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20/11/2020 | FRANCE | N°15/03595

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 12, 20 novembre 2020, 15/03595


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS







COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 12



ARRÊT DU 20 Novembre 2020



(n° , 10 pages)





Numéro d'inscription au répertoire général : S N° RG 15/03595 - N° Portalis 35L7-V-B67-BWA5L



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 08 Janvier 2015 par le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de PARIS RG n° 13-01044





APPELANTE

URSSAF - ILE DE FRANCE

[Adresse 1]

[Adresse 1]
r>[Adresse 1]

représenté par M. [O] [U] en vertu d'un pouvoir général



INTIMEE

SARL MCC AXES

[Adresse 2]

[Adresse 2]

représentée par Me Corinne BARON-CHARBONNIER, avocat au barreau de HAUTS-DE...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 12

ARRÊT DU 20 Novembre 2020

(n° , 10 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S N° RG 15/03595 - N° Portalis 35L7-V-B67-BWA5L

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 08 Janvier 2015 par le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de PARIS RG n° 13-01044

APPELANTE

URSSAF - ILE DE FRANCE

[Adresse 1]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

représenté par M. [O] [U] en vertu d'un pouvoir général

INTIMEE

SARL MCC AXES

[Adresse 2]

[Adresse 2]

représentée par Me Corinne BARON-CHARBONNIER, avocat au barreau de HAUTS-DE-SEINE, toque : E0142

Monsieur le Ministre chargé de la sécurité sociale

[Adresse 3]

[Adresse 3]

avisé - non comparant

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 23 Septembre 2020, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Mme Laurence LE QUELLEC, Présidente de chambre, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Laurence LE QUELLEC, présidente de chambre

Madame Sophie BRINET, présidente de chambre

Monsieur Gilles REVELLES, conseiller

qui en ont délibéré

Greffier : M. Fabrice LOISEAU, lors des débats

ARRET :

- CONTRADICTOIRE

- prononcé

par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile. L'arrêt mis à disposition initialement fixé le 6 novembre 2020 a été prorogé au 20 novembre 2020.

-signé par Madame Laurence LE QUELLEC, présidente de chambre, et par Madame Vénusia DAMPIERRE, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

La cour statue sur l'appel interjeté par L'URSSAF Ile-de-France ( l'URSSAF) d'un jugement rendu le 8 janvier 2015 par le tribunal des affaires de sécurité sociale de Paris dans un litige l'opposant à la SARL MCC Axes (la société).

FAITS, PROCÉDURE, PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES :

Les circonstances de la cause ayant été correctement rapportées par le tribunal dans son jugement au contenu duquel la cour entend se référer pour un plus ample exposé, il suffit de préciser qu'à la suite du contrôle inopiné portant sur la période du 01/01/2010 au 31/10/2011, effectué au sein de la société, qui exerce l'activité suivante : ' toutes actions liées à l'enseignement général scolaire et/ou universitaire et autres types de formation', dont le siège social est situé [Adresse 2], l'URSSAF a notifié un redressement de 1 828 948 euros au titre d'un rappel de cotisations et contributions de sécurité sociale, d'assurance chômage et d'AGS, par lettre d'observations du 23 avril 2012, suite au constat d'un travail dissimulé ; que la société a contesté les conclusions de l'inspecteur du recouvrement par courrier du 24 mai 2012 ; que ce dernier a maintenu l'ensemble de ses observations par lettre du 19 juillet 2012 ; que le 30 octobre 2012, l'URSSAF a adressé à la société une mise en demeure pour le recouvrement de la somme de 1 828 729 euros en cotisations, après imputation d'un crédit de 219 euros et de 293 630 euros au titre des majorations de retard ; que le 28 février 2013, la société a saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale de Paris d'un recours à l'encontre d'une décision implicite de rejet de la commission de recours amiable, puis elle a saisi le tribunal le 27 décembre 2013, d'un recours à l'encontre de la décision explicite de rejet de la commission de recours amiable en date du 14 janvier 2013.

Par jugement du 8 janvier 2015, le tribunal a :

- ordonné la jonction des recours 13-01044 et 14-00203 ;

- constaté que l'URSSAF a renoncé à soutenir l'irrecevabilité des recours ;

- dit n'y avoir lieu d'annuler la procédure pour violation des articles R.133-8 et R.244-1 du code de la sécurité sociale ;

- dit n'y avoir lieu à requalifier en salaires les rémunérations versées aux formateurs prestataires par la société ;

- en conséquence, infirmé la décision de la commission de recours amiable et annulé le redressement notifié par lettre d'observations du 23 avril 2012 ;

- rejeté les demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

L'URSSAF a le 1er avril 2015 interjeté appel de ce jugement qui lui avait été notifié le 4 mars 2015.

Par ses conclusions écrites soutenues oralement et déposées à l'audience par son représentant, l'URSSAF demande à la cour de :

- déclarer recevable et bien fondé son appel ;

- réformer le jugement déféré ;

statuant à nouveau,

- confirmer la décision de la commission de recours amiable du 14 janvier 2013 ;

- accueillir sa demande en paiement du 20 mai 2013 ;

- condamner la société au paiement de la somme de 1 826 051 euros de cotisations et

293 630 euros de majorations de retard provisoires au titre de la période du 1er janvier 2010 au 31 octobre 2011 ;

en tout état de cause,

- débouter la société de toutes ses demandes ;

- la condamner à lui verser 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

L'URSSAF fait valoir en substance :

Sur la procédure de contrôle, faisant siens les motifs du jugement, que :

- le contrôle contesté a été effectué en application de l'article L.243-7 du code de la sécurité sociale et de par sa nature et la façon dont il a été initié, il échappe aux dispositions de l'article R.133-8 du code de la sécurité sociale ; la lettre d'observations du 23 avril 2012 adressée à la société n'avait donc pas à être signée par le directeur de l'organisme de recouvrement et la mention du procès-verbal pour travail dissimulé n'avait pas à y figurer;

- par la mise en demeure adressée le 30 octobre 2012 portant mention de la somme due au titre des cotisations et de celle due au titre des majorations de retard et portant en annexe la lettre d'observations et un tableau ou décompte récapitulatif détaillant les cotisations et les majorations de retard pour les années 2010 et 2011, l'employeur a été à même de connaître l'étendue de ses obligations, conformément aux dispositions de l'article R.244-1 du code de la sécurité sociale ;

- aucune disposition ne lui impose de préciser, pour chaque chef de redressement, son montant pour chacun des salariés ; l'assiette du redressement correspond à une assiette réelle et non à une assiette forfaitaire comme le soutient la société.

Sur le redressement, que :

- la société appartient au groupe Acadomia, désormais dénommé ' Domia Group' qui a son siège à la même adresse que la société , dont le directeur général est également gérant de la société depuis 2003, laquelle exerce sous l'enseigne Acadomia ;

- l'inspecteur du recouvrement a constaté que des formateurs déclarés au régime d'auto-entrepreneurs exerçaient leur activité au profit de la société auprès d'élèves qui demeuraient la clientèle exclusive de la société ; estimant que les relations liant la société aux formateurs mettaient en évidence un lien de subordination juridique permanent entre les parties, il a requalifié en salaires les sommes versées aux formateurs et les a réintégrées dans l'assiette des cotisations et contributions sociales, en application de l'article L.242-1 du code de la sécurité sociale ;

- elle se réfère à un faisceau d'indices afin de déterminer si les formateurs se trouvent en situation de subordination ; les locaux où sont dispensés les cours de soutien scolaire sont mis à disposition des formateurs par la société ; le formateur dispense le cours de soutien en fonction d'un programme fixé à l'avance par la société et bien qu'il ait la possibilité d'enseigner selon ses propres méthodes pédagogiques et puisse refuser une prestation, il est tenu de respecter le programme d'enseignement strictement défini par la société ;la clause de non concurrence prévue au contrat de prestation de services, selon laquelle le formateur auto-entrepreneur ne peut ni proposer ses services aux clients proposés par la société, ni les proposer à d'autres clients potentiels, constitue une restriction à l'exercice de l'activité libérale du formateur, la société disposant ainsi d'un véritable pouvoir de sanction sur les formateurs ; la société réalise elle-même l'inscription des professeurs au régime des auto-entrepreneurs et effectue la gestion administrative et comptable des dossiers de chaque auto-entrepreneur, cette pratique présupposant que la société est le seul client des formateurs et dissimulant un moyen de pression de la part de la société, dissuadant les formateurs de recourir à d'autres clients ;

- au même titre que la société Formacad, également entité du groupe Acadomia, ayant fait l'objet d'un contrôle validé par la Cour de cassation, les formateurs recrutés par la société sous le statut d'auto-entrepreneurs étaient liés à la société par un lien de subordination juridique permanent ;

- les bases servant au calcul de la régularisation ont été déterminées à partir des rémunérations brutes dues aux auto-entrepreneurs selon les états fournis par le service RH de l'employeur qui ont été recoupés avec les éléments comptables ; il s'agit par conséquent d'un chiffrage au réel et non d'une évaluation forfaitaire de l'assiette des cotisations.

Par ses conclusions écrites soutenues oralement et déposées à l'audience par son conseil, la société demande à la cour, de :

A titre principal :

Sur la forme ;

- Infirmer le jugement dont appel en ce qu'il a rejeté les demandes tendant à obtenir l'annulation du redressement ayant donné lieu à la lettre d'observations du 23 avril 2012, à la mise en demeure du 30 octobre 2012 et à la décision de rejet de la commission de recours amiable ;

- annuler les opérations de contrôle, le redressement, la mise en demeure du 30 octobre 2012 et la décision de la commission de recours amiable du 14 janvier 2013 ;

A titre subsidiaire :

Sur le fond ;

- confirmer le jugement dont appel en ce qu'il a considéré que les contrats de prestation de services conclus entre les auto-entrepreneurs et la société ne sauraient être requalifiés en contrat de travail ;

- confirmer l'annulation du redressement ayant donné lieu à la lettre d'observations du 23 avril 2012, et à la mise en demeure du 30 octobre 2012 pour la somme de 2 122 591 euros ( soit 1 828 948 euros à titre de rappel de cotisations et 293 643 euros au titre des majorations de retard) ;

- débouter l'URSSAF de l'intégralité de ses demandes ;

- condamner l'URSSAF à lui verser la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

A titre plus subsidiaire, si la cour devait estimer la mise en demeure et le redressement fondés :

- déclarer que l'URSSAF a pris une base de calcul erronée ;

- constater que les cotisations dues ne sauraient excéder un montant de 333 246,28 euros pour l'année 2010 et un montant de 410 685,19 euros pour l'année 2011 ;

en conséquence,

- limiter le redressement à ces sommes.

La société réplique en substance :

Sur la forme, que :

- l'URSSAF s'est unilatéralement engagée à suivre la procédure décrite par l'article R.133-8 du code de la sécurité sociale ; à défaut, la procédure de contrôle suivie par l'URSSAF porte atteinte aux dispositions de la Convention européenne des droits de l'homme ;

- l'URSSAF n'a pas respecté les dispositions de l'article R.133-8 du code de la sécurité sociale, ne justifiant notamment pas du consentement de la seule personne entendue dans le cadre des opérations de contrôle, Mme [L] ;

- en tout état de cause, Mme [L] n'est pas salariée de la société et un contrôle, même effectué sur le fondement de l'article L.243-7 du code de la sécurité sociale était irrégulier;

- le mode d'obtention des preuves ayant fondé le redressement présente un caractère illicite et déloyal ;

- l'URSSAF n'a pas respecté les dispositions des articles L.242-1, R.244-1 , R.243-59 du code de la sécurité sociale ;

- L'URSSAF a eu recours à un mode d'évaluation illicite de sa créance ;

- elle n'a pas respecté les dispositions de l'article L.213-1 du code de la sécurité sociale

- l'absence de compétence territoriale de l'URSSAF Ile-de-France pour réaliser les opérations de contrôle, procéder au redressement et adresser une mise en demeure doit être constatée ;

Sur le fond, que :

- l'URSSAF s'est fondée sur des considérations de fait erronées et insuffisantes à caractériser l'existence d'un lien de subordination ;

- la présomption de travailleur indépendant n'a pas été renversée ;

- l'absence de lien de subordination juridique entre les auto-entrepreneurs formateurs et la société doit être constatée ;

- l'URSSAF a pris une base de calcul erronée et les cotisations ne sauraient excéder un montant de 333 246,28 euros pour l'année 2010 et un montant de 410 685,19 euros pour l'année 2011.

Pour un plus ample exposé des prétentions et moyens des parties, il est renvoyé aux conclusions déposées, oralement soutenues par les parties et visées à l'audience du 23 septembre 2020.

SUR CE :

Sur la procédure de contrôle :

Sur les moyens de nullité tirés de la violation des dispositions de l'article R.133-8 du code de la sécurité sociale :

Si la recherche des infractions constitutives de travail illégal mentionnées à l'article L. 8211-1 du code du travail est soumise aux articles L. 8271-1 et suivants du même code, ces dispositions ne font pas obstacle à ce qu'un organisme de recouvrement procède, dans le cadre du contrôle de l'application de la législation de sécurité sociale par les employeurs et les travailleurs indépendants prévu par l'article L. 243-7 du code de la sécurité sociale, à la recherche des infractions susmentionnées aux seules fins de recouvrement des cotisations afférentes.

La société soutient que le contrôle a été opéré dans le cadre de l'article R.133-8 du code de la sécurité sociale et que la lettre d'observations n'a pas été signée par le directeur de l'organisme de recouvrement, qu'elle ne précise pas les références du procès-verbal établi, que l'URSSAF ne peut justifier du consentement de la seule personne entendue, Mme [L] en contravention des dispositions de l'article L.8271-6-1 du code du travail.

Il y a lieu de relever que si la lettre d'observations mentionne au titre de l'objet du contrôle la ' recherche des infractions aux interdictions de travail dissimulé mentionnées à l'article L.8221-1 du code du travail', que le contrôle a été mené par un inspecteur de l'URSSAF de [Localité 1] de la ' Division régionale chargée de la lutte contre le travail illégal' et qu'elle contient des observations ' concernant les infractions aux interdictions mentionnées aux articles L.8221-1 et L.8221-2 du code du travail', il n'en demeure pas moins que ladite lettre d'observations du 23 avril 2012 mentionne en tête expressément les dispositions de l'article R.243-59 et suivants du code de la sécurité sociale et que le contrôle a été opéré uniquement par M. [D] [N], inspecteur du recouvrement assermenté de l'URSSAF, organisme chargé du recouvrement des cotisations de sécurité sociale du régime général (pièce n° 1 de l'URSSAF et pièce n° 1.2 de la société ).

Il convient ainsi de retenir que, de par sa nature et par la façon dont il a été initié, le contrôle a été opéré sur le fondement de l'article L. 243-7 du code de la sécurité sociale, de sorte que les dispositions de l'article R. 133-8 du code de la sécurité sociale n'étaient pas applicables.

Il en résulte que la lettre d'observations n'avait pas à être signée par le directeur de l'organisme de recouvrement, qu'elle n'avait pas à préciser les références du procès-verbal de travail dissimulé établi selon les mentions de la mise en demeure. Par ailleurs l'URSSAF n'a pas à justifier du consentement à une éventuelle audition de Mme [L] en application des dispositions de l'article L.8271-6-1 du code du travail, contrairement à ce que la société soutient.

Par suite aucune irrégularité de la procédure de redressement ne saurait être retenue au titre des dispositions susvisées, non applicables en l'espèce, sans qu'il soit porté atteinte au droit à un procès équitable, ni au principe de loyauté des preuves.

Sur les moyens de nullité tirés de la violation des dispositions de l'article L.243-7 du code de la sécurité sociale :

Selon l'article R. 243-59, alinéa 1, du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction issue du décret n° 2007-546 du 11 avril 2007, applicable à la date du contrôle litigieux, tout contrôle effectué en application de l'article L. 243-7 est précédé de l'envoi, par l'organisme de recouvrement des cotisations, d'un avis adressé à l'employeur ou au travailleur indépendant par lettre recommandée avec accusé de réception, sauf dans le cas où le contrôle est effectué pour rechercher les infractions aux interdictions mentionnées à l'article L. 324-9, devenu l'article L. 8211-1, du code du travail.

La société invoque en substance la violation des dispositions de l'article L.243-7 du code de la sécurité sociale en ce qu'aucun avis de contrôle ne lui a été adressé, qu'elle ne s'est pas vue informée de l'existence d'un document lui présentant la procédure de contrôle et ses droits ( charte du cotisant) ni remettre les coordonnées électroniques où elle pourrait se procurer ce document et que lors des opérations de contrôle, l'ensemble des informations sur les formateurs prestataires extérieurs et les modalités d'organisation des cours collectifs ont été obtenues de Mme [L], salariée de Domia Group, laquelle n'est donc pas salariée de la société et n'a jamais eu de mandat pour représenter la société.

Il convient de relever que le contrôle a été opéré par l'URSSAF pour rechercher les infractions mentionnées à l'article L. 8211-1 du code du travail, ainsi qu'il résulte de l'objet du contrôle mentionné sur la lettre d'observations susvisée. Par suite, aucun avis de contrôle n'avait à être adressé à la société, qui n'avait pas plus à être informée d'un document lui présentant la procédure de contrôle.

L'article R.243-59 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction applicable au litige, dispose que ' les employeurs, personnes privées ou publique, et les travailleurs indépendants sont tenus de présenter aux agents chargés du contrôle mentionnés à l'article L.243-7, dénommés inspecteurs du recouvrement, tout document et de permettre l'accès à tout support d'information qui leur sont demandés par ces agents comme nécessaires à l'exercice du contrôle. Ces agents peuvent interroger les personnes rémunérées notamment pour connaître leurs nom et adresse ainsi que la nature des activités exercées et le montant des rémunérations y afférentes, y compris les avantages en nature'.

En l'espèce, il résulte de la lettre d'observations, les constatations suivantes :

' Suite à un contrôle effectué le 31 août 2010 dans les locaux du groupe Acadomia, [Adresse 2] en la présence de M. [O] Président Directeur Général de l'entreprise et de Mme [L], Directrice de l'administration du personnel, il a été constaté que depuis janvier 2010, la SARL MCC Axes rémunérait des personnes affiliées au régime social des auto-entrepreneurs. Les renseignements recueillis lors de cette intervention ont permis de déterminer que ces cours collectifs étaient dispensés comme suit : ...' , et ' Les bases servant au calcul de la régularisation ont été déterminées à partir des rémunérations brutes dues aux auto-entrepreneurs selon les états fournis lors de la réunion tenue dans vos locaux le 15 décembre 2011".

Contrairement à ce que soutient la société, Mme [L] n'est pas une personne étrangère à la société, dès lors qu'il résulte des propres productions de la société que Mme [C] [L] est 'directrice de l'administration du personnel de la société MCC Axes, dont le siège social est situé au [Adresse 2]' ( pièce n° 30 des productions de la société ). Il n'est par ailleurs nullement établi que l'ensemble des informations sur les formateurs ait été obtenu de la part de Mme [L], dès lors qu'il résulte de la lettre d'observations que les renseignements ont été obtenus en la présence de M. [O], qui est aussi gérant de la société MCC Axes ( pièce n° 1 des productions de la société ) et que l' attestation de Mme [L] dont se prévaut la société ( pièce n° 70 de ses productions) ne fait nullement état de la réunion du 15 décembre 2011, visée dans la lettre d'observations ( pièce n° 70 des productions de la société ).

Par suite, aucune violation des dispositions de l' article L. 243-7 du code de la sécurité sociale ne saurait être retenue, sans qu'il soit porté atteinte au droit à un procès équitable, ni au principe de loyauté des preuves.

Sur le moyen de nullité tirée de la violation des dispositions de l'article R.244-1 du code de la sécurité sociale :

Aux termes de l'article R. 244-1 du code de la sécurité sociale, la mise en demeure précise la cause, la nature et le montant des sommes réclamées ainsi que la période à laquelle elles se rapportent.

En l'espèce, la mise en demeure du 30 octobre 2012 adressée à la société en lettre recommandée avec accusé de réception est libellée ainsi qu'il suit :

' Suite au contrôle portant sur la législation de Sécurité sociale dont vous avez fait l'objet en tant qu'employeur de salariés pour la période du 01/01/2010 au 31/12/2011 et au procès verbal de travail dissimulé établi en date du 22/05/2012, une lettre d'observation vous a été adressée par voie recommandée avec accusé de réception le 23/04/2012. (...)

Par la présente lettre, nous vous mettons en demeure de procéder au règlement des cotisations correspondant au montant du redressement établi sur la base d'une rémunération forfaitaire, qui s'élèvent à 1 828 948 euros auxquelles s'ajoutent des majorations de retard provisoires d'un montant de 293 643 euros, soit un total de

2 122 591 euros ( indépendamment des majorations de retard restant à courir jusqu'au paiement complet du principal).

Il ressort de l'examen de votre compte que la société avait un crédit de 219 euros que nous avons imputé sur le redressement visé ci-dessus.

Vous restez redevable de la somme de 1 826 729 euros en cotisations et 293 630 euros de majorations de retard provisoires, dont le calcul ne sera définitivement arrêté qu'au solde des cotisations et contributions.'

La lettre de mise en demeure comprend en pièce jointe : ' une copie de la lettre d'observations et de l'état de redressement'(pièce n° 3 des productions de l'URSSAF).

Cette mise en demeure qui réclame le règlement de la somme de 1 828 948 euros de cotisations et de 293 643 euros de majorations de retard provisoires, la somme au titre des cotisations correspondant à celle mentionnée dans la lettre d'observations, qui est accompagnée d'une copie de la lettre d'observations et de l'état de redressement détaillant année par année les sommes dues, avec mention de la nature des cotisations et contributions, du type, des bases, des taux et des cotisations pour la période du 01/01/ 2010 au 31/10/2011, permet à la société de connaître la cause, l'étendue et par référence au contrôle, la nature de son obligation. Si la mise en demeure comporte une période différente de celle de la lettre d'observations, elle fait toutefois expressément référence à la lettre d'observations qui porte sur la période du 01/01/2010 au 31/10/2011 ; si elle comporte un montant final de cotisations réclamé différent de celui figurant dans la lettre d'observations, elle précise bien qu'un crédit de 219 euros a été déduit ; si elle fait référence à une ' rémunération forfaitaire', force est de constater que la lettre d'observations, figurant en pièce jointe, mentionne bien que les bases servant au calcul de la régularisation ont été déterminées à partir des rémunérations brutes dues aux auto-entrepreneurs selon les états fournis. Il importe peu par ailleurs que la société n'ait pas eu connaissance des références du procès-verbal de travail dissimulé.

Par suite, la mise en demeure répond aux exigences de l'article R. 244-1 du code de la sécurité sociale.

Sur le moyen tiré de la violation des dispositions de l'article R.243-59 du code de la sécurité sociale s'agissant du mode de calcul du redressement :

Ainsi que relevé ci-dessus, la lettre d'observations qui mentionne le chef de redressement suivant : ' travail dissimulé avec verbalisation-dissimulation d'emploi salarié : assiette réelle' et précise que les bases servant au calcul de la régularisation ont été déterminées à partir des rémunérations brutes dues aux auto-entrepreneurs selon les états fournis par la société lors de la réunion qui s'est tenue le 15 décembre 2011, ce qui correspond donc à une assiette réelle et non à une assiette forfaitaire, et qui détaille année par année les assiettes, les taux et les cotisations dues, faisant ressortir notamment les bases de rémunérations retenues pour chaque année, sans qu'il soit exigé que le nombre de salariés concernés soit mentionné, permet à la société d'avoir connaissance du mode de calcul des redressements envisagés et répond parfaitement aux exigences de l'article R.243-59 du code de la sécurité sociale.

Sur le moyen tiré du recours à un mode d'évaluation illicite de la créance :

Ainsi que précisé ci-dessus il résulte de la lettre d'observations que le redressement opéré par l'URSSAF ne résulte pas d'une taxation forfaitaire, ni d'un redressement forfaitaire, l'assiette du redressement correspondant à une assiette réelle. Par suite, il ne saurait être retenu que l'URSSAF a eu recours à un mode d'évaluation illicite de sa créance, comme le soutient à tort la société.

Sur le moyen tiré de l'incompétence de l'URSSAF Ile de France :

Il convient de relever que la lettre d'observations fait état de l'établissement de la société [Adresse 2], de sorte que le redressement litigieux n'a été opéré que sur l'établissement de la société sis à [Adresse 2], n° Siret : 490 795 648 00024, il en résulte que l'URSSAF de Paris-région parisienne, aux droits de laquelle vient l'URSSAF Ile de France, était compétente pour exercer le contrôle et mettre en oeuvre le recouvrement, sans qu'il puisse être utilement prétendu par la société que le redressement aurait concerné l'ensemble des auto-entrepreneurs de la société, tous établissements confondus, auprès de chacun desquels les auto-entrepreneurs concernés devaient être rattachés, dès lors que leur qualité de salarié est précisément contestée.

Par suite aucun moyen de nullité ne saurait prospérer et ainsi que le tribunal l'a retenu il n'y a pas lieu à annulation de la procédure de redressement sur la forme.

Sur le fond du redressement :

Si, selon l'article L. 8221-6-1 du code du travail, dans sa rédaction applicable à la date d'exigibilité des cotisations litigieuses, les personnes physiques ou dirigeants de personnes morales, dans l'exécution de l'activité donnant lieu à immatriculation ou inscription sur les registres que ce texte énumère, sont présumés ne pas être liés avec le donneur d'ordre par un contrat de travail, cette présomption légale de non-salariat qui bénéficie aux personnes sous le statut d'auto-entrepreneur peut être détruite s'il est établi qu'elles fournissent directement ou par une personne interposée des prestations au donneur d'ordre dans des conditions qui les placent dans un lien de subordination juridique permanente à l'égard de celui-ci.

En l'espèce, il résulte de la lettre d'observations les constatations suivantes :

'(...) Il a été constaté que depuis janvier 2010, la SARL MCC Axes rémunérait des personnes affiliées au régime social des auto-entrepreneurs.

Les renseignements recueillis lors de cette intervention ont permis de déterminer que ces cours collectifs étaient dispensés comme suit :

- La société appartient au groupe Acadomia et organise des cours collectifs de rattrapage scolaire ou de remise à niveau.

- Les formateurs exercent dans les locaux de la société MCC Axes à l'enseigne Acadomia.

- Les élèves s'inscrivent auprès d'Acadomia qui encaisse directement le règlement des cours.

L'analyse des contrats conclus avec les professeurs ainsi que des conditions dans lesquelles ils réalisent leurs prestations révèle les éléments suivants :

- Les professeurs exercent leur activité au profit de la société MCC Axes, dans ses locaux, ou dans des structures mis à sa disposition.

- Les élèves sont les clients exclusifs de la société.

- Les cours sont dispensés selon un programme défini par la SARL MCC Axes et remis à chaque professeur lors de réunions pédagogiques.

- Les professeurs sont soumis à une clause de non concurrence, limitant ainsi l'exercice libéral de leur activité.

- La SARL MCC Axes exerçant sous l'enseigne Acadomia réalise elle même l'inscription des professeurs au régime des auto-entrepreneurs et gère leur dossier administratif.

- La SARL MCC Axes exerçant sous l'enseigne Acadomia émet les factures correspondant au montant des prestations réalisées par les professeurs et effectue, en leur nom, les déclarations trimestrielles de chiffre d'affaire.

- La SARL MCC Axes exerçant sous l'enseigne Acadomia précompte et reverse les charges sociales ainsi que les impôts calculés sur la rémunération des professeurs'.

Il résulte de ces constatations et du contrat versé aux débats ( pièce n° 2 des productions de la société ) que les prestataires formateurs "auto-entrepreneurs" sont liés par un contrat "de prestations de services" à durée indéterminée pour l'animation de stages, conférences, cours collectifs, cours de soutien scolaire réalisés dans toutes les matières et pour tous les niveaux ; qu'ils exercent leur activité au profit et dans les locaux de la société MCC Axes exerçant sous l'enseigne Acadomia ou dans des structures mises à sa disposition, auprès d'élèves qui demeurent sa clientèle exclusive; que les cours sont dispensés selon un programme fixé par la société et remis aux professeurs lors de réunions pédagogiques de sorte que l'enseignant n'a aucune liberté pour déterminer le contenu de ses cours ; que le contrat prévoit une "clause de non-concurrence" d'une durée d'un an après la résiliation du contrat de prestation interdisant aux formateurs de proposer leurs services directement aux clients présentés par la société, sous peine de verser une indemnité fixée à 5 000 euros et limite de ce fait l'exercice libéral de leur activité, outre qu'il prévoit une sanction en cas de méconnaissance de ses obligations par le formateur ; qu'au contrat figure un mandat aux termes duquel l'auto-entrepreneur mandate la société pour réaliser l'ensemble des formalités administratives liées à son statut, émettre des factures correspondant au montant des prestations réalisées au bénéfice de la société et effectuer en son nom les déclarations trimestrielles de chiffre d'affaires et le paiement des charges sociales et fiscales ; que si selon le contrat, le formateur est libre d'accepter ou non la prestation, force est de constater que ce contrat est conclu pour une durée indéterminée de sorte que le formateur n'est pas un formateur occasionnel mais bien un enseignant permanent.

Il résulte de ces éléments que les formateurs exerçant sous le statut d'auto-entrepreneurs étaient liés à la société par un lien de subordination juridique permanente, pour la période considérée et que le montant des sommes qui leur ont été versées doit être réintégré dans l'assiette des cotisations de l'employeur, contrairement à ce que le tribunal a retenu, le jugement devant être infirmé de ce chef.

Contrairement à ce que la société soutient, les bases de calcul de la régularisation opérée ont été déterminées à partir des rémunérations brutes dues aux auto-entrepreneurs selon les états fournis lors de la réunion tenue dans les locaux de la société le 15 décembre 2011 ainsi qu'il résulte de la lettre d'observations et les montant retenus sont issus des fichiers fournis par le service RH qui ont été recoupés avec les éléments comptables fournis, ainsi qu'il résulte de la réponse de l'inspecteur du 19 juillet 2012 , de sorte que l'URSSAF n'a pas pris une base de calcul erronée, alors que la société pour sa part n'établit nullement le calcul des cotisations dont elle se prévaut, au titre des années 2010 et 2011.

Par suite, il convient de condamner la société au paiement des sommes réclamées par l'URSSAF soit la somme de 1 826 051 euros au titre des cotisations et de 293 630 euros au titre des majorations de retard pour la période du 1er janvier 2010 au 31 octobre 2011.

La société qui succombe au recours de l'URSSAF sera condamnée à lui verser la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS :

LA COUR

CONFIRME le jugement déféré en ce qu'il a dit n'y avoir lieu d'annuler la procédure de redressement ;

INFIRME le jugement déféré en ses autres dispositions ;

CONDAMNE la SARL MCC Axes à payer à l'URSSAF Ile de France la somme de

1 826 051 euros au titre des cotisations et de 293 630 euros au titre des majorations de retard provisoires pour la période du 1er janvier 2010 au 31 octobre 2011 ;

DÉBOUTE la SARL MCC Axes de sa demande au titre des frais irrépétibles ;

CONDAMNE la SARL MCC Axes à payer à L'URSSAF Ile de France la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE la SARL MCC Axes aux dépens d'appel.

La greffièreLa présidente


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 12
Numéro d'arrêt : 15/03595
Date de la décision : 20/11/2020

Références :

Cour d'appel de Paris L3, arrêt n°15/03595 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2020-11-20;15.03595 ?
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