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02/12/2020 | FRANCE | N°18/05343

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 10, 02 décembre 2020, 18/05343


REPUBLIQUE FRANCAISE


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS








COUR D'APPEL DE PARIS





Pôle 6 - Chambre 10





ARRET DU 02 DECEMBRE 2020





(n° , pages)





Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 18/05343 - N° Portalis 35L7-V-B7C-B5QBF





Décision déférée à la Cour : Jugement du 19 Mars 2018 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS - RG n° F16/01334








APPELANT





Monsieur L..

. O...


[...]


[...]


né le [...] à PARIS (75000)





Représenté par Me Frédérique ETEVENARD, avocat au barreau de PARIS, toque : K0065








INTIMEE





SASU AUREL BGC Prise en la personne de son représentant légal domici...

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 10

ARRET DU 02 DECEMBRE 2020

(n° , pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 18/05343 - N° Portalis 35L7-V-B7C-B5QBF

Décision déférée à la Cour : Jugement du 19 Mars 2018 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS - RG n° F16/01334

APPELANT

Monsieur L... O...

[...]

[...]

né le [...] à PARIS (75000)

Représenté par Me Frédérique ETEVENARD, avocat au barreau de PARIS, toque : K0065

INTIMEE

SASU AUREL BGC Prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège [...]

[...]

N° SIRET : 652 05 1 1 78

Représentée par Me Eric MANCA, avocat au barreau de PARIS, toque : P0438

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 06 Octobre 2020, en audience publique, devant la Cour composée de :

Madame Marie-Antoinette COLAS, Présidente de Chambre

Monsieur Nicolas TRUC, Président de chambre,

Madame Florence OLLIVIER, Vice Présidente placée faisant fonction de Conseillère par ordonnance du Premier Président en date du 27 août 2020

Greffier, lors des débats : M. Julian LAUNAY

ARRET :

- Contradictoire

- mis à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.

- signé par Madame Marie-Antoinette COLAS, Présidente de Chambre et par Monsieur Julian LAUNAY, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSE DU LITIGE

Monsieur L... O... a été embauché suivant un contrat de travail à durée indéterminée du 19 mai 2010, à effet au 1er juin 2010, en qualité de «Desk Head», par la société Aurel BCG.

Les relations de travail étaient régies par la convention collective de la Bourse devenue convention collective des activités de marchés financiers le 11 juin 2010.

La rémunération du salarié était composée d'une part fixe et d'une part variable annuelle.

Invoquant l'existence de manquements de la part de son employeur quant au paiement de la part variable de sa rémunération, Monsieur L... O... a, le 5 février 2016, saisi le conseil de prud'hommes de Paris d'une demande de résiliation judiciaire de son contrat de travail.

Après avoir été convoqué à un entretien préalable le 16 mars 2017, le salarié a été licencié pour motif personnel le 22 mars 2017.

Par jugement du 19 mars 2018, le conseil de prud'hommes de Paris a débouté le salarié de ses demandes de résiliation judiciaire du contrat de travail, d'indemnités pour licenciement nul ou sans cause réelle et sérieuse et de ses demandes de rappels de rémunération variable et d'indemnités diverses, l'a condamné aux dépens et a débouté la société de sa demande sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.

Monsieur L... O..., ayant constitué avocat, a interjeté appel de cette décision par déclaration transmise au greffe de la cour d'appel par le réseau privé virtuel des avocats, le 12 avril 2018.

Dans ses dernières écritures transmises par le réseau privé virtuel des avocats, auxquelles il est renvoyé pour un plus ample exposé des faits, prétentions et moyens développés, Monsieur L... O... demande à la cour d'infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions et de :

- annuler le forfait jour appliqué,

- prononcer la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts exclusifs de l'employeur,

- fixer sa rémunération mensuelle à la somme de 18629,59 euros,

- fixer la date de la rupture à la date du prononcé de l'arrêt à intervenir,

- requalifier la rupture en licenciement nul,

- condamner la société à lui verser les sommes suivantes avec intérêts au taux légal et capitalisation des intérêts :

-220000 euros au titre de l'indemnité de licenciement nul, ou, à titre subsidiaire, pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

-12104 euros à titre de solde variable sur CA Q2 2013,

-49661 euros à titre de solde variable sur CA 2014,

-88455 euros à titre de solde variable sur CA 2015,

-42909 euros à titre de solde variable sur CA 2016,

-43219 euros à titre de solde RSU actions BCG perdues,

-20741,76 euros à titre de rappel d'indemnité de préavis,

-2074,17 euros à titre de rappel de congés payés sur préavis,

-36129,53 euros à titre de rappel d'indemnité de licenciement,

-100000 euros à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral et exécution déloyale du contrat de travail,

-50000 euros à titre de dommages et intérêts pour manquement à l'obligation de sécurité,

-50000 euros à titre de dommages et intérêts pour heures supplémentaires,

-111777,48 euros à titre d'indemnité pour travail dissimulé,

-8200 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, outre les dépens,

- juger que l'entreprise devra abonder son compte personnel de formation de 100 heures,

- ordonner la publication du dispositif de l'arrêt par la société au sein du journal «Les Echos», sous astreinte de 1000 euros par jour de retard,

- rembourser à Pôle emploi les allocations perçues,

- juger que le salarié aura droit au maintien du bénéfice des garanties santé prévoyance pendant les 12 mois suivants la rupture de son contrat,

- ordonner la remise des documents de fin de contrat sous astreinte de 100 euros par jour de retard et par document, la cour se réservant le contentieux de la liquidation.

Dans ses dernières écritures transmises par le réseau privé virtuel des avocats, auxquelles il est renvoyé pour un plus ample exposé des faits, prétentions et moyens développés, la société Aurel BCG demande à la cour de confirmer le jugement entrepris, de débouter Monsieur L... O... de ses demandes et de le condamner à lui verser la somme de 5000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, outre les dépens.

Monsieur L... O... fait valoir que :

' la société a refusé de manière injustifiée de lui régler la rémunération variable qui lui était due, le management s'étant octroyé directement une partie du chiffre d'affaires généré par son activité, sans contrôle, ni méthodologie,

' il a subi des faits de harcèlement moral (refus de payer la rémunération, menaces, brimades, pressions, absence d'entretien professionnel, remplacement dans ses fonctions, mise en 'uvre d'un processus d'évaluation professionnelle harcelant, rapport du CHSCT établi de toute pièces par la direction),

' la société n'a pas respecté son obligation de sécurité en termes de protection de la santé mentale et physique des salariés et de prévention des risques sociaux,

' le forfait jours est nul et la société n'a pas contrôlé son temps de travail,

' il a accompli des heures supplémentaires qui n'ont pas été rémunérées,

' le licenciement est en réalité motivé par la dénonciation des faits de harcèlement moral par le salarié,

' la société a volontairement eu recours au travail dissimulé,

' la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts exclusif de l'employeur est justifiée par ces nombreux manquements.

La société fait valoir que :

'la rémunération variable a parfaitement était payée au salarié, il n'a pas été victime de harcèlement moral et elle n'a pas manqué à son obligation de sécurité ; les prétendus manquements invoqués par le salarié ne sont pas caractérisés de sorte que la résiliation judiciaire de son contrat de travail est infondée,

' le licenciement est sans lien avec la demande de résiliation judiciaire du salarié,

' le licenciement est justifié par l'absence de renforcement et développement du Desk et de son activité, la dégradation du comportement du salarié ayant débouché sur une situation de blocage, une baisse significative de ses résultats,

' le forfait jours est applicable, le salarié ayant accepté les termes de son contrat sans réserve et n'ayant jamais contesté l'application dudit forfait,

' Monsieur L... O... ne démontre pas la réalité des prétendues heures supplémentaires réalisées,

' il bénéficiait d'entretiens informels évoquant ses perspectives d'évolution de sorte que la demande d'abondement du compte personnel sera rejetée,

' le contentieux actuel est individuel de sorte que la demande de publication dans le journal «Les Echos» sera rejetée.

L'ordonnance de clôture a été prononcée le 30 septembre 2020 et l'audience de plaidoirie s'est tenue le 6 octobre 2020.

MOTIFS

Sur le forfait jour et les heures supplémentaires

L'alinéa 11 du Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 ainsi que l'article 151 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne qui se réfère à la Charte sociale européenne révisée ainsi qu'à la Charte communautaire des droits sociaux fondamentaux des travailleurs de 1989, garantissent le droit à la santé et au repos de tout travailleur.

Aux termes de l'article L.3121-39 du Code du travail, dans sa rédaction applicable, la conclusion de conventions individuelles de forfait, en heures ou en jours, sur l'année est prévue par un accord collectif d'entreprise ou d'établissement ou, à défaut, par une convention ou un accord de branche. Cet accord collectif préalable détermine les catégories de salariés susceptibles de conclure une convention individuelle de forfait, ainsi que la durée annuelle du travail à partir de laquelle le forfait est établi, et fixe les caractéristiques principales de ces conventions.

Aux termes de l'article L. 3121-43 du Code du travail, dans sa rédaction applicable, peuvent conclure une convention de forfait en jours sur l'année, dans la limite de la durée annuelle de travail fixée par l'accord collectif prévu à l'article L. 3121-39 :

1° Les cadres qui disposent d'une autonomie dans l'organisation de leur emploi du temps et dont la nature des fonctions ne les conduit pas à suivre l'horaire collectif applicable au sein de l'atelier, du service ou de l'équipe auquel ils sont intégrés ;

2° Les salariés dont la durée du temps de travail ne peut être prédéterminée et qui disposent d'une réelle autonomie dans l'organisation de leur emploi du temps pour l'exercice des responsabilités qui leur sont confiées.

L'article L. 3121-46 du même code, dans sa rédaction applicable, dispose qu'un entretien annuel individuel est organisé par l'employeur, avec chaque salarié ayant conclu une convention de forfait en jours sur l'année. Il porte sur la charge de travail du salarié, l'organisation du travail dans l'entreprise, l'articulation entre l'activité professionnelle et la vie personnelle et familiale, ainsi que sur la rémunération du salarié.

Contrairement aux allégations du salarié relatives à l'application de la convention collective Syntec, le contrat de travail stipulait expressément que la convention collective de la bourse était applicable, étant précisé que les bulletins de salaire versés aux débats mentionne la convention collective des activités de marchés financiers, qui a remplacé la convention collective de la bourse le 11 juin 2010. La cour souligne également, en tant que de besoin, qu'il n'est nullement établi que l'activité principale de la société, qui est une entreprise d'investissement exerçant une activité réglementée d'intermédiation sur les marchés de capitaux, devait conduire à l'application de la convention collective Syntec.

L'accord d'entreprise en date du 23 mai 2000, applicable lors de la signature du contrat de travail, prévoyait que «les métiers concernés par les conventions de forfait sont notamment : les assistants traders, les traders et les vendeurs, les analystes financiers, les gérants et les commerciaux Leven Gestion, les responsables de département.

La durée annuelle de travail sera de 213 jours avec bénéfice de 13 jours de repos pour l'année 2000. 7 jours de repos seront à prendre pendant l'été et le reste au fur et à mesure de leur acquisition. Chaque année, la direction notifie aux salariés du nombre de jours de repos pour l'année.

Par la suite, chaque cadre établit mensuellement le décompte de ses jours de repos pris et restant à prendre, et le communique à son responsable hiérarchique ainsi qu'au service chargé de l'administration du personnel, pour permettre leur suivi.»

Cet accord renvoyait à l'article 9 de l'accord de branche du 23 décembre 1999 relatif à la réduction du temps de travail, applicable lors de la signature du contrat de travail, qui prévoyait notamment que «l'employeur doit s'assurer que sont réunies les conditions de la prise effective par les intéressés de leurs jours de repos dans le délai prévu à l'article 9-2-3 et du respect des limites fixées par les articles L. 220-1, L. 221-2 et L. 221-4 du Code du travail et veiller à ce que l'organisation de leur temps de travail quotidien, hebdomadaire ou mensuel soit en cohérence avec ces exigences».

L'accord d'entreprise sur la durée et l'organisation du temps de travail du 19 septembre 2014, qui a remplacé l'accord du 23 mai 2000, prévoit, notamment, que «l'employeur doit s'assurer que sont réunies les conditions de la prise effective par les intéressés de leurs jours de repos et du respect des limites fixées par les articles L.3131-1, L3132-1 et L.3132-2 du code du travail, et veiller à ce que l'organisation de leur temps de travail quotidien, hebdomadaire ou mensuel soit en cohérence avec ces exigences. Ainsi, l'amplitude des journées d'activité et la charge de travail des cadres au forfait devront rester raisonnables et assurer une bonne répartition dans le temps du travail des intéressés», que «afin de décompter le nombre de journées ou de demi-journées travaillées, ainsi que celui des journées ou demi-journées de repos prises, un système informatique est mis à disposition des salariés faisant apparaître le nombre et la date des journées ou demi-journées travaillées, ainsi que le positionnement et la qualification des jours de repos en repos hebdomadaires, congés payés, congés conventionnels ou jours de repos auxquels le salarié n'a pas renoncé», que «le supérieur hiérarchique du salarié ayant conclu une convention de forfait défini en jours assure le suivi régulier de l'organisation du travail de l'intéressé et de sa charge de travail» et que, «en outre, le salarié ayant conclu une convention de forfait défini en jours bénéficie, chaque année, d'un entretien avec son supérieur hiérarchique au cours duquel seront évoquées notamment l'organisation et la charge de travail de l'intéressé et l'amplitude de ses journées d'activité, l'équilibre vie privée/vie professionnelle.»

Le contrat de travail de Monsieur L... O... stipulait qu'il bénéficiait d'un forfait annuel en jours de 214 jours conformément aux dispositions de la convention collective applicable à la société.

La cour observe, en l'espèce, que la société ne justifie ni de la prise effective par Monsieur L... O... de ses jours de repos, ni de la tenue des entretiens individuels annuels relatifs à l'organisation et à la charge de travail, à l'amplitude de ses journées et à l'équilibre vie privée/vie professionnelle, ni d'un quelconque contrôle de la charge de travail du salarié, destiné à garantir la protection de la sécurité et de la santé de ce dernier, à l'exception d'un unique entretien qui s'est tenu le 24 janvier 2017, dans lequel le salarié se plaint de sa «charge de travail extrêmement importante lors de transaction» et que «ces jours ne sont pas rattrapés ensuite», la société se contentant alors de répondre qu'elle ne partageait pas son analyse et renvoyant aux précédents échanges avec le salarié sur ce sujet, sans que ceux-ci ne soient communiqués à la cour.

Dès lors, la convention de forfait est privée d'effet à l'égard du salarié, et les dispositions du Code du travail relatives à la durée légale du travail et aux heures supplémentaires sont applicables.

Si Monsieur L... O... apporte des éléments, et notamment des échanges de courriers électroniques et des plannings, pour étayer la réalité des heures supplémentaires accomplies et si la société n'apporte aucun élément pour justifier du temps de travail effectif du salarié, ce dernier ne produit aucun élément précis sur le quantum de ces heures supplémentaires, dont il ne sollicite pas le paiement.

Il ressort, toutefois, des pièces versées aux débats que Monsieur L... O... travaillait même lorsqu'il était en vacances ou en arrêt de travail, de sorte que l'employeur, en appliquant une convention de forfait sans aucun contrôle du temps de travail du salarié et sollicitant ce dernier même lors de ses congés, quels que soient leurs motifs, a causé un préjudice à la santé et à la sécurité de Monsieur L... O..., qu'il convient d'indemniser à hauteur de 5000 euros.

Le jugement déféré ayant débouté Monsieur L... O... de cette demande sera infirmé et la société sera condamnée au paiement de cette somme.

Sur la rémunération variable

Aux termes de l'article 1134 du code civil, dans sa rédaction applicable, les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites.

Le contrat de travail stipulait :

«Il vous sera versé en douze mensualités égales un salaire fixe annuel d'un montant de 70000 euros bruts (le «salaire fixe»).

Vous bénéficierez d'une rémunération variable brute annuelle, indemnité de congés payés incluse, correspondant à 70 % du bonus pool (le «Bonus Pool»). Le Bonus Pool sera calculé à hauteur de 35 % du chiffre d'affaires net (le «Chiffre d'affaires Net»), duquel seront déduits les «Coûts Salariaux» et les montants éventuellement prélevés au titre souscription/attribution de droits/parts/actions (en lieu et place de rémunérations brutes) et ce, y compris toutes restrictions/stipulations annexes, selon les modalités et conditions définies dans le dossier de souscription/attribution qui sera remis personnellement aux membres du Desk à cette occasion. (')

«Coûts Salariaux» signifie toute rémunération fixe brute annuelle, y compris les rémunérations fixes prévues par la loi ou par tout accord collectif applicable ainsi que les avantages sociaux dont les membres du Desk pourraient bénéficier (comprenant toutes sommes payées ou provisionnées au titre des accords de participation ou d'intéressement et le coût réel des avantages en nature), ainsi que les frais de voyages et de représentation, comprenant mais non limités aux activités promotionnelles (dans la mesure où de telles dépenses excèdent 3 % du Chiffres d'Affaires Net généré par les membres du Desk) au titre de la période de référence ;

«Chiffres d'Affaires Net» signifie le chiffre d'affaires généré par les membres du Desk au cours de ladite période de référence (tel que déterminée par la Société en application de ses pratiques et de ses règles comptables) après déduction de toute rétrocession à des tiers, à d'autres départements de la société ou à des sociétés du groupe (ex Charity Day...) et des frais éventuels d'exécution, de marché et de sous-traitance ainsi que des erreurs liées aux opérations et des factures impayées par les clients de la société et tout recouvrement y afférent.

La période de référence («Bonus Year») pour les paiements visés au présent accord s'entend de la période de 12 mois qui court à compter du 1er janvier au 31 décembre ou toute autre période telle que déterminée par la société conformément à ses pratiques et ses règles comptables.

Sous réserve des dispositions ci-dessus, tout acompte sur rémunération variable qui vous serait due en application de cet article 3, vous sera versé trimestriellement sous forme d'avances (à hauteur de 90 % de son montant) conformément aux règles de la société (') et sous réserve que, à la date à laquelle ladite rémunération variable est due, vous fassiez toujours partie des effectifs de la société, que vous soyez en fonction,que vous n'ayez pas résilié votre contrat ou tenté d'obtenir d'être libéré de vos engagements aux termes du présent contrat, et que vous ne fassiez pas l'objet d'une procédure disciplinaire. En pareil cas, vous n'aurez doit à aucune rémunération variable. Le solde éventuel vous sera versé au plus tard dans les deux mois suivant la fin de chaque période de référence telle que définie ci-dessus.

Une portion de tout bonus ou de toute autre rémunération (hors salaire fixe), jusqu' à 10 % de votre rémunération totale due au titre de la période de référence (Bonus Year), déterminée par la société de manière discrétionnaire, pourrait consister en la souscription/attribution de droits/parts/actions (en lieu et place de rémunérations brutes) et ce, y compris toutes restrictions/stipulations annexes, selon les modalités et conditions définies dans le dossier de souscription/attribution qui vous sera remis personnellement à cette occasion.»

Suivant un avenant en date du 1er octobre 2015, le salaire fixe annuel de Monsieur L... O... a été augmenté à 100000 euros bruts.

La cour rappelle qu'à défaut d'un accord entre l'employeur et le salarié sur le montant de sa rémunération variable, il incombe au juge de déterminer celle-ci en fonction des critères visés au contrat et des accords conclus les années précédentes ; le salarié doit pouvoir vérifier que le calcul de sa rémunération a été effectué conformément aux modalités prévues par le contrat de travail et, lorsque le calcul de la rémunération dépend d'éléments détenus par l'employeur, celui-ci est tenu de les produire en vue d'une discussion contradictoire.

En l'espèce, la société, qui se contente de communiquer des tableaux de chiffres certifiés exacts par le directeur général de la société et l'attestation de Monsieur C..., président de la société, pièces non probantes en raison de la qualité de leurs auteurs, ne verse pas aux débats les éléments permettant de calculer la rémunération variable du salarié, et notamment les éléments comptables relatifs aux chiffres d'affaires, aux chiffres d'affaires nets et aux coûts salariaux déduits du chiffre d'affaires nets.

La cour souligne, également, que l'employeur ne justifie pas de la nature ni du montant des coûts salariaux effectivement déduits des chiffres d'affaires nets réalisés par Monsieur L... O..., ni de ceux des rétrocessions, des frais éventuels d'exécution, de marché et de sous-traitance, des erreurs liées aux opérations ou des factures impayées effectivement déduits du chiffre d'affaires réalisés par le salarié, à l'exception d'une seule facture d'un cabinet d'avocats pour le dossier Agripole, datée du 5 décembre 2014.

Au vu des circonstances de la cause et des éléments de calcul versés aux débats par le salarié, la cour relève que celui-ci est bien fondé à solliciter le paiement d'un rappel de rémunération variable à hauteur de 12104 euros pour l'année 2013, 49661 euros pour l'année 2014, 88455 euros pour l'année 2015, 42909 euros pour l'année 2016.

S'agissant de la rémunération sous la forme d'attribution d'actions, leur acquisition définitive était prévue deux ans après leur attribution et conditionnée par la présence du salarié dans l'entreprise, de sorte que Monsieur L... O... ne peut solliciter le paiement des actions qui devaient être attribuées dans le délai de deux ans précédant son licenciement, mais est bien fondé à solliciter le paiement de la somme de 9713 euros au titre de l'attribution d'actions qui devait intervenir avant le 22 mars 2015.

Le jugement déféré sera infirmé sur ce point et la société sera condamnée au paiement de ces sommes.

Sur le harcèlement moral

L'employeur, tenu d'une obligation de sécurité de résultat, doit assurer la protection de la santé et de la sécurité des travailleurs dans l'entreprise et notamment prévenir les faits de harcèlement moral.

Dès lors que de tels faits sont avérés, la responsabilité de l'employeur est engagée, ce dernier devant répondre des agissements des personnes qui exercent de fait ou de droit une autorité sur les salariés.

Selon les dispositions de l'article L.1152-1 du Code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

L'article L. 1152-2 dispose qu'aucun salarié ne peut être licencié pour avoir subi des agissements répétés de harcèlement moral ou pour avoir témoigné de tels agissements ou les avoir relatés.

Enfin, l'article L. 1154-1 prévoit, qu'en cas de litige, si le salarié concerné présente des éléments de faits qui laissent supposer l'existence d'un harcèlement et, au vu de ces éléments, il incombe à l'employeur de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.

En l'espèce, Monsieur L... O... invoque les faits suivants :

- le refus de payer sa rémunération variable malgré ses multiples demandes, la privation soudaine du reporting de son chiffre d'affaires et l'oubli de rembourser les notes de frais,

- les menaces dont il a fait l'objet par son supérieur hiérarchique,

- les brimades en le déplaçant dans un bureau réduit, à l'opposé de ses collègues, après sa saisine du conseil de prud'hommes,

- les pressions subies (enquête du CHSCT, entretien annuel, sollicitations pendant ses congés, arrêts maladie, fausse information sur une prétendue transaction afin de faire cesser la saisine pour harcèlement)

- l'absence d'entretiens professionnels,

- son remplacement par un autre salarié dans ses fonctions,

- la mise en 'uvre d'un processus d'évaluation professionnelle harcelant, après cinq années sans aucune évaluation,

- l'établissement d'un rapport du CHSCT monté de toute pièce par la société elle même,

- la dégradation de son état de santé,

- l'absence de formation, à l'exception d'une formation le 23 novembre 2015.

Pour étayer ses affirmations, Monsieur L... O... produit notamment :

- des certificats médicaux et des arrêts de travail,

- des attestations de ses collègues de travail indiquant qu'il était «très fatigué nerveusement, las des tensions subies» ou «usé nerveusement»,

- des courriers électroniques attestant de la saisine par lui de l'inspection du travail et du CHSCT,

- des courriers électroniques du 28 octobre 2016 dans lesquels il demande à des collègues, qui ont répondu de manière affirmative, s'ils avaient reçu leur fichier excel récapitulant leur chiffre d'affaires,

- l'échange de courriers électroniques du 24 et 25 octobre 2016 relatifs au paiement des notes de frais de juin, juillet, août et septembre, l'employeur faisant état d'un oubli,

- les échanges de courriers électroniques avec Monsieur M..., relatifs au paiement de la rémunération variable de Monsieur L... O..., et dans lequel ce dernier fait état de «l'agressivité de la réunion de lundi dernier»,

- le procès-verbal de la réunion du CHSCT du 13 avril 2018 dans lequel il est indiqué que A... U..., directeur général, a tenu, au cours d'un entretien datant de presqu'un an, les propos suivants à un membre de la délégation unique du personnel « tu sais, nous, les salariés récalcitrants, on leur casse les genoux»,

- les attestations de Monsieur R... et de Monsieur W..., de Monsieur P..., de Madame X..., de Monsieur K... et de Monsieur S..., sur le changement de bureau du salarié, faisant état de son éloignement avec ses collaborateurs et de la réduction de son espace de travail,

- les échanges de courriers électroniques relatifs à son évaluation au mois de janvier 2017,

- les éléments d'enquête du CHSCT, notamment le questionnaire d'enquête de Monsieur L... O... comprenant des questions débutant par « votre grief étant en l'état dépourvu de toute matière», et les conclusions de l'enquête, selon lesquelles « les informations collectées n'avaient pas permis de mettre en lumière de quelconques faits de harcèlement», « les déclarations de Monsieur L... O... restent particulièrement vagues», « ses divergences avec la direction sur sa rémunération variable semblent être à l'origine de sa dénonciation» et « cette motivation ressort de la suite de son audition puisque Monsieur L... O... a cherché à discréditer la légitimité de l'enquête ainsi que l'indépendance des membres du CHSCT»,

- la synthèse du rapport du cabinet Technologia sur les risques psychosociaux dans l'entreprise, présentée au CHSCT le 24 juin 2015, faisant état d'un manque de transparence de la part de la direction sur le calcul de la rémunération des salariés, à l'origine d'un sentiment d'injustice chez ces derniers.

Les affirmations du salarié relatives à la diffusion d'une fausse rumeur concernant la signature d'une éventuelle transaction et à son remplacement au sein de la société ne sont pas suffisamment étayées par les pièces versées aux débats.

Les autres faits, matériellement établis pris dans leur ensemble, laissent supposer l'existence d'un harcèlement moral.

Pour justifier ses agissements, la société fait valoir qu'une enquête a été menée par le CHSCT, qui a conclu à l'absence de harcèlement moral, que les calculs de la rémunération variable étaient justes, que les pièces communiquées par le salarié ne démontrent pas l'existence de la moindre menace, que Monsieur L... O... était informé de son changement de bureau qui se justifiait car le salarié se trouvait seul dans son bureau à la suite du départ de Monsieur E..., qu'il a été décidé de le regrouper avec les autres salariés ayant la même activité «corporate» que lui et qu'il a choisi son emplacement dans le bureau, que les attestations versées aux débats par le salarié ont été rédigées par des salariés avec lesquels elle est en litige, que la décision de ne plus remettre aux salariés de tableau récapitulatif du chiffre d'affaires trimestriel a impacté l'ensemble des «brokers» et pas seulement Monsieur L... O..., que le processus d'évaluation a été mis en 'uvre par la société en début d'année 2015, pour l'année 2014, à la demande des salariés, que la mise en 'uvre d'un processus annuel d'évaluation ne saurait être considérée comme une mesure de harcèlement moral et qu'elle n'a jamais imposé à Monsieur L... O... de travailler durant ses congés et arrêts maladie.

La cour souligne, à titre liminaire, que l'employeur ne saurait se retrancher derrière les conclusions du CHSCT pour démontrer l'absence de harcèlement moral, d'autant qu'il n'apporte pas de justification objective sur l'énoncé du début des questions posées à Monsieur L... O... dans le questionnaire (« votre grief étant en l'état dépourvu de toute matière») et sur l'absence d'auditions d'autres salariés de la société, laissant supposer un manque d'impartialité dans la conduite de cette enquête.

Il résulte des développements précédents que la société ne justifie pas du refus de payer au salarié la rémunération variable à laquelle il pouvait prétendre et qu'il lui appartenait de contrôler la charge de travail du salarié, sans pouvoir se retrancher derrière le fait que celui-ci s'imposait lui-même une telle charge.

La cour observe s'agissant de la communication des tableaux récapitulatifs du chiffre d'affaires, que la décision collective concernait l'accès au fichier et pas sa communication au salarié au moment du paiement, que l'employeur indique lui-même au comité d'entreprise le 31 août 2016 que ces tableaux sont communiqués aux salariés au moment du paiement de la rémunération variable, de sorte qu'il est démontré que l'absence de communication de ces tableaux à Monsieur L... O... au moment du paiement ne reposait pas sur des éléments objectifs.

De même, l'employeur n'explique pas, par des éléments objectifs, l'absence de formation de Monsieur L... O... pendant toute la durée d'exécution du contrat de travail, à l'exception d'une journée, ni pour quels motifs il a été décidé de procéder à son évaluation au mois de janvier 2017, alors qu'il n'avait pas été évalué jusqu'alors, ou de le changer de bureau, les affirmations de l'employeur relatives à la nécessité de le rapprocher de salariés ayant la même activité n'étant nullement confirmées par les pièces du dossier, l'attestation de Monsieur C... étant, sur ce point également, non probante en raison de sa qualité.

Il résulte de l'ensemble de ces éléments que la société échoue à démontrer, par des éléments objectifs, que les agissements dénoncés étaient étrangers à tout fait de harcèlement moral.

Monsieur L... O... est donc bien fondé à solliciter le paiement de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi, que la cour évalue à la somme de 8000 euros.

Le jugement déféré sera infirmé sur ce point et la société sera condamnée au paiement de cette somme.

Sur la rupture du contrat de travail

Lorsqu'un salarié demande la résiliation judiciaire de son contrat de travail en raison de faits qu'il reproche à son employeur, tout en continuant à travailler à son service, et que ce dernier le licencie ultérieurement pour d'autres faits survenus au cours de la poursuite du contrat, le juge doit d'abord rechercher si la demande de résiliation du contrat était justifiée. C'est seulement dans le cas contraire qu'il doit se prononcer sur le licenciement notifié par l'employeur.

Lorsque le salarié n'est plus au service de son employeur au jour où il est statué sur la demande de résiliation judiciaire, cette dernière prend effet, si le juge la prononce, au jour du licenciement.

Pour fonder une résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de l'employeur, et produisant les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, il convient de rapporter la preuve de manquements de l'employeur à ses obligations suffisamment graves pour empêcher la poursuite de la relation de travail.

En l'espèce, Monsieur L... O... invoque le non paiement de l'intégralité de sa rémunération variable, les faits de harcèlement moral et l'application d'une convention de forfait sans contrôle de sa charge de travail ; il résulte des développements précédents que ces manquements sont établis. Ils sont suffisamment graves pour empêcher la poursuite de la relation de travail.

Il convient par conséquent de faire droit à la demande de résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de la société à la date du 22 mars 2017, date du licenciement.

La résiliation, motivée notamment par les faits de harcèlement moral, produira les effets d'un licenciement nul, en application des dispositions de l'article L. 1152-3 du Code du travail.

Sur les conséquences de la rupture aux torts de l'employeur

Il résulte des éléments du dossier, et notamment des bulletins de salaire de Monsieur L... O..., qu'à la date du licenciement, il percevait une rémunération mensuelle brute de 17077,65 euros, rémunération variable incluse, qu'il avait 38 ans et bénéficiait d'une ancienneté de six ans, neuf mois et vingt-deux jours au sein de l'établissement.

Il ne justifie pas de sa situation personnelle et professionnelle après son licenciement.

Sur l'indemnité compensatrice de préavis

L'employeur est tenu au paiement d'une indemnité compensatrice de préavis pour toute la durée où le salarié aurait dû l'effectuer, soit deux mois en l'espèce, et Monsieur L... O..., qui a perçu la somme de 16668,66 euros à ce titre, est bien fondé à solliciter le paiement d'un complément d'indemnité compensatrice de préavis, d'un montant de 17486,64 euros, outre les congés payés y afférents d'un montant de 1748,66 euros.

Sur l'indemnité de licenciement

S'agissant de l'indemnité de licenciement, la convention collective prévoit qu'elle est calculée sur la moyenne des appointements fixes bruts perçus par l'intéressé au cours de douze derniers mois. Elle est égale à un demi-mois par année d'ancienneté. Elle est plafonnée à douze mois.

Monsieur L... O... a perçu la somme de 29074 euros en application de ces dispositions, étant précisé que c'est à bon droit que l'employeur n'a pas inclus la rémunération variable dans son calcul. La cour observe toutefois que Monsieur L... O... aurait dû percevoir la somme de 29166,65 euros. L'employeur reste redevable de la somme de 92,65 euros. Le jugement déféré sera infirmé sur ce point et la société sera condamnée au paiement de cette somme.

Sur l'indemnité pour licenciement nul

Compte tenu notamment de l'effectif de l'entreprise, du montant de la rémunération versée à Monsieur L... O..., de son âge, de son ancienneté, de sa capacité à trouver un nouvel emploi eu égard à sa formation et à son expérience professionnelle et des conséquences du licenciement à son égard, tels qu'ils résultent des pièces et des explications fournies, il y a lieu de lui allouer, la somme de 120000 euros pour licenciement nul. Le jugement déféré sera infirmé sur ce point et la société sera condamnée au paiement de cette somme.

La cour relève que Monsieur L... O... ne justifie d'aucun préjudice distinct de celui qui résulte de la perte de son emploi.

En revanche, les manquements de l'employeur s'agissant des faits de harcèlement moral, du rappel de salaire pour les heures supplémentaires et des primes variables caractérisent une exécution déloyale du contrat de travail à l'origine d'un préjudice que la cour évalue à la somme de 3.000 euros.

En conséquence, le jugement sera réformé sur ce point et la société condamnée au paiement de cette somme au profit du salarié.

Sur le remboursement des indemnités de chômage

L'application de l'article L.1152-3 du Code du travail appelle celle de l'article L.1235-4 concernant le remboursement par l'employeur fautif à Pôle Emploi des indemnités de chômage versées au salarié, que la cour ordonnera dans le cas d'espèce dans la limite de trois mois.

Sur l'abondement du compte de formation

Aux termes de l'article L. 6315-1 du code du travail, dans sa rédaction applicable :

«I. ' à l'occasion de son embauche, le salarié est informé qu'il bénéficie tous les deux ans d'un entretien professionnel avec son employeur consacré à ses perspectives d'évolution professionnelle, notamment en termes de qualifications et d'emploi. Cet entretien ne porte pas sur l'évaluation du travail du salarié. Cet entretien comporte également des informations relatives à la validation des acquis de l'expérience.

Cet entretien professionnel, qui donne lieu à la rédaction d'un document dont une copie est remise au salarié, (...)

II. ' Tous les six ans, l'entretien professionnel mentionné au I du présent article fait un état des lieux récapitulatif du parcours professionnel du salarié. Cette durée s'apprécie par référence à l'ancienneté du salarié dans l'entreprise.

Cet état des lieux, qui donne lieu à la rédaction d'un document dont une copie est remise au salarié, permet de vérifier que le salarié a bénéficié au cours des six dernières années des entretiens professionnels prévus au I et d'apprécier s'il a :

1° Suivi au moins une action de formation ;

2° Acquis des éléments de certification par la formation ou par une validation des acquis de son expérience ;

3° Bénéficié d'une progression salariale ou professionnelle.

Dans les entreprises d'au moins cinquante salariés, lorsque, au cours de ces six années, le salarié n'a pas bénéficié des entretiens prévus et d'au moins deux des trois mesures mentionnées aux 1° à 3° du présent II, son compte personnel est abondé dans les conditions définies à l'article L. 6323-13.»

La cour observe en l'espèce que, si l'employeur ne démontre pas avoir organisé ces entretiens, les éléments du dossier permettent d'établir que Monsieur L... O... a bénéficié d'une action de formation le 23 novembre 2015 et d'une progression salariale, en application d'un avenant du 1er octobre 2015.

Dès lors, les conditions prévues par les dispositions ci-dessus ne sont pas remplies pour déclencher l'abondement de son compte personnel et c'est à bon droit que le conseil des prud'hommes l'a débouté de cette demande. Le jugement déféré sera confirmé sur ce point.

Sur le travail dissimulé

L'article L. 8221-1 du Code du travail prohibe le travail totalement ou partiellement dissimulé défini par l'article L. 8221-3 du même code relatif à la dissimulation d'activité ou exercé dans les conditions de l'article L. 8221-5 du même code relatif à la dissimulation d'emploi salarié.

Aux termes de l'article L. 8223-1 du Code du travail, le salarié auquel l'employeur a recours dans les conditions de l'article L. 8221-3 ou en commettant les faits prévus à l'article L. 8221-5 du même Code relatifs au travail dissimulé a droit, en cas de rupture de la relation de travail, à une indemnité forfaitaire égale à six mois de salaire.

Aucun élément produit aux débats ne démontre la réalité de l'intention frauduleuse de l'employeur de recourir au travail dissimulé, étant précisé que celle-ci ne peut se déduire du seul non respect des stipulations de la convention de forfait.

Monsieur L... O... sera, en conséquence, débouté de cette demande, nouvelle en cause d'appel.

Sur le maintien des garanties complémentaires

Aux termes de l'article L. 911-8 du Code de la sécurité sociale, les salariés garantis collectivement, dans les conditions prévues à l'article L. 911-1, contre le risque décès, les risques portant atteinte à l'intégrité physique de la personne ou liés à la maternité ou les risques d'incapacité de travail ou d'invalidité bénéficient du maintien à titre gratuit de cette couverture en cas de cessation du contrat de travail, non consécutive à une faute lourde, ouvrant droit à prise en charge par le régime d'assurance chômage, selon les conditions suivantes :

1° Le maintien des garanties est applicable à compter de la date de cessation du contrat de travail et pendant une durée égale à la période d'indemnisation du chômage, dans la limite de la durée du dernier contrat de travail ou, le cas échéant, des derniers contrats de travail lorsqu'ils sont consécutifs chez le même employeur. Cette durée est appréciée en mois, le cas échéant arrondie au nombre supérieur, sans pouvoir excéder douze mois ;

2° Le bénéfice du maintien des garanties est subordonné à la condition que les droits à remboursements complémentaires aient été ouverts chez le dernier employeur ;

3° Les garanties maintenues au bénéfice de l'ancien salarié sont celles en vigueur dans l'entreprise ;

4° Le maintien des garanties ne peut conduire l'ancien salarié à percevoir des indemnités d'un montant supérieur à celui des allocations chômage qu'il aurait perçues au titre de la même période ;

5° L'ancien salarié justifie auprès de son organisme assureur, à l'ouverture et au cours de la période de maintien des garanties, des conditions prévues au présent article ;

6° L'employeur signale le maintien de ces garanties dans le certificat de travail et informe l'organisme assureur de la cessation du contrat de travail mentionnée au premier alinéa.

Le présent article est applicable dans les mêmes conditions aux ayants droit du salarié qui bénéficient effectivement des garanties mentionnées au premier alinéa à la date de la cessation du contrat de travail.

Il résulte de ces dispositions que Monsieur L... O... a droit au maintien des garanties visées par le texte précité, à compter de la date de cessation de son contrat de travail, et pendant une durée égale à la période d'indemnité du chômage, dans la limite de douze mois.

Sur la publication de l'arrêt

La cour constate que le présent arrêt est prononcé publiquement et qu'aucun élément du dossier ne justifie d'en ordonner la publicité dans le journal les Echos.

Monsieur L... O... sera, en conséquence, débouté de cette demande.

Sur la remise de documents sociaux

Compte tenu des développements qui précèdent, il convient de faire droit à la demande de remise de documents sociaux conformes, dans les termes du dispositif sans qu'il n'y ait lieu d'assortir cette remise d'une astreinte.

Sur les intérêts

La cour rappelle que les créances indemnitaires portent intérêts au taux légal à compter du jour du prononcé de l'arrêt, que les créances salariales portent intérêts au taux légal à compter de la réception par la partie défenderesse de la convocation devant le bureau de conciliation et que la capitalisation est de droit conformément à l'article 1343-2 du code civil.

Sur les frais de procédure

La société, succombant à l'instance, sera condamnée aux entiers dépens.

Elle sera, en outre, condamnée à payer à Monsieur L... O... la somme de 5000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Confirme le jugement déféré en ce qu'il a débouté Monsieur L... O... de ses demandes de dommages et intérêts pour préjudice moral distinct de la perte d'emploi et d'abondement du compte personnel de formation,

L'infirme pour le surplus,

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Prononce la résiliation judiciaire du contrat de travail à la date du 22 mars 2017,

Condamne la société Aurel BCG à payer à Monsieur L... O... les sommes suivantes :

- 5000 euros de dommages et intérêts pour le préjudice tiré de l'accomplissement d'heures supplémentaires sans contrôle de la charge de travail,

- 12104 euros de rappel de rémunération variable pour l'année 2013,

- 49661 euros de rappel de rémunération variable pour l'année 2014,

- 88455 euros de rappel de rémunération variable pour l'année 2015,

- 42909 euros de rappel de rémunération variable pour l'année 2016,

- 9713 euros au titre de l'attribution d'actions,

- 8000 euros de dommages et intérêts pour harcèlement moral et manquement à l'obligation de sécurité,

- 17486,64 euros de complément d'indemnité compensatrice de préavis,

- 1748,66 euros au titre des congés payés afférents,

- 92,65 euros de complément d'indemnité conventionnelle de licenciement,

- 120000 euros de dommages et intérêts pour licenciement nul,

- 3 000 euros à titre de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail,

- 5000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile,

Déboute Monsieur L... O... de sa demande d'indemnité pour travail dissimulé et de sa demande de publication du présent arrêt dans le journal les Échos,

Dit que Monsieur L... O... a droit au maintien des garanties visées par l'article L. 911-8 du Code de la sécurité sociale, à compter de la date de cessation de son contrat de travail, et pendant une durée égale à la période d'indemnité du chômage, dans la limite de douze mois,

Ordonne le remboursement par la société Aurel BCG à Pôle Emploi des indemnités de chômage payées à Monsieur L... O... à la suite de la rupture du contrat de travail, dans la limite de trois mois,

Ordonne la remise par la société AUREL BCG à Monsieur L... O... d'un certificat de travail, d'une attestation Pôle Emploi et d'un reçu pour solde de tout compte conformes à la présente décision dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt,

Rejette la demande d'astreinte,

Rappelle que les créances indemnitaires portent intérêts au taux légal à compter du jour du prononcé de l'arrêt et que les créances salariales portent intérêts au taux légal à compter de la réception par la partie défenderesse de la convocation devant le bureau de conciliation,

Dit que les intérêts échus, dus pour au moins une année entière, produiront intérêts au taux légal,

Condamne la société AUREL BCG aux entiers dépens.

LE GREFFIER LA PRESIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 10
Numéro d'arrêt : 18/05343
Date de la décision : 02/12/2020

Références :

Cour d'appel de Paris L1, arrêt n°18/05343 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2020-12-02;18.05343 ?
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