12-17;18.05782 ?
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