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03/12/2020 | FRANCE | N°19/12000

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 2, 03 décembre 2020, 19/12000


REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS





COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 6 - Chambre 2



ARRET DU 03 DECEMBRE 2020



(n° , 2 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 19/12000 - N° Portalis 35L7-V-B7D-CBCHV



Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 29 Novembre 2019 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BOBIGNY - RG n° 19/00242





APPELANTE



COMITÉ SOCIAL ET ÉCONOMIQUE DE LA SOCIÉTÉ FEDERAL EXPRESS CORPORATION
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[Localité 3]



Représentée par Me Christophe PACHALIS, avocat au barreau de PARIS, toque : K148, Avocat postulant et par Me Emmanuel GAYAT, avocat au Barreau de Paris, ...

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 2

ARRET DU 03 DECEMBRE 2020

(n° , 2 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 19/12000 - N° Portalis 35L7-V-B7D-CBCHV

Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 29 Novembre 2019 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BOBIGNY - RG n° 19/00242

APPELANTE

COMITÉ SOCIAL ET ÉCONOMIQUE DE LA SOCIÉTÉ FEDERAL EXPRESS CORPORATION

[Adresse 6]

[Localité 3]

Représentée par Me Christophe PACHALIS, avocat au barreau de PARIS, toque : K148, Avocat postulant et par Me Emmanuel GAYAT, avocat au Barreau de Paris, toque P28, avocat plaidant

INTIMEE

Madame [H] [B]

Née le [Date naissance 1] 1979 à [Localité 5]

[Adresse 4]

[Adresse 4]

[Localité 2]

Représentée par Me Ebru TAMUR, avocat au barreau de PARIS, toque : D0201

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 08 Octobre 2020, en audience publique, devant la Cour composée de :

Mme Mariella LUXARDO, Présidente

M. Christophe ESTEVE, Conseiller

M. Didier MALINOSKY, Vice-président placé

qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l'audience par Madame Mariella LUXARDO dans les conditions prévues par l'article 804 du code de procédure civile.

Greffier, lors des débats : M. Olivier POIX

ARRET :

- CONTRADICTOIRE

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Mariella LUXARDO, Présidente et par Olivier POIX, Greffier présent lors du prononcé.

*******

Statuant sur l'appel interjeté le 2 décembre 2019 par le comité social et économique de la société Fédéral Express Corporation (le CSE FEDEX) d'une ordonnance de référé rendue le 29 novembre 2019 par le conseil de prud'hommes de Bobigny, qui dans le cadre du litige l'opposant à Mme [H] [B] a :

- prononcé la nullité du licenciement de Mme [H] [B],

- ordonné sa réintégration à son poste d'employée administrative au sein du CSE FEDEX, sous astreinte de 100 € par jour de retard à compter du 30ème jour suivant la notification de la décision, cette astreinte étant limitée à 60 jours,

- condamné à titre de provision le CSE FEDEX à verser à Mme [H] [B] les sommes suivantes :

- 2 000 € à titre de dommages et intérêts,

- 1 200 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- débouté Mme [H] [B] du surplus de ses demandes,

- débouté le CSE FEDEX de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné la partie défenderesse aux éventuels dépens,

Vu les dernières conclusions transmises le 1er octobre 2020 aux termes desquelles le CSE FEDEX, appelant, demande à la cour de :

- infirmer l'ordonnance dont appel,

- constater qu'il n'y a pas lieu à référé sur les demandes de Mme [H] [B],

- l'en débouter,

- la condamner à lui payer la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- la condamner aux dépens dont distraction dans les conditions de l'article 699 du code de procédure civile,

Vu les dernières conclusions transmises le 5 octobre 2020 par Mme [H] [B], intimée, qui forme un appel incident et demande à la cour de :

- la recevoir dans ses conclusions et l'y déclarer bien fondée,

- confirmer l'ordonnance entreprise en ce qu'elle a prononcé la nullité de son licenciement et ordonné sa réintégration à son poste d'employée administrative au sein du CSE FEDEX, sous astreinte de 100 € par jour de retard à compter du 30ème jour suivant la notification de la décision,

- confirmer dans son principe l'ordonnance entreprise en ce qu'elle lui a alloué des dommages-intérêts, sauf à l'infirmer quant au montant des sommes allouées de ce chef,

- confirmer l'ordonnance entreprise du chef de l'article 700 du code de procédure civile,

et, statuant à nouveau,

- condamner le CSE FEDEX au paiement de la somme de 10 000 € à titre de provision sur dommages-intérêts,

et, y ajoutant,

- condamner le CSE FEDEX à lui payer les sommes suivantes :

- 6 000 € au titre de la liquidation de l'astreinte ordonnée par le conseil de prud'hommes,

- 5 000 € à titre de dommages-intérêts en réparation de l'appel dilatoire,

- 3 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel,

- ordonner sa réintégration à son poste d'employée administrative au sein du CSE FEDEX, sous astreinte de 100 € par jour de retard à compter de la signification de l'arrêt,

- dire que la cour se réservera le droit de liquider l'astreinte,

- dire que l'ensemble de ces sommes seront assorties des intérêts légaux depuis l'introduction de la demande,

- condamner le CSE FEDEX aux entiers dépens qui comprendront l'intégralité des frais de signification et d'exécution qu'elle pourrait avoir à engager,

- dire que les intérêts courront à compter de la saisine du conseil de prud'hommes,

- ordonner la capitalisation des intérêts par application de l'article 1343-2 du code civil,

La cour faisant expressément référence aux conclusions susvisées pour un plus ample exposé des prétentions et moyens des parties,

Vu l'ordonnance de clôture rendue le 8 octobre 2020,

SUR CE,

EXPOSÉ DU LITIGE

A la suite d'un contrat de travail à durée déterminée conclu le 9 mars 2016 pour une durée de trois mois, Mme [H] [B] a été engagée par le CSE FEDEX le 9 juin 2016 sous contrat à durée indéterminée à temps plein en qualité d'employé administratif.

Au dernier état de la relation contractuelle, Mme [H] [B] percevait un salaire mensuel brut de 1 701,36 €..

En raison de la dégradation de son état de santé, Mme [H] [B] s'est vu prescrire un temps partiel du 2 mai au 31 juillet 2018, renouvelé jusqu'au 31 octobre 2018.

Toutefois, le 17 septembre 2018, la salariée a été placée en arrêt pour accident du travail, qui selon les parties a été prolongé jusqu'à la rupture de la relation contractuelle.

Par décision du 17 décembre 2018, la caisse d'assurance maladie de Seine-Saint-Denis a refusé de reconnaître le caractère professionnel de cet accident, étant précisé qu'une décision ultérieure du 1er juillet 2020 reconnaîtra l'origine professionnelle de la maladie de l'intéressée à compter du 1er mai 2018.

Entre-temps, par lettre du 14 novembre 2018, l'employeur a notifié à Mme [H] [B] son licenciement pour les motifs suivants :

« Vous bénéficiez d'arrêts de travail pour raison médicale depuis le 17 septembre 2018.

Ces arrêts sont régulièrement renouvelés et nous ne disposons d'aucune perspective de reprise du travail.

Dans ces conditions, nous sommes désormais contraint de procéder à votre remplacement définitif, votre absence désorganisant gravement l'activité du comité d'entreprise.

Nous sommes dans l'impossibilité de procéder à votre remplacement temporaire du fait des horaires atypiques attachés à votre poste. »

Mme [H] [B] a par écrit contesté son licenciement à plusieurs reprises.

C'est dans ces conditions que le 3 juin 2019, elle a saisi en référé le conseil de prud'hommes de Bobigny de la procédure qui a donné lieu à l'ordonnance entreprise.

MOTIFS

Sur le trouble manifestement illicite :

L'article R.1455-6 du code du travail dispose :

« La formation de référé peut toujours, même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent pour prévenir un dommage imminent ou pour faire cesser un trouble manifestement illicite. »

En application des dispositions de l'article L 1226-9 du code du travail, au cours des périodes de suspension du contrat de travail causées par un accident du travail ou une maladie professionnelle, l'employeur ne peut rompre le contrat que s'il justifie soit d'une faute grave de l'intéressé, soit de son impossibilité de maintenir ce contrat pour un motif étranger à l'accident ou à la maladie.

L'article L. 1226-13 du même code dispose que toute rupture du contrat de travail prononcée en méconnaissance des dispositions des articles L. 1226-9 et L. 1226-18 est nulle.

La protection ainsi instaurée en faveur du salarié victime d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle s'applique dès lors qu'il existe un lien de causalité même partiel entre l'arrêt de travail de l'intéressé et la maladie ou l'accident et que l'employeur a connaissance de son origine professionnelle.

En outre, il est rappelé que cette protection n'est pas subordonnée à la reconnaissance par la caisse d'assurance maladie du lien de causalité entre l'accident ou la maladie et l'arrêt de travail.

Au cas présent, il est justifié que l'employeur a été avisé le jour même de l'accident du travail en date du 17 septembre 2018 de sa salariée, pour syndrome anxiodépressif, l'arrêt de travail ayant ensuite été reconduit sans discontinuer ainsi que le confirment les mentions figurant sur les bulletins de paie édités par l'employeur.

A la date à laquelle elle a été licenciée, Mme [H] [B] bénéficiait donc de la protection instituée par les dispositions légales sus-rappelées, de sorte que l'employeur ne pouvait rompre le contrat que s'il justifiait d'une faute grave de l'intéressée, laquelle n'a jamais été invoquée, ou de son impossibilité de maintenir le contrat pour un motif étranger à l'accident ou à la maladie.

Or, il ressort de la lettre de licenciement en date du 14 novembre 2018 que l'impossibilité de maintenir le contrat ne procède pas d'un motif étranger à l'accident.

En tout état de cause, la preuve de cette impossibilité n'est pas rapportée, les horaires atypiques de la salariée étant à cet égard très insuffisants.

Dès lors, le licenciement notifié le 14 novembre 2018 est entaché de nullité et constitue par voie de conséquence un trouble manifestement illicite qu'il appartient à la juridiction des référés de faire cesser, l'annulation de ladite sanction relevant quant à elle de la compétence du juge du fond.

En conséquence, l'ordonnance entreprise sera infirmée en ce qu'elle a prononcé la nullité du licenciement et confirmée en ce qu'elle a ordonné la réintégration de la salariée à son poste d'employée administrative au sein du CSE FEDEX, sous astreinte de 100 € par jour de retard à compter du 30ème jour suivant la notification de la décision pendant une durée de 60 jours.

Il n'est pas nécessaire que la cour se réserve la liquidation de l'astreinte.

Sur la demande en dommages-intérêts :

Au regard des justificatifs produits, il est rapporté la preuve que le licenciement prononcé en méconnaissance des dispositions légales applicables a causé à Mme [H] [B] un préjudice financier distinct obérant ses conditions de vie habituelles.

C'est à juste titre que les premiers juges lui ont alloué à ce titre une provision de 2 000 € à valoir sur l'indemnisation de son préjudice, l'obligation du CSE FEDEX n'étant dans cette limite pas sérieusement contestable au sens des dispositions de l'article R 1455-7 du code du travail, de sorte que la décision attaquée sera aussi confirmée de ce chef et l'appel incident rejeté.

Il convient d'ajouter que les intérêts de retard sur les dommages-intérêts, qui revêtent un caractère exclusivement indemnitaire, ne courent qu'à compter de la décision qui les alloue, soit en l'espèce à compter du 29 novembre 2019. Ces intérêts seront le cas échéant capitalisés dans les conditions prévues par l'article 1343-2 du code civil.

Sur la demande de liquidation de l'astreinte prononcée en première instance :

Il n'appartient pas à la cour de liquider l'astreinte prononcée par le conseil de prud'hommes de Bobigny, qui de surcroît ne s'en est pas réservé la liquidation.

Il sera dit n'y avoir lieu à référé de ce chef.

Sur la demande en dommages-intérêts pour appel dilatoire :

Le droit d'agir en justice et d'exercer les voies de recours prévues par la loi ne dégénère en faute qu'en cas d'abus caractérisé ou d'intention de nuire, dont l'existence n'est pas démontrée en l'espèce.

Mme [H] [B] sera donc déboutée de sa demande à ce titre.

Sur les frais irrépétibles et les dépens :

L'ordonnance attaquée sera également confirmée en ce qu'elle a statué sur les frais irrépétibles et dépens de première instance.

En application de l'article 700 du code de procédure civile, il est équitable d'allouer supplémentairement à Mme [H] [B] la somme de 3 000 € au titre des frais irrépétibles qu'elle a été contrainte d'exposer en cause d'appel.

Le CSE FEDEX qui succombe n'obtiendra aucune indemnité sur ce fondement et supportera les dépens d'appel, qui comprendront les frais le cas échéant engagés pour l''exécution du présent arrêt.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe,

Confirme l'ordonnance entreprise, sauf en ce qu'elle a prononcé la nullité du licenciement de Mme [H] [B] ;

Statuant à nouveau sur ce point,

Dit n'y avoir lieu à référé ;

Y ajoutant,

Dit n'y avoir lieu pour la cour de se réserver la liquidation de l'astreinte ;

Dit que les intérêts de retard sur les sommes allouées en première instance courent à compter de l'ordonnance du 29 novembre 2019 ;

Dit que ces intérêts seront le cas échéant capitalisés dans les conditions prévues par l'article 1343-2 du code civil ;

Dit n'y avoir lieu à référé pour le surplus et déboute en conséquence Mme [H] [B] de son appel incident et de sa demande tendant à la liquidation de l'astreinte prononcée en première instance ;

Déboute Mme [H] [B] de sa demande en dommages-intérêts pour appel dilatoire ;

Condamne le CSE FEDEX à payer Mme [H] [B] la somme de 3 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, au titre des frais irrépétibles qu'elle a été contrainte d'exposer en cause d'appel ;

Condamne le CSE FEDEX aux dépens d'appel, qui comprendront les frais le cas échéant engagés pour l''exécution du présent arrêt.

LE GREFFIERLA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 2
Numéro d'arrêt : 19/12000
Date de la décision : 03/12/2020

Références :

Cour d'appel de Paris K2, arrêt n°19/12000 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2020-12-03;19.12000 ?
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