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10/12/2020 | FRANCE | N°20/00881

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 5 - chambre 9, 10 décembre 2020, 20/00881


REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS





COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 5 - Chambre 9



ARRET DU 10 DECEMBRE 2020



(n° , 9 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 20/00881 - N° Portalis 35L7-V-B7E-CBIVT



Décision déférée à la Cour : Jugement du 16 Décembre 2019 - Tribunal de Commerce de MEAUX - RG n° 2019004422





APPELANT



Monsieur [Y] [C] [L]

né le [Date naissance 1] 1967 à [Localité 7] (PORTUGAL)

[Adresse

8]

[Localité 6]

Représenté par Me Frédéric NAIM de la SELARL CABINET F.NAIM, avocat au barreau de PARIS, toque : C1703, substitué par Me Ketty LEROUX, avocat postulant et plaidant



INTIM...

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 9

ARRET DU 10 DECEMBRE 2020

(n° , 9 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 20/00881 - N° Portalis 35L7-V-B7E-CBIVT

Décision déférée à la Cour : Jugement du 16 Décembre 2019 - Tribunal de Commerce de MEAUX - RG n° 2019004422

APPELANT

Monsieur [Y] [C] [L]

né le [Date naissance 1] 1967 à [Localité 7] (PORTUGAL)

[Adresse 8]

[Localité 6]

Représenté par Me Frédéric NAIM de la SELARL CABINET F.NAIM, avocat au barreau de PARIS, toque : C1703, substitué par Me Ketty LEROUX, avocat postulant et plaidant

INTIMES

Monsieur LE PROCUREUR GENERAL - SERVICE FINANCIER ET COMMERCIAL

[Adresse 2]

[Localité 4]

SELARL GARNIER GUILLLOUET, en qualité de mandataire liquidateur de la SOCIETE TDA -TERRASSEMENT DÉMOLITION ASSAINISSEMENT

N° SIRET : 478 547 243

[Adresse 3]

[Localité 5]

Représentée par Me Carole BOUMAIZA de la SCP GOMME et BOUMAIZA, avocat au barreau de PARIS, toque : J112, avocat postulant et plaidant

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 04 novembre 2020, en audience publique, devant la Cour composée de :

Madame Michèle PICARD, Présidente

Madame Isabelle ROHART-MESSAGER, Conseillère

Madame Déborah CORICON, Conseillère

qui en ont délibéré

GREFFIER : Madame FOULON, lors des débats

MINISTÈRE PUBLIC : représenté lors des débats par Madame Anne SARZIER, avocat général, qui a fait connaître son avis.

ARRET :

- contradictoire

- rendu par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Michèle PICARD, Présidente et par Madame FOULON, Greffière .

**********

Par jugement du 9 juillet 2018, sur déclaration de cessation des paiements le tribunal de commerce de Meaux a ouvert une procédure de liquidation judiciaire à l'encontre de la société TDA, qui avait une activité de terrassement, assainissement et démolition pour une clientèle de professionnels, fixé la date de cessation des paiements au 30 mars 2017, soit 16 mois avant l'ouverture de la procédure collective et a désigné la Selarl Garnier-[Z], prise en la personne de [M] [Z] en qualité de liquidateur judiciaire.

Le passif de la société TDA s'élève à la somme de 350.854,58 euros, composé comme suit':

Passif superprivilégié': 53.462,23 euros

Passif privilégié': 91.568,49 euros

Passif chirographaire': 205.823,86 euros

Le montant de l'insuffisance d'actif s'élève à 348.854,58 euros

La Selarl Garnier [Z] a fait assigner Monsieur [C] [L] devant le tribunal de commerce de Meaux aux fins de voir prononcer à son encontre une mesure d'interdiction de gérer pour une durée de 10 années et une condamnation à payer l'insuffisance d'actif dans son intégralité.

Par jugement du 16 décembre 2019 assorti de l'exécution provisoire , le tribunal de commerce de Meaux a' prononcé à l'encontre de Monsieur [C] [L] une interdiction de gérer d'une durée de 10 ans et l'a condamné à payer la somme de 330.000 euros au titre du comblement de l'insuffisance d'actif. Pour la sanction personnelle le tribunal a retenu l'omission volontaire de demander l'ouverture d'une procédure collective dans le délai de 45 jours, le détournement d'actif et l'augmentation frauduleuse du passif, l'absence de coopération avec les organes de la procédure. Sur la responsabilité pour insuffisance d'actif le tribunal a constaté une insuffisance d'actif de 348.854, 58 euros et a retenu plusieurs fautes de gestion : l'omission de déclarer la cessation des paiements dans le délai légal et l'inobservation d'obligations fiscales et sociales

M. [Y] [C] [L] a interjeté appel de cette décision le 31 décembre 2019.

***

Dans ses dernières conclusions auxquelles il est expressément référé, notifiées par voie électronique le 31 mars 2020, M. [Y] [C] [L] demande à la cour'de :

- Infirmer le jugement du tribunal de commerce de Meaux du 16 décembre 2019 en ce qu'il a prononcé une interdiction de gérer de 10 ans à son encontre et une condamnation à combler le passif à hauteur de 330.000 euros,

- Constater que le jugement du tribunal de commerce de Meaux du 16 décembre 2019 n'a fait aucune application du principe de proportionnalité,

- Dire et juger qu'il n'y a lieu à prononcer une mesure de faillite personnelle,

- Dire et juger qu'l n'y a lieu à sanction d'interdiction de gérer,

-Dire et juger qu'il n'y a lieu à la condamnation au paiement de l'insuffisance d'actif,

- Statuer ce que de droit aux dépens.

***

Dans ses dernières conclusions auxquelles il est expressément référé, notifiées par voie électronique le 12 Mai 2020, la Selarl Garnier [Z] en la personne de [M] [Z] demande à la cour de':

- Confirmer le jugement du tribunal de commerce de Meaux en toutes ses dispositions,

- Condamner M. [C] au paiement de la somme de 2.500 euros au titre de l'article 700 du CPC ainsi qu'aux entiers dépens d'instance dont distraction au profit de Me. [T] [E] en application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

***

Dans son avis notifié par voie électronique le 18 mai 2020, le ministère public demande à la cour de confirmer la décision rendue par le tribunal de commerce de Meaux en ce qu'elle a condamné M. [Y] [C] [L] à une interdiction de gérer de 10 ans et une contribution à l'insuffisance d'actif à hauteur de 330.000 euros.

SUR CE

Sur l'insuffisance d'actif

La cour rappelle que l'insuffisance d'actif s'élève à 348.854, 58 euros.

Sur les fautes de gestion

1 ) Sur l'omission de demander d'ouverture d'une procédure collective dans le délai de 45 jours

Monsieur [C] [L] conteste avoir omis sciemment de déclarer la cessation des paiements dans le délai légal. Il affirme qu'après la perte de son principal client, la société Maison Pierre, il était en quête de nouvelles opportunités et espérait pouvoir redresser sa société.

Il affirme que la sévérité de la sanction devrait être dosée selon le degré de gravité de la faute, sachant qu'il dispose de revenus modestes et que son épouse est salariée à temps partiel dans une pharmacie en tant qu'agent d'entretien. De plus suite à une opération du dos il ne pourra plus travailler dans le domaine du bâtiment.

A titre subsidiaire, il affirme que le comblement du passif ne pourrait pas être supérieur à 18.638 euros puisque la faute n'aurait causé à la société qu'un préjudice de ce montant.

Le liquidateur fait valoir que l'état de cessation des paiements était avérée bien avant la rupture des relations contractuelles avec la société Maisons Pierre et que M. [Y] [C] [L] ne pouvait pas l'ignorer. Il a donc omis volontairement de demander l'ouverture d'une procédure collective, ce retard constituant une faute de gestion.

Il expose que dès février 2017, la société TDA a enregistré un retard de paiement des cotisations Pro-BTP, qu'à compter du mois d'avril 2017, la société n'a plus réglé ses cotisations ce qui révèle des tensions de trésorerie et un état de cessation des paiements. De plus ces difficultés ont été confirmées par l'absence de paiement de cotisations Urssaf à compter d'octobre 2017, dont les parts salariales.

Il ajoute que Mme [N] [I], salariée de la société TDA, n'a plus été payée depuis le mois de mars 2018, soit plus de 4 mois avant l'ouverture de la procédure de liquidation judiciaire.

Il indique que M. [Y] [C] [L] a été à la tête de trois entreprises ayant fait l'objet d'une liquidation judiciaire, qu'il bénéficie donc d'une expérience solide en matière de procédure collective et que l'absence de déclaration de cessation des paiements a été volontaire et fautive.

Le caractère volontaire du retard dans la demande d'ouverture de la procédure collective est à l'origine de l'insuffisance d'actif.

Il indique que la créance de la Pro BTP née entre 1er avril 2017 et le 9 juillet 2018 s'élève à la somme de 16.704 euros, tandis que la créance de l'Urssaf entre octobre 2017 et juillet 2018 s'élève à 42.534,31 euros.

La cour relève que la date de cessation des paiements a été fixée au 30 mars 2017 alors que Monsieur [C] a déposé sa déclaration le 5 juillet 2018, soit avec un retard de 16 mois. Il résulte des pièces produites que la société TDA ne payait plus ses cotisations sociales depuis le début de l'année 2017 et qu'elle avait arrêté de payer une salariée en mars 2018. Au regard de ces défauts de paiements la société Maisons Pierre a cessé de passer des commandes à TDA début 2018 alors que TDA connaissait déjà des difficultés. Ce n'est donc pas la rupture des commandes de Maisons Pierre qui est directement à l'origine des difficultés financières de TDA comme l'affirme Monsieur [C].

Monsieur [C] [L] a déjà dirigé trois sociétés commerciales avant celle-ci qui ont toutes été placées en liquidation judiciaire. Il ne peut donc pas affirmer qu'il ignorait que TDA était en cessation des paiements alors que son expérience en la matière aurait du l'alerter bien plus tôt.

La cour confirmera en conséquence le jugement en ce qu'il a retenu cette faute de gestion.

2) Sur l'inobservation d'obligations sociales

Le liquidateur fait valoir qu'il résulte de la déclaration de l'organisme PRO BTP que l'entreprise ne se serait pas acquittée des déclarations de salaire depuis janvier 2017 ce qui aurait conduit à des taxations d'office pour 18.638 euros.

Il résulte des déclarations de créances de Pro BTP que des taxations d'office ont eu lieu déclarées à titre définitif en rasion de la carence de la société TDA.

La faute sera donc retenu et le jugement confirmé sur ce point.

3) Sur l'encaissement d'acomptes au détriment de clients

Le liquidateur indique que le passif fait apparaître des créances clients pour un montant de plus de 91.000 euros constitués des acomptes versés par les clients et pour lesquels la société TDA n'a effectué aucune prestation, alors que ces chantiers auraient été facturés à 50% dès la signature du devis, et qu'à la date de la liquidation judiciaire, un bon nombre de chantiers n'ont pas été démarrés et les matériaux n'ont pas été achetés.

A la date de la liquidation judiciaire, la société TDA n'avait pas de trésorerie de sorte qu'il apparaît que M. [Y] [C] [L] a utilisé les acomptes versés par les clients à d'autres paiements que la gestion des chantiers correspondant.

La cour rappelle que la société Maisons Pierre construisait des maisons et qu'ensuite, une fois les maisons terminées, elle faisait intervenir TDA pour construire des garages supplémentaires. La société TDA percevait alors des acomptes avant de commencer les travaux. En l'espèce outre le fait que les acomptes reçus excédaient l'usage en la matière, 50% au lieu de 10 à 20%, la cour relève que des déclarations de créances ont été reçues pour des chantiers de 2017 alors que Monsieur [C] savait déjà qu'il ne pourrait pas effectuer les constructions. Il continuait cependant en 2018 à démarcher les clients, à conclure de nouveaux contrats et à percevoir les acomptes. Les créances déclarées par les clients au titre des acomptes versés non suivis de travaux s'élèvent à 91.850, 75 euros. Ces sommes ont été utilisées par Monsieur [C] à d'autres fins puisqu'il ressort des pièces versées que les travaux n'ont quasiment jamais débuté et que les fournitures nécessaires n'ont pas été achetées.

Il convient en conséquence de retenir cette faute de gestion et de confirmer le jugement attaqué.

4) Sur l'absence de mesures prises pour faire face aux difficultés rencontrées

Le liquidateur reproche à Monsieur [C] [L] de n'avoir pris aucune mesure pour trouver de nouveaux chantiers après la perte de son client qui représentait 100% de son activité.

La cour relève, et ce n'est pas contesté par Monsieur [C] [L], que la société TDA dépendait exclusivement de la société Maisons Pierre qui soit lui sous traitait des travaux soit lui apportait des clients après la construction des maisons. Une telle situation ne peut être maintenue à moyen terme sans risque et toute société se trouvant dans cette position doit tenter de trouver de nouveaux clients. En l'espèce Monsieur [C] se contente de déplorer que la société Maisons Pierre ne l'ait pas informé plus tôt de la rupture de leurs relations commerciales alors qu'elle ne lui renvoyait plus ses devis signés depuis plusieurs mois. La cour note au surplus que la société TDA connaissait des difficultés financières avant la rupture tacite de ses relations avec la société Maisons Pierre et que Monsieur [C] ne fait état d'aucune mesure qu'il aurait prise pour remédier au problème.

Cette passivité constitue une faute de gestion et la cour confirmera en conséquence le jugement.

Sur le principe de proportionnalité

M. [Y] [C] [L] fait valoir que la jurisprudence considère que les efforts déployés par le dirigeant pour tenter de sauver la société peuvent être pris en compte par le juge pour justifier l'absence de sanction, et qu'il y a lieu de limiter le montant de la condamnation du dirigeant d'une société à supporter une partie de l'insuffisance d'actif, compte tenu de la situation matérielle et morale de l'intéressé, et qu'enfin l'environnement économique de la société peut avoir une influence sur la sanction prononcée contre le dirigeant. Il affirme qu'il est en état de faiblesse en raison de sa situation financière délicate (revenu mensuel d'environ 1000 euros), et en raison de problèmes qui l'empêchent de travailler dans le domaine du bâtiment et qu'au regard de son âge (52 ans) ses chances de retrouver du travail dans son seul domaine de compétence sont faibles. Il considère que la sévérité de la sanction doit être dosée selon le degré de gravité de la faute, sachant qu'il justifie de revenus modestes et que son épouse est salariée à temps partiel dans une pharmacie en tant qu'agent d'entretien, et que du fait de son opération au dos il ne peut plus travailler dans le domaine du bâtiment.

A titre subsidiaire, il estime que le comblement du passif ne peut être supérieur à 18.638 euros puisque la faute n'a causé à la société qu'un préjudice de ce montant.

Le liquidateur affirme que le principe de proportionnalité a été respecté considérant que M. [Y] [C] [L] a déjà fait l'objet de plusieurs liquidations judiciaires, l'expérience du dirigeant étant prise en compte par le juge pour apprécier la proportionnalité de la sanction. De plus Monsieur [C] [L] ne justifie d'aucune mesure prise pour redresser son activité, il a aggravé la situation de la société TDA, et il a été particulièrement fautif en laissant sa salariée sans salaire pendant 4 mois et en utilisant les acomptes de ses clients à d'autres fins que la réalisation des chantiers en cause.

La cour considère qu'au regard des fautes commises le tribunal a fait une juste appréciation du montant de la condamnation mise à la charge de Monsieur [C] [L].

Sur l'interdiction de gérer

Sur l'omission de déclarer la cessation des paiements

M. [Y] [C] [L] fait valoir que pour sanctionner un dirigeant, il doit être démontré qu'il a sciemment omis de demander l'ouverture d'une procédure collective dans les quarante-cinq jours de la cessation des paiements.

En l'espèce le liquidateur n'a pas démontré qu'il se serait sciemment abstenu de déclarer l'état de cessation des paiements. Il rappelle que le jugement de première instance a retenu que la société TDA dépendait trop de son client Maisons Pierre, ce qui ne lui alaissé aucun espoir de se diversifier rapidement en l'absence de commandes de celui-ci.

Or la société Maisons Pierre n'a pas respecté un préavis raisonnable pour rompre les relations contractuelles au regard de l'ancienneté de leurs relations et au cours du premier trimestre 2018 il a continué à solliciter des devis mais n'y a pas donné suite.

Il ajoute que le jugement d'ouverture de la procédure de liquidation judiciaire date de juillet 2018, et qu'il serait difficile de prétendre qu'il aurait laissé la situation se dégrader.

Le liquidateur affirme que M. [Y] [C] [L] a sciemment omis de déclarer l'état de cessation des paiements dans les délais légaux.

Le ministère public expose que M. [Y] [C] [L] ne pouvait pas ignorer que sa société était en cessation des paiements bien avant qu'il n'ait procédé à la déclaration car dès avril 2017 il a été dans l'impossibilité de régler ses cotisations Pro-BTP, dès octobre 2017 ses cotisations Urssaf y compris les parts salariales et dès mars 2018 les salaires de son employée. Selon le ministère public, M. [Y] [C] [L] ne saurait expliquer ses difficultés par la rupture des relations commerciales avec son unique client puisque ses difficultés financières existaient bien en amont de cette rupture. De plus sa dépendance avec un seul client ne lui a laissé aucun espoir de pouvoir se diversifier rapidement et de pouvoir se redresser.

Il rappelle également que M. [Y] [C] [L] n'était pas novice en procédure collective puisque trois de ses sociétés qu'il avait dirigées ont été placées en liquidation judiciaire.

La cour a déjà relevé que Monsieur [C] [L] a omis de déclarer la cessation des paiement de la société TDA dans le délai légal.

Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a retenu ce grief.

Sur le grief de détournement ou dissimulation de tout ou partie de l'actif ou l'augmentation frauduleuse du passif

1) Sur le détournement du matériel

Il est reproché à M. [Y] [C] [L] d'avoir détourné le matériel de la société.

M. [Y] [C] [L] affirme que les agissements visés par l'article L 653-4 5 du code de commerce supposent une intention frauduleuse et que c'est à tort qu'il lui est reproché d'avoir détourné le matériel de la société, l'inventaire du commissaire-priseur ne faisant état d'aucun matériel ni mobilier à l'actif de l'entreprise. De plus lors de son déplacement sur le site, il a constaté que le matériel du site appartenait à la société DS terrassement, dirigée par M. [P] [C], qui a fait l'objet d'une liquidation judiciaire le 7 janvier 2019.

Il produit les cinq contrats de location des véhicules ainsi qu'une facture pour le matériel.

Il affirme que le matériel a été loué et a été restitué à son propriétaire, comme le démontre le fait que le demandeur n'a été destinataire d'aucune requête en revendication.

Il expose que la société DS Terrassement a été créée par M. [P] [C] il y a 6 ans et que cette société a pour activité le terrassement. Il affirme qu'aucun lien contractuel entre les deux sociétés n'existe, ces deux sociétés ayant des clients et des activités différentes. Il invoque le fait que le liquidateur n'a pas engagé une procédure de confusion de patrimoine.

Maître [Z] fait valoir qu'il résulte des immobilisations figurant au bilan arrêté au 31 décembre 2017 de la société TDA que l'entreprise était propriétaire d'installations techniques, de matériel de transport et d'autres immobilisations corporelles pour un montant non négligeable alors que l'inventaire du commissaire-priseur ne fait état d'aucun matériel ni mobilier à l'actif de l'entreprise. De plus, il serait expressément mentionné dans l'inventaire que «'le matériel du site appartient à la société DS Terrassement'» et que la société TDA n'est propriétaire d'aucun matériel, cette mention résulterait des déclarations du dirigeant.

Elle constate que la société DS Terrassement est dirigée par M. [C] [P] qui est le frère du dirigeant de TDA. Cette société a fait l'objet d'une liquidation judiciaire en 2019.

La production de contrats de locations de véhicules et des factures Loxam ne constitue pas une justification probante.

Le ministère public fait valoir que selon le bilan arrêté le 21 décembre 2017 l'entreprise aurait été propriétaire d'installations techniques, matériel de transport, et autres immobilisations corporelles pour environ 25.000 euros alors que l'inventaire du commissaire-priseur ne ferait état d'aucun matériel ni mobilier à l'actif de l'entreprise.

Le ministère public considère qu'il y a lieu d'en déduire qu'ils ont été détournés.

La cour relève qu'il résulte du bilan 2017 que la société était propriétaire d'installations techniques, matériel et outillage pour une valeur de 14.356 euros, qu'elle était propriétaire de matériel de transport pour une valeur de 8.000 euros et enfin qu'elle était propriétaire d'autres immobilisations corporelles pour une valeur de 2.647 euors, soit au total 25.003 euros. En revanche il ressort de l'inventaire du commissaire priseur qu'il n'existe aucun matériel et Monsieur [C] ne donne aucune explication à la disparition de ce matériel. Ainsi que le fait à juste titre observer le ministère public il y a lieu de considérer que ce matériel a été détourné.

La cour confirmera en conséquence le jugement attaqué en ce qu'il a retenu ce grief.

2) Sur les acomptes

M. [Y] [C] [L] fait valoir que le demandeur ne produit pas d'éléments démontrant qu'il ne savait pas qu'il ne pourrait pas honorer les commandes au moment où les acomptes ont été perçus. Il affirme qu'au moment de la perception des acomptes il pensait pouvoir sincèrement réaliser les prestations. Il reconnaît avoir encaissé des acomptes pour la construction de garages, sachant que ces travaux ne pourraient commencer avant la construction de la maison.

Le liquidateur affirme que M. [Y] [C] [L] a encaissé des acomptes anormalement élevés (50% de la commande, l'usage se situerait entre 10 à 30 %), et que des chantiers seraient très anciens. Il considère que M. [Y] [C] [L] savait qu'il ne serait pas en mesure de traiter les chantiers, et il n'a pas hésité à conclure de nouveaux contrats afin d'utiliser les fonds à d'autres fins que leur destination initiale.

Le ministère public fait valoir que Monsieur [C] [L] a continué à recevoir des acomptes clients très élevés alors même que la société rencontrait des difficultés et qu'il ne pouvait pas ignorer qu'il ne serait pas à même de poursuivre ces travaux. De plus les créances clients ont largement contribué à l'insuffisance d'actif.

La cour rappelle qu'elle a déjà retenu ce grief comme étant une faute de gestion. Le jugement sera en conséquence confirmé sur ce point.

3) Sur le défaut de déclaration auprès des organismes sociaux

Le liquidateur indique que M. [Y] [C] [L] n'aurait pas procédé à l'ensemble des déclarations qui lui incombait, entrainant de ce fait des taxations d'office.

Le ministère public indique que le défaut de déclaration auprès des organismes sociaux a donné lieu à des taxation d'office augmentant frauduleusement le passif.

Le grief a déjà été retenu au titre des fautes de gestion. Le jugement sera confirmé sur ce point.

Sur l'absence de coopération avec les organes de la procédure

Il est reproché à Monsieur [C] [L] de n'avoir pas répondu au liquidateur sur les contestations des créances à recouvrer auprès des clients de la société. Le poste client à recouvrer s'élevait de 41.327,50 euros.

Le liquidateur invoque le fait que M. [Y] [C] [L] n'a fourni aucune explication ni information le recouvrement de ce compte s'étant dès lors limité à la somme de 2.000 euros.

Le ministère public retient que le dirigeant n'a pas répondu aux sollicitations de la liquidatrice concernant les contestations de créances de sorte que le compte client n'a pu être recouvré à hauteur de 2000 euros alors qu'il avait été déclaré pour 41.000 euros.

M. [Y] [C] [L] soutient que la jurisprudence de la cour d'appel de Toulouse considère que le comportement du dirigeant ne serait pas fautif lorsque ce dernier aurait rencontré le mandataire judiciaire et qu'il ne se serait pas complètement désintéressé de la procédure collective.

Il affirme que les créances à recouvrer portaient soit sur des chantiers en cours, soit sur des chantiers terminés, que les travaux avaient donc été effectués par la société TDA. Il considère qu'on ne peut pas lui reprocher de ne pas avoir remis la liste des factures à recouvrer.

Enfin il affirme qu'il a participé à la procédure collective en remettant la comptabilité au mandataire judiciaire et les factures clients à recouvrer, et qu'il était présent à l'audience d'ouverture de la procédure et qu'il se serait présenté chez le mandataire judiciaire.

La cour rappelle que la coopération du dirigeant social avec les organes de la procédure collective est essentielle notamment pour le recouvrement des créances et donc l'apurement du passif et le désintéressement des créanciers.

Il ressort des pièces produites que Monsieur [C] [L] n'a jamais répondu au liquidateur qui lui demandait des explications quant au recouvrement du compte client de TDA alors qu'il existait des contestations, empêchant le liquidateur de recouvrer certaines des sommes dues.

La cour retiendra donc ce grief.

Sur la sanction

Au regard des griefs retenus par la cour le jugement sera confirmé en ce qu'il a condamné Monsieu Dos Sanstos [L] à une interdiction de gérer d'une durée de 10 ans.

Sur l'article 700 du Code de procédure civile

Il serait inéquitable de laisser à la charge de la Sealrl Garnier-[Z] les sommes qu'elle a exposées et qui ne sont pas compris dans les dépens. Il lui sera allouée de ce chef la somme de 1.500 euros.

PAR CES MOTIFS,

Confirme le jugement rendu par le tribunal de commerce de Meaux le 16 décembre 2019,

Y ajoutant,

Condamne Monsieur [Y] [C] [L] à payer à la Selarl Garnier [Z], ès qualités, la somme de 1.500 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile,

Condamne Monsieur [Y] [C] [L] aux dépens qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.

La greffière La présidente


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 5 - chambre 9
Numéro d'arrêt : 20/00881
Date de la décision : 10/12/2020

Références :

Cour d'appel de Paris I9, arrêt n°20/00881 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2020-12-10;20.00881 ?
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