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24/11/2020 | FRANCE | N°18/11887

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 11, 24 novembre 2020, 18/11887


Copies exécutoiresREPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 11



ARRET DU 24 NOVEMBRE 2020

(n° , 9 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 18/11887 - N° Portalis 35L7-V-B7C-B6TSE



Décision déférée à la Cour : Jugement du 28 Mai 2018 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS - RG n° 17/07238





APPELANT



Monsieur [L] [D]

[Adresse 3]

[Localité 4]

Repr

ésenté par Me Stéphane BAROUGIER, avocat au barreau de PARIS







INTIMÉE



SARL PROTEC PRESTIGE PRIVEE

[Adresse 1]

[Localité 2]

Représentée par Me Yann DEBRAY, avocat au barreau ...

Copies exécutoiresREPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 11

ARRET DU 24 NOVEMBRE 2020

(n° , 9 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 18/11887 - N° Portalis 35L7-V-B7C-B6TSE

Décision déférée à la Cour : Jugement du 28 Mai 2018 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS - RG n° 17/07238

APPELANT

Monsieur [L] [D]

[Adresse 3]

[Localité 4]

Représenté par Me Stéphane BAROUGIER, avocat au barreau de PARIS

INTIMÉE

SARL PROTEC PRESTIGE PRIVEE

[Adresse 1]

[Localité 2]

Représentée par Me Yann DEBRAY, avocat au barreau de PARIS, toque : B0888

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 15 Octobre 2020, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme Laurence DELARBRE, conseillère, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :

Mme Anne HARTMANN, présidente de chambre

Madame Sylvie HYLAIRE, présidente de chambre

Madame Laurence DELARBRE, conseillère,

Greffier, lors des débats : Mme Anouk ESTAVIANNE

ARRET :

- contradictoire

- mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile

- signé par Sylvie HYLAIRE présidente de chambre et par Mathilde SARRON greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSÉ DU LITIGE

M. [L] [D], né en 1977, a été engagé par contrat de travail à durée indéterminée, à temps partiel de 120 heures, à compter du 1er février 2016 par la SARL Protec Prestige Privée en qualité d'agent de sécurité, coefficient 130, niveau 03, échelon 01 de la convention collective des entreprises de prévention et de sécurité.

Le contrat prévoyait qu'en raison de la nature de la fonction, le salarié pouvait être amené à travailler de jour comme de nuit.

M. [D] a été élu délégué personnel suppléant le 17 janvier 2017.

En dernier lieu, la rémunération mensuelle brute moyenne de M. [D] s'élevait à la somme de 1.188,24 euros.

Par courrier du 2 janvier 2017, M. [D] reprochait à son employeur de lui avoir imposé un changement de ses horaires de travail en le faisant passer d'un horaire de nuit à un horaire de jour.

L'employeur lui répondait alors que ce changement ne constituait pas une modification de son contrat de travail compte tenu des termes du contrat.

Par lettre datée du 1er juin 2017, M. [D] a pris acte de la rupture de son contrat de travail aux torts de l'employeur.

A cette date, M. [D] avait une ancienneté de 1 an et 4 mois et la société Protec Prestige Privée occupait à titre habituel plus de dix salariés.

Le 12 septembre 2017, soutenant que la prise d'acte de la rupture de son contrat doit produire les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse et réclamant diverses indemnités, M. [D] a saisi le conseil de prud'hommes de Paris qui, par jugement rendu le 28 mai 2018, a :

- condamné la SARL Protec Prestige Privée à verser à M. [D] la somme de 36,50 euros à titre de remboursement de frais de transport ;

- débouté M. [D] du surplus de ses demandes ;

- débouté la SARL Protec Prestige Privée de sa demande reconventionnelle et de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamné la SARL Protec Prestige Privée aux dépens.

Par déclaration du 22 octobre 2018,M. [D] a interjeté appel de cette décision qui lui avait été notifiée le 16 octobre.

Dans ses dernières conclusions, M. [D] demande à la cour de le déclarer recevable et bien fondé en son appel, d'infirmer le jugement du 28 mai 2018 et de :

- dire que la prise d'acte de la rupture du contrat de travail produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

- condamner la SARL Protec Prestige Privée à lui verser les sommes suivantes :

* 1.188,24 euros à titre d'indemnité de préavis,

* 118,82 euros à titre de congés payés sur préavis,

* 332,70 euros à titre d'indemnité légale de licenciement,

* 28.517,76 euros à titre d'indemnité pour violation du statut protecteur,

* 3.470,60 euros à titre de rappel de salaire de novembre 2016 au 1er juin 2017,

* 347,06 euros à titre de congés payés afférents,

* 12.000 euros à titre de dommages et intérêts pour rupture abusive,

* 7.129,44 euros à titre d'indemnité pour travail dissimulé,

- condamner la SARL Protec Prestige Privée à lui remettre ses bulletins de paie de mars 2016, avril 2016, septembre 2016, octobre 2016, novembre 2016, décembre 2016, janvier 2017, mars 2017, avril 2017 et mai 2017 sous astreinte de 200 euros par jour de retard à compter de la décision ;

- confirmer le jugement du 28 mai 2018 en ce qu'il a débouté la SARL Protec Prestige Privée de sa demande en paiement de dommages et intérêts au titre du préavis ;

- débouter la SARL Protec Prestige Privée de l'ensemble de ses demandes ;

- condamner la SARL Protec Prestige Privée aux dépens ;

- condamner la SARL Protec Prestige Privée à lui payer la somme de 2.000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Dans ses dernières conclusions, la société Protec Prestige Privée demande à la cour de confirmer le jugement sauf en ce qu'il l'a déboutée de sa demande indemnitaire pour non-respect du préavis et, statuant à nouveau, de :

- dire que la prise d'acte de rupture du contrat de travail s'analyse comme une démission ;

- dire et juger que'elle n'a commis aucun travail dissimulé ;

- débouter M. [D] de l'ensemble de ses demandes ;

- condamner M. [D] à lui verser la somme de 1.000 euros à titre de dommages et intérêts pour non-respect du préavis ;

- condamner M. [D] à lui verser la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile outre les entiers dépens.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 2 septembre 2020 et l'affaire fixée à l'audience de plaidoirie du 15 octobre 2020.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des moyens et prétentions des parties, la cour se réfère à leurs conclusions écrites ainsi qu'au jugement déféré.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la rupture du contrat

La lettre par laquelle M. [D] a pris acte de la rupture fait état en substance des griefs suivants :

- la modification du contrat de travail sans son accord (passage d'un horaire de nuit à un horaire de jour) ;

- le non-respect des obligations contractuelles (retenue des bulletins de salaires, diminution des horaires de travail et baisse de son coefficient de rémunération) ;

- le non-paiement de ses frais professionnels (entretien de la tenue vestimentaire et frais de transport) ;

- l'inobservation des règles de prévention et de sécurité (absence de visite médicale d'embauche et absence d'affiliation à la mutelle complémentaire santé) ;

- un abus de pouvoir de gestion et harcèlement moral (modification des horaires, refus du congé individuel de formation, refus de congés, diminution du coefficient et fausses accusations).

Dans ses écritures, le salarié ne développe que les manquements suivants :

- la modification des horaires de travail jour/nuit,

- le paiement à un coefficient inférieur,

- la diminution de son temps de travail contractuel,

- le travail dissimulé incluant le défaut de prise en charge de ses frais de transport.

Sur la modification du contrat de travail

Concernant le manquement relatif à la modification du contrat de travail, M. [D] soutient que jusqu'au 9 novembre 2016, il avait accompli 871 heures de nuit, qu'à compter du 11 novembre 2016, il a été planifié en horaires de jours et est donc passé d'un horaire de nuit à un horaire de jour sans que son consentement ne lui soit demandé. M. [D] précise en outre qu'élu au mois de janvier 2017 en qualité de délégué du personnel suppléant, le changement des horaires de travail ne pouvait lui être imposé au regard de son statut protecteur.

La société Protec Prestige Privée soutient que le contrat de travail de M. [D] n'a pas été modifié et qu'elle était en droit de le faire travailler indifféremment de jour comme de nuit, exerçant son pouvoir de direction, dans la mesure où le contrat prévoyait expressément qu'il pouvait être amené à travailler de jour ou de nuit, aucun horaire n'étant contractualisé. L'employeur ajoute en outre que M. [D] avait déjà travaillé alternativement en horaires de jour et de nuit dès son embauche (de 19h à 7h du matin ou de 19h à 5h).

***

En application des dispositions de l' article L. 3122-2 du code du travail dans sa version applicable à compter du 10 août 2016, tout travail effectué au cours d'une période d'au moins neuf heures consécutives comprenant l'intervalle entre minuit et cinq heures est considéré comme du travail de nuit, les dispositions antérieures applicables à la date de signature du contrat (article L. 3122-29) étant reprises dans l'avenant de la convention collective applicable du 25 septembre 2001 relatif au travail de nuit qui prévoit une majoration du taux horaire de 10% des heures de travail comprises entre 21h et 6 heures.

Les plannings de travail du salarié (pièce n°20) établissent que de février 2016 jusqu'au mois de septembre 2016, M. [D] effectuait son service de 19 heures à 7 heures du matin, à l'exception de quelques nuits où il a néanmoins travaillé de 19h à 5 h ou 4h.

Ainsi, contrairement à ce que soutient l'employeur, M. [D] a travaillé dès son embauche en février 2016 et jusqu'au 30 septembre 2016 selon des horaires de nuit.

A compter du mois d'octobre et novembre 2016, ses horaires ont été modifiés, de la manière suivante : 20h à 0h puis en horaires de jour de 9h à 20h ou 20h30.

Ainsi la cour constate que sur le mois de novembre 2016, sur 14 jours de travail effectif, M. [D] a travaillé 8 jours de 9h à 20h30 et une journée de 9h à 20h, qu'en décembre 2016, sur 13 jours de travail effectif, il a travaillé neuf jours de 9h à 20h30-21h et quatre nuits de 20h à 0h et 19h à 7h.

Il est aussi établi que de janvier 2017 à mars 2017, les plannings de travail adressés par la société Protec Prestige Privée au salarié comportaient en majorité des horaires de travail de jour, soit 9h - 21h ou bien 9h - 1h, ou encore 14h15- 20h15 et que seules quatre à cinq nuits par mois étaient maintenues, excepté pour le mois de mars 2017.

Ainsi, la proportion entre les horaires de nuit et de jour a été radicalement inversée par l'employeur à compter du mois de novembre 2016, cette situation se poursuivant après le mois de janvier bien que M. [D] ait informé son employeur de son désaccord par lettre du 2 janvier 2017.

Or, le passage d'un horaire de jour à un horaire de nuit constitue une modification du contrat de travail qui doit être acceptée par le salarié, nonobstant toute clause contractuelle ou conventionnelle contraire.

Le changement par la société Protec Prestige Privée des horaires de travail de nuit en horaires de jour constitue donc une modification du contrat de travail qui nécessitait l'accord de M. [D], a fortiori s'agissant à partir du 17 janvier 2016 d'un salarié protégé.

Sur le manquement relatif au paiement à un coefficient inférieur

Concernant ce manquement, M. [D] soutient qu'il a été réglé au coefficient 120 alors que le contrat de travail prévoyait qu'il devait être payé au coefficient 130. Il ajoute que si la société Protec Prestige Privée a régularisé le paiement du salaire au coefficient 130 à compter du mois d'avril 2017, la régularisation pour la période de février 2016 à mars 2017 reste due.

La société Protec Prestige Privée indique qu'elle a reconnu son erreur concernant le calcul du salaire de M. [D] mais qu'elle l'a rectifiée avant que celui-ci ne prenne acte de la rupture de son contrat de travail ainsi que cela figure sur le bulletin de salaire du mois d'avril 2017, la somme étant réglée le 15 mai 2017.

***

Le contrat de travail à durée indéterminée de M. [D] en date du 1er février 2016, précise qu'il est engagé en qualité d'agent de sécurité, niveau 03, échelon 01, coefficient 130, catégorie non-cadre (pièce n° 1).

Il ressort de l'examen des bulletins de paie que le coefficient 130 a été mentionné sur les bulletins de paie à partir du mois d'avril 2017, le bulletin du mois d'avril faisant apparaître le versement d'un rappel de salaire à ce titre pour les mois de février 2016 à mars 2017 en sorte que la régularisation pour la période antérieure a bien été faite par l'employeur, contrairement à ce que soutient M. [D].

Ce manquement aux obligations contractuelles, réparé à la date de la prise d'acte, ne peut être retenu au soutien de celle-ci.

Sur le manquement au titre du temps de travail contractuel

Au visa de sa pièce 20 (constituée de plannings), M. [D] fait valoir qu'il n'a pas été planifié tous les mois à raison de 120 heures par mois, comme le prévoyait son contrat de travail, sans plus de précison.

La société Protec Prestige Privée explique qu'il n'y a qu'au mois de mars 2017 que M. [D] n'a pas été planifié pour 120 heures car il a pris des congés et s'est absenté pour suivre une formation.

***

De l'examen du planning produit par M. [D], il ressort qu'il a été planifié :

- 120 heures en février 2016,

- 96 heures en mars 2016, ayant été absent du 25 au 31 mars,

- 120 heures en avril 2016,

- 116 heures en mai 2016, ayant été absent du 2 au au 6 mai,

- 84 heures en juin, ayant été absent 4 au 6 puis du 18 au 21 juin,

- 120 heures en juillet 2016,

- 24 heures en août 2016, ayant été absent du 5 au 31 août 2016,

- 72 heures en septembre 2016, ayant été absent du 1er au 15 septembre 2016,

- 42 heures en octobre 2016, ayant été absent du 4 au 6, du 17 au 20, du 22 au 26 et du 29 au 31,

- 107,5 heures en novembre 2016, ayant été absent du 1er au 8 novembre,

- 93,50 heures en décembre 2016, ayant été absent du 13 au 31 décembre 2016,

- 120 heures 25 en février 2017,

- 48 heures en mars 2017,

- 120,75 h en avril 2017,

- 122,50 en mai 2017,

- 123,25 h en juin 2017.

Pour le mois de mars 2017, il est établi que M. [D] a posé des congés payés et s'est absenté pour suivre une formation en ayant informé son employeur par mail du 21 février 2017 qu'il ne serait disponible que les 1er, 2, 15 et 16 mars 2017 (pièce n° 9 de la société).

Au constat que les heures planifiées par l'employeur devaient tenir compte des disponibilités du salarié, le manquement de l'employeur à ses obligations contractuelles quant à la durée de travail effectif ne peut être retenu.

Sur le travail dissimulé

M. [D] fait valoir que l'employeur ne lui a pas remis ses bulletins de paie des mois de mars, avril, septembre, octobre, novembre, décembre 2016 et janvier, mars, avril et mai 2017, soit quasiment pendant toute la durée de la relation contractuelle.

La société Protec Prestige Privée soutient d'une part qu'elle a transmis à M.[D] l'ensemble de ses bulletins de salaire et d'autre part que ce manquement n'établit pas la volonté de l'employeur de commettre l'infraction de travail dissimulé.

***

En application des dispositions de l'article L. 3243-1 et suivants du code du travail, tout paiement de rémunération oblige l'employeur à délivrer un bulletin de paye.

Aux termes du courrier du salarié du 27 mars 2017 (pièce n° 9), il apparaît que l'envoi des bulletins de salaire était effectué par la société par la voie électronique.

Il appartient néanmoins à la société de démontrer que cette remise a été faite, ce qui ne résulte pas des pièces produites.

Cependant, les raisons qui ont empêché M. [D] d'accéder par la voie électronique à ses bulletins de salaire étant inconnues, la cour ne peut en déduire l'intention de l'employeur de retenir de manière intentionnelle ces bulletins et donc l'existence d'un travail dissimulé, M. [D] devant être débouté de sa demande en paiement de l'indemnité forfaitaire prévue par l'article L. article L. 8223-1 du code du travail.

Sous cette rubrique, M. [D] fait également valoir que « les frais de transport n'ont pas tous été pris en charge par l'employeur ».

Est versé aux débats un justificatif d'achat pour le mois d'avril 2017 qui a été adressé à l'employeur par M. [D] par lettre du 10 avril 2017.

L'employeur ne s'expliquant pas sur le défaut de paiement de la moitié du coût de cette dépense, le manquement aux dispositions des articles L. 3261-2 et R. 3261-1 du code du travail est établi en ce qui concerne le mois d'avril 2017.

***

Par conséquent, la cour retient que sont établis au rang des griefs reprochés à la société le changement des horaires de travail de nuit en horaires de jour, qui constitue une modification du contrat de travail, ne pouvant s'opérer qu'avec l'accord du salarié, ainsi qu'un manquement aux obligations contractuelles de l' employeur, s'agissant de la remise des bulletins de paie et de la prise en charge des frais de transport pour le mois d'avril 2017.

Si ces deux derniers griefs ne seraient pas de nature à justifier la prise d'acte de la rupture, en revanche, la modification du contrat, dont le salarié s'était vainement plaint auprès de son employeur est suffisamment grave et de nature à empêcher la poursuite de la relation contractuelle, d'autant qu'il s'est poursuivi alors que M. [D] bénéficiait du statut de salarié protégé à compter du 17 janvier 2017.

En conséquence, il sera fait droit à la demande de M. [D] tendant à voir dire que la prise d' acte de la rupture de son contrat de travail produit les effets d'un licenciement sans

cause réelle et sérieuse.

Sur les demandes au titre des indemnités de rupture

En application des dispositions de l'article L. 1234-1 du code du travail, lorsque le licenciement n'est pas motivé par une faute grave, le salarié a droit':

1° S'il justifie chez le même employeur d'une ancienneté de service continu inférieur à six mois, à un préavis dont la durée déterminée par la loi, la convention ou l'accord collectif de travail ou, à défaut par les usages pratiqués dans la localité et la profession ;

2°S'il justifie chez le même employeur d'une ancienneté de service continu compris entre six mois et moins de 2 ans, à un préavis d'un mois.

M. [D] sollicite le paiement de la somme de 1.188,24 euros bruts au titre de l'indemnité compensatrice de préavis ainsi que la somme de 118,82 euros bruts au titre des congés payés sur préavis.

M. [D] avait une ancienneté d'1 an et 4 mois lors de la prise d' acte de la rupture de son contrat de travail et peut donc prétendre au paiement des sommes sollicitées.

Le jugement déféré sera donc infirmé en ce qu'il a débouté M. [D] de sa demande formée au titre de l'indemnité compensatrice de préavis et la cour condamne la société Protec Prestige Privée à lui payer la somme de 1.188,24 euros bruts soit un mois de salaire au titre de cette indemnité ainsi que la somme de 118,82 euros bruts au titre des congés payés sur préavis.

***

En application des dispositions des articles L. 1234-9 et R.1234-2 du code du travail, le salarié titulaire d'un contrat de travail à durée indéterminée, licencié alors qu'il compte une année d'ancienneté ininterrompue au service du même employeur, a droit, sauf en cas de faute grave, à une indemnité de licenciement.

Le montant de l'indemnité légale de licenciement représente 1/5ème de mois de salaire par année d'ancienneté auxquelles s'ajoute 2/15ème de mois de salaire par année d'ancienneté au-delà de 10 ans.

Monsieur [D] sollicite le paiement de la somme de 332,70 euros au titre de l'indemnité légale de licenciement.

Compte tenu de l'ancienneté de M. [D], préavis inclus, la société Protec Prestige Privée sera condamnée à lui à verser, dans la limite de la demande, la somme de 332,70 euros au titre de l'indemnité légale de licenciement.

Sur l'indemnité pour violation du statut protecteur

Il sera rappelé que la cour est saisie des demandes figurant au dispositif des conclusions et non de celles éventuellement différentes mentionnées dans le corps des écritures.

M. [D] sollicite le paiement de la somme de 28.517,76 euros à titre d'indemnité pour violation du statut protecteur.

La sanction de la méconnaissance du statut protecteur se traduit par le versement d'une indemnité forfaitaire égale à la rémunération qu'aurait perçue le salarié depuis la date de son éviction jusqu'à l'expiration de la période de protection en cours, dans la limite de deux ans, augmentée de six mois. Le plafond de l'indemnité est fixé à 30 mois de salaire.

M. [D] a été élu délégué du personnel suppléant le 17 janvier 2017 pour une durée de 4 ans.

En sa qualité de salarié protégé, M. [D] ne pouvait se voir imposer une modification de son contrat de travail sans son accord et il a fait connaître à son employeur son refus d'une telle modification, situation qui caractérise la méconnaissance du statut protecteur dont le salarié bénéficiait.

M. [D] peut donc prétendre à une indemnité égale à la rémunération qu'il aurait perçue depuis le 1er juin 2017 jusqu'à la fin de son mandat, dans la limite de deux ans, augmentée de six mois.

En conséquence, il sera fait droit à sa demande correspondant à environ 25 mois de salaire.

Sur l' indemnité en réparation du préjudice subi du fait de la rupture

Monsieur [D] sollicite le paiement de la somme de 12.000 euros à titre de dommages et intérêts pour rupture abusive.

Le salarié protégé licencié en violation du statut protecteur peut prétendre, en plus de l'indemnité forfaitaire, non seulement à des indemnités de rupture mais également à une indemnité réparant l'intégralité du préjudice résultant du caractère illicite du licenciement et au moins égale à celles prévues à l'article L. 1235-3 du code du travail.

Compte tenu de l'effectif de l'entreprise, des circonstances de la rupture, du montant de la rémunération de M. [D], de son âge, de son ancienneté, de sa capacité à trouver un nouvel emploi eu égard à sa formation et à son expérience professionnelle, et des conséquences du licenciement à son égard, tel qu'il résulte des pièces et des explications fournies, la cour retient que l'indemnité à même de réparer intégralement son préjudice doit être évaluée à la somme de 7.130 euros.

Sur la demande de rappel de salaire de M. [D]

Monsieur [D] sollicite le paiement par la société Protec Prestige Privée de la somme de 3.470,60 euros à titre de rappel de salaire de novembre 2016 au 1er juin 2017, soutenant que ces absences étaient la conséquence d'une planification abusive et déloyale qui l'a empêché d'assurer ses vacations.

***

En l'état des pièces produites, M. [D] ne justifie par aucune pièce qu'il était dans l'impossibilité d'effectuer les vacations de jour pour lesquelles il était absent, l'employeur ne pouvant être tenu au paiement d'une prestation non exécutée, la cour observant en outre qu'aucun décompte de la somme réclamée n'est produit.

Par conséquent, M. [D] sera débouté de sa demande en paiement.

Sur la demande reconventionnelle de la société Protec Prestige Privée

La prise d'acte de la rupture de contrat de travail de M. [D] produisant les effets d'un licenciement nul et à tout le moins dépourvu de cause réelle et sérieuse, la cour confirme le jugement entrepris en ce qu' il a débouté la société Protec Prestige Privée de sa demande de dommages et intérêts au titre du non-respect du préavis.

Sur les autres demandes

L'employeur devra délivrer à M. [D] un bulletin de paie récapitulatif conforme à la présente décision au vu des créances salariales retenues (soit l'indemnité de préavis, les congés payés afférents et l'indemnité de licenciement) et ce, dans le délai de deux mois à compter de la signification de celle-ci, sans que la mesure d'astreinte ne soit en l'état justifiée.

La société Protec Prestige Privée, partie perdante à l'instance, sera condamnée aux dépens ainsi qu'à payer à M. [D] la somme de 1.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure.

PAR CES MOTIFS,

La Cour,

INFIRME le jugement déféré sauf en ce qu'il a débouté M. [L] [D] de sa demande au titre de l'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé et de sa demande de rappel de salaire,

Statuant à nouveau,

DIT que la prise d' acte de la rupture du contrat de travail le 1er juin 2017 par M. [L] [D] produit les effets d'un licenciement illicite,

CONDAMNE la SARL Protec Prestige Privée à payer à M. [L] [D] les sommes suivantes :

- 1.188,24 euros bruts au titre de l'indemnité compensatrice de préavis et 118,82 euros au titre des congés payés afférents,

- 332,70 euros au titre de l'indemnité de licenciement,

- 28.517,76 euros au titre de l'indemnité pour violation du statut protecteur,

- 7.130 euros à titre d'indemnité pour licenciement illicite,

- 1.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

ORDONNE à la SARL Protec Prestige Privée de délivrer à M. [L] [D] un bulletin de paie récapitulatif conforme à la présente décision dans le délai de deux mois à compter de la signification de celle-ci,

DÉBOUTE M. [L] [D] du surplus de ses demandes,

CONDAMNE la SARL Protec Prestige Privée aux dépens.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 11
Numéro d'arrêt : 18/11887
Date de la décision : 24/11/2020

Références :

Cour d'appel de Paris L2, arrêt n°18/11887 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2020-11-24;18.11887 ?
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