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17/12/2020 | FRANCE | N°18/01504

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 1 - chambre 1, 17 décembre 2020, 18/01504


Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS







COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 1 - Chambre 1



ARRET DU 17 DECEMBRE 2020



(n° , 7 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 18/01504 - N° Portalis 35L7-V-B7C-B4224



Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 20 novembre 2017 qui a conféré l'exequatur à la sentence arbitrale rendue le 31 mars 2016 à [Localité 8] par le tribunal arbitral composé de M. [I] et Mme [B], arbit

res, et de M. [G], président





APPELANT



Monsieur [D] [K] [X] [O] [Z] ou [Z] né le [Date naissance 1] 1961 à [Localité 5] (qatar)



[Adresse 2], ...

Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 1 - Chambre 1

ARRET DU 17 DECEMBRE 2020

(n° , 7 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 18/01504 - N° Portalis 35L7-V-B7C-B4224

Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 20 novembre 2017 qui a conféré l'exequatur à la sentence arbitrale rendue le 31 mars 2016 à [Localité 8] par le tribunal arbitral composé de M. [I] et Mme [B], arbitres, et de M. [G], président

APPELANT

Monsieur [D] [K] [X] [O] [Z] ou [Z] né le [Date naissance 1] 1961 à [Localité 5] (qatar)

[Adresse 2],

[C] [H] [J] [N], [H] [A]

[Adresse 7]

QATAR

représenté par Me Luca DE MARIA de la SELARL PELLERIN - DE MARIA - GUERRE, avocat postulant du barreau de PARIS, toque : L0018

assisté de Me Clément DUPOIRIER et Me Laurence FRANC-MENGET, avocats plaidant du barreau de PARIS, toque : J025

INTIMEE

SOCIETE D'ENTREPRISE ET DE GESTION-QATAR WLL

prise en la personne de ses représentants légaux

[Adresse 6]

[Localité 3]

QATAR

représentée par Me Matthieu BOCCON GIBOD de la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES, avocat postulant du barreau de PARIS, toque : C2477

assistée de Me Marwan SAKR et de Me Michel NASSAR, avocats au barreau de PARIS, toque : W16 et C1990

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 22 octobre 2020, en audience publique, les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Mme Anne BEAUVOIS, présidente de chambre et M. François MELIN, conseiller, chargés du rapport.

Ce magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme Anne BEAUVOIS, présidente de chambre

M. François MELIN, conseiller

Mme Marie-Catherine GAFFINEL, conseillère

Greffier, lors des débats : Mme Mélanie PATE

ARRET :

- contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Mme Anne BEAUVOIS, présidente de chambre et par Mme Mélanie PATE, greffière, présente lors de la mise à disposition.

FAITS ET PROCÉDURE

M. [D] [K] [X] [O] [Z], ci-après M. [Z], entrepreneur qatari, a conclu avec la Société d'Entreprise et de Gestion - Qatar (la SEGQ), société de droit qatari, des contrats ayant pour objet la construction de deux tours à [Localité 5] (Qatar).

Des différends étant nés portant sur l'exécution des contrats, deux lettres d'engagement contenant une clause compromissoire ont été signées le 3 avril 2008 par la SEGQ et M. [Z]. Cette clause est ainsi rédigée « « in case of dispute a local arbitrator(s) shall be assigned to resolve the conflict », en français « en cas de litige, un ou des arbitre(s) local(aux) sera(ont) nommé(s) afin de résoudre le conflit ».

De nouveaux différends étant survenus entre les parties, M. [Z] a introduit sa demande d'arbitrage devant le Centre d'arbitrage international du Qatar 'Qatar International Center for Arbitration (QICA)' par une lettre du 25 avril 2010. Il a désigné M. [R] [S] (ou [M]), alors secrétaire général de ce Centre d'arbitrage en qualité d'arbitre.

Le 4 mai 2010, la demande d'arbitrage a été transmise à SEGQ. Le 5 mai 2010, celle-ci, a contesté la compétence du QICA, en faisant valoir l'absence d'accord des parties sur le recours au Centre d'arbitrage, l'impossibilité de M. [S] de cumuler ses fonctions de secrétaire général du QICA et d'arbitre dans un litige soumis au règlement de ce même Centre, mais a désigné Mme [B] en qualité d'arbitre. Les deux co-arbitres ont désigné M. [W] [G] en tant que président du tribunal arbitral. Le tribunal ainsi constitué a accepté sa mission le 28 juillet 2010.

Le 14 septembre 2010, ce tribunal arbitral s'est réuni au [Localité 4] (Egypte), et par ordonnance de procédure de ce jour, a convenu d'un arbitrage ad hoc, choisissant [Localité 8] comme siège de l'arbitrage, précisant que les audiences se dérouleraient au [Localité 4] et qu'une audience procédurale serait tenue le 22 octobre suivant. M. [Z] a contesté cette décision par courrier du 6 octobre 2010.

M. [Z] a alors sollicité la récusation de M. [G] par le Centre d'arbitrage et l'a obtenue par décision du 13 mars 2011. Le 19 juin 2011, dans cette procédure arbitrale menée sous son égide, le Centre d'arbitrage a désigné M. [T] en qualité de président du tribunal arbitral. Par ailleurs, M. [S] ayant démissionné le 19 octobre 2010 en invoquant des raisons personnelles, M. [Z] a désigné M. [E] pour le remplacer. Saisi sur la demande de M. [Z], le tribunal de première instance de Doha, par jugement du 26 novembre 2013, a autorisé le Centre d'arbitrage à désigner un nouvel arbitre, en remplacement de Mme [B]. M. [L] a été désigné par le Centre d'arbitrage. M. [Z] a désigné M. [Y] en remplacement de M. [E] démissionnaire.

De son côté, invoquant l'impossibilité de saisir le juge d'appui tunisien compte tenu de la situation politique et sécuritaire en Tunisie, SEGQ a sollicité du juge d'appui libanais la désignation d'un arbitre en remplacement de M. [S], démissionnaire, puis après avoir fait rétracter la décision rendue par la juridiction libanaise, estimant que la situation sécuritaire en Tunisie le permettait, a saisi le juge d'appui tunisien aux mêmes fins. Par une décision du 28 janvier 2013, le juge d'appui tunisien, constatant que M. [Z] s'était abstenu de désigner un nouvel arbitre en remplacement de M. [S], a désigné M. [I].

A l'issue de ces diverses initiatives procédurales, la demande d'arbitrage initiale a abouti :

- d'une part, à une sentence rendue le 14 mars 2016 à [Localité 5] (la sentence QICA) par un tribunal arbitral administré sous l'égide du QICA, composé de MM. [U] [Y] et [P] [V] [L], arbitres, et de M. [T], aux termes de laquelle la SEGQ est condamnée à payer à M. [Z] la somme d'environ 6 500 000 euros ;

- d'autre part, une sentence rendue, le 31 mars 2016 (la sentence [G]) à [Localité 8] par un tribunal arbitral 'ad hoc', composé de M. [I] et Mme [B], arbitres, et de M. [G], président aux termes de laquelle M. [Z] a été condamné à payer à la SEGQ la somme d'environ 22 millions d'euros.

La sentence QICA rendue le 14 mars 2016 a fait l'objet d'un recours de SEGQ en annulation devant le tribunal de première instance de [Localité 5] qui l'a rejeté le 27 février 2018.

La sentence [G] a fait l'objet d'un recours de M. [Z] devant la cour d'appel de Tunis qui l'a annulée par arrêt en date du 28 février 2017.

Le 20 novembre 2017, la SEGQ a obtenu auprès du président du tribunal de grande instance de Paris une ordonnance (l'ordonnance d'exequatur) rendant exécutoire la sentence arbitrale [G] du 31 mars 2016. L'ordonnance d'exequatur a été signifiée les 15 et 28 décembre 2017 à M. [Z] qui en a interjeté appel le 15 janvier 2018.

PRÉTENTIONS DES PARTIES

Par dernières conclusions notifiées le 17 septembre 2020, M. [Z] demande à la cour :

- d'infirmer l'ordonnance d'exequatur de la sentence arbitrale rendue le 31 mars 2016 à [Localité 8] par le tribunal arbitral composé de Mme [B] et M. [I], co-arbitres, et M. [G], président ;

- de juger que la sentence arbitrale rendue le 31 mars 2016 à [Localité 8] par le tribunal arbitral composé de Mme [B] et M. [I], co-arbitres, et M. [G], président, ne saurait recevoir l'exequatur en France ;

- condamner la Société d'Entreprise et de Gestion - Qatar aux dépens et à lui payer la somme de 50.000 euros au titre des frais irrépétibles non compris dans les dépens.

Par dernières conclusions notifiées le 22 janvier 2018, la Société d'Entreprise et de Gestion - Qatar demande à la cour de :

- débouter M. [Z] de sa demande d'infirmation de l'ordonnance d'exequatur du 20 novembre 2017 rendant exécutoire la sentence arbitrale rendue à [Localité 8] (Tunisie) le 31 mars 2016 ;

- confirmer l'ordonnance d'exequatur du président du tribunal de grande instance de Paris du 20 novembre 2017 ;

- condamner M. [Z] aux dépens et à lui payer la somme de 50 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

MOYENS DES PARTIES

M. [Z] soutient les moyens suivants :

- le tribunal [G] s'est déclaré à tort compétent (article 1520, 1° du code de procédure civile) aux motifs,

que la demande d'arbitrage a été introduite devant le Centre d'arbitrage international du Qatar et que ce tribunal arbitral, autoproclamé ad hoc, n'était pas compétent pour statuer sur sa demande d'arbitrage institutionnel,

qu'il a en effet formulé une offre d'arbitrage institutionnel visant à pallier l'insuffisance de la clause d'arbitrage que SEGQ a accepté partiellement dans la limite de la compétence qu'elle entendait soulever, qu'elle a ratifié la compétence de ce même tribunal arbitral pour trancher la question de sa propre compétence et qu'elle a confirmé le 22 octobre 2015 son accord pour l'application des règles QICA,

que la clause d'arbitrage ne peut justifier la compétence d'un tribunal arbitral siégeant à [Localité 8], le terme local, seul terme distinctif de la clause, s'analysant comme traduisant la volonté commune des parties de se soumettre à un arbitrage interne au Qatar, et non comme se référant à la nationalité des arbitres ;

- le tribunal [G] a été irrégulièrement constitué (article 1520, 2° du code de procédure civile), aux motifs,

que la constitution du tribunal arbitral n'est pas conforme à la volonté des parties qu'aucun de ses membres n'a siégé conformément au règlement QICA alors que les parties ont accepté de s'y soumettre,

que sa constitution a contrevenu au principe d'égalité des parties,

que le tribunal arbitral n'a pas satisfait à l'exigence d'impartialité ;

- le tribunal arbitral a statué sans se conformer à sa mission (article 1520, 3° du code de procédure civile) en usurpant la mission confiée au tribunal QICA, en rendant sa sentence hors délai et en ne respectant pas les règles de procédure choisies par les parties ;

- le tribunal arbitral n'a pas respecté le principe du contradictoire (article 1520, 4° du code de procédure civile) en décidant unilatéralement du siège de l'arbitrage et de s'affranchir du QICA, en tranchant sur ses demandes au fond en violation des droits de la défense ;

- l'exequatur de la sentence est contraire à l'ordre public international (article 1520, 5° du code de procédure civile) en ce qu'elle méconnaît l'interdiction faite au tribunal de proroger les délais lui-même, qu'elle viole les principes du contradictoire et d'égalité des parties, autant d'éléments qui, tout en caractérisant des violations au titre des premiers alinéas de l'article 1520 du code de procédure civile, mettent en jeu la conception française de l'ordre public international.

La SEGQ réplique aux griefs de l'appelant en soutenant que :

- le tribunal [G] est le seul compétent aux motifs,

que la clause d'arbitrage prévoit une procédure ad hoc et ne prévoit pas d'arbitrage institutionnel, de sorte qu'elle n'a jamais considéré transformer un arbitrage institutionnel en arbitrage ad hoc, qu'elle n'a jamais reconnu la compétence du tribunal arbitral constitué sous l'égide du QICA, que la seule interprétation possible de l'arbitre local est celle portant sur la nationalité de l'arbitre mais que les parties ont renoncé à cette condition, que M. [Z] a saisi le Centre d'arbitrage en violation flagrante de la volonté des parties,

que le siège de [Localité 8] a valablement été choisi par le tribunal [G] dans le silence de la clause d'arbitrage ;

- le tribunal arbitral a été régulièrement constitué aux motifs,

qu'elle n'a jamais consenti à un arbitrage sous l'égide du QICA, ayant maintenu sa volonté de recourir à l'arbitrage tout en contestant le recours au QICA et n'ayant pas accepté même tacitement la compétence de ce tribunal, que le QICA n'a jamais été désigné par les parties comme Centre d'arbitrage,

que la nomination de M. [I] est régulière et a été confirmée par arrêt de la Cour de cassation tunisienne le 27 novembre 2014, qu'elle a en effet été contrainte, pour éviter l'immobilisme dans la procédure d'arbitrage, d'avoir recours au juge d'appui en raison du refus de M. [Z] de nommer un arbitre en remplacement de M. [S],

que le tribunal arbitral est indépendant et impartial, que toutes les parties étaient représentées à l'audience de procédure du 14 septembre 2010 ;

- le tribunal arbitral a statué conformément à sa mission, dans les délais qu'il a fixés dans son ordonnance et prolongés, M. [Z] ayant continué à participer à la procédure, et en respectant les règles de procédure choisies par les parties ;

- le tribunal arbitral a respecté le principe du contradictoire, M. [Z] ayant été invité à conclure mais ayant refusé de le faire et de se présenter à la plaidoirie ;

- l'exequatur de la sentence est conforme à l'ordre public international, le contrôle de l'ordre public international ne pouvant servir à déguiser une révision de la sentence au fond.

MOTIFS :

En application de l'article 1525 du code de procédure civile, la cour d'appel ne peut refuser l'exequatur d'une sentence arbitrale que dans les cas prévus à l'article 1520 du même code.

Sur le moyen pris de la violation de l'ordre public international (article 1520, 5° du code de procédure civile)

L'ordre public international au regard duquel s'effectue le contrôle du juge s'entend de la conception qu'en a l'ordre juridique français, c'est-à-dire des valeurs et des principes dont celui-ci ne saurait souffrir la méconnaissance même dans un contexte international.

Il est établi que :

- la clause compromissoire contenue dans les lettres d'engagement du 3 avril 2008 signées par la SEGQ et M. [Z] était ainsi rédigée « en cas de litige, un ou des arbitre(s) local(aux) sera(ont) nommé(s) afin de résoudre le conflit »,

- M. [Z] a saisi le Centre d'arbitrage international du Qatar 'Qatar International Center for Arbitration (QICA)' par une lettre du 25 avril 2010 formulant une offre d'arbitrage institutionnel,

- le Centre d'arbitrage a adressé cette offre d'arbitrage le 4 mai 2010 à SEGQ,

- SEGQ a répondu le 5 mai 2010 qu'en l'absence de clause d'arbitrage se référant au Centre ou à ses règles d'arbitrage, elle entendait se réserver le droit de contester la compétence de cette juridiction,

- le 6 juin 2010, SEGQ a réitéré ses réserves mais a désigné un arbitre par mesure de précaution, se réservant la faculté de contester la compétence du Centre d'arbitrage et du comité d'arbitrage,

- le 26 juillet 2010, SEGQ a sollicité du secrétaire général du Centre d'arbitrage des informations sur les mesures prises pour compléter la constitution du tribunal et la poursuite par ce dernier de la procédure,

- le tribunal arbitral constitué de MM. [S], arbitre désigné par M. [Z] et de Mme [B], arbitre désignée par SEGQ, et de M. [G], président désigné par les co-arbitres, a accepté sa mission le 28 juillet 2010,

- par décision du 14 septembre 2010, le tribunal arbitral, rappelant son accord pour prendre en charge la procédure d'arbitrage dans le litige qui lui est soumis par les parties, a fixé la première audience de procédure devant se dérouler au [Localité 4] le 22 octobre 2010, en présence du tribunal arbitral et des deux parties au litige, décidé que les audiences suivantes auraient lieu au [Localité 4] et que la sentence arbitrale serait rendue à [Localité 8], fixé les modalités de déroulement de la procédure et la durée de l'arbitrage à six mois.

Contrairement à ce prétend SEGQ, il résulte clairement des termes mêmes de cette décision du 14 septembre 2010, dont le contenu est rappelé au paragraphe 25 de la sentence, que le tribunal arbitral composé de ses trois membres s'est réuni hors la présence des parties et de leurs conseils, et que la décision a été prise sans que ceux-ci aient été préalablement consultés sur l'ensemble des points en cause.

Le 6 octobre 2010, M. [Z] a contesté cette décision du 14 septembre 2010 en faisant valoir que le tribunal arbitral ne pouvait sans l'accord des parties fixer le lieu de l'arbitrage au [Localité 4] et le siège de l'arbitrage à [Localité 8], soutenant 'qu'il n'y avait aucune preuve ni accord des parties pour permettre la conduite de l'arbitrage en dehors du Qatar'.

Aucune réunion du tribunal arbitral n'a eu lieu du fait de la démission de M. [S] le 19 octobre 2010.

Le président du Centre a écrit le 2 décembre 2010 au président du tribunal arbitral, rappelant que le Centre était saisi de la demande d'arbitrage et que même si le litige soumis devait être un arbitrage ad hoc selon l'accord des parties, les mesures de procédure devaient être prises selon le règlement du Centre tant qu'il n'y avait pas d'accord des parties.

M. [G] a répondu le 9 décembre 2010, après avoir invoqué le secret absolu qui pèse sur les membres du tribunal arbitral :

' [...] De plus, votre Centre ne bénéficie d'aucun statut ou compétence lui permettant de s'adresser au tribunal arbitral puisqu'il va sans dire que toute compétence accordée à une institution arbitrale doit être stipulée par écrit et de façon claire dans la convention d'arbitrage ou par toute autre convention entre les parties.

Vous insistez sur la compétence de votre Centre dans l'administration de la présente affaire alors qu'il apparaît de manière évidente qu'il n'y a aucune clause d'arbitrage applicable en l'espèce ; il n'apparaît pas non plus dans les correspondances entre les parties que celles-ci aient désigné par commun accord votre Centre comme institution arbitrale à qui il reviendrait de conduire la procédure arbitrale dans la présente affaire. Au surplus, le défendeur a présenté une objection où il conteste fermement la compétence de votre Centre'.

M. [G] et Mme [B] ont poursuivi leur mission d'arbitres sur la demande d'arbitrage de M. [Z], malgré les décisions prises à leur égard, dans le cadre d'un arbitrage ad hoc, non soumis au réglement du Centre.

Il résulte de ce qui précède que le tribunal arbitral a été constitué sous l'administration du Centre d'arbitrage, à la demande de M. [Z], avec l'accord donné par SEGQ, résultant de la désignation d'un arbitre et de la demande de poursuite de la désignation du tribunal arbitral, assorti des réserves manifestant en réalité sa volonté de soumettre à ce tribunal ses contestations portant sur l'existence de la clause compromissoire, le recours au Centre d'arbitrage pour organiser l'arbitrage et la compétence du tribunal arbitral.

Or, le tribunal arbitral, ainsi constitué, a décidé de substituer à cet arbitrage institutionnel un arbitrage ad hoc en s'affranchissant de l'application du règlement du Centre d'arbitrage et en préjugeant du caractère international du litige en fixant le siège à [Localité 8], sans accord des parties et sans même avoir invité préalablement les parties à présenter leurs observations sur les règles procédurales qu'il entendait mettre en oeuvre et le déroulement de la procédure qu'il entendait établir, en méconnaissance du principe de la contradiction. Le tribunal arbitral a ainsi également préjugé en faveur de SEGQ de l'interprétation de la clause d'arbitrage et du bien fondé de sa contestation du recours à un arbitrage institutionnel, sans que M. [Z] ait été invité à faire valoir ses moyens et avant tout débat entre les parties, sans respecter le principe de la contradiction et l'obligation d'impartialité de l'arbitre.

L'exécution d'une telle sentence heurte de manière manifeste, effective et concrète les principes et valeurs compris dans l'ordre public international de procédure.

Il en résulte que l'ordonnance d'exequatur de la sentence arbitrale doit être infirmée, sans qu'il y ait besoin d'examiner les autres moyens d'infirmation.

Sur les dépens et l'indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile

SEGQ qui succombe en ses prétentions doit être condamnée aux dépens et à payer à M. [Z] une indemnité de 50 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS :

Infirme l'ordonnance du 20 novembre 2017 qui a conféré l'exequatur à la sentence arbitrale rendue le 31 mars 2016 à [Localité 8] par le tribunal arbitral composé de M. [I] et Mme [B], arbitres, et de M. [G], président ;

Statuant à nouveau :

Rejette la demande tendant à voir conférer l'exequatur à ladite sentence ;

Condamne la Société d'Entreprise et de Gestion - Qatar à payer à M. [D] [K] [X] [O] [Z] une indemnité de 50 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Condamne la Société d'Entreprise et de Gestion - Qatar aux dépens.

LA GREFFIERE LA PRESIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 1 - chambre 1
Numéro d'arrêt : 18/01504
Date de la décision : 17/12/2020

Références :

Cour d'appel de Paris A1, arrêt n°18/01504 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2020-12-17;18.01504 ?
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