REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 6 - Chambre 10
ARRET DU 02 DECEMBRE 2020
(n° , pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 17/10470 - N° Portalis 35L7-V-B7B-B35JV
Décision déférée à la Cour : Jugement du 07 Juillet 2017 -Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de PARIS - RG n° 13/04498
APPELANTS
Monsieur [F] [D]
[Adresse 3]
[Localité 4]
Représenté par M. [F] [D] (Délégué syndical ouvrier)
Syndicat FÉDÉRATION SUD RAIL
[Adresse 2]
[Localité 5]
Représentée par M. [F] [D] (Délégué syndical ouvrier)
INTIMEE
S.A. SOCIETE NATIONALE SNCF
[Adresse 1]
[Localité 5]
Représentée par Me Jean-luc HIRSCH, avocat au barreau de PARIS, toque : D1665
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 06 Octobre 2020, en audience publique, devant la Cour composée de :
Madame Marie-Antoinette COLAS, Présidente de Chambre
Monsieur Nicolas TRUC, Président de chambre,
Madame Florence OLLIVIER, Vice Présidente placée faisant fonction de Conseillère par ordonnance du Premier Président en date du 27 août 2020
Greffier, lors des débats : M. Julian LAUNAY
ARRET :
- Contradictoire
- mis à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.
- signé par Madame Marie-Antoinette COLAS, Présidente de Chambre et par Monsieur Julian LAUNAY, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSE DU LITIGE
Monsieur [D] a été engagé par la SNCF, aux droits de laquelle vient la SA SNCF, en application de la loi du 27 juin 2018, et des articles 18 et 19 de l'ordonnance du 3 juin 2019, suivant un contrat de travail à durée indéterminée du 2 novembre 1998, en qualité d'expert prévisionniste et modélisateur économique en tant qu'agent statutaire relevant du Cadre permanent, qualification F 21.
Au terme de son parcours d'intégration, le salarié a été régularisé à la qualification G26.
En 2004, le salarié a acquis la nationalité française.
En juillet 2008, le salarié a été détaché au STIF en qualité de chef de projet « Etude et Tarification ». Il est passé à la qualification H 30 au 1er octobre 2008.
En janvier 2010, le salarié a été nommé chef de projet de caisses CET et CPA au sein du département contrôle de gestion des services RH. Il a quitté ce poste 6 mois plus tard.
Le 1er novembre 2010, il s'est vu confier une mission temporaire de 18 mois en tant que « chargé de prévisions des départs à la retraite » au sein de la délégation à l'évolution des métiers et de l'emploi à la DRH.
Après avoir rejoint la SNCF Consulting en qualité de consultant au mois d'octobre 2012, Monsieur [D] a été affecté, au mois de décembre 2012, à la direction de l'immobilier en qualité de contrôleur de gestion synthèse au sein du service de contrôle de gestion.
La société a mis fin à sa période d'essai probatoire le 23 janvier 2013.
Dans ce contexte et s'estimant victime de discrimination en raison de son handicap et de ses origines, et de faits de harcèlement moral, Monsieur [D] a saisi le conseil de rrud'hommes de Paris, le 12 avril 2013.
Par jugement du 07 juillet 2017, la formation de départage du conseil de prud'hommes de Paris a débouté le salarié de l'intégralité de ses demandes et a rejeté les prétentions de la société au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.
Monsieur [D] et le syndicat Fédération Sud Rail, ayant constitué avocat, ont interjeté appel de cette décision par déclaration d'appel transmise au greffe de la cour d'appel de Paris le 21 juillet 2017.
Par une ordonnance du 6 novembre 2017, le président de la chambre a fixé, au visa de l'article 905 dans sa rédaction applicable lors du dépôt de la déclaration d'appel, la clôture différée à la date du 5 septembre 2019.
L'affaire a été renvoyée à l'audience du 06 octobre 2020, sans que l'ordonnance n'ait été rabattue.
Dans ces conditions et à défaut de toute demande de rabat de clôture, les conclusions postérieures au 5 septembre 2019 seront rejetées.
Dans ses dernières écritures signifiées à l'intimée le 4 septembre 2019, auxquelles il est renvoyé pour un plus ample exposé des faits, prétentions et moyens développés, Monsieur [D] demande à la cour de :
*condamner la société, en raison de la discrimination subie de novembre 1998 à décembre 2014 au paiement des sommes suivantes:
-167.347 euros au titre de la réparation de la perte mécanique de cinq positions de rémunération depuis l'embauche,
-197 217 euros au titre de la réparation des effets salariaux de la discrimination dans la mobilité interne correspondant à l'empêchement, pendant 10 ans, d'accéder normalement au salaire de la qualification CS en novembre 2010, du fait de la discrimination dans les conditions d'embauche et dans la mobilité interne,
-955 euros par mois à compter du mois de novembre 1998 au titre du préjudice moral dû aux mauvaises conditions d'emploi du fait des discriminations multiples,
-407 400 euros au titre du préjudice de base induit par la discrimination sur la retraite du fait de l'impossibilité d'accéder à la qualification CS en novembre 2011, comme tous les cadres embauchés en 1998 sur la position de référence 24, du fait de la discrimination dans les conditions de l'embauche et dans la mobilité interne,
-804213 euros au titre de la perte de chance d'une rémunération entre 55,5 et 67 ans due à la clause illégale et discriminatoire en raison de l'âge à l'embauche,
subsidiairement, si la cour n'accorde pas les indemnités demandées,
*enjoindre à la SNCF de lui attribuer, sous astreinte,
- la qualification CS à compter du 1 er avril 2011comme à [C] [A] , [E] [L] et tous les cadres attachés à la position de rémunération 24 et détachés sur la qualification H et la position de rémunération 30 avec le salaire moyen de la qualification CS, soit 88 710 euros par an,
- le poste permanent de responsable du pilotage de la mission Handicap,
- comme prévu par le médecin du travail le 27 février 2013, le financement d'un auxiliaire professionnel de son choix dans le collège maîtrise avec la qualification E et en cas de recrutement externe avec un salaire égal à au moins celui de la qualification E
* la mise en oeuvre de six mesures nécessaires pour garantir aux travailleurs lourdement handicapés, dont lui-même un traitement équitable et transparent de leur candidature à la mobilité interne,
* condamner la société à rembourser l'intégralité des faits engagés en première instance,
* condamner la société en raison du caractère permanent du harcèlement moral et discrimination de son refus délibéré à le réparer, au paiement des intérêts légaux sur les sommes demandées à compter de la date du départ de la discrimination le 2 novembre 1998, avec capitalisation des dits intérêts légaux, ou subsidiairement à compter du 11 avril 2013,
* rejeter les demandes reconventionnelles de la société,
* condamner la société à verser au salarié la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Au soutien de ses demandes, il fait valoir que:
- la déclaration d'appel ne peut être considérée comme étant caduque à défaut pour l'intimée d'avoir soulevé la caducité avant le 4 septembre 2019,
- l'appel est dirigé contre l'Epic SNCF,
- des discriminations en matière de rémunération, qualification et classification dès son recrutement, notamment dans l'évolution de carrière en lien avec sa cécité, ses origines espagnoles, son âge,
- des faits de harcèlement discriminatoire continu en raison de sa cécité en matière d'affectation, de promotion professionnelle, de reclassement,
- un préjudice du fait des conséquences de la discrimination subie telles que :
l'impossibilité d'accéder à des postes de qualification H depuis mai 2001,
l'impossibilité d'accéder à des postes de qualification cadre supérieur,
l'impact continu sur sa rémunération,
l'impact sur sa pension de retraite,
la société ayant, par diverses man'uvres, tenté de dissimuler la discrimination.
Dans des écritures transmises par le réseau privé virtuel des avocats, auxquelles il est renvoyé pour un plus ample exposé des faits, prétentions et moyens développés, la société demande à la cour de :
*Sur l'appel de Monsieur [D] :
In limine litis,
-juger que les conclusions remises au greffier par l'appelant le 21 septembre 2017 ne répondaient pas aux exigences de l'article 908 du code de procédure civile en ce qu'elles sont dirigées contre une ou plusieurs personnes morales qui ne sont pas intimées, et en conséquence :
-prononcer la caducité de la déclaration d'appel de Monsieur [D], faute d'avoir conclu dans le délai imparti de 3 mois,
A titre principal,
-juger l'action en réparation des préjudices résultant des discriminations prescrite, et en conséquence déclarer irrecevables les différentes demandes formées à ce titre par le salarié,
Subsidiairement :
-juger le salarié mal fondé en ses demandes,
-le condamner à verser à la société la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,
*Sur l'appel du syndicat Sud Rail :
-constater que le syndicat appelant n'a pas conclu et en conséquence prononcer la caducité de sa déclaration d'appel.
La clôture remonte au 5 septembre 2019.
MOTIFS
Aucune demande de rabat d'ordonnance de clôture n'a été présentée avant l'ouverture des débats.
Il n'a a fortiori pas été fait état d'une cause grave justifiant du rabat de ladite clôture et de l'accueil des conclusions postérieures.
En conséquence, les conclusions postérieures au 5 septembre 2019 sont écartées.
Sur le moyen tiré de la caducité de l'appel;
C'est vainement que la SA SNCF soutient que la déclaration d'appel est caduque dans la mesure où les conclusions notifiées par l'appelant dans le délai de trois mois résultant de l'application des dispositions de l'article 908 du code de procédure civile n'avaient pas été dirigées contre les personnes intimées, que l'ordonnance du 6 novembre 2017 orientant l'affaire vers un circuit court en application de l'article 905 dudit code dans sa rédaction alors applicable , n'a pas eu pour effet de couvrir la caducité acquise de plein droit.
Toutefois, la demande tendant à voir déclarer la déclaration d'appel caduc est irrecevable pour avoir été présentée postérieurement au dessaisissement du conseiller de la mise en état résultant de l'orientation de l'affaire en circuit abrégé.
Ce moyen est inopérant.
Sur le moyen tiré de la prescription,
La SA SNCF soulève vainement la prescription tant pour la discrimination à l'embauche que pour la discrimination en lien avec l'évolution de carrière.
Lors de l'embauche de Monsieur [D] en novembre 1998, la prescription de l'action en discrimination était de 30 ans. La loi du 17 juin 2008 a ramené le délai de prescription à 5 ans à compter de l'entrée en vigueur de la loi. Toutefois les dispositions transitoires prévoient que le nouveau délai s'applique aux prescriptions en cours à compter de la date de promulgation de la loi, sans que la durée totale de la prescription puisse excéder la durée prévue par la loi antérieure.
Dans le cas d'espèce, Monsieur [D] a saisi le conseil de prud'hommes le 11 avril 2013, en sorte que le moyen tiré de la prescription tant pour la discrimination à l'embauche remontant à novembre 1998, que postérieurement pour celle que le salarié invoque au cours de l'évolution de la carrière est inopérant.
Sur le fond;
Sur les discriminations;
Aucune personne ne peut être écartée d'une procédure de recrutement ou de nomination ou de l'accès à un stage ou à une période de formation en entreprise, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, telle que définie àl'article 1er de la loi n°2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations, notamment en matière de rémunération, au sens de l'article L. 3221-3, de mesures d'intéressement ou de distribution d'actions, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat en raison de son origine, de son sexe, de ses m'urs, de son orientation sexuelle, de son identité de genre, de son âge, de sa situation de famille ou de sa grossesse, de ses caractéristiques génétiques, de la particulière vulnérabilité résultant de sa situation économique, apparente ou connue de son auteur, de son appartenance ou de sa non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation ou une prétendue race, de ses opinions politiques, de ses activités syndicales ou mutualistes, de ses convictions religieuses, de son apparence physique, de son nom de famille, de son lieu de résidence ou de sa domiciliation bancaire, ou en raison de son état de santé, de sa perte d'autonomie ou de son handicap, de sa capacité à s'exprimer dans une langue autre que le français.
L'article 1134-1 du code du travail dispose que lorsque survient un litige en raison d'une méconnaissance des dispositions précitées, le candidat à un emploi, à un stage ou à une période de formation en entreprise ou le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte, telle que définie à l'article 1er de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations.
Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination.
Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.
Monsieur [D] soutient avoir fait l'objet d'une discrimination à l'embauche et au détachement, du fait de son handicap, du fait de son âge, et du fait de ses origines espagnoles.
Il expose plus avant que titulaire d'un doctorat de mathématiques appliquées, et d'un DESS en gestion, il a été embauché comme cadre attaché à l'âge de 34 ans sur la position rémunération de référence R 19, sur un délai d'attachement réduit et deux positions complémentaires en raison de son expérience professionnelle antérieure, qu'il a été détaché en mai 2001 sur la position PR 26 et la qualification G.
Il compare sa situation à l'embauche à celles de trois collègues Madame [A], Madame [L] et Madame [B].
Madame [A], non handicapée, titulaire d'un doctorat en économétrie, prévisionniste, a été embauchée comme cadre attachée en 1998, à l'âge de 27 ans, sur la PR de référence 24, avec un délai d'attachement normal sur la PR 30 et la qualification H.
Madame [L], non handicapée, titulaire d'un DESS en statistiques mathématicienne, prévisionniste, a été embauchée comme cadre attachée en 1998, à l'âge de 23 ans, sur la PR de référence 24, avec un délai d'attachement normal sur la PR 30 et la qualification H.
Madame [B], non handicapée, prévisionniste, titulaire d'un DESS en statistiques aussi a été engagée entre mars 2002 et octobre 2004, sur la PR de référence 23, détachée au bout de quatre années sur la PR 30 et la qualification H.
Il explique avoir, lors de la première consultation de son dossier le 8 avril 2013, relevé que son diplôme de gestion obtenu en 1998 n'avait pas été pris en compte, lors de l'embauche, que seule sa maîtrise avait alors été reconnue.
Il observe qu'il a pourtant été affecté à des missions de haut niveau mathématique pendant 14 ans, lesquelles missions n'avaient jamais été assumées par des personnes ne disposant que d'une maîtrise, soit d'un niveau bac +4.
Il considère que les différences faites par l'employeur portent sur les sujets des thèses doctorales et non sur le niveau de diplômes ce qui est contraire au chapitre 5 du statut de cadre permanent. Faisant référence à une offre d'emploi publiée dans la bourse d'emploi assimilant le doctorat mathématiques au diplôme d'ingénieur, il renvoie aussi à la situation de Monsieur [Z], également embauché en 1998 sur le PR 24 avec un détachement sur le PR 30 et la qualification H.
Après avoir relevé que le chapitre 5 du statut ne vise pas la prise en compte du profil individuel de chaque agent pour justifier une différence de rémunération dès l'embauche, et ce, d'autant plus que Mesdames [A], [L] et [B] n'étaient pas non plus directement concernées par la sécurité ferroviaire dans leur travail de prévisionniste, il soutient que le handicap a été l'un des motifs de la discrimination opérée. Il en veut pour preuve le fait qu'il ne pouvait pas se soumettre à certains tests du fait de sa cécité, ce qui le mettait dans une situation désavantageuse.
Il invoque ainsi une discrimination indirecte, l'employeur ne pouvant pas établir que la réalisation de ces tests psychologiques sont sans impact sur le « profil personnel » du travailleur handicapé et par voie de conséquence, sur ses conditions de recrutement.
Enfin, s'agissant de sa cécité, il considère que la comparaison opérée par l'employeur de sa situation avec celle de Madame [Y], atteinte de cécité comme lui, confirme la prise en compte de son handicap lors de l'embauche dans la mesure où elle avait été embauchée un an avant lui, avait un niveau de diplôme Bac + 4 et qu'elle ne présentait pas un niveau d'expérience antérieure comparable au sien. Il invoque aussi la promotion accélérée de cette salariée, passée à la qualification CS à partir du niveau 1 et non du niveau 2 comme cela est pratiqué le plus généralement, et ce, au cours de l'enquête provoquée par sa dénonciation, pour dissimuler la discrimination dont il a été victime.
Il indique que ses origines espagnoles, sa naturalisation n'étant intervenue qu'en 2004, ont aussi constitué un motif de discrimination, en ce que l'employeur s'est retranché derrière le fait que les diplômes obtenus par lui et les écoles qu'il avait fréquentées ne figuraient pas sur la liste des écoles et diplômes telle que fixée par la direction des ressources humaines. Or, se fondant sur les articles 39 du Traité de la CEE et l'article 7 du règlement CEE du 15 octobre 1968, il rappelle que le ressortissant d'une Etat membre ne peut sur le territoire des Etats membres être, en raison de sa nationalité, traité différemment des travailleurs nationaux, pour toutes conditions d'emploi et de travail notamment en matière de rémunération[....]
Enfin, après avoir rappelé qu'il était âgé de 34 ans, lors de son embauche, il dénonce la clause illicite introduite dans le contrat signé en novembre 1998 visant à mettre fin à la relation contractuelle à l'âge de l'ouverture des droits à la retraite, alors que cette clause ne s'applique pas aux cadres permanents embauchés ayant moins de 30 ans et renvoie à l'article L. 1237-4 du code du travail qui dispose qu'une telle clause est nulle.
Monsieur [D] évoque aussi une discrimination dans le déroulement de la carrière en ce qu'il a été rencontré des difficultés pour la mobilité interne à compter de mai 2001.
Il soutient que cette discrimination en lien avec sa cécité apparaît clairement dans les courriels de Monsieur [U] en juin 2008, de Monsieur [R] en novembre 2012 et de Madame [W] en janvier et février 2013.
Après avoir rappelé qu'un recruteur en interne ne peut se substituer au médecin du travail, ni attribuer tel ou tel poste à d'autres salariés au prétexte de la condition de personne handicapée du candidat au poste, disposant d'un haut niveau de formation et de bonnes évaluations, sans avoir sollicité l'avis du médecin du travail et pris les mesures appropriées et sérieuses pour permettre au salarié handicapé d'occuper ledit poste, il fait état de quatre
refus du recruteur en interne de lui attribuer des postes à raison de son handicap en mai 2008, en novembre 2010, en janvier 2011, et en novembre 2012, et en janvier 2013. Pour ce dernier poste, la période probatoire a été interrompue sans qu'ait été financé l'accompagnement d'un auxiliaire professionnel qu'il avait demandé et en tout cas, sans mettre en oeuvre l'accompagnement professionnel promis.
Comme preuves de ces discriminations en raison de son handicap, et de l'opacité des procédures de mobilité interne, il renvoie à deux lettres du directeur de la mobilité du groupe.
Il indique que par une lettre du 30 novembre 2015, ce directeur expose : « l'acte de candidature à un poste constituant une démarche personnelle, il relève de la communication individuelle entre l'entreprise et le salarié. Ces informations et échanges par mails sont d'ordre confidentiel et ne peuvent en aucun cas être communiqués à des tiers. » et ce, lors du deuxième retrait d'une offre de poste vacant de la bourse de l'emploi immédiatement après qu'il avait fait acte de candidature,
Le 23 juin 2016, ce même directeur a écrit « le choix du candidat retenu est fonction de la volonté du recruteur[...] »
Ce faisant, Monsieur [D] présente des éléments laissant supposer une discrimination du fait de ses origines espagnoles, de son handicap et de son âge.
La SA SNCF conteste toute discrimination tant à l'embauche que dans le déroulement de carrière de Monsieur [D].
Elle soutient que ni l'origine, ni le handicap, ni l'âge du salarié n'ont constitué un obstacle à son embauche, puisque de facto, il a été recruté, qu'en tant qu'agent du Cadre Permanent de la SNCF, Monsieur [D] a été et est soumis aux dispositions du « Statut des Relations collectives entre la SNCF et son Personnel », de même qu'aux Règlements du Personnel pris en application dudit Statut, qui sont des actes administratifs réglementaires, que Monsieur [D] a été recruté à une position de rémunération qui est fonction à la fois de l'appréciation de l'employeur au regard de la nature du poste sur lequel l'agent est affecté et du diplôme obtenu par lui, précision étant faite que le règlement RH 0292 comporte un tableau d'homologation des titres qui réunit dans une seule et même catégorie les bac+4 et au delà.
La SA SNCF précise encore que ce même règlement prévoit que la rémunération est fonction de trois éléments essentiels à savoir l'utilité du diplôme pour l'entreprise, sa valeur sur le marché de l'emploi telle que fixée par le département des cadres et les atouts de la candidature appréciée au regard de l'expérience professionnelle antérieure, de l'acquisition d'une expérience spécifique, et du profil personnel.
Elle expose que Monsieur [D] a été recruté à la position 21 et a été positionné à la sortie sur la position G1 PR 26, proche de la position maximale autorisée de 28.
Elle ajoute que sur les 189 attachés cadre embauchés en 1998, la position moyenne est de 19 et non de 23, que plusieurs cadres « bien voyants » ont été recrutés à une position inférieure et que quelques uns seulement ont été recrutés à une position supérieure, à savoir:
Monsieur [N] ingénieur de l'Ecole Normale Supérieure,
Madame [H] diplômée d'une école supérieure de commerce;
Monsieur [S] diplômé d'HEC,
Monsieur [Z] diplômé d'une école d'ingénieur,
Monsieur [J] diplômé de l'école des Arts et Métiers et de l'Ecole des Mines,
Madame [L] diplômée de l'ENSAE, école d'application de Polytechnique, correspondant à une formation différente de celle de Monsieur [D].
Monsieur [D] a été recruté alors qu'il était titulaire d'un DESS de Gestion obtenu à l'IAE de [Localité 4] et d'un doctorat de mathématiques obtenu en 1995 à Madrid.
Elle indique Madame [A] était docteur en économie mathématique, qu'elle avait traité dans ce cadre d'un sujet particulièrement utile pour l'entreprise puisque sa thèse portait sur « la concurrence rail route: analyse économétrique des trafics de marchandises et des perspectives de transport combiné », qu'elle n'était donc pas une mathématicienne pure; qu'elle avait de surcroît travaillé pendant trois années au sein de la SNCF dans le cadre du dispositif CIFRE et fourni un travail de haute valeur ajoutée relatif, notamment, à l'analyse de la croissance du trafic frêt en 1997.
Cette salariée avait au surplus travaillé pendant une année au sein du ministère de transports et accompli un travail d'analyse et de recherche sur le frêt ferroviaire.
Sa situation lors de son embauche n'était en conséquence pas comparable à celle de Monsieur [D], qui n'avait aucune expérience en entreprise et qui n'avait jamais travaillé dans le ferroviaire ni même analysé l'activité ferroviaire lors de ses études ou de stages antérieurs.
S'agissant du régime de retraite à l'âge de 55 ans, la SA SNCF renvoie à la décision du Conseil d'Etat en date du 19 mai 2006, donc postérieure à l'embauche de Monsieur [D], qui retient que la possibilité qui lui est ouverte de mettre d'office à la retraite tout agent qui remplit les conditions d'âge et de durée est valable et ne constitue pas en soi une discrimination, quand bien même sa mise en oeuvre pourrait le devenir. Le rappel de cette possibilité aux termes du contrat de travail ne peut dès lors être retenue comme étant de nature à caractériser une discrimination du fait de l'âge.
En ce qui concerne le déroulement de la carrière, la SA SNCF soutient avoir, dans le respect de l'accord Handicap et des règlements internes relatifs à la gestion des carrières des cadres mis tout en oeuvre pour répondre aux attentes de Monsieur [D].
Après avoir rappelé qu'elle emploie 7000 travailleurs handicapés, elle explique avoir fait en sorte que Monsieur [D] bénéficie des équipements nécessaires à la réalisation des tâches qui lui étaient confiées et renvoie à l'entretien de deux membres de la direction de l'éthique avec Monsieur [P], le correspondant handicap des fonctions support le 23 mars 2013, au cours duquel ont été analysées toutes les dispositions prises au cours des missions de Monsieur [D] chez Monsieur [M], chez Monsieur [G], à SNCF Consulting, à la direction de l'immobilier et passant par l'aménagement des accès sur son lieu de travail, la mise à disposition de logiciels omnipage, et jaws, une formation UBA, une formation de prise en main de son chien guide, l'assistance d'un auxiliaire professionnel.
Est aussi communiqué le compte-rendu de l'entretien avec Madame [I] présidente du CHSCT qui évoque le traitement réservé à Monsieur [D] en tant que travailleur handicapé. Il est noté que Monsieur [D] est quelqu'un d' extrêmement brillant, intelligent et doté d'une excellente mémoire, qu'il est conscient de sa valeur professionnelle et de son diplôme[...] est frustré par rapport au déroulement de carrière des gens avec qui il travaille[...] comme il n'a jamais tenu de poste de management, il est assez normal qu'il ne soit pas CS.
La SA SNCF explique avoir, à la suite de la saisine par Monsieur [D] du pôle Diversité et Egalité des chances, organisé une enquête menée par la Direction de l'Ethique; laquelle a conclu à l'absence de toute discrimination et de tout harcèlement. Elle expose que cette enquête a mis en exergue les problèmes relationnels du salarié.
La SA SNCF note et justifie par les pièces produites que des recherches de missions et de postes ont été engagées, qu'un coaching a été proposé à Monsieur [D], qu'une réunion multifonctionnelle visant à rechercher un accompagnement adéquat a eu lieu, qu'une rencontre avec la ligne Métiers Finances a été organisée pour évoquer une reconversion sur des postes de Gestion Finances, l'accompagnement en cause ayant été réalisé par l'entité spécialisée dans l'accompagnement des cadres en recherche de poste.
Ainsi fait-elle état de ce que:
- elle a confié à un cabinet extérieur la mission de favoriser la prise de poste de Monsieur [D], qu'il a refusé de coopérer, qu'il a quitté le poste occupé à l'agence d'accompagnement des managers au motif que ce poste ne serait pas inscrit au cadre d'organisation alors qu'il l'est.
- les refus opposés aux candidatures de Monsieur [D] étaient motivés par une inadéquation entre ses compétences professionnelles, son parcours et les postes auxquels il postulait et la présence de candidatures au profil plus adapté aux postes en cause,
- le cabinet Nayan qui est intervenu courant 2014, a évoqué les échanges constructifs avec Monsieur [D], une proposition rapide sur un poste conforme à ses compétences et appétences, mais qu'il a choisi de quitter en novembre 2014, et la mise en oeuvre rapide d'aménagements de poste.
La SA SNCF expose qu'il n'y a pas d' automaticité à l'accession à la qualification de cadre supérieur, en ce que le passage au grade de cadre supérieur n'est pas statutaire et fait partie de ses prérogatives d'employeur. Elle précise qu'il existe quatre critères d'éligibilité que sont l'exercice d'un mission de cadre pendant au moins 10 ans, la tenue de postes de cadre dans au moins deux structures différentes, la tenue d'un poste à responsabilité pour lequel l'animation d'une équipe et de projets a été retenue comme ayant été une réussite, et une mobilité géographique, en tant que cadre, au cours des dix dernières années.
Elle indique que Monsieur [D] n'a pas rempli ces critères d'éligibilité.
Elle relève que sur 25 590 cadres seuls 1485 ont accédé à la qualification de cadre supérieur, en 2011, sur 24835 cadres seuls 1530 ont accédé à la qualification de cadre supérieur en 2012, et sur 25048 cadres, seuls 1519 ont accédé à cette qualification de cadre supérieur en 2013.
Après examen des éléments communiqués de part et d'autre et des explications fournies, la SA SNCF justifie que les décisions prises tant lors de l'embauche de Monsieur [D] que tout au long de sa carrière jusqu'en avril 2013, date de la saisine du conseil de prud'hommes, reposaient sur des motifs pertinents étrangers à toute discrimination.
En effet, Monsieur [D] a été engagé à une position non pas 19 mais 21 soit à une position supérieure à celle qui a été retenue pour une grande partie des cadres recrutés en 1998, que la reconnaissance d'une position supérieure pour Madames [A], [L] et [B] résulte de situations différentes caractérisées par des diplômes, des parcours et des expériences différentes de celle de Monsieur [D], observation étant faite que, selon le règlement interne applicable, le tableau d'homologation des titres réunit dans une seule et même catégorie les bac+4 et au delà, ce qui rend inopérant l'argument en lien avec la prétendue non reconnaissance du diplôme d'un niveau bac+8 obtenu à Madrid à raison de la nationalité espagnole du salarié lors de son recrutement.
Il s'en déduit qu'aucune discrimination en lien avec son handicap et de ses origines espagnoles n'a été opérée au détriment de Monsieur [D] lors de son embauche.
En l'état de la jurisprudence du Conseil d'Etat telle qu'elle a été posée en 2006, au moment de l'embauche et de la signature du contrat de travail, en 1998, l'introduction de la clause litigieuse ne pouvait caractériser la discrimination à l'embauche en lien avec l'âge.
De même, l'enquête menée par la direction de l'Ethique, les entretiens tels qu'ils sont rapportés, le coaching mis en 'uvre et l'accompagnement renforcé dont il a bénéficié, les réunions multifonctionnelles pour favoriser ses reconversions, les aménagements apportés aux postes occupés par Monsieur [D], les refus venant de lui de poursuivre ses activités dans le cadre de certaines affectations et les réserves émises par certains collaborateurs lors des entretiens en lien avec un caractère fort et exigeant justifiant notamment qu'il ne se soit pas vu confier des postes de management, établissent que l'employeur a pris des décisions reposant sur des éléments objectifs étrangers à toute discrimination et que Monsieur [D] n'a pas subi de discrimination dans le déroulement de sa carrière sur la période considérée.
Le jugement sera confirmé en ce qu'il a rejeté toute demande au titre d' une discrimination.
Sur le harcèlement;
Monsieur [D] évoque un harcèlement moral discriminatoire ;
Aux termes des articles L.1152-1 et L.1152-2 du Code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.Selon l'article L.1154-1 du même code, en cas de litige, le salarié concerné établit des faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement et il incombe à l'employeur, au vu de ces éléments, de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement. .
Comme faits laissant présumer un harcèlement, il invoque :
- la mise en oeuvre d'une enquête menée par la direction et non par le CHSCT pour dissimuler la discrimination,
- la légitimation du rôle joué par un autre salarié à la Mission Handicap, lequel a ensuite témoigné contre lui,
- des évaluations excellentes jusqu'en janvier 2013 puis des comptes-rendus non signés qui mettent en cause sa personnalité pour l'isoler professionnellement et syndicalement,
- l'occultation des conclusions de l'enquête et le fait d'en livrer certains éléments pour lui nuire,
- le silence sur les faits de discrimination indirecte en raison de son handicap,
- l'instrumentalisation d'une autre salariée handicapée Madame [Y] pour la substituer par cette manoeuvre dans la comparaison avec d'autres collègues mathématiciennes et prévisionnistes comme lui,
- l'organisation dans le temps de l'enquête pour rendre crédible le retournement de Madame [W] le 8 avril 2013, malgré ses courriels des 23 janvier et 6 février 2013,
- le mélange des comptes-rendus pour dissimuler l'ordre chronologique et les liens hiérarchiques entre les managers de la DRH,
- la mise en cause de la qualité de son travail dans la mission illusoire sur les retraites pourtant très bien évaluée par Monsieur [T] et Monsieur [G],
- l'imputation qui lui est attribuée de la difficulté rencontrée et le déni du harcèlement et de la discrimination en rejetant la responsabilité de la situation sur lui.
Il renvoie plus spécialement aux propos de Monsieur [K], sous directeur RH de SNCF Mobilités en ce qu'il a déclaré : « Certains propos racistes et sexistes m'ont été rapportés, mais je ne les ai pas vérifiés.»
Il dénonce les réactions de certains subordonnés de Monsieur [K] qui, pour suivre ses consignes l'ont sali sur la seule base des propos rapportés et non vérifiés par les managers mis en cause par lui.
Outre qu'il n'est pas établi que les déclarations de Monsieur [K] faisant état notamment de « sexisme » aient été en rapport avec la situation de Monsieur [D], c'est par de justes motifs que la cour adopte que les premiers juges ont, après avoir analysé avec précision et exactitude les pièces qui leur étaient soumises en tous points identiques à celles qui sont présentées à la cour, retenu que mis à part les affirmations de Monsieur [D] reprises dans de multiples courriers et mails adressés à l'employeur, et dans ses écrits, les pièces communiquées ne permettent pas de cerner de façon précise les prétendus comportements ou propos tenus par ses supérieurs et la dégradation de ses conditions de travail en résultant.
Il est aussi exact que si la dégradation de la santé de Monsieur [D] est attestée par les médecins rencontrés, les premiers juges ont relevé à bon escient que l'imputabilité de celle-ci à sa situation au sein de la SA SNCF découle de ses propres déclarations et doléances.
Enfin, l'allégation émise selon laquelle l'employeur a mis en 'uvre intentionnellement des stratégies pour amener les collaborateurs à exprimer des conclusions n'est pas étayée par des éléments pertinents.
Le jugement déféré sera en conséquence confirmé en ce qu'il a rejeté les demandes de Monsieur [D] à cet égard y compris pour une perte de chance d'obtenir une rémunération entre 55.5 et 67 ans, aucune discrimination au titre de l'age n'étant étayée à défaut d'une mise à la retraite d'office effective.
Sur les demandes formulées à titre subsidiaire,
En l'absence de discrimination sur le déroulement de la carrière, il ne peut être fait droit aux demandes tendant à enjoindre à la SA SNCF de lui attribuer, sous astreinte, la qualification CS à compter du 1 er avril 2011, à l'affecter au poste permanent de responsable du pilotage de la mission Handicap.
S'agissant de la demande de financement d'un auxiliaire professionnel, il incombe à l'employeur de satisfaire aux préconisations du médecin de travail. Or, il n'est pas justifié que le médecin ait préconisé le recrutement d'un auxiliaire, dans le collège maîtrise avec la qualification E et en cas de recrutement externe avec un salaire égal à au moins celui de la qualification E.
Il n'appartient pas à la cour de se substituer au médecin du travail à cet égard.
Enfin, les mesures sollicitées par Monsieur [D] pour garantir aux travailleurs lourdement handicapés, dont lui-même un traitement équitable et transparent de leur candidature à la mobilité interne, impliquent la mise en 'uvre d'échanges s'inscrivant dans le cadre de discussions collectives avec les représentants des salariés.
En tout état de cause, il n'entre pas dans le pouvoir de la cour d'appel de les ordonner.
Sur les dépens et l'application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
Monsieur [D] qui succombe dans la présente instance, sera débouté de sa demande d'indemnité en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et condamné aux entiers dépens.
Des raisons tenant à l'équité commandent de débouter la SA SNCF de sa demande au titure de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La Cour,
Rejette les conclusions postérieures au 05 septembre 2019 ;
Confirme le jugement déféré,
Déboute Monsieur [D] de ses prétentions,
Déboute la SA SNCF de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne Monsieur [D] aux entiers dépens.
LE GREFFIER LA PRESIDENTE