Copies exécutoiresREPUBLIQUE FRANCAISE
délivrées le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 6 - Chambre 7
ARRET DU 26 NOVEMBRE 2020
(n° , 11 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 18/09481 - N° Portalis 35L7-V-B7C-B6GUE
Décision déférée à la Cour : Jugement du 17 Mai 2018 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS - RG n° F 17/04106
APPELANTE
Madame [H] [B] [J] [C]
[Adresse 1]
[Adresse 1]
Représentée par Me Pascale NABOUDET-VOGEL, avocat au barreau de PARIS, toque : L0046
INTIMEE
SA EDITIONS GALLIMARD
[Adresse 2]
[Adresse 2]
Représentée par Me Sophie LALLEMENT, avocat au barreau de PARIS, toque : C0699
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 22 Octobre 2020, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Hélène FILLIOL, Présidente de chambre, et Madame Bérengère DOLBEAU, Conseillère, chargées du rapport.
Ces magistrats, entendus en leur rapport, ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Madame Hélène FILLIOL, Présidente de Chambre,
Madame Marie-Hélène DELTORT, Présidente de chambre,
Madame Bérengère DOLBEAU, Conseillère.
Greffier, lors des débats : Madame Lucile MOEGLIN
ARRET :
- CONTRADICTOIRE,
- mis à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile,
- signé par Madame Hélène FILLIOL, Présidente de chambre, et par Madame Lucile MOEGLIN, Greffière, à laquelle la minute a été remise par le magistrat signataire.
FAITS ET PROCEDURE
Mme [C] a été engagée par les Éditions Gallimard à compter du 1er juin 2003 en tant que travailleur à domicile pour exercer les fonctions de « préparatrice typo » 'classification technicienne' dans le cadre d'un contrat de travail à durée indéterminée.
En complément de ce premier contrat, Mme [C] a été engagée à compter du 1er février 2005 en qualité de préparatrice, typo, classification technicienne dans le cadre d'un contrat de travail à durée indéterminée à temps partiel (18.75 heures par semaine).
Les relations contractuelles étaient soumises à la convention collective de l'édition.
Mme [C] a été absente de l'entreprise pour cause de maladie du 4 juillet au 26 août 2013 puis du 5 au 26 septembre 2013 pour cause de congés payés et du 27 septembre 2013 au 31 mars 2015 pour cause de maladie.
A l'issue de deux visites de reprise du 28 janvier et 12 février 2015, Mme [C] a été déclarée inapte à son poste de « préparatrice typographe », le médecin du travail précisant dans ses conclusions : « en raison de son état de santé, aucune proposition de reclassement professionnelle dans l'entreprise ».
Par courrier du 6 mars 2015, Mme [C] a été convoquée à un entretien préalable fixé le 16 mars 2015 puis licenciée par courrier du 19 mars 2015 pour inaptitude à son emploi et impossibilité de reclassement en ces termes exactement reproduits :
« Nous sommes au regret de vous informer que nous sommes dans l'obligation de vous licencier en raison de votre inaptitude à votre emploi constatée par la médecine du travail et à la suite de laquelle votre reclassement dans l'entreprise ou dans le groupe s'est révélé impossible.
Nous vous apportons les précisons suivantes quant au motif de ce licenciement :
Vous avez été reçue par le médecin du travail le 28 janvier 2015 dans le cadre d'une visite de pré-reprise. Le médecin a rendu un avis temporaire et vous a convoquée à un second examen médical qui s'est tenu le 12 février 2015.
Suite à ce second examen, le médecin du travail a émis l'avis suivant :
« à la suite du 1 er examen du 28/01/2015, 2eme visite dans le cadre de l'article R 4624-31 du code du travail inapte au poste de préparatrice typographe. En raison de son état de santé, aucune proposition de reclassement professionnelle dans l'entreprise ne peut être envisagée. »
Compte tenu de ces conclusions, nous avons entamé des recherches de reclassement en interne au sein des éditions Gallimard ainsi qu'au niveau des différentes sociétés du groupe Madrigall.
Il s'avère qu'après avoir examiné l'ensemble des postes disponibles au sein de la société et du groupe, nous ne disposons d'aucune possibilité de reclassement correspondant à votre profil et aux restrictions médicales dont vous faites l'objet.
Votre reclassement s'avérant à ce jour impossible, nous sommes donc dans l'obligation de vous notifier par la présente votre licenciement pour le motif ci-dessus indiqué. ».
Contestant le bien fondé de son licenciement, Mme [C] a saisi le conseil de prud'hommes le 1er juin 2015.
Par jugement du 17 mai 2018, le conseil de prud'hommes de Paris a :
-Prononcé la jonction des instances RG :17/04106 et 17/04362 ;
-Mis hors de cause la société Madrigall ;
-Débouté Mme [C] de l'ensemble de ses demandes ;
-Débouté la société Editions Gallimard de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
-Condamne Mme [C] aux dépens.
Pour rejeter la demande de dommages et intérêts pour licenciement nul ou sans cause réelle et sérieuse, le conseil a considéré que la procédure ayant abouti au prononcé de l'inaptitude de Mme [C] était valide, que l'inaptitude n'était pas d'origine professionnelle, que rien ne démontrait que l'employeur n'avait pas respecté son obligation de reclassement. Les premiers juges ont en outre estimé que la salariée ne présentait aucun élément matériel répondant à la définition du harcèlement moral.
Mme [C] a interjeté appel du jugement le 24 juillet 2018.
PRETENTIONS ET MOYENS
Par conclusions transmises le 22 septembre 2020 par la voie électronique, Mme [C] demande à la cour de :
-Dire que la société Gallimard n'établit pas l'impossibilité de reclassement;
Ce faisant :
- Dire que la société Gallimard a manqué à son obligation effective et sérieuse de reclassement;
- Dire qu'elle n'a bénéficié d'aucune offre de poste, ni d'aucune recherche sérieuse de reclassement ;
- Dire que la société Gallimard s'est abstenue de toute recherche effective et sérieuse de reclassement en raison de son état de santé ;
En conséquence de quoi :
-Infirmer le jugement en ce qu'il l'a déboutée de ses demandes principales ;
Statuant à nouveau :
-Dire que le licenciement survenu au mépris de l'obligation de reclassement, est nul car motivé par l'état de santé ;
-Ordonner la nullité du licenciement intervenu le 19 mars 2015 au visa de l'article L 1132-1 du code du travail
-Donner acte de ce qu'elle ne sollicite pas la réintégration .
- Condamner la société Gallimard à lui verser la somme de 85.572€ à titre de dommages et intérêts du fait de la rupture abusive des relations contractuelles ;
A titre subsidiaire,
-Dire que la société Gallimard a manqué à son obligation effective et sérieuse de reclassement
- Dire que le licenciement est dépourvu de toute cause réelle et sérieuse,
En conséquence :
- Infirmer le jugement en ce qu'il l'a déboutée de ses demandes subsidiaires,
- Condamner la société Gallimard à lui verser la somme de 85.572 € au titre de l'indemnité sans cause réelle et sérieuse (article 1226-15 du code du travail)
- Dire que l'inaptitude émise par la médecine du travail le 12 février 2015 a une origine professionnelle ,
Ce faisant :
- Condamner la société Gallimard à lui verser la somme de 28.524 € au titre de l'indemnité pour non-respect de l'obligation de reclassement en application de l'article L 1226-15 alinéa 3 du code du travail ,
-Condamner la société Gallimard à lui verser la somme de 4717,18 € au titre de l'indemnité compensatrice de préavis en application de l'article L 1226-15 alinéa 3 du code du travail ,
-Condamner la société Gallimard à lui verser la somme de 471, 71 € au titre des congés payés sur préavis ,
- Condamner la société Gallimard à lui verser la somme de 22.499,47 € au titre de l'indemnité spéciale de licenciement en application de l'article L 1226-14 du code du travail laquelle tient compte de la déduction des sommes versées au titre de l'indemnité de licenciement (11.669,11 € et 11091,54 €)
-Ordonner la rectification et la remise sous astreinte de 150 € par jour de retard à compter du prononcé du jugement à intervenir :
.des deux bulletins de paie de mars 2015 comportant les mentions suivantes :
.du solde de tout compte tenant compte des modifications suscitées notamment quant au montant des deux indemnités conventionnelles rectifiées (12.195,08 € et 10.434,98 €) que de l'ancienneté de la salariée ,
. du certificat de travail de la salariée et notamment s'agissant du contrat de préparateur typo à domicile remontant au 1er juin 2003 et non au 1er juillet 2003 (comme cela figure sur les BS et le certificat de travail remis en mars 2015 )
. attestation pôle emploi
- Condamner la société Gallimard à lui verser à la somme de 28.524 € en raison du défaut de consultation des délégués du personnel en application de l'article L 1226-10 du code du travail
A titre infiniment subsidiaire:
Si l'origine professionnelle n'était pas retenue,
- Infirmer le jugement du 17 mai 2018 en ce qu'il l'a déboutée de ses demandes subsidiaires ,
Statuant à nouveau :
- Dire que le licenciement intervenu est dépourvu de toute cause réelle et sérieuse,
En tout état de cause, dire le licenciement survenu le 19 mars 2015 dépourvu de toute cause réelle et sérieuse,
En conséquence :
- Condamner la société Gallimard à lui verser la somme de 85.572 € au titre de l'indemnité sans cause réelle et sérieuse ,
- Condamner la société Gallimard à lui verser la somme de 4.717,18 € au titre de l'indemnité compensatrice de préavis compte tenu du manquement à l'obligation impérative de reclassement, ainsi qu'aux congés payés y afférents d'un montant de 471,71 € ,
En toutes hypothèses,
-Débouter la société Gallimard de toutes ses demandes,
-Condamner la société Gallimard à lui verser la somme de 28.524 € compte tenu du manquement à son obligation de sécurité résultat en application de l'article L 4121-1 du code du travail ,
-Condamner la société Gallimard à lui verser la somme de 28.524 € compte tenu du harcèlement moral dont elle a été l'objet,
-Condamner la société Gallimard à lui verser la somme de 5.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
-Confirmer pour surplus le jugement dont appel,
-Condamner la société Gallimard aux entiers dépens.
Pour conclure à titre principal à la nullité du licenciement, elle invoque le principe de non discrimination en raison de l'état de santé et l'obligation d'ordre public de reclassement, faisant valoir que la société Les Editions Gallimard n'a jamais entrepris la moindre démarche afin de tenter de la reclasser et ce en raison de son état de santé.
Pour réclamer à titre subsidiaire des dommages et intérêts sur le fondement des dispositions protectrices des accidentés du travail, elle fait que la société Les Editions Gallimard n'a pas respecté son obligation de reclassement et qu'elle n'a pas consulté les délégués du personnel.
A titre infiniment subsidiaire, elle invoque les dispositions de l'article L.1226-2 du code du travail et le manquement de l'employeur à son obligation de reclassement.
En toute hypothèse, sur les dommages et intérêts en raison du manquement de l'employeur à son obligation de sécurité, elle se prévaut des dispositions de l'article L 4121-1 du code du travail, faisant valoir que l'employeur n'a rien entrepris suite à l'alerte donnée par les délégués du personnel sur les conditions de travail dégradées régnant au sein du service production depuis l'arrivée du nouveau directeur M.[I].
Pour réclamer des dommages et intérêts au titre du harcèlement moral, elle invoque les agissements inacceptables de M.[I] à compter du 3 septembre 2013, qu'elle a dénoncés par mail du 6 septembre 2013 et la dégradation de son état de santé qui en a résulté.
Par conclusions transmises par la voie électronique le 13 octobre 2020, la société Les Editions Gallimard sollicite la confirmation du jugement et demande à la cour de débouter Mme [C] de l'intégralité de ses demandes et de la condamner au paiement d'une somme de 4000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Elle conteste que le licenciement soit fondé sur un motif discriminatoire tiré de l'état de santé de Mme [C], relevant que la lettre de rupture vise l'inaptitude constatée par le médecin du travail et l'impossibilité de reclassement.
Elle estime que la demande de Mme [C] tendant à faire reconnaître l'origine professionnelle de son inaptitude est irrecevable faisant valoir que la reconnaissance de la maladie professionnelle doit être demandée à la CPAM et n'a rien à voir avec l'avis d'inaptitude rendu par le médecin du travail et que les dispositions protectrices des accidentés du travail ne sont pas applicables.
Elle fait valoir qu'elle a respecté son obligation de reclassement.
Sur la demande relative au harcèlement moral, elle relève que Mme [C] ne produit aucun élément susceptible de laisser présumer qu'elle aurait été victime de harcèlement moral.
L'ordonnance de clôture a été prononcée le 14 octobre 2020.
MOTIFS
Sur le harcèlement moral :
Aux termes de l'article L-1152-1 du code du travail ' aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel ';
L'article L 1154-1 du même code prévoit qu'en cas de litige le salarié concerné établit des éléments de faits laissant présumer l'existence d'un harcèlement et il incombe à l'employeur, au vu de ces éléments, de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.
Elle invoque:
- le climat délétère au sein du service de production dans lequel elle travaillait depuis l'arrivée de M.[I] à la direction du service fin décembre 2011,
- les agissements et propos inacceptables de ce dernier lors d'un entretien du 3 septembre 2013, réitérés par mails du 10 septembre et du 22 octobre 2013, qu'elle a dénoncés par mail du 4 et du 6 septembre 2013,
- la dégradation de son état de santé qui en a résulté.
Sur le climat délétère au sein de son service, elle produit :
- la synthèse de l'enquête interne au sein du service fabrication qui conclut en particulier à :
* des avis partagés par rapport au directeur de production perçu par certains comme trop sur de lui avec des approches déstabilisantes et des attitudes parfois dénigrantes mais également de certains chefs de service.
* un ton et des remarques du directeur de production parfois mal ressentis mais qui ne sont pas vécus par tous les collaborateurs de la même façon,
- une attestation de M.[U], délégué du personnel et représentant syndical CGT, qui indique avoir été contacté début mars 2013 par des personnes du service de fabrication qui décrivaient une situation intenable avec le management du responsable de la production, M.[I].
Elle se prévaut également d'une attestation de M.[V], directeur du développement éditorial, qui évoque notamment les propos d'un collaborateur, M.[S], qui faisait état des critiques et de la lassitude des collaborateurs exaspérés par le comportement jugé oppressant de M.[I].
Sur les agissements et les propos de M.[I], elle communique :
- une attestation d'un collègue de travail, Mme [T] qui déclare l'avoir rencontrée le 3 septembre 2013 à la sortie du bureau de M.[I] ; que Mme [C] était dévastée, profondément choquée en larmes ; qu'elle lui a dit que M.[I] lui avait reproché violemment son absence et l'avait accusée d'avoir laissé un service désorganisé ce qui avait provoqué 'une véritable bérézina'.
-un mail qu'elle a adressé à la directrice des ressources humaines du 4 septembre 2013 sollicitant un rendez vous suite à l'entretien du 3 septembre au matin avec M.[I].
- un compte-rendu de l'entretien du 3 septembre 2013 qu'elle a envoyé à M.[I] par mail du 6 septembre 2013, adressé en copie à la directrice des ressources humaines et aux délégués syndicaux aux termes duquel elle exprime son étonnement sur le contenu et le déroulement de l'entretien du 3 septembre, soulignant que pendant 45 minutes, M.[I] lui a demandé la raison de 'la Bérézina' au service typo pendant les vacances alors qu'elle ne pouvait apporter d'explication en raison de son absence pour cause de maladie.
- un courrier électronique de M.[I] du 10 septembre 2013 lui indiquant être désolé que ses propos aient pu la blesser et que ce n'était pas son intention, qu'il lui avait semblé normal de s'enquérir de sa santé puisqu'elle revenait d'une absence d'un mois et demi, soulignant qu'il avait insisté sur le fonctionnement du service typo pendant l'été parce qu'il voulait avoir son avis, qu'il avait sans doute fait preuve de maladresse mais que son intention n'était pas de la remettre en cause, qu'il comprenait que les problèmes de travail ne soient pas sa priorité actuellement.
- son mail en réponse du 30 septembre 2013, aux termes duquel elle lui reproche d'insister sur sa maladie et lui indique que son intention n'était pas sa santé, ni d'avoir son avis et son analyse et que l'entretien avait été pour elle exténuant.
- le courrier en réponse de M.[I] du 22 octobre 2013 regrettant ses interprétations et lui réitérant 'son souhait de meilleur repos possible'.
- son mail en réponse du 30 octobre 2013 lui reprochant notamment ses agissements entretenus à distance ne lui permettant pas un rétablissement, en dépit pourtant de son suivi thérapeutique et médicamenteux.
Elle produit sur la dégradation de son état de santé :
- son avis d'arrêt de travail initial du 27 septembre 2013 qui mentionne à la rubrique élément d'ordre médical ' stress au travail, harcèlement' et ses avis de prolongation qui portent la même mention.
- un certificat médical de son psychiatre qui atteste suivre régulièrement Mme [C] depuis octobre 2013 pour symptomatologie anxiodépressive de type réactionnel.
- une attestation de suivi du service social de la Cramif qui indique que Mme [C] participe aux séances de groupe de parole ayant pour thème la souffrance au travail et qu'elle a vécu sur son lieu de travail à son retour d'arrêt maladie fin août 2013 des épreuves violentes et brutales provoquant sur le plan mental et physique des conséquences sérieuses.
Mme [C] présente ainsi des éléments de faits qui, pris dans leur ensemble permettent de présumer l'existence d'un harcèlement moral à son encontre.
La société Les Editions Gallimard, qui sollicite la confirmation du jugement de ce chef, réfute les allégations de la salariée et soutient que la preuve du moindre agissement qui caractériserait un harcèlement moral n'est pas rapportée.
Sur le climat délétère régnant au sein du service fabrication depuis l'arrivée de M.[I] en décembre 2011, la société Les Editions Gallimard fait valoir que M.[I] a dû faire face dès son arrivée à une politique de déstabilisation menée par deux chefs de service, M.[S] et M.[D] ; que suite aux accusations de harcèlement moral à l'encontre de M.[I] formulées par M.[S] le 25 avril 2013 et à l'alerte des représentants du personnel sur des problèmes relationnels au sein du service fabrication, elle a décidé de lancer une enquête interne à laquelle ont été associés les délégués du personnel et le CHSTC afin notamment de faire cesser l'exposition aux risques, s'ils étaient avérés.
La société Les Editions Gallimard ne peut valablement faire valoir que cette enquête n'a pas conclu à l'existence de harcèlement moral avéré de la part de M.[I] à l'encontre de salariés, en particulier à l'encontre de Mme [C] mais a seulement relevé 'des problèmes de personnes 'une guerre des chefs' impactant le bon fonctionnement du service entraînant des tensions et des dysfonctionnements' alors qu'il ressort de la lecture de ce document que le directeur de production a été accusé de harcèlement par l'un de ses collaborateurs directs et que plusieurs salariés ont fait état d'attitudes qualifiées de malsaines ou perverses avec propension à la manipulation ou à l'intimidation.
Sur les propos de M.[I] lors de l'entretien du 3 septembre 2013, l'employeur explique que cet entretien avait pour objet de recevoir et d'accueillir Mme [C] dans le service à son retour d'absence pour cause de maladie. Il ne peut valablement faire valoir que la lecture du compte-rendu envoyé par la salariée à M.[I] le 6 septembre 2013 ne fait pas état de harcèlement, comme le mail envoyé le lendemain à la directrice des ressources humaines et que les mails en réponse de M.[I] du 10 septembre et du 22 octobre témoignent de la volonté d'apaisement de son auteur, sans apporter d'explications d'une part sur comportement de M.[I] lors de l'entretien du 3 septembre qui a consisté à demander pendant 45 minutes à Mme [C] la raison de 'la Bérézina' au service 'typo' pendant les vacances alors qu'elle ne pouvait apporter d'éléments en raison de son absence pour cause de maladie et d'autre part sur l'état de la salariée à sa sortie du bureau de ce dernier, laquelle a été décrite par Mme [T] comme 'dévastée' et en larmes.
Les pièces médicales produites par la salariée, établissent un lien entre les faits susvisés subies par cette dernière et la dégradation de son état de santé qui a conduit à la constatation de son inaptitude par le médecin du travail dans son avis du 12 février 2015.
L'employeur ne justifie pas que le climat délétère régnant au sein du service, qui a eu des conséquences sur les conditions de travail de Mme [C] et le comportement de M.[I] lors de l'entretien du 3 septembre 2013 soient étrangers à tout harcèlement moral.
Il y a donc lieu, en infirmant le jugement, de condamner l'employeur à payer à Mme [C] la somme de 4000€ à titre de demande de dommages et intérêts.
Sur l'obligation de sécurité :
L'employeur tenu à une obligation de sécurité, doit prendre toutes les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et la protection de la santé des salariés dans l'entreprise. En matière de harcèlement moral, il doit prendre toutes les mesures immédiates propres à faire cesser le harcèlement dès qu'il a été informé de l'existence de faits susceptibles de constituer un harcèlement moral.
C'est à juste titre Mme [C] fait valoir que l'employeur n'a rien entrepris suite à l'enquête du 2 juillet 2013 au sein du service de fabrication alors que celle-ci faisait état de problèmes de personnes, 'une guerre de chef' pouvant impacter le bon fonctionnement du service entraînant des tensions et des dysfonctionnements. Le préjudice subi par la salariée résultant du manquement de l'employeur à son obligation de sécurité sera réparé par l'allocation d'une somme de 1500€ à titre de dommages et intérêt. Le jugement doit être infirmé sur ce point.
Sur le licenciement :
Mme [C] sollicite à titre principal des dommages et intérêts au titre de la nullité du licenciement au motif que celui-ci, 'intervenu au mépris de l'obligation impérative de reclassement', 'est motivé uniquement par son état de santé'.
En application de l'article L.1132-1 du code du travail, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, telle que définie à l'article 1er de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations, notamment en matière de rémunération au sens de l'article L. 3221-3, en raison de son état de santé.
En l'espèce, force est de constater que le licenciement est motivé par l'avis d'inaptitude du médecin du travail du 12 février 2015 et par l'impossibilité de la reclasser. Dans ce contexte, elle ne peut valablement soutenir, sans produire aucun élément, que l'employeur n'entendait pas satisfaire à son obligation de reclassement et qu'il s'est délibérément abstenu de toute recherche effective de reclassement en raison de son état de santé.
Le moyen tiré de l'existence d'un motif discriminatoire doit être rejeté.
Il en découle que Mme [C] doit être déboutée de ses demandes au titre de la nullité du licenciement.
Mme [C] demande à la cour à titre subsidiaire sur le fondement des dispositions protectrices des accidentés du travail, des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et les indemnités de rupture prévus par les articles L.1226-14 et L.1226-15 du code du travail.
Il ressort des développements qui précèdent que l'inaptitude constatée par le médecin du travail dans son avis du 12 février 2015 a une origine professionnelle, peu important que les avis d'arrêt de travail initiaux et de prolongation de la salariée sur les périodes du 4 juillet au 26 août 2013 et du 27 septembre 2013 au 31 mars 2015 soient des avis d'arrêt de travail pour cause de maladie ou que les avis d'inaptitude du 26 janvier et 12 février 2015 ne mentionnent pas une origine professionnelle à l'inaptitude de la salariée.
Il s'ensuit que Mme [C] est bien fondé à solliciter l'application des dispositions des articles L.1226-15, L.1226-14 et L.1226-10 du code du travail précitées.
L'article L.1226-10 du code du travail dans sa version applicable au litige dont se prévaut la salariée prévoit : 'Lorsque à l'issue des périodes de suspension du contrat de travail consécutives à un accident du travail ou à une maladie professionnelle , le salarié est déclaré inapte par le médecin du travail à reprendre l'emploi qu'il occupait précédemment, l'employeur lui propose un autre emploi approprié à ses capacités.
Cette proposition prend en compte, après avis des délégués du personnel, les conclusions écrites du médecin du travail et les indications qu'il formule sur l'aptitude du salarié à exercer l'une des taches existant dans l'entreprise.
Le seul fait que l'employeur ait licencié la salariée sans avoir procédé à la consultation des délégués du personnel rend le licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Mme [C] justifie avoir perçu l'allocation d'aide au retour à l'emploi à compter du 19 mars 2015 jusqu'au mois de septembre 2015 et en janvier 2017. Elle produit deux contrats à durée déterminée du 9 février et 29 avril 2017 portant sur des postes de documentaliste multi- média.
Sur le fondement de l'article L.1226-15 du code du travail, compte tenu de son salaire brut mensuel lors de son licenciement de 2358.59€, il y a lieu de lui allouer la somme de 28.304€ à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Le non respect des obligations relatives à la formalités de consultation des délégués du personnel et celles relatives au reclassement du salarié ne peut être sanctionné que par une seule et même indemnité au titre de l'article L.1226-15 précité. La salariée doit en conséquence être déboutée de ses demandes de dommages et intérêts au titre du manquement à l'obligation de reclassement et au défaut de consultation des délégués du personnel.
Sur les indemnités spéciales :
Il y a lieu d'accueillir la demande de la salariée au titre de l'indemnité compensatrice' d'un montant égal à celui de l'indemnité compensatrice de préavis prévue à l'article L.1234-5 du code du travail' à hauteur de la somme de 4717.18€ correspondant à deux mois de salaire.
Sur la base du décompte établi par la salariée, non sérieusement discuté par l'employeur, il y a lieu d'accueillir la demande au titre de l'indemnité spéciale égale au double de l'indemnité prévue par l'article L.1234-9 du code du travail à hauteur du montant réclamé.
Sur la rectification de ses bulletins de paie, solde de tout compte et certificat de travail :
L'employeur conclut à l'irrecevabilité de cette demande, sans préciser en quoi celle-ci serait irrecevable. Ce moyen doit être rejeté.
Sur le fond, l'employeur ne conteste pas sérieusement les erreurs figurant sur les deux bulletins de paie de mars 2015 portant sur :
- le montant de l'indemnité conventionnelle de licenciement de 10.434.98€ (et non de 11.669.11€) pour le contrat de préparateur typo « en pied » et de 12.195,08€ ( et non de 11.091.54€) pour le contrat de préparateur typo à domicile,
- l'ancienneté de 10,13 années ( et non de 11 et 10 mois ) pour le contrat de préparateur typo « en pied » et de 11,81 années (et non de 11 années) le contrat de préparateur typo à domicile,
- la date d'entrée dans l'entreprise du 1 er juin 2003 ( et non le 1er juillet 2013) pour le contrat de préparateur typo à domicile.
Il y a donc lieu d'accueillir cette demande de rectification, sans qu'il y ait lieu de prononcer une astreinte.
PAR CES MOTIFS
La Cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire, en dernier ressort, mis à disposition par le greffe,
CONFIRME le jugement en ce qu'il a prononcé la jonction des instances et mis hors de cause la société Madrigall ;
L'INFIRME pour le surplus et statuant à nouveau ;
CONDAMNE la société Les Editions Gallimard à payer à Mme [C] les sommes de 4000€ à titre de dommages et intérêts pour harcèlement moral et de 1500€ au titre du manquement de l'employeur à l'obligation de sécurité avec intérêts au taux légal à compter de la décision ;
CONDAMNE la société Les Editions Gallimard à payer à Mme [C] la somme de 28.304€ à titre des dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse avec intérêts au taux légal à compter de la décision ;
CONDAMNE la société Les Editions Gallimard à payer à Mme [C] les sommes de 4717.18€ bruts à titre d'indemnité de préavis et de 471.71€ bruts à titre d'indemnité de congés payés sur préavis, avec intérêts au taux légal à compter de la convocation de l'employeur devant le conseil de prud'hommes ;
CONDAMNE la société Les Editions Gallimard à payer à Mme [C] la somme de 22.499.47€ au titre de l'indemnité spéciale de licenciement avec intérêts au taux légal à compter de la convocation de l'employeur devant le conseil de prud'hommes ;
DÉBOUTE Mme [C] de ses demandes de dommages et intérêts au titre du manquement à l'obligation de reclassement et en raison du défaut de consultation des délégués du personnel ;
ORDONNE à la société Les Editions Gallimard de délivrer à Mme [C] des bulletins de paie du mois de mars, du solde de tout compte, et du certificat de travail conformes ;
REJETTE la demande d'astreinte ;
ORDONNE à la société Les Editions Gallimard le remboursement aux organismes intéressés des indemnités chômage versées au salarié licencié du jour de son licenciement au jour du jugement prononcé dans la limite de 6 mois d'indemnités chômage ;
CONDAMNE la société Les Editions Gallimard à payer à Mme [C] la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
CONDAMNE la société Les Editions Gallimard aux dépens de première instance et d'appel.
LA GREFFIERE LA PRESIDENTE