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10/12/2020 | FRANCE | N°19/09384

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 7, 10 décembre 2020, 19/09384


Copies exécutoiresREPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 7



ARRET DU 10 DECEMBRE 2020



(n° , 10 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 19/09384 - N° Portalis 35L7-V-B7D-CATG2



Décision déférée à la Cour : Jugement du 28 Août 2015 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS - RG n° 12/11955







APPELANT



Monsieur [K] [Y]

Chez M. [V] [W] [Adresse 1]
>[Localité 4]



Représenté par Me Oleg KOVALSKY, avocat au barreau de PARIS, toque : C0679







INTIMEE



SARL CAFE DE PARIS

[Adresse 2]

[Localité 3]



Représentée par Me Ernest...

Copies exécutoiresREPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 7

ARRET DU 10 DECEMBRE 2020

(n° , 10 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 19/09384 - N° Portalis 35L7-V-B7D-CATG2

Décision déférée à la Cour : Jugement du 28 Août 2015 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS - RG n° 12/11955

APPELANT

Monsieur [K] [Y]

Chez M. [V] [W] [Adresse 1]

[Localité 4]

Représenté par Me Oleg KOVALSKY, avocat au barreau de PARIS, toque : C0679

INTIMEE

SARL CAFE DE PARIS

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représentée par Me Ernest SFEZ, avocat au barreau de PARIS, toque : C2042

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 23 Octobre 2020, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Bérénice HUMBOURG, Présidente de Chambre, chargée du rapport.

Ce magistrat, entendu en son rapport, a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Bérénice HUMBOURG, Présidente de Chambre,

Madame Hélène FILLIOL, Présidente de Chambre,

Madame Bérengère DOLBEAU, Conseillère.

Greffier, lors des débats : Madame Lucile MOEGLIN

ARRET :

- CONTRADICTOIRE,

- mis à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile,

- signé par Madame Bérénice HUMBOURG, Présidente de Chambre, et par Madame Lucile MOEGLIN, Greffière, à laquelle la minute a été remise par le magistrat signataire.

FAITS, PROC''DURE ET PR''TENTIONS DES PARTIES

La société Café de Paris exploite le restaurant 'Chez Bebert' situé [Adresse 2] à [Localité 5]. Elle emploie plus de dix salariés et applique la convention collective nationale des hôtels, cafés, restaurants.

La société Café de Paris a engagé M. [K] [Y] en qualité d'homme de ménage, statut employé, niveau 1 échelon 1, à compter du 1er février 2005, initialement dans le cadre d'un contrat de travail à durée déterminée jusqu'au 31 août 2005, lequel s'est poursuivi à compter du 1er septembre 2005 dans le cadre d'un contrat de travail à durée indéterminée. Le contrat était conclu pour un temps plein, sur la base de 169 heures de travail effectif par mois, soit 39 heures par semaine, moyennant un salaire mensuel brut moyen de 1 807,97 euros.

Par lettre du 12 mars 2012, la société Café De Paris a convoqué M. [Y] à un entretien préalable fixé le 22 mars 2012, puis lui a notifié son licenciement pour faute grave par lettre recommandée avec avis de réception du 27 mars 2012 au motif de son absence injustifiée prolongée depuis le 28 février 2012.

Par saisine du 30 octobre 2012, M. [Y] a contesté auprès du conseil de prud'hommes de Paris son licenciement et a demandé le paiement d'heures supplémentaires.

Par jugement rendu le 28 août 2015, notifié le 6 novembre 2015, le conseil de prud'hommes de Paris a débouté M. [Y] de l'ensemble de ses demandes.

M. [Y] a relevé appel de cette décision le 30 novembre 2015.

Selon conclusions visées et développées oralement à l'audience, M. [Y] demande à la cour d'infirmer le jugement, de juger son licenciement sans cause réelle et sérieuse et de :

- condamner la société Café de Paris à lui payer les sommes suivantes :

3 765,28 euros à titre d'indemnité de préavis et 376,52 euros de congés payés afférents,

15 000 euros d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

2 259,16 euros à titre d'indemnité de licenciement,

9 113,68 euros à titre de rappel d'heures supplémentaires et 911,36 euros de congés payés afférents,

2 481,74 euros à titre de rappel d'indemnité repas,

362,04 euros à titre de rappel de prime d'habillage et de déshabillage et 36,20 euros de congés payés afférents,

11 295,84 euros à titre d'indemnité pour travail dissimulé,

1 000 euros pour non respect de la classification de la convention collective,

5 000 euros à titre de dommages et intérêts pour non respect de l'obligation de formation,

2 000 euros de dommages et intérêts pour absence d'entretien professionnel,

2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

avec capitalisation des intérêts,

-ordonner à la société de lui remettre un certificat de travail, une attestation Pôle emploi et un bulletin de paie conformes sous astreinte.

Selon conclusions visées et développées oralement à l'audience, la société Café de Paris demande à la cour de confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions, de débouter M. [Y] de l'ensemble de ses demandes et prétentions et en tout état de cause, de :

- déclarer irrecevables ou prescrites, à tout le moins infondées, les demandes de rappel d'avantages en nature nourriture, de primes d'habillage et de déshabillage, de dommages et intérêts pour non-respect des dispositions de la convention collective relatives à la classification, pour manquement à l'obligation d'adaptation et de formation à son emploi, pour absence d'entretien professionnel,

- condamner M. [Y] à lui payer la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner M. [K] [Y] aux entiers dépens.

Pour un exposé de leurs moyens, la cour renvoie, en application de l'article 455 du code de procédure civile, aux conclusions déposées par les parties à l'audience du 23 octobre 2020.

MOTIFS

Sur les demandes nouvelles en cause d'appel

La société Café de Paris soutient que le salarié présente en cause d'appel, pour la première fois le 8 septembre 2016, des demandes nouvelles qui ne tendent pas aux mêmes fins que les demandes portées devant le conseil de prud'hommes et qui n'en constituent ni l'accessoire, ni la conséquence, ou le complément nécessaire, et qui sont dès lors irrecevables en application de l'article 564 du code de procédure civile ; que ces mêmes demandes sont également atteintes par la prescription.

Le salarié conteste toute irrecevabilité de ses demandes.

L'article R. 1452-7 du code du travail, dans sa rédaction antérieure au décret n° 2016-660 du 20 mai 2016, applicable lors de l'introduction de l'instance initiale, dispose que : 'les demandes nouvelles dérivant du même contrat de travail sont recevables même en appel.' Le décret n°2016-660 du 20 mai 2016 qui supprime la règle de l'unicité de l'instance précise en son article 45 que cette suppression n'est applicable qu'aux instances introduites devant les conseils de prud'hommes à compter du 1er août 2016.

Par conséquent, pour les instances introduites jusqu'au 31 juillet 2016 s'applique le principe de l'unicité de l'instance, sauf si le fondement des prétentions est né ou révélé postérieurement à la saisine du conseil, et les demandes nouvelles dérivant du même contrat de travail sont recevables et peuvent être introduites à tous les stades de la procédure, même en appel. Par ailleurs, pour ces mêmes actions, l'interruption de la prescription par la saisine du conseil de prud'hommes joue à l'égard de toutes les demandes, mêmes présentées en cours d'instance, dès lors qu'elles concernent l'exécution du même contrat de travail.

M. [Y] ayant saisi le conseil de prud'hommes le 30 octobre 2012, le principe de l'unicité de l'instance trouve donc à s'appliquer à ses demandes nouvelles en cause d'appel. En outre, son action ayant été engagée antérieurement à l'entrée en vigueur de la loi du 14 juin 2013, qui a réduit la prescription de l'action en paiement ou en répétition du salaire à trois ans, c'est la prescription quinquennale prévue par la loi antérieure du 17 juin 2008 qui continue de s'appliquer.

Par conséquent, eu égard à la date de saisine du conseil de prud'hommes le 30 octobre 2012 qui a interrompu le délai de prescription quinquennale, les demandes en paiement qui visent une période postérieure à octobre 2007 sont recevables.

Sur les demandes liées à l'exécution du contrat de travail

- Sur les heures supplémentaires

Selon l'article L. 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, l'employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Il appartient, cependant, au salarié d'étayer sa demande par la production d'éléments suffisamment précis quant aux horaires effectivement exécutés pour permettre à l'employeur de répondre en fournissant ses propres éléments.

Toutefois, ces dispositions ne sont pas applicables à la preuve du respect des seuils et plafonds de la durée du travail et des temps de pause, notamment prévus par l'article L. 3121-33 du code du travail (20 minutes de pause minimale après 6 heures de travail) qui incombe uniquement à l'employeur.

M. [Y] soutient qu'il travaillait du lundi au vendredi de 8 heures à 13 heures 50 et de 15 heures à 18 heures, soit 43 heures 20 par semaine, alors qu'il était payé sur une base de 39 heures par semaine et que contrairement à l'affirmation de son employeur, il ne prenait pas de pauses durant ces deux services ; qu'ainsi, il déjeunait à la fin de son service à 13h50, ne prenait pas de dîner et s'habillait et se déshabillait avant et après son service. Il réclame par conséquent le paiement de 4h20 supplémentaire par semaine, sous déduction des mois de congés sans solde.

Le salarié produit, au soutien de sa demande :

- son contrat de travail qui mentionne une rémunération pour 169 heures de travail mensuelles, soit 39 heures par semaine,

- un planning de travail 'homme de ménage' portant le cachet 'chez Bébert'mentionnant des horaires de 8 heures à 13h50 et de 15 à 18 heures, détaillant les tâches par tranches horaires,

- un relevé mensuel de ses horaires pour janvier 2012 signé par ses soins, mentionnant 'C4", soit selon la légende en bas de page '8h-13h50/15h-18h' et précisant qu'il s'agissait d'un 'planning d'amplitude horaire minimale (temps de repas et pauses diverses inclues)'.

Les éléments produits sont suffisamment précis pour permettre à l'employeur de répondre. La demande du salarié est donc étayée.

La société Café de Paris qui ne conteste pas les horaires indiqués par le salarié, soutient que ce dernier n'a pas réalisé d'heures supplémentaires non payées et que son décompte établi sur la base des horaires de travail journaliers d'un homme de ménage, ne tient pas compte des temps de repas et autres pauses quotidiennes, à savoir 30 minutes pour chaque salarié et par service, soit une heure en tout.

La société se réfère, en premier lieu, à quatre attestations de salariés, qui s'ils évoquent l'existence de deux pauses quotidiennes de 30 minutes chacune, ne citent pas M. [Y]. S'agissant de l'attestation de M. [C], maître d'hôtel, qui atteste que M. [Y] prenait deux repas par jour sur place, vers midi pour le déjeuner et vers 17h30 pour le dîner, ces horaires sont contredits par le planning de travail établi par l'employeur qui mentionne entre 11 heures et 13h50 la vérification et le nettoyage de la chambre froide du sous-sol, le rangement des ingrédients dans la chambre froide et le frigo et le nettoyage du vestiaire personnel et de 17h30 à 18 heures le passage de la serpillière, sans mention de la prise d'un repas.

La société renvoie également de façon inopérante aux fiches mensuels du salarié signées par ses soins entre 2006 et 2011 puisque figure seulement sur celles-ci une mention 'temps de repas et pauses diverses incluses', sans précision ni des heures de prise de ces pauses, ni de leur durée et elle ne peut se contenter d'affirmer que cette pratique consistait à laisser au salarié 'beaucoup plus de liberté pour ses pauses diverses de commodité, de cigarettes ou même de repas'.

Enfin, l'absence de réclamation par le salarié durant la relation de travail est sans incidence sur le bien fondé de sa demande.

Il résulte de l'ensemble des éléments soumis à la cour par les parties que M. [Y] a bien exécuté des heures supplémentaires au bénéfice de son employeur, au delà de celles d'ores et déjà rémunérées, mais dans une proportion bien moindre, toutefois, que ce qu'il indique.

En effet, il ressort de l'examen du planning d'un homme de ménage (pièce 8) sur lequel s'appuie M. [Y] pour réclamer le paiement de 4h20 supplémentaires par semaine et qui détaille les tâches par tranches horaires, que :

- sur la tranche horaire de 9h30 à 10 heures est prévue une tâche seulement le mercredi, à savoir la descente des légumes au frigo, rien n'étant mentionné pour les autres jours de la semaine,

- aucune tâche n'est prévue sur la tranche horaire de 10 heures à 10 h 30, quel que soit le jour de la semaine.

Il en ressort que si l'amplitude de travail des deux services de M. [Y] est fixée de 8 heures à 13h50 puis de 15h à 18 h, des coupures étaient prévues, d'une durée différente selon les jours de la semaine, soit 30 minutes le mercredi et 1 heure les lundi, mardi, jeudi et vendredi.

Ainsi, le travail effectif de M. [Y] n'est pas, comme il le soutient de 43h20 par semaine, mais de 39h40 par semaine. Par ailleurs, il apparaît qu'il n'a pas tenu compte dans son calcul de certaines 'heures d'absences' ou congés mentionnés sur ses relevés et fiches de paie (pour exemple : heures d'absence les 9 et 24 mars 2009, du 19 au 31 octobre 2009, congé en novembre 2009, heures d'absence les 1er et 30 septembre, 7 et 9 avril 2010, arrêt maladie du 22 au 26 août 2011), lesquels ont forcément une incidence sur le nombre d'heures supplémentaires comptabilisées par semaine.

Au vu de ces éléments, la créance de salaire sur la période courant entre novembre 2007 et janvier 2012 sera fixée à la somme de 990 euros bruts, outre 99 euros bruts au titre des congés payés afférents. Le jugement sera infirmé sur ce point.

- Sur l'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé

Aux termes de l'article L.8221-5 du code du travail, le travail dissimulé est caractérisé dès lors que l'employeur a, de manière intentionnelle, mentionné sur le bulletin de paie un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement accompli. Le caractère intentionnel de la dissimulation d'emploi salarié ne peut se déduire de la seule absence de mention des heures supplémentaires sur les bulletins de paie.

Il ressort des développements qui précèdent que l'emploi du temps d'un homme de ménage au sein de l'entreprise révèle l'existence d'un temps de travail effectif au delà de la 39ème heure hebdomadaire d'ors et déjà réglée au salarié. Ainsi, l'employeur qui a établi le planning du salarié et qui ne conteste pas ses horaires 'C4", soit '8h-13h50/15h-18h', ne pouvait ignorer l'existence d'heures supplémentaires non rémunérées et non mentionnées sur les fiches de paie, ce qui caractérise l'intention de dissimulation d'emploi salarié. Conformément aux dispositions de l'article L.8223-1 du code du travail, le salarié a droit à une indemnité forfaitaire égale à six mois de salaire. Il lui sera alloué en conséquence la somme de 10 971,60 euros, eu égard à son taux horaire et aux heures supplémentaires retenues. Le jugement sera infirmé en ce sens.

- Sur l'avantage en nature nourriture

M. [Y] soutient qu'il ne prenait qu'un repas par jour travaillé après son service à 13h50 et que, compte tenu du fait que deux indemnités de repas par jour travaillé étaient déduites sur ses bulletins de salaire au lieu d'une par jour, il a droit au paiement d'une indemnité de repas par jour sur les deux déduites.

La société Café de Paris soutient que M. [Y] prenait sur place deux repas chaque jour travaillé et que ses bulletins de salaire font bien état de deux avantages en nature nourriture par jour (soit entre 36 et 46 repas par mois selon les mois) déduits dans leur intégralité en bas de chaque bulletin, puisque consommés au restaurant.

Comme précédemment développé, la seule attestation de M. [C] ne saurait avoir force probante dès lors que l'horaire qu'il mentionne pour le repas du soir soit 17h30 est en contradiction avec la dernière tâche fixée au salarié précisément à cette heure (passage de la serpillière).

Ainsi, il n'est pas établi que M. [Y] consommait 2 repas par jour sur place au restaurant et il sera donc fait droit à sa demande en paiement de la somme de 2 481,74 euros indûment retirée de ses fiches de paie entre 2008 et 2011.

- Sur la prime d'habillage et de déshabillage

M. [Y] soutient qu'il n'a jamais été dédommagé de ses temps d'habillage et de déshabillage, ce que conteste la société qui affirme qu'il se changeait pendant la tranche horaire de ses heures de travail effectif et que ces temps d'habillage et de déshabillage ne lui ont jamais été décomptés de son temps de travail effectif.

Si la société produit deux attestations de salariés qui précisent que M. [Y] s'habillait et se déshabillait pendant 15 minutes sur son temps de travail, force est de constater que les deux témoins ne précisent pas les heures auxquelles ces opérations ont eu lieu et alors que le planning déjà cité prévoit précisément les tâches du salarié, sans faire mention du temps d'habillage et de déshabillage.

En outre, l'article 7 de l'avenant numéro 2 du 5 février 2007 de la convention collective des Hôtels, Cafés et Restaurant précise que le temps d'habillage et de déshabillage est exclu de la durée du travail telle que définie à l'article 3 (39 heures hebdomadaires) et qu'à défaut de fixation d'une contrepartie par l'entreprise, il doit être octroyé au salarié un jour de repos par an.

Il sera donc fait droit à la demande du salarié en paiement de la somme de 362,04 euros et les congés payés afférents.

- Sur les dispositions de la convention collective relatives à la classification

M. [Y] fait valoir, au visa de l'article 34 de la convention collective relative à la classification, qu'il aurait dû bénéficier pour le moins de l'échelon 2 du niveau 1 à compter du 26 octobre 2010.

Toutefois, il ne développe ni ne justifie de l'existence d'un préjudice, notamment en terme de rémunération, lié à cette absence d'élévation d'échelon.

Sa demande en paiement de dommages et intérêts sera donc rejetée.

- Sur la formation et l'entretien professionnel

M. [Y] fait valoir que son employeur n'a jamais mis en oeuvre de plan de formation, qu'il n'a jamais bénéficié d'une formation durant ses 7 années au sein de l'entreprise, ni d'un entretien professionnel.

La société Café de Paris rétorque que M. [Y] n'a jamais fait la moindre demande ni de formation, ni d'organisation d'un entretien professionnel pendant la durée d'exécution de son contrat de travail et n'établit aucun préjudice du fait de ces absences.

En application de l'article L. 6321-1 du code du travail, l'employeur doit assurer l'adaptation des salariés à leur poste de travail et veiller au maintien de leur capacité à occuper un emploi au regard notamment de l'évolution des emplois, des technologies et des organisations. Cette obligation de formation qui pèse sur l'employeur, a notamment pour objet de préserver les possibilités pour le salarié de conserver son emploi, de lui permettre d'évoluer dans son parcours professionnel et, en cas de perte de l'emploi d'en trouver un autre.

Par ailleurs, l'article 4.2 de l'accord professionnel du 28 mars 2007 relatif aux objectifs, aux priorités et aux moyens de la formation professionnelle dans l'hôtellerie, la restauration et les activités connexes prévoit l'organisation d'un entretien professionnel tous les deux ans avec le salarié afin de lui permettre d'être 'acteur de son évolution professionnelle et d'élaborer un projet professionnel à partir de ses souhaits et aptitudes mais également en fonction des perspectives d'évolution de l'entreprise'.

L'employeur qui ne justifie ni avoir proposé une formation au salarié durant les 7 années de la relation contractuelle ni avoir organisé l'entretien professionnel prévu par accord collectif a ainsi manqué à ses obligations, peu important l'absence de réclamation du salarié, et n'a ainsi pas permis à M. [Y] d'évoluer sur son poste et d'élaborer un quelconque projet professionnel.

Les préjudices subis du fait de ces deux manquements seront réparés, chacun, par la somme de 500 euros de dommages et intérêts.

Sur la rupture du contrat

Aux termes de la lettre de licenciement qui fixe les limites du litige, il est reproché à M. [Y] son absence injustifiée depuis le 28 février 2012, après ses congés accordés pour le mois de février 2012, et ce malgré deux lettres recommandées des 1er et 6 mars 2012 lui demandant de communiquer un justificatif de son absence.

La société expose qu'elle a accordé à M. [Y] une période de congés payés du 1er février 2012 au 27 février 2012 inclus, qu'il aurait dû reprendre son poste de travail à la date du 28 février 2012, qu'il ne s'est pas présenté à son poste de travail à compter de cette date et que restant sans nouvelles du salarié, qui ne s'est pas plus rendu à l'entretien préalable fixé le 22 mars 2012, elle a décidé de rompre le contrat de travail le 27 mars 2012. Elle conteste l'existence de l'accord verbal allégué par le salarié.

M. [Y] rétorque qu'il avait obtenu l'accord oral de son employeur pour prendre trois mois de congés sans solde de mars à mai 2012 et des congés payés en février, qu'il avait déjà obtenu un tel accord pour prolonger ses vacances dans son pays d'origine, que la société ayant toléré ces absences antérieures, elle ne peut invoquer une faute grave ou une cause réelle et sérieuse de licenciement, qu'enfin, la société n'a jamais respecté les règles légales en matière de congés payés.

La faute grave est celle qui résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié qui constituent une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise. L'employeur doit rapporter la preuve de l'existence d'une telle faute, et le doute profite au salarié

Le fait pour un salarié d'abandonner volontairement son poste, sans motif sérieux et cela malgré les injonctions de l'employeur, ou encore le refus persistant d'un salarié de reprendre le travail malgré les mises en demeures réitérées de son employeur, après une absence injustifiée prolongée, sont constitutifs d'une faute grave.

M. [Y] ne conteste pas la matérialité des faits, à savoir son absence à son poste à compter du 28 février 2012 et ne justifie pas avoir répondu aux mises en demeure de son employeur produites aux débats et datées des 1er et 6 mars 2012, lui demandant des explications sur son absence depuis le 28 février 2012.

Sur l'accord verbal qu'il invoque, le salarié produit trois attestations de M. [E], également salarié au sein de l'entreprise, en date des 10 décembre 2012, 28 novembre 2014 et 2 septembre 2016 dans lesquelles celui-ci indique avoir été présent au mois d'août '2012" lorsque M. [G] responsable du restaurant a dit à '[K]' qu'il acceptait qu'il parte en congés du 1er février au 30 mai 2012 et qu'il lui accordait 1 mois de congés payés puis trois mois sans solde (deux premières attestations), précisant dans la dernière qu'il était bien présent en août '2011", ayant mentionné 2012 par erreur et que ne sachant ni lire ni écrire comme M. [Y], il avait confié la rédaction de l'attestation à un tiers. Outre l'absence de force probante pouvant être accordée à ces documents successifs écrits par une autre personne que l'attestant, la société produit une attestation de M. [G] [I], maître d'hôtel qui indique que M. [Y] est venu le voir au mois de janvier 2012 pour une demande de congés annuels pour le mois de février, qu'après vérification, il s'est avéré qu'il avait droit à 27 jours de vacances qu'il lui a donc accordés mais que celui-ci n'était pas revenu à son poste le 28 février 2012 sans avertir sa hiérarchie et sans son accord.

En outre, alors que le salarié soutient que l'accord verbal de son supérieur date du mois d'août 2011, force est de constater qu'il produit une attestation de son employeur, datée du 27 janvier 2012, indiquant qu'il sera en congés payés du 1er février 2012 au 27 février 2012 inclus, sans mention d'un quelconque congé sans solde à l'issue.

Sur l'usage et la tolérance au sein de l'entreprise invoqués par le salarié, il ressort des fiches de paie produites sur les années 2008 à 2012 que M [Y] a bénéficié de ses congés payés et de congés sans solde, à plusieurs reprises et a été noté en 'absences injustifiées' pour les mois de février et mars 2011. S'il en ressort que par le passé la société a accepté des demandes de congés sans solde, le salarié précisant d'ailleurs dans ses conclusions qu'afin de régulariser sa situation administrative, il avait été absent de novembre 2009 à janvier 2010, cela ne le dispense pas de justifier que pour la période d'absence postérieure au 28 février 2012, il bénéficiait de l'accord de son employeur. En outre, selon attestation de M. [C], ancien maître d'hôtel, qui précise que 'pour les besoins du bon fonctionnement de l'entreprise, la direction n'a jamais accordé aux salariés, sauf cas très exceptionnels, quatre mois d'affilée de vacances', l'usage évoqué n'est pas établi.

De même, la seule circonstance que l'année précédente, la société ne l'ait pas sanctionné pour son absence injustifiée de février et mars 2011, se bornant à retenir sa rémunération, ne saurait valoir, ni usage constant, ni tolérance de l'employeur pour la réitération d'un même manquement dès l'année suivante.

Par ailleurs, la circonstance que l'employeur n'ait pas respecté les 'règles légales' en matière de congés payés, notamment en ce qui concerne l'ordre des départs visé par l'article D. 3141-6 du code du travail est inopérante puisqu'il est reproché à M. [Y], non pas d'avoir pris ses congés payés, mais de n'avoir pas repris son poste, à l'issue de ceux-ci accordés du 1er au 27 février 2012.

Enfin, la société justifie qu'elle bénéficiait bien d'un règlement intérieur entré en vigueur depuis le 17 novembre 2005, communiqué à l'inspection du travail et au greffe du conseil de prud'hommes de Paris mentionnant notamment que constituaient une faute les absences non justifiées et le non respect des dates de congés payés.

Il ressort de ces observations que l'absence injustifiée et prolongée de M. [Y] depuis le 28 février 2012, après mises en demeure de son employeur, restées sans réponse, rendait effectivement impossible son maintien au sein de l'entreprise et justifiait son licenciement pour faute grave, privative des indemnités de licenciement et de préavis.

Le jugement sera confirmé sur ce point.

Sur les demandes accessoires

Conformément aux articles 1231-6 et 1231-7 du code civil, les créances de nature salariale porteront intérêt à compter de la convocation de l'employeur devant le conseil de prud'hommes pour la demande au titre des heures supplémentaires et à compter du 8 septembre 2016 pour celles présentées en cause d'appel et les créances indemnitaires porteront intérêt à compter de la décision qui les ordonne. Les intérêts seront capitalisés dans les conditions de l'article 1343-2 du code civil.

La société Café de Paris, qui succombe, devra supporter les dépens et participer aux frais irrépétibles engagés par le salarié en cause d'appel à hauteur de 2 000 euros.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire,

DECLARE recevable l'ensemble des demandes de M. [Y] ;

CONFIRME le jugement déféré, sauf en ce qu'il a rejeté la demande au titre des heures supplémentaires et du travail dissimulé ;

Statuant à nouveau sur les chefs infirmés et y ajoutant,

CONDAMNE la société Café de Paris à payer à M. [Y] les sommes suivantes:

- 990 euros bruts à titre de rappel d'heures supplémentaires et 99 euros bruts de congés payés afférents,

- 10 971,60 euros à titre d'indemnité pour travail dissimulé,

- 2 481,74 euros à titre de rappel d'indemnité repas,

- 362,04 euros à titre de rappel de prime d'habillage et de déshabillage et 36,20 euros de congés payés afférents,

- 500 euros de dommages et intérêts pour non respect de l'obligation de formation,

- 500 euros de dommages et intérêts pour absence d'entretien professionnel,

- 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

DIT que les créances de nature salariale porteront intérêt à compter de la convocation de l'employeur devant le conseil de prud'hommes pour la demande au titre des heures supplémentaires et à compter du 8 septembre 2016 pour celles présentées en cause d'appel et les créances indemnitaires à compter de la décision qui les ordonne, avec capitalisation des intérêts dus pour une année entière ;

ORDONNE à la société Café de Paris de remettre à M. [Y] une attestation Pôle emploi et un bulletin de paie conformes à la présente décision,

REJETTE la demande d'astreinte ;

CONDAMNE la société Café de Paris aux dépens.

LA GREFFIERE LA PRESIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 7
Numéro d'arrêt : 19/09384
Date de la décision : 10/12/2020

Références :

Cour d'appel de Paris K7, arrêt n°19/09384 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2020-12-10;19.09384 ?
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