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02/12/2020 | FRANCE | N°18/10337

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 6, 02 décembre 2020, 18/10337


REPUBLIQUE FRANCAISE


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS








COUR D'APPEL DE PARIS





Pôle 6 - Chambre 6





ARRET DU 02 DECEMBRE 2020





(n° 2020/ , 17 pages)





Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 18/10337 - N° Portalis 35L7-V-B7C-B6LOW





Décision déférée à la Cour : Jugement du 12 Juillet 2018 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BOBIGNY - RG n° F17/00330








APPELANTE




r>Madame E... F...


[...]


Représentée par Me Edith LAGARDE-BELLEC, avocat au barreau de PARIS, toque : C2524








INTIMEES





Société FEDERAL EXPRESS CORPORATION prise en la personne de son représentant légal domicilié en ...

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 6

ARRET DU 02 DECEMBRE 2020

(n° 2020/ , 17 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 18/10337 - N° Portalis 35L7-V-B7C-B6LOW

Décision déférée à la Cour : Jugement du 12 Juillet 2018 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BOBIGNY - RG n° F17/00330

APPELANTE

Madame E... F...

[...]

Représentée par Me Edith LAGARDE-BELLEC, avocat au barreau de PARIS, toque : C2524

INTIMEES

Société FEDERAL EXPRESS CORPORATION prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège [...]

Représentée par Me Philippe DANESI, avocat au barreau de PARIS, toque : R235

Syndicat SYNDICAT NATIONAL DE L'ASSISTANCE AEROPORTUAIRE - SNAA-UNSA Syndicat national professionnel, pris en la personne de son Secrétaire Général, domicilié en cette qualité au siège social [...]

N'étant pas représenté par un avocat ou un défenseur syndical

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 13 Octobre 2020, en audience publique, devant la Cour composée de :

Madame Anne BERARD, Présidente de chambre

Madame Nadège BOSSARD, Conseillère

Monsieur Stéphane THERME, Conseiller

qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l'audience par Madame Anne BERARD Présidente de chambre, dans les conditions prévues par l'article 804 du code de procédure civile.

Greffier : Madame Pauline MAHEUX, lors des débats

ARRÊT :

- réputé contradictoire,

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile,

- signé par Madame Anne BERARD, Présidente de chambre et par Madame Pauline MAHEUX, Greffière, présente lors de la mise à disposition.

RAPPEL DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE :

Mme F... a été embauchée par la Federal Express Corporation (ci après FedEx ), dont l'activité est le transport aérien de fret, par contrat de travail à durée déterminée du 17 février 2014 au 2 janvier 2015, en qualité d'adjoint ressources humaines, catégorie cadre, coefficient 360 pour pourvoir au remplacement d'un salarié en congé création d'entreprise.

Par avenant du 26 février 2014, la relation de travail s'est poursuivie en contrat de travail à durée indéterminée, en qualité d'adjoint ressources humaines senior, statut cadre, coefficient 360.

La convention collective nationale du personnel au sol du Transport Aérien est applicable à la relation de travail.

Le 18 novembre 2016 Mme F... a été désignée comme représentante de section syndicale SNAA UNSA.

Estimant subir une discrimination à raison de son sexe et de ses origines, un harcèlement moral et une discrimination syndicale, outre une entrave à l'exercice du droit syndical, Mme F... et le syndicat SNAA-UNSA ont saisi le Conseil de Prud'hommes de Bobigny le 9 février 2017 .

Mme F... a été désignée conseiller du salarié par arrêté préfectoral du 3 juillet 2017 jusqu'au 31 août 2018.

Elle a été remplacée comme représentant syndical à compter du 2 août 2017.

Par jugement du 12 juillet 2018, le conseil de prud'hommes a débouté Mme F... et le syndicat SNAA-UNSA de l'ensemble de leurs demandes et a débouté la Federal Express Corporation de sa demande reconventionnelle.

Le 28 août 2018, Mme F... a interjeté appel.

Postérieurement au jugement du conseil de prud'hommes, Mme F... a été élue titulaire du Comité Economique et Social.

Par conclusions remises au greffe et transmises par le réseau privé virtuel des avocats le 9 octobre 2020 et signifiées au syndicat SNAA-UNSA le 12 octobre 2020, auxquelles il est expressément fait référence, Mme F... demande à la cour de :

1.Constater le traitement discriminatoire mis en 'uvre par la société Federal Express Corporation en raison du sexe et des origines de Mme E... F...,

- Constater le préjudice financier et moral qui en résulte pour elle,

En conséquence,

- Infirmer le jugement sur ce chef de demande,

Statuant à nouveau,

Dire et juger infondé le moyen de la Federal Express Corporation tiré de la prescription,

A titre principal,

Fixer à la somme de 5.989,94 € le salaire brut mensuel de base de Mme E... F... depuis le 17 février 2014, date à laquelle elle est passée au grade 13,

Condamner la Federal Express Corporation à payer à Mme E... F... :

- La somme de 143.709,68 € brut à titre de rappels de salaire sur la période du 17 février 2014 au 30 septembre 2020,

- La somme de 10.240,03 € brut à titre de rappels de salaire sur les heures de nuit sur la période du 17 février 2014 au 30 septembre 2020,

Subsidiairement,

Fixer à la somme de 5.996,82 € le salaire brut mensuel de base de Mme E... F... depuis le 17 février 2014, date à laquelle elle est passée au grade 13,

Condamner la Federal Express Corporation à payer à Mme E... F... :

- La somme de 144.292,76 € brut à titre de rappels de salaire sur la période du 17 février 2014 au 30 septembre 2020,

- La somme de 12.739,68 € brut à titre de rappels de salaire sur les heures de nuit sur la période du 17 février 2014 au 30 septembre 2020,

En toute hypothèse,

Condamner la Federal Express Corporation à payer à Mme E... F... la somme de 50.000 € à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice moral,

2.Constater le harcèlement moral mis en 'uvre par la Federal Express Corporation à l'encontre de Mme E... F...,

Constater le préjudice moral qui en résulte pour elle,

En conséquence,

Infirmer le jugement sur ce chef de demande,

Statuant à nouveau,

Faire injonction à la Federal Express Corporation de cesser de tels agissements,

Condamner la Federal Express Corporation à payer à Mme E... F... la somme de 100.000 € à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice moral,

3. Constater la discrimination syndicale mise en 'uvre par la Federal Express Corporation à l'encontre de Mme E... F...,

Constater le préjudice financier et moral qui en résulte pour elle,

En conséquence,

Infirmer le jugement sur ce chef de demande,

Statuant à nouveau,

Faire injonction à la Federal Express Corporation de cesser de tels agissements,

Condamner la Federal Express Corporation à payer à Mme E... F... :

A titre principal,

La somme de 2.333,67 € brut au titre de la perte de salaire subie depuis le 1 er octobre 2016,

A titre subsidiaire,

La somme de 2.281,65 € brut au titre de la perte de salaire subie depuis le 1 er octobre 2016,

A titre plus subsidiaire,

La somme de 2.075,02 € brut au titre de la perte de salaire subie depuis le 1 er octobre 2016,

En toute hypothèse,

La somme de 50.000 € à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice moral,

4. Constater l'entrave portée à l'exercice du droit syndical,

Constater le préjudice financier et moral qui en résulte pour Mme E... F...,

En conséquence,

Infirmer le jugement sur ce chef de demande,

Statuant à nouveau,

Condamner la Federal Express Corporation à payer à Mme E... F... la somme de 50.000 € à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice moral,

5. Débouter la Federal Express Corporation de ses demandes,

6. Condamner la Federal Express Corporation à payer à Mme E... F... la somme de 10.000 € en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile,

7. Condamner la Federal Express Corporation à supporter les entiers dépens.

Par conclusions remises au greffe et transmises par le réseau privé virtuel des avocats le 12 octobre 2020, auxquelles il est expressément fait référence, la Federal Express Corporation demande de :

In limine litis :

A titre principal :

- Rejeter des débats les conclusions et les pièces 92 à 123 transmises par Mme F... le 1er Septembre 2020

A titre subsidiaire :

- Révoquer l'ordonnance de clôture du 21 septembre 2020

- Prononcer la réouverture des débats afin de permettre la réplique de l'intimée et

(i) admettre les nouvelles pièces conclusions au fond de celles-ci dans le débat au cours de l'audience du 13 octobre 2020, ou

(ii) renvoyer le dossier à la mise en état.

Sur le fond et en tout état de cause :

- Constater que Mme E... F... est mal fondée en l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions,

- Confirmer l'irrecevabilité de l'ensemble des demandes, fins et prétentions formées par le syndicat SNAA-UNSA,

En conséquence,

- Confirmer le jugement du Conseil de prud'hommes de Bobigny en date du 12 juillet 2018 en ce qu'il a débouté Mme E... F... et le syndicat SNAA-UNSA de toutes leurs demandes, fins et conclusions à l'encontre de la Federal Express Corporation ,

- Débouter Mme E... F... et le syndicat SNAA-UNSA de toutes leurs demandes, fins et conclusions à l'encontre de la Federal Express Corporation ,

- Condamner Mme E... F... à verser à la Federal Express Corporation la somme de 5.000€ au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

Le syndicat SNAA-UNSA n'a pas constitué avocat.

La clôture a été prononcée par ordonnance en date du 13 octobre 2020

Sur la procédure

L'ordonnance de cloture ayant été révoquée par le conseiller de la mise en état par ordonnance du 8 octobre, les demandes liminaires de l'intimé sont sans objet.

Il n'y a pas lieu de statuer davantage sur sa demande d'irrecevabilité des demandes, fins et prétentions formées par le syndicat SNAA-UNSA qui n'en forme aucune à hauteur d'appel, étant par ailleurs observé que la preuve de la notification des écritures de l'intimé au syndicat n'est pas rapportée.

Sur l'existence d'une discrimination

Se référant aux articles L1132-1, L1142-1 et L3221- 2 du code du travail, Mme F... soutient faire l'objet d'un traitement discriminatoire de la part de la société FedEx , fondé sur son sexe ainsi que sur ses origines, qui explique les freins qu'elle rencontre dans l'évolution de sa carrière et la différence de rémunération qu'elle subit.

Conformément à l'article L1134-1 du code du travail, 'lorsque survient un litige en raison d'une méconnaissance des dispositions du chapitre II, le candidat à un emploi, à un stage ou à une période de formation en entreprise ou le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte, telle que définie à l'article 1er de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations.

Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination.

Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles'.

Discrimination fondée sur le sexe

Pour caractériser la discrimination fondée sur le sexe dont elle ferait l'objet, la salariée relève que M. N..., dès son entrée dans le service en 2016, a perçu un salaire supérieur au sien et a rapidement été promu tandis qu'elle s'est vu, sans raison, puisqu'elle a fait l'objet de félicitations bloquer dans son évolution de carrière, alors même qu'elle a, à plusieurs reprises, réclamé des augmentations et des promotions.

Mme F..., qui a été embauchée le 10 février 2014 justifie avoir réclamé une promotion par courriel du 21 juillet 2014, puis une demande d'augmentation et de promotion au poste de manager par courriel du 11 mai 2015.

Elle a également demandé une augmentation de salaire en juillet 2016.

Elle justifie avoir été félicitée à plusieurs reprises pour la qualité de son travail et notamment le 23 décembre 2014 (où un 'bravo zulu' lui a été décerné par son employeur), le 16 avril 2016, le 11 juin 2016, le 13 novembre 2018 ( nouveau 'bravo zulu') et le 4 décembre 2018.

Elle fait valoir s'être plainte de discrimination le 17 avril 2019 en ce qu'elle aurait été évincée, tout comme Mme V..., du traitement d'une procédure disciplinaire au profit d'un collègue masculin et auraient fait l'objet d'une enquête interne pour déterminer si elles avaient une relation avec la personne en cause. Elle produit son mail de protestation ainsi que celui de Mme V..., ainsi qu'une attestation de M. X... Y... affirmant qu'il a été sollicité le 18 avril 2019 par M. R... pour faire cet entretien au motif qu'il était un homme.

Elle établit que l'égalité hommes-femmes suscite des questions des représentants des personnels au sein de la société FedEx.

Elle produit un courriel du 22 septembre 2020 lui indiquant qu'elle est trop maquillée sur sa 'photo email' et lui demandant d'en mettre une autre.

Elle présente donc des éléments de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination liée au sexe.

L'employeur justifie que M. N... avait une bien plus grande ancienneté que Mme F... au sein de l'entreprise, dès lors qu'il a été recruté en 2001 alors qu'elle a été engagée en 2014 et qu'il était manager des opérations lorsqu'il a intégré le service des ressources humaines comme adjoint aux ressources humaines senior. Il justifie que M. N... était titulaire d'un master. Enfin, il justifie par la production des revues de performance annuelles de M. N... et de Mme F... qu'il avait un score supérieur, ce qui légitime la promotion qui a été la sienne au poste de responsable des ressources humaines, date à partir de laquelle la comparaison salariale devient inopérante.

Au demeurant, l'employeur établit que la salariée a bénéficié régulièrement d'augmentations de salaire ( mai 2015, septembre 2015, mars 2016 et chaque année en juillet depuis juillet 2017), son salaire ayant augmenté entre 2014 et 2017 de 15% et désormais de 20% en 2020 et qu'elle se situe parfaitement dans la moyenne des augmentations accordées.

Enfin, le fait que Mme F... n'ait pas bénéficié, lorsqu'elle a assuré par intérim les fonctions d'acting manager en remplacement de M. N..., du même salaire que celui-ci, ne caractérise nullement une discrimination à raison du sexe dès lors qu'elle n'était pas titulaire du poste.

S'agissant de la discrimination dont elle s'est plainte en avril 2019, l'employeur établit que M. R... , directeur des relations sociales, lui avait répondu dès le 17 avril 2019 pour démentir cette rumeur d'enquête, affirmer que la planification de l'entretien disciplinaire avait été faite en fonction des disponibilités au sein du service et lui avait proposé, dès lors qu'elle n'était finalement pas en congé, de prendre cet entretien. Par courriel du 17 avril, elle l'avait remercié de sa réponse.

Cette chronologie hypothèque dès lors l'exactitude des allégations de M. Y... dans son attestation en ce qu'il aurait été sollicité le 18 avril par M. R... pour faire cet entretien, affirmations formellement démenties par M. R... dans sa propre attestation, étant surabondamment relevé que M. Y... a établi cette attestation deux mois après son propre licenciement pour insuffisance professionnelle.

S'agissant du courriel du 22 septembre 2020 relatif à sa photo, la salariée, qui a effacé l'identité de son auteur, ne justifie par ailleurs nullement l'avoir porté à la connaissance de son employeur.

FedEx justifie qu'en 2012, il était salué dans un article paru dans 'Grandes Ecoles Magazine' comme confiant aux femmes les plus hautes responsabilités dans son secteur peu féminisé du transport, celles-ci représentant 30% des cadres et 25% du top management en France.

L'employeur justifie aussi qu'en 2018 la différence de rémunération moyenne mensuelle entre les hommes et femmes cadres était de 3€ ( la rémunération de Mme F... étant au dessus de la moyenne des femmes cadres), que le taux de promotion des femmes cadres était de 12% contre 5,7% pour les hommes, les femmes étant promues plus rapidement que les hommes ( 4 ans en moyenne pour les femmes, 5 ans pour les hommes). Il justifie avoir négocié courant 2019 un plan d'action égalité hommes-femmes qui a été signé le 12 décembre 2019.

Dès lors, la différence de sexe n'est pas la cause de la différence de rémunération et de l'évolution de carrière différente de Mme F... et de M. N..., qui s'explique par les mérites objectifs de ce dernier et le droit de l'employeur de le choisir pour une promotion plutôt que Mme F... .

Discrimination fondée sur l'origine

Pour caractériser cette discrimination, Mme F... souligne qu'elle et Mme V... perçoivent des rémunérations inférieures à celles des autres salariées du service placées au même poste et au même grade.

Elle présente un tableau comparatif entre elle-même, Mme V..., Mme O..., Mme M... et M. N..., faisant apparaître l'ancienneté dans le service, dans le grade 13, l'âge, le salaire de base et la situation respective à la date de saisine du conseil de prud'hommes.

Il résulte de ce tableau que sa rémunération est supérieure à celle de Mme V..., mais inférieure à celle de Mme O..., de Mme M... et de M. N....

La salariée fait aussi valoir que le médecin du travail a rapporté le 2 mars 2020 à M. N... des propos racistes tenus le 27 février 2020 par une salariée à l'égard de trois autres salariés.

L'employeur rappelle qu'il emploie des personnes issues de 151 nationalités différentes et que la société FedEx s'est vu décerner par le ministre délégué à la promotion et l'égalité des chances le 'grand prix de la diversité' en 2006.

Il établit que Mme M... a rejoint FedEx en qualité de senior specialist recrutment en 2004 et est devenue HR services- representative senior en 2009, alors que Mme F... a été recrutée en 2014.

Il fait aussi observer que Mme O... et Mme M... ont été recrutées par la société Federal Express International (FRA) et n'appartenaient donc pas, jusqu'au 1er novembre 2018, date de leur transfert au sein de la société Federal Express Corporation ( FRT), à la même entreprise que Mme F....

Dès lors, le fait que Mme O..., avait à FRA en 2018 une rémunération supérieure à Mme F... à FRT, bien qu'ayant été recrutée le 5 janvier 2015, outre qu'il ne caractérise pas une atteinte au principe à travail égal salaire égal, ne caractérise pas davantage de discrimination liée à l'origine puisque les salariées n'étaient pas dans la même situation.

Il en va de même de la situation de Mmes A... et H..., respectivement recrutées par la société Federal Express International (FRA) en 1998 et 1993.

La dénonciation de propos racistes par le médecin du travail le 2 mars 2020, outre qu'elle ne concerne en rien Mme F..., n'est pas de nature à caractériser de cautionnement de tels comportements de la part de l'employeur, qui a mis en place depuis 2003 et actualisé en 2016 un 'code de conduite et de déontologie', lequel comporte un chapitre 'égalités des chances-harcèlement' qui stigmatise de la façon la plus nette ce type de comportement.

Il résulte par ailleurs du compte-rendu de réunion des délégués du personnel qu'il a donné une suite disciplinaire aux faits dénoncés.

Outre qu'il existe de la part de Mme F... quelque contradiction à se comparer à M. U... (G...) N... pour arguer d'une discrimination lié au sexe tout en occultant le parcours de ce salarié lorsqu'il s'agit d'arguer d'une discrimination liée à son origine, l'employeur établit par des raisons objectives étrangères à toute discrimination liée à l'origine les différences de salaire de Mme F... avec les personnes auxquelles elle se compare.

Discrimination sans précision particulière

Si Mme F... fait valoir, à juste titre, que l'existence d'une discrimination n'implique pas nécessairement une comparaison avec d'autres salariés, elle présente dans la suite de ses écritures un certain nombre de faits qu'elle qualifie de discriminatoires (absence d'évolution professionnelle depuis quatre ans, moins bonne notation que ses collègues, existence de mesures qu'elle est seule à subir, telles que sanctions disciplinaires, surveillance excessive et injustifiée, éviction injustifiée du poste d'acting manager...), mais sans, cette fois, les rattacher à une discrimination à raison de son sexe ou de son origine (la discrimination syndicale faisant l'objet d'un développement spécifique ultérieur dans ses écritures), étant observé qu'elle fait valoir être la moins bien traitée, mais au sein d'un service où il y avait des personnes des deux sexes ayant des noms d'origine étrangère.

Si ces faits présentés ont vocation à être examinés dans le cadre de l'imputation de harcèlement moral qu'elle fait par ailleurs à son employeur, elle ne présente dès lors, au soutien d'une discrimination à raison d'un motif énoncé par les articles L1132-1, L1142-1 et L3221- 2 aucun autre fait que ceux précédemment examinés.

La preuve étant rapportée qu'elle n'a fait l'objet d'aucune discrimination à raison de son sexe ou de son origine, le jugement qui l'a débouté de ses demandes de rappel de salaire et de dommages et intérêts subséquents sera confirmé de ces chefs.

Sur le harcèlement moral

Aux termes de l'article L. 1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

En application de l'article L. 1154-1 du code du travail, il incombe à Mme F... de présenter des éléments de fait laissant supposer l'existence d'un harcèlement. Dans cette hypothèse, il incombera à l'employeur de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

Mme F... présente les éléments de fait suivants :

- Elle a fait l'objet de deux mises à pied injustifiées et abusives à un an d'intervalle,

- Elle a été menacée de licenciement en raison de son engagement syndical,

- Elle a fait l'objet d'une procédure de licenciement injustifiée,

- Elle a fait l'objet d'une surveillance particulière,

- Elle a appris avoir fait l'objet d'une enquête interne afin de savoir si elle avait des relations intimes avec d'autres salariés,

- Elle a fait l'objet d'une nouvelle sanction disciplinaire injustifiée,

- Elle a fait l'objet d'un harcèlement moral de Mme V... sans réaction de l'employeur,

- L'employeur a mis un mois avant de mettre en 'uvre l'aménagement du poste de travail préconisé par le médecin du travail,

- L'employeur a considérablement alourdi sa charge de travail,

- L'employeur n'a pas répondu à ses demandes d'ajustement de salaire,

- Elle a subi une dégradation de son état de santé.

Pris dans leur ensemble, ces faits laissent supposer l'existence d'un harcèlement.

Sur la mise à pied à titre conservatoire de décembre 2015

Il est constant que Mme F... a été convoquée le 8 décembre 2015 par courrier remis en main propre à un entretien préalable fixé le 5 janvier 2016 en vue d'un éventuel licenciement, avec mise à pied à titre conservatoire.

Par lettre du 30 décembre 2015, l'employeur a informé la salariée d'un report de l'entretien préalable à une date qui lui serait communiquée ultérieurement.

Il justifie avoir fait diligenter une enquête par un consultant à la suite d'une 'suspicion de comportement fautif touchant au moins une personne de l'équipe' et dont le rapport, déposé le 6 janvier 2016, destiné à 'déterminer si le service vit ou a vécu une situation de harcèlement à l'encontre de certaines collaboratrices', a conclu à des tensions entre les collaboratrices anciennes et nouvelles dans le service, des partenaires sociaux désireux d'instrumentaliser le conflit à leur avantage et la nécessité d'un management fort et réactif.

L'existence d'une mise à pied à titre conservatoire de Mme F... pouvait parfaitement se justifier dans un contexte d'enquête, étant établi par les échanges ultérieurs qu'elle a eus avec son employeur que cette démarche faisait suite à sa mise en cause par des collègues.

Si l'employeur ne justifie pas de la production d'un écrit par lequel il aurait dûment informé la salariée de la levée de la mise à pied à titre conservatoire et de l'annulation de la procédure disciplinaire, il résulte cependant du courriel adressé par la salariée à sa hiérarchie le 12 février 2016 qu'elle était informée à cette date de ces annulations, puisqu'elle en souhaitait précisément une 'confirmation écrite'.

En outre, tant dans ce courrier que le suivant, en date du 4 mars 2016, elle remercie sa hiérarchie pour son 'support' et la confiance qui lui sont témoignés, dirigeant son acrimonie contre ceux qui l'auraient injustement dénoncée, nommant Mmes T... et S..., faisant part de son intention de porter plainte et demandant à la directrice des ressources humaines de la protéger contre ce harcèlement moral.

La salariée n'allègue pas avoir été victime des agissements de ces personnes par la suite, étant établi par un tableau relatif à l'évolution des effectifs du service entre 2014 et 2016 qu'elles ont quitté toutes deux l'entreprise le 6 avril 2016.

Si la salariée argue dans ses écritures de ce que sa mise à pied à titre conservatoire n'aurait jamais été 'retirée de son dossier' en renvoyant aux considérations d'une décision de l'inspecteur du travail du 17 janvier 2017, ces faits ne résultent nullement de cette décision, ni d'aucune autre pièce, l'employeur lui ayant rappelé, par lettre recommandée avec accusé de réception du 8 février 2017, que cette mise à pied n'était pas une sanction disciplinaire.

Il doit aussi être observé que la décision de l'inspecteur du travail du 17 janvier 2017 qui y fait référence concerne une procédure disciplinaire ultérieure, et que si l'inspecteur, qui n'a jamais été saisi de cette mise à pied à titre conservatoire du 8 décembre 2015, l'a incidemment évoquée, en la qualifiant 'd'arbitraire et d'injustifiée', ces considérations dénuée de toute autorité de chose jugée, sont non étayées et au demeurant erronées puisqu'une enquête a été conduite durant cette mise à pied à titre conservatoire.

Il résulte aussi des pièces versées aux débats que postérieurement au dépôt du rapport d'enquête, le 6 janvier 2016, une restitution a été organisée, le 29 janvier 2016 par le cabinet consultant avec l'ensemble de l'équipe RH, y compris la salariée, ce que l'employeur lui a rappelé dans une lettre recommandée avec accusé de réception en date du 8 février 2017.

Dès lors, cette mise à pied à titre conservatoire du 9 décembre 2015, suivie de sa réintégration à effet du 31 janvier 2016, allié au règlement intégral et immédiat de ses salaires afférents à cette période, qui était justifiée par des éléments objectifs, ne constitue pas une sanction disciplinaire abusive et injustifiée.

Sur la mise à pied à titre conservatoire du 18 novembre 2016

Le 18 novembre 2016, la société FedEx a adressé à la salariée une lettre recommandée avec accusé de réception de convocation à un entretien préalable à un licenciement pour faute grave fixé au 2 décembre 2016 et lui a notifié une mise à pied conservatoire.

Le même jour, l'employeur a été avisé de la désignation de Mme F... comme représentante de section syndicale SNAA UNSA.

La régularité de cette désignation à cette date ayant été contestée par l'employeur, le tribunal d'instance a été saisi et, par jugement du 21 avril 2017, devenu définitif, a estimé cette désignation régulière à effet du 18 novembre 2016.

Le 23 décembre 2016, l'inspecteur du travail a informé l'employeur de la nullité de la décision de mise à pied à titre conservatoire sur le fondement de l'article L2421-1 du code du travail, pour défaut de notification dans les 48 heures.

Par décision du 17 janvier 2017, l'inspecteur du travail a refusé d'autoriser le licenciement pour motif disciplinaire, décision confirmée par le ministre du travail le 12 octobre 2017, puis par jugement en date du 30 mai 2018, le tribunal administratif ayant rejeté la requête de la société FedEx en estimant que la salariée était protégée et que la société requérante n'établissait pas la matérialité des faits reprochés à Mme F....

Sa mise à pied était dès lors injustifiée.

Sur la menace de licenciement en raison de son engagement syndical

Dans le cadre de la procédure de licenciement pour faute grave engagée contre Mme F... le 18 novembre 2016, l'employeur faisait grief à la salariée d'avoir frauduleusement déclaré 16 heures de nuit au mois d'octobre 2016.

La salariée soutient que cette procédure de licenciement est la conséquence de l'annonce qu'elle venait de faire à son employeur de sa désignation imminente comme représentante syndicale, lors d'un entretien avec son supérieur hiérarchique en date du 18 novembre 2016.

S'il est constant que le 18 novembre 2016, Mme F... a eu un entretien avec M. L..., son supérieur hiérarchique direct, l'initiative et la teneur de cet échange sont débattues par les parties.

Mme F... soutient qu'il a eu lieu à son initiative, pour l'informer de son souhait persistant d'entretien au sujet d'une demande d'augmentation et de l'imminence de sa désignation comme déléguée syndicale.

L'employeur soutient pour sa part, qu'il en a pris l'initiative pour lui remettre en main propre une convocation à un entretien préalable à un licenciement pour faute grave avec mise à pied à titre conservatoire, après avoir constaté qu'elle aurait indûment déclaré des heures de nuit.

Le tribunal administratif, dans son jugement du 30 mai 2018 a considéré que c'est à tort que l'Inspecteur du travail avait retenu l'existence d'un lien entre le mandat et le licenciement pour refuser celui-ci.

Quand bien même la procédure de licenciement n'a pas prospéré, l'employeur, qui produit des pièces relatives aux déclarations de Mme F... quant aux heures de nuit effectuées au cours du mois d'octobre 2016 caractérisant des anomalies, justifie d'une cause de la procédure de licenciement de Mme F... étrangère à son engagement syndical.

Sur l'existence d'une procédure de licenciement injustifiée

Il résulte du jugement du tribunal administratif en date du 30 mai 2018 que la société requérante n'établissait pas la matérialité de l'ensemble des faits reprochés à Mme F... quant à des déclarations erronées, le doute devant profiter au salarié.

La procédure de licenciement de Mme F... engagée le 18 novembre 2016 est injustifiée.

Sur l'existence d'une surveillance particulière

Cette surveillance particulière n'est nullement établie par la décision de l'inspecteur du travail du 17 janvier 2017 à laquelle la salariée se réfère lorsqu'elle mentionne que la présence physique de Mme F... à son bureau 'n'a pas été constatée' aux heures et journées concernées par ses déclarations d'heures de nuit.

Sur l'existence d'une enquête interne afin de savoir si elle avait des relations intimes avec d'autres salariés

Il a été précédemment considéré, dans le développement consacré à la discrimination à raison du sexe, que l'existence de cette enquête interne relevait de la rumeur, démentie par l'employeur dans un courriel circonstancié du 18 avril 2019.

Sur l'existence d'une nouvelle sanction disciplinaire injustifiée

Par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 13 août 2019, Mme F... a été convoquée à un entretien préalable à une éventuelle sanction pouvant aller jusqu'au licenciement fixé le 26 août 2019 pour des faits du 30 juillet 2019.

Par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 5 septembre 2019, un avertissement lui a été notifié pour avoir adressé une convocation d'un salarié à un entretien préalable à un éventuel licenciement avec mise à pied à titre conservatoire à une adresse erronée en usant d'un fichier obsolète et pour avoir transféré des informations à caractère confidentiel à l'extérieur de l'entreprise en mettant son mail personnel en copie d'une réponse à sa supérieure hiérarchique.

A la suite du recours qu'elle a formé dans le cadre de la procédure de recours équitable existant au sein de la société FedEx, son employeur, par lettre recommandée avec accusé de réception du 20 décembre 2019, a retiré l'avertissement qui lui avait été notifié tout en lui faisant un rappel à la procédure et une mise en garde, sans que ce courrier n'ait valeur de sanction.

Outre que Mme F... n'a finalement pas fait l'objet d'une sanction disciplinaire, la matérialité des faits reprochés étant établie par les pièces produites aux débats, l'employeur justifie par des raisons objectives les mesures prises à l'égard de la salariée.

Sur l'existence d'un harcèlement moral d'une collègue sans réaction de l'employeur

Le 30 juillet 2019, la salariée a fait grief à Mme V..., assurant l'intérim du poste de manager au service des ressources humaines, de lui adresser systématiquement des courriels lorsqu'elle est en réunion pour le CSE.

Le 30 juillet, la hiérarchie des deux salariées a immédiatement réagi pour traiter la difficulté.

Le 9 septembre 2019, Mme F... a porté plainte auprès des services de police contre Mme V... pour harcèlement au travail depuis un an.

Par courriel du 19 septembre 2019, Mme V..., a fait reproche à Mme F... de son absence à une réunion du 5 septembre et de son retard à une réunion du 19 septembre, griefs auxquels Mme F... a répondu par courriels du 20 septembre 2019 en affirmant qu'elle avait prévenu de son absence du 5 et de son retard du 19.

Le 23 septembre 2019, Mme F... a dénoncé un délit d'entrave dans l'exercice de son mandat en affirmant que Mme V... enquête sur ses présences à chaque réunion CSE ou en commission et a demandé à son employeur de faire cesser ce comportement.

M. R... , son supérieur hiérarchique, a accusé réception de ce courriel le jour-même et demandé à la salariée de prendre rendez-vous pour lui exposer les faits.

Cet entretien a eu lieu le 25 septembre 2019 et le 9 octobre, M. R... a répondu point par point aux faits dénoncés comme entrave par la salariée, conclu qu'elle n'était pas démontrée et exprimé son souhait d'un travail dans les meilleures conditions possibles en précisant rester à sa disposition pour échanger davantage.

Dans le courant du mois de novembre 2019, des échanges se sont poursuivis entre M. R... et Mme F..., celle-ci réfutant l'intégralité des termes du courriel qu'il lui avait adressé le 9 octobre et celui-ci lui réclamant la preuve de l'envoi d'une invitation afin d'objectiver l'affirmation de la salariée contestée par Mme V..., selon laquelle Mme F... l'aurait informée de son absence le 19 septembre 2019 et aurait demandé un report de réunion, la salariée précisant ne voir aucun inconvénient à l'intervention d'un huissier.

Le 6 décembre 2019, Mme F... a été entendue à l'initiative de l'employeur en présence d'un huissier sur le délit d'entrave.

Par mail du 10 janvier 2020, Mme F... a alerté son employeur sur sa situation à FedEx depuis son recrutement, notamment les événements de 2016 puis, depuis le départ de M. N..., les attaques constantes dont elle estime être victime de la part de Mme V..., puis de la part de M. R... .

Le 20 janvier 2020, MM I... et Q... ont organisé une première réunion aux fins d'enquête sur les doléances de Mme F... contre Mme V... et M. R... (hors la présence de ces derniers), dont la salariée a accepté le principe, au cours de laquelle elle a exposé ses griefs et indiqué qu'à son sens la situation pouvait être réglée par des explications, des interactions professionnelles et une neutralité managériale de M. R... .

Elle a répondu ne pas pouvoir dire comment elle voyait le futur avec Mme V... et M. R... , mais précisé vouloir contiuer à travailler et évoluer au sein du département RH.

Le 27 janvier 2020, une seconde réunion a été organisée dans les mêmes conditions que la précédente, où d'autres faits ont été exposés par la salariée.

Le 4 février 2020, une troisième réunion a eu lieu en présence de M. N..., aux termes de laquelle l'employeur a confirmé que la ligne d'alerte était close.

La salariée a confirmé avoir porté plainte, ne pas souhaiter retirer celle-ci avant d'avoir compris pourquoi Mme V... a un problème avec elle, mais comprendre qu'un travail commun sur un nouveau futur nécessitait au préalable de clore la plainte devant les services de police.

Le 7 février 2020, un entretien a eu lieu entre Mme F..., Mme V... et M. N..., où chacun a exprimé ses attentes à l'égard de l'autre et s'est engagé à les respecter.

Le 5 mai 2020, M. N... et M. I... ont formalisé par un courriel adressé à Mme F... et Mme V... les conclusions de l'enquête et "l'absence d'évidence d'attaques intentionnelles de l'une envers l'autre". Il a été reconnu que les relations tendues qui les lient peuvent biaiser de part et d'autre la perception des intentions de l'autre, constaté la persistance de tensions, invité les protagonistes à relire leurs engagements du 7 février et précisé rester à leur écoute pour travailler sur des pistes d'amélioration.

Par mail du 10 août 2020, M. N... a annoncé que Mme V... quitterait le service HR-FRT le 1er septembre pour rejoindre le service HR FFR.

Outre que le harcèlement que Mme F... prête à Mme V... n'est pas caractérisé, l'employeur justifie de l'attention particulière, immédiate, soutenue et persistante qu'il a prêtée aux alertes données par Mme F... quant au comportement de Mme V... à son égard.

Sur le délai mis par l'employeur pour aménager le poste de travail de la salariée

Le 19 juillet 2019 à 11h45, l'employeur a déclaré un accident de travail de Mme F... sans arrêt de travail à la suite d'un malaise ayant entraîné sa chute.

Le 26 juillet 2019, l'employeur a déclaré un accident de travail de Mme F... sans arrêt de travail à la suite de douleurs lombaires.

Même si aucun document n'est produit par les parties, il n'est pas contesté que le médecin du travail a préconisé à une date non précisée, que Mme F... soit dans un bureau seule.

Si la salariée se plaint d'avoir attendu un mois, l'employeur justifie des diligences qu'il a accomplies pour y parvenir dans les meilleurs délais, en affectant à titre provisoire la salariée dans des bureaux temporairement vides, le temps de localiser et d'aménager un espace de travail pérenne.

L'employeur justifie donc de causes objectives pour ne pas avoir immédiatement affecté Mme F... dans un bureau individuel, ses diligences ayant en leur temps été reconnues par la salariée puisqu'elles avaient suscité les remerciements de Mme F... à M. R... par courriel du 6 septembre 2019.

Sur l'alourdissement de la charge de travail

Il résulte des pièces versées aux débats que la charge de travail au service des ressources humaines était importante en 2014, lorsque Mme F... a été recrutée. L'employeur l'a parfaitement reconnu en lui accordant pour l'en remercier un 'bravo zulu'.

Des recrutement postérieurs en 2015 ont amélioré la situation puisque le service était composé de 7 agents. Une nouvelle période de sous effectif a été subie au cours de l'année 2016, en raison de nombreux départs dont ceux des salariées dénoncées par Mme F... au titre d'un harcèlement moral.

Sa charge de travail a été soulignée dans des remerciements qui lui ont été adressés le 11 juin 2016.

Cette situation s'est améliorée par la suite, avec de nouveaux recrutements.

Le climat tendu du service des relations humaines décrit par l'enquête conduite en 2016 et illustré également par la présente procédure, a contribué à des difficultés de recrutement et de fidélisation.

Dans un contexte où les pièces produites montrent, tant la reconnaissance de l'employeur pour le travail accompli que l'attention particulière portée à la résolution des conflits, et où aucune surcharge structurelle de travail n'est établie ni même alléguée, l'employeur justifie la situation de la salariée par des causes objectives étrangères à tout harcèlement.

Sur les non réponses de l'employeur à ses demandes d'ajustement de salaire

Par courriel du 29 juillet 2016, Mme F... a sollicité auprès de M. L..., son supérieur hiérarchique direct, une augmentation de salaire. Il lui a fait une réponse d'attente lorsqu'elle lui a rappelé sa demande par courriel du 25 août 2016.

M. L... lui a fait part le 14 octobre 2016 du refus de la direction et elle a demandé rendez-vous à M. J..., rendez-vous qui fut annulé le 17 novembre 2016, veille de sa convocation à un entretien préalable à un éventuel licenciement pour faute grave assorti d'une mise à pied à titre conservatoire.

L'employeur justifie par les échanges de courriels entre Mme F... et M. L..., son supérieur hiérarchique d'alors, qu'il a traité ses demandes d'augmentation de salaire en 2016.

Le fait qu'il n'ait pas été donné satisfaction aux prétentions salariales de Mme F... constitue un droit de l'employeur.

Sur la dégradation de l'état de la salariée

Mme F... justifie avoir subi un arrêt de travail le 18 novembre 2016.

Elle a repris son poste en février 2017.

L'Assurance Maladie a refusé de reconnaître le caractère professionnel de l'accident déclaré et Mme F... a formé un recours enregistré le 17 août 2017.

Il n'en demeure pas moins que cet arrêt de travail est contemporain de l'engagement de la procédure de licenciement pour faute grave et de sa mise à pied à titre conservatoire injustifiés.

Elle justifie par un certificat médical du 1er septembre 2020 avoir été reçue au sein de l'unité spécialisée d'accompagnement du psychotraumatisme du CH Ballanger en 2019 pour des entretiens psychothérapeutiques dans le cadre de souffrance au travail suite à des faits de harcèlement et justifie par ailleurs de deux déclarations d'accident de travail en juillet 2019 sans arrêt de travail, d'un suivi d'un aménagement de poste en septembre 2019.

Si ces derniers éléments médicaux caractérisent la souffrance de Mme F..., l'imputabilité de cet état à l'employeur est exclue, dès lors qu'il est démontré que la relation tendue de Mme F... avec Mme V... ne caractérise pas un harcèlement moral et que l'employeur justifie avoir traité avec attention cette situation.

Il sera surabondamment observé que Mme F... s'est plaint de harcèlement moral à l'égard d'un certain nombre de collègues et supérieurs hiérarchiques différents en l'espace de cinq ans.

Il résulte de l'ensemble de ces éléments que seule la procédure de licenciement engagée par l'employeur en novembre 2016 est injustifiée.

Ce fait isolé ne caractérise pas un harcèlement moral.

Le jugement entrepris qui a débouté Mme F... de sa demande de dommages et intérêts sera confirmé de ce chef.

Sur la discrimination syndicale

Aux termes de l'article L2141-5 du code du travail, 'Il est interdit à l'employeur de prendre en considération l'appartenance à un syndicat ou l'exercice d'une activité syndicale pour arrêter ses décisions en matière notamment de recrutement, de conduite et de répartition du travail, de formation professionnelle, d'avancement, de rémunération et d'octroi d'avantages sociaux, de mesures de discipline et de rupture du contrat de travail'.

Aux termes de l'article L2141-8 du code du travail, 'Les dispositions des articles L. 2141-5 à L. 2141-7 sont d'ordre public.

Toute mesure prise par l'employeur contrairement à ces dispositions est considérée comme abusive et donne lieu à dommages et intérêts'.

Mme F... fait valoir que la procédure de licenciement dont elle a fait l'objet le 18 novembre 2016 est liée à sa désignation comme représentante syndicale.

Il est constant qu'une procédure de licenciement a été engagée le 18 novembre 2016, soit le jour où Mme F... a été désignée comme représentante syndicale. Cependant, les versions contradictoires des parties sur l'initiative et la teneur de l'échange intervenu entre la salariée et M. L... avant que Mme F... ne quitte le bureau pour se rendre chez son médecin qui lui a prescrit un arrêt de travail et les pièces versées aux débats ne permettent pas de déterminer si l'information de l'employeur de l'imminence de la désignation de la salariée a précédé ou suivi l'engagement de la procédure de licenciement.

Si la salariée se prévaut de la décision de l'inspecteur du travail du 17 janvier 2017 qui a estimé qu'il existait un lien entre la demande d'autorisation de licenciement de l'employeur et le mandat détenu par la salariée, le tribunal administratif, dans son jugement du 30 mai 2018 a jugé le contraire, ainsi qu'il l'a déjà été développé dans la partie relative au harcèlement moral.

Il a aussi été considéré que quand bien même la procédure de licenciement n'a pas prospéré, l'employeur, qui produit des pièces relatives aux déclarations de Mme F... quant aux heures de nuit effectuées au cours du mois d'octobre 2016 caractérise au moins une anomalie puisque le 4 octobre 2016 Mme F... n'a pu en accomplir dès lors qu'elle était en RTT. Elle n'avait par ailleurs pas été vue par son supérieur M. N... aux jours indiqués où lui même était présent. L'employeur justifie donc d'une cause objective de la procédure de licenciement de Mme F... étrangère à son engagement syndical.

L'absence de discrimination syndicale est donc établie et le jugement sera confirmé de ce chef.

Sur la réparation des atteintes causées

Si la discrimination syndicale n'est pas caractérisée par la procédure de licenciement injustifiée, il résulte des pièces produites et notamment du jugement administratif susvisé que la procédure de licenciement pour faute grave assortie d'une mise à pied à titre conservatoire était injustifiée dès lors que la société requérante n'établissait pas la matérialité de l'ensemble des faits reprochés à Mme F... quant à des déclarations erronées, le doute devant profiter au salarié.

Mme F... qui a subi cette procédure vexatoire ainsi qu'une mise à pied à titre conservatoire injustifiée de plusieurs semaines, justifie à ce titre d'un préjudice moral résultant du comportement fautif de l'employeur.

Elle justifie par ailleurs d'un préjudice financier lié à la non rémunération de ses heures de nuit déclarées en octobre 2016, à l'exception de celles du 4 octobre où elle était en RTT, outre la perte des heures de nuit qu'elle aurait pu effectuer si elle n'avait pas été mise à pied entre le 18 novembre 2016 et le 31 janvier 2017, sur la base de 35 heures par mois, qui constitue l'exacte moyenne des heures de nuit déclarées sur la période novembre-janvier des années 2015, 2017, 2018 et 2019. Elle justifie donc bien d'un préjudice de 2.220,62€ à ce titre.

La société FedEx sera donc condamnée à lui payer une somme de 8.000€ en réparation du préjudice moral et financier résultant de la procédure de licenciement injustifiée et du maintien de la mise à pied à titre conservatoire

Le jugement entrepris qui l'a déboutée de sa demande de dommages et intérêts sera infirmé de ce chef.

Sur l'entrave à l'exercice syndical

L'article L2146-1 du code du travail sanctionne comme un délit le fait d'apporter une entrave à l'exercice du droit syndical.

L'employeur, qui avait été informé par l'inspecteur du travail dès le 23 décembre 2016 de la nullité de la décision de mise à pied de Mme F..., dès lors qu'elle ne lui avait pas été notifiée dans les 48 heures, a néanmoins maintenu cette mesure injustifiée jusqu'au 31 janvier 2017.

La salariée justifie donc de l'entrave à l'exercice de son droit syndical par son employeur à cette occasion, peu important qu'elle ait été par ailleurs en arrêt de travail.

Il résulte des pièces produites aux débats que Mme V..., en sa qualité d'acting manager, a interpellé la salariée sur ses absences à deux réunions de service.

Si les absences de la salariée étaient justifiées par l'exercice de son mandat syndical, le délit d'entrave que Mme F... a dénoncé à son employeur par courriel du 23 septembre 2019, qui a donné lieu à des vérifications immédiates de la part de ce dernier, comme analysé plus haut, n'est pas caractérisé dans un contexte où la preuve n'est pas rapportée que la salariée a effectivement informé sa supérieure de son indisponibilité pour raisons syndicales.

Le fait qu'un huissier soit intervenu à cette occasion ne saurait être reproché à l'employeur dès lors que la salariée avait souscrit à cette procédure.

Elle ne caractérise aucune entrave à l'exercice de ses fonctions syndicales depuis le 31 décembre 2016.

La société FedEx sera donc condamnée à payer une somme de 1.500€ en réparation du préjudice causée à la salariée dans l'exercice de ses fonctions syndicales.

Le jugement entrepris sera infirmé de ce chef.

Sur les frais irrépétibles

La société FedEx sera condamnée aux dépens de l'instance d'appel et conservera la charge de ses frais irrépétibles.

L'équité et les circonstances de la cause commandent de faire application de l'article 700 du code de procédure civile au bénéfice de Mme F... et de condamner la société FedEx à lui verser une somme de 3.000€ à ce titre.

PAR CES MOTIFS,

LA COUR,

CONFIRME le jugement sauf en ce qu'il a débouté Mme F... de sa demande de dommages et intérêts au titre des préjudices financier et moral résultant de la procédure de licenciement du 18 novembre 2016 et au titre de l'entrave portée à l'exercice du droit syndical et condamné la salariée aux dépens de l'instance ;

Et statuant à nouveau sur les chefs infirmés et y ajoutant,

CONDAMNE la société FedEx à payer à Mme F... les sommes suivantes :

- 8.000€ en réparation des préjudices résultant de la procédure de licenciement injustifiée du 18 novembre 2016,

- 1.500€ en réparation du préjudice résultant de l'entrave portée à l'exercice du droit syndical,

DIT que les dommages et intérêts alloués sont assortis d'intérêts au taux légal à compter de la présente décision ;

CONDAMNE la société FedEx aux dépens ;

CONDAMNE la société FedEx à payer à Mme F... la somme de 3.000€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

DÉBOUTE la société FedEx de sa demande présentée au titre des frais irrépétibles.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 6
Numéro d'arrêt : 18/10337
Date de la décision : 02/12/2020

Références :

Cour d'appel de Paris K6, arrêt n°18/10337 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2020-12-02;18.10337 ?
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