Copies exécutoiresREPUBLIQUE FRANCAISE
délivrées le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 6 - Chambre 9
ARRET DU 02 DECEMBRE 2020
(n° , 6 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 17/14950 - N° Portalis 35L7-V-B7B-B4UKX
Décision déférée à la Cour : Jugement du 23 Octobre 2017 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BOBIGNY - RG n° 15/01358
APPELANTES
Madame [D] [C]
[Adresse 3]
[Adresse 3]
Représentée par Me Sophie HUMBERT, avocat au barreau de PARIS, toque : D0950
SYNDICAT FEDERATION DES EMPLOYES ET CADRES FORCE OUVRIERE [Adresse 2]
[Adresse 2]
Représentée par Me Sophie HUMBERT, avocat au barreau de PARIS, toque : D0950
INTIMEE
SA GENERALI VIE
[Adresse 1]
[Adresse 1]
Représentée par Me Antoine SAPPIN de la SELARL CAPSTAN LMS, avocat au barreau de PARIS, toque : K0020
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 07 Octobre 2020, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme Graziella HAUDUIN, présidente, chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :
Mme Graziella HAUDUIN, présidente de chambre
Mme Françoise SALOMON, présidente de chambre
Mme Valérie BLANCHET, conseillère
Greffier, lors des débats : Mme Anouk ESTAVIANNE
ARRET :
- contradictoire
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Madame Graziella HAUDUIN, présidente et par Madame Anouk ESTAVIANNE greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
RAPPEL DES FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES
Vu le jugement en date du 23 octobre 2017 par lequel le conseil de prud'hommes de Bobigny, statuant dans le litige opposant Mme [D] [C] à son employeur, la société Générali Vie, en présence de la fédération des employés et cadres Force ouvrière, a débouté la salariée de l'ensemble de ses demandes et l'a condamnée aux dépens, a condamné la fédération des employés et cadres Force ouvrière de sa demande de dommages-intérêts en réparation du préjudice porté à l'intérêt collectif de la société et a débouté la société Générali Vie de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Vu les appels interjetés le 20 novembre 2017 par Mme [C] et la fédération des employés et cadres Force ouvrière de cette décision.
Vu les conclusions des parties auxquelles il est renvoyé pour l'exposé détaillé des prétentions et moyens présentés en cause d'appel.
Aux termes de conclusions transmises le 18 février 2020 par voie électronique, Mme [D] [C] et la fédération des employés et cadres Force ouvrière demandent à la cour de confirmer le jugement du conseil de prud'hommes qui a :
-Déclaré recevable l'intervention de la Fédération des Employés et Cadres Force Ouvrière ;
L'infirmant le jugement pour le surplus, et statuant à nouveau,de condamner la société Générali Vie à payer à Mme [C] les sommes suivantes :
-Dommages-intérêts pour violation de l'obligation de sécurité de résultat : 20 000 euros
-Dommages-intérêts pour violation par l'employeur de l'obligation de réintégration du salarié prévue par l'article L.1222-6 du code du travail : 29 324 euros
-Dommages-intérêts pour discrimination à raison de l'état de santé : 29 324 euros
A titre subsidiaire sur cette dernière demande :
-Indemnité pour exécution de mauvaise foi du contrat de travail : 29 324 euros
-Article 700 du code de procédure civile : 3 000 euros
Il est demandé à la cour de :
-Constater que Mme [C] occupait en dernier lieu un poste d'assistante spécialisée Niveau 2 Classe 5 ;
En conséquence :
-Ordonner la réintégration de Mme [C] dans le poste occupé ou un poste similaire d'assistante spécialisée de direction, Niveau 2, classe 5, sous astreinte de 500 euros par
jour de retard ;
- Condamner la société Générali Vie à payer à la Fédération des Employés et Cadres Force Ouvrière les sommes suivantes :
-Dommages-intérêts en réparation du préjudice porté à l'intérêt collectif de la profession : 2 000 euros
- Article 700 du code de procédure civile : 3 000 euros
Aux termes de conclusions transmises le 21 mai 2018 par voie électronique, la société Générali Vie demande à la cour de :
A titre principal
-Constater que le syndicat FEC-FO n'est pas recevable à agir ;
-Constater que la société Générali Vie a pris toutes les mesures nécessaires afin d'assurer l'entretien de ses parkings et n'a donc pas manqué à son obligation de sécurité -Constater que la société Générali Vie n'a pas manqué à l'obligation de réintégration de
la salariée prévue par l'article L.1222-6 du code du travail ;
-Constater qu'aucune discrimination de la requérante liée à son état de santé n'est démontré ;
-Constater que la société Générali Vie n'a pas exécuté de mauvaise foi le contrat de travail de Mme [C] ;
En conséquence :
-Confirmer dans toutes ses dispositions le jugement rendu le 23 octobre 2017 par le conseil de prud'hommes de Bobigny
-Débouter une nouvelle fois Mme [C] de l'intégralité de ses demandes ;
-Débouter à nouveau le syndicat FEC-FO de sa demande de dommages-intérêts en réparation du préjudice porté à l'intérêt collectif de la profession ;
-Condamner Mme [C] et le syndicat FEC-FO à verser à la société Générali Vie chacun la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du CPC ainsi qu'aux entiers dépens ;
A titre subsidiaire :
-Apprécier les demandes indemnitaires formulées par Mme [C] dans de biens plus justes proportions.
-Confirmer le jugement de première instance qui a constaté que la Fédération des Employés et Cadres FO ne démontrait pas l'existence d'un préjudice de nature à justifier l'octroi de dommages-intérêts.
Vu la clôture du 19 février 2020 et la fixation de l'affaire à l'audience du 23 mars 2020.
Vu le renvoi à l'audience du 7 octobre 2020 pour cause d'urgence sanitaire (Covid).
SUR CE, LA COUR :
Mme [C] a été engagée par la société Générali Vie suivant contrat à durée déterminée du 6 avril au 31 décembre 2009 en qualité de technicien d'études de projets. Ce contrat a été renouvelé. Elle a été ensuite embauchée suivant contrat à durée indéterminée à compter du 15 septembre 2010 comme assistante spécialisée niveau 4 et affectée à la direction services innovation et outils, direction maîtrise d'ouvrage et rattachée à M. [W], directeur de la maîtrise d'ouvrage à partir du 1er juillet 2011, avec 30% du temps de travail dédié d'assistante de M. [F]. Elle a été affectée ensuite à compter du 10 novembre 2011 à la direction des relations humaines, département sécurité, sûreté, accueil de la direction de l'environnement du travail, sans changement de fonction, en qualité d'assistante de M. [J] [R], directeur de l'environnement du travail, comme le révèle l'annuaire intranet de la société.
Elle a été victime le 11 décembre 2012 d'un accident du travail et en arrêt de travail jusqu'au 2 janvier 2013, date de sa reprise. Elle a été de nouveau en arrêts de travail pour maladie entre le 17 janvier et le 16 septembre 2013 de manière discontinue (arrêts allant d'1 à 9 jours), puis en arrêt au titre de l'accident du travail à compter du 10 décembre 2013 au 28 mai 2014 avec le 14 avril 2014 une opération visant à la mise en place d'une prothèse totale de hanche gauche. Elle a été de nouveau absente pour maladie de manière discontinue entre le 20 janvier et le 23 février 2015 (4 arrêts de 1 à 3 jours), du 2 avril au 30 juin 2015 et depuis le 6 octobre 2015.
Elle a saisi le conseil de prud'hommes le 7 avril 2015 principalement de diverses demandes indemnitaires (violation de l'obligation de sécurité et de résultat, violation de l'obligation de réintégration de l'article L. 1222-6 du code du travail, discrimination à raison de l'état de santé), subsidiairement d'une demande d'indemnité pour exécution de mauvaise foi du contrat de travail et de réintégration dans l'entreprise au poste d'assistante spécialisée niveau 2 classe 5 à compter du 2 janvier 2013 sous astreinte, toutes demandes rejetées par jugement dont appel.
Le syndicat FO, intervenant, a également sollicité la réparation de son préjudice, a été déclaré recevable mais a été débouté de sa demande.
Sur la violation de l'obligation de sécurité :
En application de l'article L 4121'1 du code du travail, l'employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs. Ces mesures comprennent :
1°des actions de prévention des risques professionnels et de la pénibilité ;
2°des actions d'information et de formation ;
3°la mise en place d'une organisation et de moyens adaptés.
L'employeur veille à l'adaptation de ces mesures pour tenir compte du changement des circonstances et tendres à l'amélioration des situations existantes.
L'article L 4121-2 impose à l'employeur de mettre en 'uvre les mesures prévues à l'article précédent sur le fondement des principes généraux de prévention suivant, et notamment les suivants :
1°éviter les risques ;
2°évaluer les risques qui ne peuvent pas être évités ;
3° combattre les risques à la source.
En l'espèce, il est établi et non contesté que la salariée a fait le 11 décembre 2012 une chute dans le parking du lieu de son emploi en glissant sur une flaque d'huile dont la présence a été attestée par M. [H], manager sécurité au sein de la société.
La justification par l'employeur d'opérations régulières de nettoyage de ce parking est insuffisante à démontrer qu'il a pris les mesures suffisantes pour remplir l'obligation de sécurité lui incombant en application des articles précités et prévenir ainsi les salariés,et plus particulièrement Mme [C], du risque de chute sur une flaque d'huile. La circulation de véhicules dans le parking rend la réalisation de ce risque prévisible. Il y a lieu de constater qu'il n'est pas démontré par la société que des précautions particulières ont été prises pour permettre un cheminement sécurisé des piétons. Il convient d'observer également que le planning de nettoyage du parking produit au débat par la société révèle que depuis le 14 avril 2012, le sol du parking Wilo -2, lieu de localisation de l'accident de Mme [C], a été mentionné comme en très mauvais état, comme au demeurant celui du niveau -1 et des autres parkings Jade et Innovatis, et que le nettoyage du niveau -2 Wilo qui devait être réalisé le 8 décembre 2012, soit quelques jours avant l'accident, n'a fait l'objet d'aucun contrôle de la société. Les pièces produites par la société, soit les fiches de contrôle visuel établies depuis le mois de janvier 2012 et chaque mois, concernent le site Générali Jade, alors que Mme [C] soutient sans être utilement contredite qu'elle travaillait sur le site Wilo et que l'accident dont elle a été victime a eu lieu dans le parking du même nom, comme le révèle au demeurant la déclaration d'accident du travail établie le 12 décembre 2012.
Il sera donc alloué à la salariée, par infirmation du jugement entrepris, des dommages-intérêts à raison du préjudice subi du fait de ce manquement de la société à son obligation de prévention des risques, à hauteur de 5 000 euros.
Sur la violation de l'obligation de réintégration :
L'article L.1222-8 du code du travail dans sa version alors en vigueur prévoit que lorsque, à l'issue des périodes de suspension définies par l'article L. 1222-7, le salarié est déclaré apte par le médecin du travail, il retrouve son emploi ou un emploi similaire assorti d'une rémunération au moins équivalente. Il ressort aussi de l'article L. 1222-7 et de l'article R.4624-22 que l'examen de reprise n'est prévu qu'après une absence d'au moins trente jours pour cause d'accident du travail, de maladie ou d'accident non professionnel.
En l'espèce, Mme [C] a été arrêt de travail du 11 décembre 2012 au 2 janvier 2013, soit moins de 30 jours, et ne justifie, ni au demeurant n'invoque avoir été vue par le médecin du travail aux fins de constatation de son aptitude. Elle ne peut donc prétendre à l'application de l'article L. 1222-8 précité et revendiquer sa réintégration dans sa réintégration dans un poste d'assistante spécialisée de direction, niveau 2, classe 5.
Sur la discrimination à raison de la santé et subsidiairement sur l'exécution de mauvaise foi du contrat de travail :
L'article L.1132-1 du code du travail énonce un principe général de non-discrimination envers les salariés qui ne doivent pas faire l'objet d'une mesure discriminatoire directe ou indirecte notamment en matière de rémunération, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification et de promotion professionnelle, en raison de leur état de santé.
Le salarié doit présenter des éléments de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte. Au vu de ces éléments, il incombe à l'employeur de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination.
En l'espèce, au-delà des dispositions protectrices des salariés accidentés du travail, il est établi et non contesté qu'à l'issue de son arrêt de travail le 2 janvier 2013 faisant suite à l'accident du travail survenu le 11 décembre 2012, Mme [C], jusqu'alors assistante de M. [R], directeur de l'environnement du travail et ce depuis le 10 novembre 2011, a été remplacée à son poste par Mme [T] suivant avenant du 8 août 2013 avec effet rétroactif au 2 janvier 2013.
D'une part, il n'est pas justifié par l'employeur que, comme il le soutient et comme elle le conteste, Mme [C] avait été affectée à ce poste de manière temporaire pour remplacer Mme [E], absente pour longue maladie et que le poste d'assistant de M. [R] devait obligatoirement être tenu par une assistante spécialisée de niveau 2, classe 5. D'autre part, il convient de constater que la décision de l'employeur n'a pas été motivée par la nécessité de pourvoir au remplacement de Mme [E], placée en invalidité de 2ème catégorie à partir du 16 février 2013, ce dont cette dernière n'a été informée que le 9 janvier 2013, ni par l'insuffisance de Mme [C] dans l'accomplissement de ses fonctions. En effet, Mme [T] a été nommée dès le 19 décembre 2012 pour assister durant six mois, du 2 janvier au 30 juin 2013, M. [R], en sorte que cette décision était à ce moment étrangère à la situation de Mme [E] et à son évolution qui n'était pas encore connue de la société employeur. Ainsi, il doit être retenu que la société échoue à démontrer que le remplacement de Mme [C], décidée durant son arrêt de travail pour cause d'accident du travail, a été justifié par des raisons objectives étrangères à son état de santé.
Il sera alloué à Mme [C], par infirmation du jugement, des dommages-intérêts pour discrimination à hauteur de 10 000 euros.
Sur la demande du syndicat :
L'article L.2131-1 du code du travail dispose que « Les syndicats professionnels ont exclusivement pour objet l'étude et la défense des droits ainsi que des intérêts matériels et moraux, tant collectifs qu'individuels, des personnes mentionnées dans leurs statuts. »
L'article L.2132-3 du même code prévoit : « Les syndicats professionnels ont le droit d'agir en justice. Ils peuvent, devant toutes les juridictions, exercer tous les droits réservés à la partie civile concernant les faits portant un préjudice direct ou indirect à l'intérêt collectif de la profession qu'ils représentent. »
La méconnaissance par l'employeur des dispositions des articles L 4121'1, L 4121-2 et L.1132-1 du code du travail porte atteinte à cet intérêt collectif, en sorte que la demande de la société Générali Vie de voir déclarer l'intervention de la fédération des employés et cadres Force ouvrière irrecevable sera rejetée.
Le manquement de la société à son obligation de prévention des risques et la discrimination ont causé au syndicat un préjudice qui sera valablement réparé par l'octroi de 2 000 euros.
Sur les autres demandes :
La société Générali Vie, qui succombe au moins partiellement, sera condamnée à supporter les dépens de première instance et d'appel, déboutée de sa demande formée en application de l'article 700 du code de procédure civile et condamnée sur ce même fondement à verser à Mme [C] et à la fédération des employés et cadres Force ouvrière une indemnité de 2 500 euros.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Confirme le jugement entrepris en ce qu'il a rejeté la demande formée par Mme [C] au titre de la réintégration ;
L'infirme pour le surplus, statuant à nouveau et y ajoutant:
Déclare l'intervention de la fédération des employés et cadres Force ouvrière recevable ;
Condamne la société Générali Vie à payer à Mme [D] [C] les sommes suivantes :
-Dommages-intérêts pour violation de l'obligation de sécurité : 5 000 euros,
-Dommages-intérêts pour discrimination à raison de l'état de santé : 10 000 euros ;
Condamne la société Générali Vie à payer à la fédération des employés et cadres Force ouvrière la somme de 2 000 euros de dommages-intérêts ;
Rejette toutes autres demandes ;
Condamner la société Générali Vie aux dépens de première instance et d'appel et à verser à Mme [C] et à la fédération des employés et cadres Force ouvrière en application de l'article 700 du code de procédure civile la somme de 2 500 euros.
LE GREFFIER LA PRÉSIDENTE