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10/12/2020 | FRANCE | N°18/04193

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 9, 10 décembre 2020, 18/04193


Copies exécutoiresREPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS







COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 9



ARRET DU 10 DECEMBRE 2020

(n° , 8 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 18/04193 - N° Portalis 35L7-V-B7C-B5KTI



Décision déférée à la Cour : Jugement du 10 Janvier 2018 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BOBIGNY - RG n° F 15/00816





APPELANTE



Madame [V] [J]

[Adresse 6]

[Localité

1]



Représentée par Me Pierre BOUAZIZ, avocat au barreau de PARIS, toque : P0215







INTIMEE



Organisme OFFICE PUBLIC DE L'HABITAT DE [Localité 10]

[Adresse 3]

[Localité 10]


...

Copies exécutoiresREPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 9

ARRET DU 10 DECEMBRE 2020

(n° , 8 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 18/04193 - N° Portalis 35L7-V-B7C-B5KTI

Décision déférée à la Cour : Jugement du 10 Janvier 2018 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BOBIGNY - RG n° F 15/00816

APPELANTE

Madame [V] [J]

[Adresse 6]

[Localité 1]

Représentée par Me Pierre BOUAZIZ, avocat au barreau de PARIS, toque : P0215

INTIMEE

Organisme OFFICE PUBLIC DE L'HABITAT DE [Localité 10]

[Adresse 3]

[Localité 10]

Représentée par Me Philippe AXELROUDE de la SELARL WILLWAY AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : L0285

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 21 Octobre 2020, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme Sandra ORUS, présidente de chambre, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :

Madame Sandra ORUS, première présidente de chambre

Madame Graziella HAUDUIN, présidente de chambre

Madame Françoise SALOMON, présidente de chambre

Greffier, lors des débats : Madame Anouk ESTAVIANNE

ARRET :

- contradictoire

- mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile

- signé par Madame Sandra ORUS, présidente et par Madame Anouk ESTAVIANNE greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

RAPPEL DES FAITS, PROCEDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES

Mme [V] [J] a été embauchée par l'Office Public de l'Habitat de [Localité 10] (ci-après l'OPH de [Localité 10]) par contrat à durée indéterminée, à compter du 14 avril 2008, au poste de responsable d'opérations.

Le 21 juin 2013, Mme [J] a été convoquée à un entretien préalable à licenciement initialement fixé au 11 juillet 2013, puis reporté au 9 août 2013, et a été licenciée le 10 août 2013, pour cause réelle et sérieuse et dispensée de son préavis.

Elle a saisi le 2 mars 2015 le conseil de prud'hommes de Bobigny qui, par un jugement du 10 janvier 2018, a jugé que son licenciement reposait sur une cause réelle et sérieuse; a condamné l'employeur à lui verser 3 669,80 euros à titre de rappel d'indemnités de transports de 2009 à 2013, 3.918 euros à titre d'indemnité pour irrégularité de la procédure et 1.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Mme [J] a interjeté appel le 14 mars 2018.

Dans ses dernières conclusions communiquées par voie électronique le 8 septembre 2020, auxquelles il est expressément référé, Mme [J] sollicite de la cour de:

- Dire et juger que le licenciement notifié par l'OPH de [Localité 10] le 10 août 2013 est sans cause réelle et sérieuse ;

- Annuler les sanctions disciplinaires du 29 mars 2012 (rappel à l'ordre), 10 janvier 2012 (blâme), 11 août 2010 (mise à pied) et 23 décembre 2009 (mise en garde) ; et en conséquence condamner l'OPH de [Localité 10] au paiement de la somme de 377 euros au titre du rappel de salaire de 3 jours consécutifs à la mise en pied injustifiée ;

- Condamner l'OPH de [Localité 10] au paiement des sommes suivantes :

- 90.000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse;

- 15.000 euros à titre de dommages et intérêts pour exécution fautive du contrat de travail ;

- 4.131,65 euros à titre de rappel d'indemnité transport de 2009 à 2013 ;

- 42.067 euros à titre de rappel d'heures supplémentaires entre août 2008 et août 2013, et 4206,70 euros au titre des congés payés afférents ;

- 8.000 euros au titre de l'article 700 du CPC pour la procédure de première instance et d'appel ;

- Condamner l'OPH de [Localité 10] au paiement des intérêts légaux sur le montant des dommages et intérêts alloués à compter du jour de l'introduction de l'instance, à titre de réparation complémentaire conformément aux dispositions de l'article 1153 du code civil ;

- Dire et juger qu'il sera fait application de l'article 1154 du Code Civil ;

- Condamner l'OPH de [Localité 10] aux entiers dépens, y compris les éventuels frais de signification et d'exécution de la décision et de l'honoraire de l'article 10 du tarif des huissiers en recouvrement forcé, prévu par le décret n° 96-1080 du 12 décembre 1996.

L'intimé a formé appel incident le 26 juillet 2018 et, dans ses dernières conclusions communiquées par voie électronique le 11 juillet 2019, auxquelles il est expressément référé,il sollicite de la cour de :

- Infirmer le jugement rendu par le conseil des prud'hommes de Bobigny en ce qu'il a condamner l'OPH de [Localité 10] à verser à Mme [J] une somme de 3 669,80 euros à titre de remboursement de frais de transport;

- Dire et juger que la somme pouvant être due par l'OPH de [Localité 10] à Mme [J] au titre des frais de transport ne peut excéder 3 191,10 euros ;

- Infirmer le jugement rendu par le conseil des prud'hommes de Bobigny en ce qu'il a condamné l'OPH de [Localité 10] à verser à Mme [J] une somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;

- Confirmer le jugement rendu par le conseil des prud'hommes de Bobigny pour le surplus ;

- Débouter Mme [J] de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions;

- Condamner Mme [J] à verser à l'OPH de [Localité 10] une somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Condamner Mme [J] aux entiers dépens.

La clôture a été prononcée le 22 septembre 2020 et l'affaire fixée à l'audience du 21 octobre 2020.

MOTIFS

Sur le licenciement :

La lettre de licenciement, qui fixe les limites du litige, énonce:

« Nous faisons suite à l'entretien préalable du 9 août 2013, au cours duquel vous étiez assistée par Monsieur [C] [G].

Au cours de cet entretien, nous vous avons fait part des griefs que nous vous reprochions et avons écouté vos observations.

Les explications recueillies lors de notre entretien préalable n'ont pas permis de modifier notre appréciation des faits. Aussi, nous vous notifions par la présente votre licenciement pour faute.

Ce licenciement est motivé par les faits suivants :

1.Comportement agressif

Madame [S] [R], adjointe au directeur des services des techniques. nous a fait part du comportement agressif que vous avez eu à son égard le 30 juillet 2013 lorsqu'elle a cherché à connaitre l'état d'avancement des fiches analytiques techniques (F.A.T.) de clôture des opérations Soleil et Gentiane et de leur suspension.

Madame [R] a cherché, dans un premier temps, à obtenir les renseignements en vous contactant par téléphone. Au lieu de lui communiquer les éléments, vous lui avez aussitôt raccroché au nez. Lorsqu'elle s'est rendue dans votre bureau, s'étonnant de vos manières, vous avez tenté de la sortir de votre bureau par la force.

Lors de l'entretien, vous nous avez indiqué qu'à aucun moment vous n'aviez fait preuve d'agressivité, au contraire de Madame [R] qui est habituée à de telles attitudes.

Ainsi, au lieu de reconnaître vos erreurs, vous persistez dans le déni en soutenant que vous ne faites preuve d'aucune agressivité.

Or. ce n'est hélas pas la première fois que nous devons vous reprocher votre comportement agressif à la suite de plaintes de vos collègues de travail.

Vous avez d'ailleurs été sanctionnée par un blâme le 10 janvier 2012 en raison de votre comportement vis-a-vis d'une collègue de travail. Madame [W] [I], responsable informatique, qui ne fait plus partie aujourd'hui de l'effectif.

De même, Madame [X] [F] s'est plainte de votre conduite à deux reprises, les 31 janvier et 7 décembre 2012.

Malgré nos rappels successifs et sanction, votre persistez à vous conduire de manière outrancière ausein de notre entreprise et nous ne pouvons plus tolérer ce type de débordements.

2.Manquements répétés dans l'exercice de vos fonctions de responsable d'opérations

Malgré plusieurs rappels à l'ordre et une mise à pied de trois jours en date du 11 août 2010, vous persistez à ne pas respecter les procédures en vigueur.

Non respect des délais de dépôt des fiches analytiques techniques

Vous êtes en charge du dépôt à la DRHIL des fiches analytiques techniques pour les opérations dont vous avez la responsabilité: d'abord initiales, au lancement du programme dés la notification du marché de maitrise d''uvre, puis modificatives après l'attribution du marché de travaux.

Malgré les relances régulières qui ont été effectuées en Comité d'investissement, vous n'avez pas respecté ces délais pour vos opérations en cours : [Adresse 5], [Adresse 9], [Adresse 7].

L'opération [Adresse 5] est livrée depuis le 31 janvier 2013 et au jour du lancement de la procédure, le dossier papier de la FAT modificative n'était toujours pas déposé.

Les opérations [Adresse 9] et [Adresse 7] ont démarré le 16 avril 2012. Les F.A.T papier devaient être déposées ou plus tard le 2ème trimestre 2012.

Pour l'opération [Adresse 9], vous avez saisi la FAT modificative sur Agora le 18 juin 2013 mais la FAT papier n'est toujours pas déposée alors que c'est le dépôt papier qui fait courir le délai de traitement de la demande de subvention par la DRHlL. Quant à l'opération [Adresse 2], la FAT n'est pas saisie informatiquement et le dossier papier n'est pas déposé non plus.

L'Office ne peut pas percevoir les acomptes de subvention et supporte le coût des opérations sur sesfonds propres.

Ce portage financier sur plusieurs opérations pèse lourdement sur la trésorerie de l'OPH.

Pour le [Adresse 8], à ce jour, 1'OPH a dépensé 90% de l'opération et perçu uniquement 15% de la subvention. La subvention ANRU prévisionnelle s'élève à 191.832 euros et l'Office n'a perçu que 28.774,80 euros alors qu'il aurait du percevoir 134.282,40 euros au vu de1'avancement opérationnel. Le portage en trésorerie s'élève à 105.507,60 euros.

Pour le [Adresse 4], la subvention prévisionnelle s'élève à 125.797 euros. L'Office a perçu 18.869,55 euros alors qu'il aurait du percevoir, à ce jour, 60 % de la subvention soit 75.478,20 euros. Le décalage de trésorerie est de 56.605,65 euros.

Pour le [Adresse 2], la subvention prévisionnelle est de 334 402,99 €. L'Office a perçu 50.160.45 euros alors qu'il aurait du percevoir, à ce jour, 60% de la subvention soit 200.641,20 euros. Le décalage de trésorerie s'élève à 150.480,75 euros.

Pour les trois opérations relevant de votre responsabilité, le retard de dépôt des FAT représente un effort de trésorerie de 312.597 €.

De plus. le règlement financier de l'ANRU (article 42) précise qu'entre le paiement de l'avance forfaitaire et la demande de premier acompte (conditionné par la validation de la F.A.T. Modificative par la DRHIU, le délai doit être intérieur à 18 mois. Si ce délai n'est pas respecté, l'Office court le risque de perdre la subvention.

Les dates d'avances forfaitaires pour les opérations se situent entre juillet et septembre 2009. L'entreprise ayant été en liquidation judiciaire, vous avez fait relancer un marché de construction mais vous auriez du demander une prorogation de délai à la DRHIL.

Les F.A.T. modificatives devaient être déposées au plus tard entre janvier et mars 2011. Les délais ont été largement dépassés.

Pour tenter de faire face à cette situation. une échéance impérative vous a été fixée au 14 juin 2013 pour le dépôt des F.A.T. Vous n'en avez tenu aucun compte.

Vous avez même attendu notre entretien du 9 août soit quasiment deux mois après la validation du plan de financement par le Comité d'investissement pour signaler qu'il y aurait une erreur dans le plan de financement de l'opération [Adresse 2] mais vous refusez de préciser la nature de cette erreur qui ne peut donc pas être corrigée. Cela vous sert de prétexte pour ne pas saisir les FAT et accroit le risque de perdre la subvention.

Non respect des procédures de la mise en location d'un programme neuf

En application de la procédure relative à la mise en location d'un programme neuf, enregistrée sur le répertoire Qualité le 6 juin 2011, vous avez la responsabilité de préparer le dossier de mise en location et d'en assurer la transmission aux directions des affaires financières et de la gestion locative, trois mois avant la réception de l'opération.

En ce qui concerne les opérations «[Adresse 9] et [Adresse 7], qui seront livrées en septembre 2013, vous deviez transmettre les plans, la liste des équipements et une fiche d'opération avant fin juin. Quelques éléments épars ont été transmis à la DAF mais le dossier n'a pas été transmis à la DGL. La procédure n'a donc pas été respectée.

Ce n'est que la réitération d'un comportement fautif sur l'opération 81 rue Castelnau, réceptionnée le 31 janvier 2013 et pour laquelle vous avez présenté en Comité d'investissement pour validation les loyers de l'opération le 26 mors, soit trois mois après la livraison, empêchant toute possible de location des logements. Le premier locataire n'a pu emménager que le 27 mai.

Nous avons estimé que le montant cumulé de la perte de loyers jusqu'au premier locataire à 7.897, 86 euros.

Votre préavis de trois mois, que nous vous dispensons d'effectuer, débutera à la date de la présentation de la présente....'».

La lettre de licenciement retient deux griefs à l'encontre de la salariée: un comportement agressif à l'égard de ses collègues et des manquements répétés dans l'exercice de ses fonctions de responsable des opérations.

L'OPH produit au débat l'attestation de Mme [R], adjointe au directeur des services techniques, qui relate un incident du 30 juillet 2013, au cours duquel Mme [J] a tenté de la faire sortir physiquement de son bureau, exprimé dans ces termes :" le 30 juillet 2013, lors d'une simple demande d'information relative à un dossier de demande de subventions, Mme [J], agacée, m'a raccroché le téléphone au nez. Je me suis rendue dans son bureau pour obtenir une réponse à ma question. Elle a alors tenté de me sortir physiquement de celui-ci. Cet agissement a été la goutte d'au qui a fait déborder le vase, le paroxysme d'un comportement régulièrement agressif qui nuisait au travail d'équipe".

Il est relevé, par le témoignage précis et circonstancié de Mme [R] , adjointe au directeur des services techniques, que la salariée a adopté constamment un comportement agressif et inadapté envers ses collègues de travail et sa hiérarchie; qu'en dépit de deux sanctions disciplinaires (blâme du 10 janvier 2012, rappel à l'ordre du 29 mars 2012) ce comportement n'a pas cessé, que les faits reprochés le 30 juillet 2013 ne sont pas sérieusement contredits par la salariée; que le comité d'entreprise de l'OPH indique dans un courrier adressé à la salariée, le 19 juin 2013, que le Conseil d'administration du Comité d'Oeuvres Sociales et Culturelles du personnel a décidé de l'exclure des séjours, voyages et week-ends organisés en groupe "en raison de son comportement et manque de respect envers les autres participants" ce que ne contredisent pas utilement les attestations rédigées par M. [T] et Mme [U] ainsi que celles de M et Mme [O] rencontrés lors d'un voyage.

Le premier grief, contrairement à l'appréciation des premiers juges, est caractérisé.

L'employeur établit par l'ensemble des pièces produites que pour au moins trois dossiers dont elle avait la charge en 2012 et 2013, Mme [J] n'a pas suivi les procédures et déposé avec retard les fiches analytiques techniques auprès de la Direction Régionale et Interdépartementale de l'Hébergement.

Il justifie ainsi des relances adressées à Mme [J] en comité d'investissement pour les dossiers «'[Adresse 5]'», «'[Adresse 9]'» « [Adresse 2]'», mais également des messages électroniques adressés aux chefs de service pour rappeler les problèmes de trésorerie induits par ces retards.

Mme [J] ne conteste pas utilement que les retards en 2013, dans la gestion des dossiers, ont persisté et étaient fréquents, les relances en ce sens de son supérieur hiérarchique, M. [A], étant produites au débat ; que l' OPH fait valoir à bon droit que sa salariée ne pouvait ignorer les conséquences financières pour l'office ( risques de perte de subvention, pertes de loyers) .

La salariée oppose en vain des contestations fondées sur la possibilité pour la DRHIL d'octroyer des délais supplémentaires, alors que l'OPH justifie que dans son pouvoir de direction dont il est seul comptable, il n'a pas à subir les décalages de trésorerie importants du fait des retards répétés imputables à la salariée.

Mme [J] soutient enfin que le comité d'investissement , s'agissant du dossier [Adresse 7], aurait commis une erreur dans le plan de financement qu'il a validé, alors qu'elle ne conteste pas sérieusement qu'il lui incombait la responsabilité de l'établissement du plan de financement, son employeur justifiant d'une perte de retard cumulé de plus de trois mois de loyer dans ce dossier.

La salariée avait déjà fait l'objet d'une sanction disciplinaire en 2010 (mise à pied du 11 août 2010) pour les erreurs commises dans les plans de financement et le non respect des procédures, dans les mêmes circonstances, à l'occasion de laquelle elle avait été sérieusement mise en garde.

Le grief tiré des retards dans le dépôt des fiches analytiques techniques est donc établi.

L'employeur justifie enfin, sans contestation utile, que la procédure relative à la mise en location des programmes [Adresse 9] et [Adresse 7] n'a pas été respectée puisque les plans, la liste des équipements et la fiche d'opération n'ont pas été transmis, hormis quelques éléments épars.

Il s'ensuit que la procédure de la mise en location des programmes neufs n'a pas été respectée , alors que la salariée avait déjà fait l'objet de plusieurs recadrages ou sanctions et que cette procédure relevait de son coeur de métier.

Le troisième grief est établi.

Il résulte de ce qui précède que le licenciement pour cause réelle et sérieuse est justifié, par confirmation du jugement, la salariée ne justifiant par ailleurs d'aucun élément sérieux susceptible de caractériser un licenciement économique dans un office qui a le monopole du logement social de la ville de [Localité 10] et a pu se restructurer sans qu'il soit démontré la suppression du poste de Mme [J] dans un contexte allégué de réduction des effectifs.

Le jugement est en conséquence confirmé sur le licenciement de Mme [J] qui est sans cause réelle et sérieuse, la salariée étant déboutée de ses demandes indemnitaires subséquentes au titre des dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Sur les sanctions disciplinaires :

Aux termes des dispositions de l'article 954 alinéa 3 du code de procédure civile «' la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif et n'examine les moyens au soutien de ces prétentions que s'ils sont invoqués dans la discussion'».

Par infirmation du jugement, l'appelante demande à la cour, dans le dispositif de ses dernières conclusions, d'annuler les sanctions disciplinaires du 29 mars2012 (rappel à l'ordre), 10 janvier 2012 (blâme), 11 août 2010 ( mise à pied) et 23 décembre 2009 (mise en garde) ; et en conséquence condamner l'OPH de [Localité 10] au paiement de la somme de 377 euros au titre du rappel de salaire de 3 jours consécutifs à la mise en pied injustifiée.

Or, Mme [J] n'invoque pas la question de l'annulation des sanctions disciplinaires dans le corps de ses conclusions, ne formulant aucun moyen ou argumentation au soutien sa demande. Elle ne justifie pas davantage de la demande de condamnation à paiement de la somme de 377 euros relative à un rappel de salaire pour la mise à pied disciplinaire.

La cour confirme en conséquence le jugement qui a débouté Mme [J] de ses demandes d'annulation des sanctions disciplinaires et le rappel de salaire afférent.

Sur les heures supplémentaires :

Aux termes des dispositions de l'article L. 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées.

Mme [J] soutient qu'elle a effectué 1 439,5 heures supplémentaires entre 2008 et 2013.

Elle produit au débat plusieurs tableaux, rédigés par ses soins, pour l'ensemble de la période consédérée où elle relève le nombre d'heures supplémentaires hebdomadaires effectuées sur site, le nombre effectuées ' hors OPH', les courriels rédigés après 17h, des attestations, les relevés de système de pointage pour le mois de décembre 2012 puis de janvier à août 2013.

Elle présente ainsi des éléments suffisamment précis pour permettre à son employeur d'y répondre utilement.

L'OPH de [Localité 10] conteste la crédibilité des tableaux présentés par la salariée en relevant le caractère systématique des heures supplémentaires alléguées. Il soutient que le temps de trajet ne peut être comptabilisé dans son temps de travail; qu'enfin, l'accord collectif d'entreprise sur le temps de travail applicable à compter du ler janvier 2013 a rappelé, à chaque salarié, que toute heure supplémentaire présente un caractère exceptionnel et ne peut faire l'objet d'une mise en oeuvre mensuellement réitérée; que l'heure supplémentaire est commandée au préalable par la hiérarchie pour l'accomplissement d'une mission particulière et qu'en conséquence, il est relevé que les heures réclamées au titre de l'année 2013 n'ont fait l'objet ni d'une information ni d'une demande d'autorisation de la hiérarchie, justifiant selon lui du rejet de toutes les heures sollicitées.

La cour relève que les tableaux produits, qui font état d'heures supplémentaires constantes d'une heure trente par jour, sur toute la période, sans aucune variation, ne sont confortés par aucun relevé d'agenda pour caractériser l'amplitude horaire prétendue, que les attestations de M. [T] ancien collègue de travail et Mme [U], hôtesse d'accueil, sur les horaires effectués par Mme [J], sont rédigés en des termes généraux et ne sont pas corroborés par d'autres éléments; que le temps de trajet de la salariée ne peut être comptabilisé dans son temps de travail effectif; que toutefois le recoupement de certains messages électroniques produits sur une journée, à l'arrîvée et au départ de l'entreprise, sur la période 2008 à 2012, permet de retenir, mais dans une moindre mesure que celui allégué par la salariée, l'accomplissement d''heures supplémentaires.

Au regard de ces éléments, par infirmation du jugement, la cour retient que la salariée a effectué des heures supplémentaires pour le compte de son employeur, qui correspondent à un rappel de salaire de 5 835 euros et 583,50 euros au titre des congés payés afférents que l'employeur sera condamné à verser.

Sur l'obligation de sécurité de l'employeur

Sur le fondement des dispositions de l'article L 4121-1 du code du travail, applicables en l'espèce, l'employeur a l'obligation de prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs.

Mme [J] soutient qu'à de nombreuses reprises, elle a alerté sa hiérarchie sur sa charge de travail et la dégradation de ses conditions de travail; qu'elle aurait en outre subi les comportements agressifs de la part de la direction de l'entreprise; que son état de santé se serait dégradé du fait de ses conditions de travail. Elle produit au débat un courriel du 28 octobre 2009 sur sa charge de travail et une saisine du médecin du travail du 10 mars 2012 pour l'alerter de sa surcharge ; elle produit en outre 5 arrêts de travail entre 28 mars 2011 et août 2013 qui mentionnent un état anxio-depressif.

Si la salariée verse la lettre adressée à la médecine du travail le 10 mars 2012 aux termes de laquelle elle fait état de conditions de travail qui seraient contraires à la bonne exécution de ses missions, d'une charge importante de travail et d'une absence d'organisation «'qui ne lui permettent plus de faire face'», il n'est pas justifié que cette lettre ait été transmise à l'employeur ni qu'une alerte quelconque lui ait été notifiée.

L'OPH de [Localité 10] verse au débat un courrier du 11 août 2010 au terme duquel il rappelle expressément à la salariée que la mise en oeuvre des plans de financement était sa mission principale dans sa fonction de responsable d'opérations; que son curriculum vitae mentionnait la maîtrise de cette compétence et que c'est la raison pour laquelle elle avait été recrutée en 2008; qu'elle avait bénéficié d'actions de formation sur le montage financier d'opérations de logement en 2009 et sur la maîtrise d'Excel; qu'il produit en outre la fiche médicale de 2011 qui la déclare apte sans réserve à son poste de travail.

Il résulte de ce qui précède que la plainte sur la charge de travail adressée par la salariée en 2009 a fait l'objet d'une réponse circonstanciée de l'employeur en 2010 rappelant, sans contestation sérieuse, que le poste était adapté aux compétences de la salariée qui avait bénéficié de plusieurs actions de formation sur le montant financier des opérations de logement, ce qu'elle n'a pas contesté ; que les heures supplémentaires effectuées par la salariée ne correspondent pas à une situation qui révèle une charge de travail anormale ; que les certificats médicaux produits ne justifient pas d'un lien entre l'état de santé de Mme [J] et sa situation au travail ; que le comportement agressif allégué de la hiérarchie n'est rapporté par aucune pièce, alors que les échanges de mails produits par la salariée confirment le contexte de conflit permanent qu'elle a entretenu avec sa hiérarchie et qui a conduit à plusieurs sanctions disciplinaires.

La cour rejette cette demande par confirmation du jugement.

Sur les frais de transport :

Mme [J] soutient que l'obligation des dispositions de l'article L.3261-2 du code du travail n'a pas été respectée par l'OPH qui n'a pas pris en charge 50% du coût correspondant à l'ensemble de ses trajets.

Il est établi par les pièces produites au débat, notamment les tableaux récapitulatifs de la salariée et de l'OPH ainsi que les justificatifs des frais de transport, que le conseil des prud'hommes a exactement fixé le montant des frais de transport à la somme de 3 669,10 euros.

Le jugement est confirmé de ce chef.

Succombant au principal, l'OPH sera condamné aux dépens.

En équité, chacune des parties conservera la charge de ses frais irrépétibles.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Confirme le jugement en toutes ses dispositions sauf sur les heures supplémentaires ;

Statuant à nouveau et y ajoutant :

Condamne l'Office Public de l'Habitat de [Localité 10] à payer à Mme [V] [J] la somme de 5 835 euros à titre de rappels de salaire et 583,50 euros au titre des congés payés afférents ;

Rejette toute autre demande ;

Condamne l'Office Public de l'Habitat de [Localité 10] aux dépens.

LE GREFFIER LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 9
Numéro d'arrêt : 18/04193
Date de la décision : 10/12/2020

Références :

Cour d'appel de Paris K9, arrêt n°18/04193 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2020-12-10;18.04193 ?
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