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19/11/2020 | FRANCE | N°19/21291

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 5 - chambre 9, 19 novembre 2020, 19/21291


REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 5 - Chambre 9



ARRET DU 19 NOVEMBRE 2020



(n° , 5 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 19/21291 - N° Portalis 35L7-V-B7D-CBAL7



Décision déférée à la Cour : Jugement du 03 Octobre 2019 - Tribunal de Commerce de PARIS - RG n° 2013000743





APPELANT



Maître Maurice BAUD

en qualité de liquidateur judiciaire de la SAS BORA BORA CRUISES

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[Localité 4] (TAHITI)

Représenté par Me Frédérique ETEVENARD, avocat au barreau de PARIS, toque : K0065, avocat postulant

Représenté par Me Marion DESHAYES, avocat au barreau de ...

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 9

ARRET DU 19 NOVEMBRE 2020

(n° , 5 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 19/21291 - N° Portalis 35L7-V-B7D-CBAL7

Décision déférée à la Cour : Jugement du 03 Octobre 2019 - Tribunal de Commerce de PARIS - RG n° 2013000743

APPELANT

Maître Maurice BAUD

en qualité de liquidateur judiciaire de la SAS BORA BORA CRUISES

[Adresse 3]

[Localité 4] (TAHITI)

Représenté par Me Frédérique ETEVENARD, avocat au barreau de PARIS, toque : K0065, avocat postulant

Représenté par Me Marion DESHAYES, avocat au barreau de PARIS, toque : L0180, avocat plaidant

INTIMEES

SNC TU MOANA

N° SIRET : 440 125 730

[Adresse 1]

[Localité 2]

SAS INFI

N° SIRET : 447 539 800

[Adresse 1]

[Localité 2]

SAS NLR

N° SIRET : 351 669 957

[Adresse 1]

[Localité 2]

Représentées par Me Eric ENTHOVEN de l'AARPI ENTHOVEN & GIRARD, avocat au barreau de PARIS, toque : C0741, avocat postulant et plaidant

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 07 octobre 2020, en audience publique, devant la Cour composée de :

Madame Michèle PICARD, Présidente

Madame Isabelle ROHART-MESSAGER, Conseillère

Madame Déborah CORICON, Conseillère

qui en ont délibéré

GREFFIER : Madame FOULON, lors des débats

ARRET :

- contradictoire

- rendu par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Michèle PICARD, Présidente et par Madame FOULON, Greffière .

**********

La société Bora Bora Cruise (BBC), aux droits de laquelle se présente Me Baud ès qualité de liquidateur, a acquis en 2002 deux bateaux de croisière (les navires Tia Moana et Tu Moana) pour son exploitation, suivant un montage financier réalisé par les sociétés NLR et INFI. Dans le cadre d'un processus de défiscalisation alors en vigueur en Polynésie française, BBC a revendu ces deux navires, dès leur livraison, à deux SNC portant les noms des deux navires et regroupant des investisseurs métropolitains qui lui ont alors consenti des contrats de crédit-bail pour une durée de 10 ans afin que BBC exploite les navires.

Par jugement du 23 novembre 2009, le tribunal de commerce de Papeete a ouvert une procédure de redressement judiciaire à l'éégard de la société BBC et désigné Me Baud en qualité de représentant des créanciers. La SCN Tu Moana a déclaré une créance de 162 522, 57 euros au passif de la société. Par un jugement du 4 mars 2011, le tribunal de commerce de Papeete a converti le redressement en liquidation judiciaire, confirmée le 28 avril 2011 par la cour d'appel de Papeete. La SNC Tu Moana a lors déclaré une autre créance de 14 337 836 euros, contestée par Me Baud mais finalement admise par arrêt de la cour d'appel de Papeete du 21 décembre 2017. Le navire a été restitué à la SNC Tu Moana.

Me Baud a alors engagé une action en responsablilité à l'encontre des cocontractants de son administrée, à savoir la SNC Tu Moana et les sociétés NLR et INFI devant le tribunal de commerce de Paris sur le fondement du soutien abusif à BBC.

Par un jugement du 3 octobre 2019, le tribunal a déclaré l'instance périmée aux motifs que les demandes de renvoi successivement formulées au cours de ces deux années, par les deux parties, ne sont pas interruptives de prescription et que les actes accomplis dans les instances initiées devant les juridictions de Papeete ne sont pas interruptifs de péremption dans le cadre de la présente instance en l'absence de lien de dépendance entre ces procédures.

Me Baud a interjeté appel de ce jugement.

***

Dans ses dernières conclusions signifiées par voie électronique le 4 septembre 2020, Me Baud demande à la cour d'appel de :

- Infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a déclaré l'instance périmée ;

- Infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné Maître Baud ès qualités à verser la

somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 du CPC ;

Et statuant à nouveau :

- Rejeter l'argument de péremption soulevé par la SNC Tu Moana ;

- Renvoyer les parties et la cause devant le Tribunal de commerce de Paris afin que l'instance

s'y poursuive sur le fond ;

En tout état de cause :

- Débouter la SNC Tu Moana, la société NLR et la société INFI de leur demande de paiement de la somme de 20.000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, et plus généralement de l'ensemble de leurs demandes ;

- Condamner solidairement la SNC Tu Moana, la société NLR et la société INFI au paiement de la somme de 10.000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu'à tous les dépens de l'instance.

***

Dans ses conclusions signifiées par voie électronique le 10 juin 2020, les sociétés Tu Moana, INFI et NLR, demandent à la cour d'appel de :

- Confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a :

- Dit l'instance périmée ;

- Condamné Me Baud, ès qualités de liquidateur judicaire de BBC, à verser à la SNC Tu Moana la somme de 10 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

En tout état de cause :

- Débouter Me Baud, ès qualités de liquidateur de BBC, de toutes ses demandes, fins et conclusions ;

- Condamner Me Baud, ès qualités de liquidateur judicaire de BBC, à verser à chacune des sociétés SNC TU MOANA, NRL et INFI la somme de 20 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Condamner Me Baud, ès qualités de liquidateur judicaire de BBC, aux entiers dépens.

SUR CE

La compétence du tribunal de commerce de Paris n'est plus en discussion, n'ayant pas été contestée par les sociétés intimées.

Aux termes de l'article 386 du code civil : « L'instance est périmée lorsque aucune

des parties n'accomplit de diligences pendant deux ans ».

Me Baud fait valoir que la péremption d'instance prévue à l'article 386 du code de procédure civile n'est pas applicable en l'espèce pour deux raisons.

D'une part, il estime que des actes interruptifs d'intance ont été réalisés entre le 21 octobre 2016, date de la signification de ses conclusions, et le 6 février 2019, date de ses dernières conclusions en demande, puisque plusieurs demandes de renvoi ont été demandées et accordées, dans l'attente de l'arrêt à intervenir de la cour d'appel de Papeete relativement à la question de l'admission de la créance de la SNC Tu Moana déclarée au passif de la société BBC. Il énumère les différents actes réalisés au cours de l'instance :

- Le 21 octobre 2016 : signification de ses conclusions par voie d'huissier ;

- Le 5 décembre 2016 : demande de renvoi dans l'attente de l'arrêt d'appel ;

- Le 8 mars 2017 : demande de renvoi dans l'attente de l'arrêt d'appel ;

- Le 17 mai 2017 : demande de renvoi dans l'attente de l'arrêt d'appel ;

- Le 20 septembre 2017 : demande de renvoi dans l'attente de l'arrêt d'appel ;

- Le 5 décembre 2018 : demande de réinscription au rôle ;

- Le 6 février 2019 : régularisation de conclusions en demande lors d'une audience de procédure ;

- Le 6 mars 2019 : régularisation de conclusions en défense.

D'autre part, il fait valoir que des actes interruptifs ont été accomplis dans le cadre d'une instance étroitement liée à la présente instance, ce que la Cour de cassation admet lorsque deux procédures sont rattachées l'une à l'autre par un 'lien de dépendance direct et nécessaire'. Il rappelle qu'il existe une procédure parallèle à la présente instance engagée à [Localité 4] qui porte sur la question de l'admissibilité de la créance de 14 337 836 euros déclarée par la SNC Tu Moana au passif de la société BBC, qu'il conteste. Or, dans le cadre de la présente instance, la SNC Tu Moana invoque la compensation de cette créance avec la créance certaine que détient Me Baud à son encontre au titre du solde du crédit-vendeur, ce qui caractérise, selon lui, le lien entre les deux procédures, l'issue de l'instance relative à l'admission de la créance déclarée par la SNC Tu Moana étant déterminante de l'issue de la présente instance

Les sociétés Tu Moana, INFI et NLR font valoir qu'entre la régularisation par le demandeur de ses conclusions les 18 et 21 octobre 2016 et le 6 février 2019, date de l'audience, aucune diligence interruptive d'instance au sens des dispositions de l'article 386 du code de procédure civile n'a été accomplie. Elles rappellent qu'il est constant en jurisprudence que les demandes de renvoi, fussent elles sollicitées par les deux parties à l'instance, ne constituent pas par elles-mêmes des diligences interruptives de péremption au sens des dispositions de l'article 386 du code de procédure civile, de même que la demande de réinscription au rôle si elle n'est pas accompagnée de conclusions de nature à démontrer la volonté de la partie de faire avancer l'instance.

S'agissant des diligences accomplies dans l'instance afférente à la contestation de la créance déclarée par la SNC Tu Moana, les sociétés font valoir que Me Baud a plusieurs fois écrit, dans son assignation comme dans ses conclusions n° 2, n° 4 et n° 5, que ces deux procédures étaient indépendantes l'une de l'autre, et il a même saisi une juridiction différente. A titre subsidiaire, si la cour devait estimer qu'il existait un lien entre ces deux procédures, elles estiment qu'aucun acte n'a pu interrompre l'instance, un pourvoi en cassation n'ayant pas cette qualité.

Me Baud conteste s'être contredit, estimant qu'à l'époque où il a rédigé l'assignation, l'admissibilité de la créance déclarée par la SNC Tu Moana n'était pas encore débattue, il estimait alors simplement avoir reçu une déclaration de créance qu'il jugeait tardive et donc irrégulière. S'agissant de ses conclusions n° 4 et n° 5, il estime n'avoir fait que répliquer à une demande de sursis à statuer qu'il jugeait dilatoire.

Sur les actes interruptifs d'instance dans la présente procédure :

Les demandes de renvoi, fussent-elles sollicitées par les deux parties à l'instance, ne constituent pas par elle-mêmes des diligences interruptives de péremption au sens des dispostions de l'article 386 du code de procédure civile précité.

En l'espèce, les renvois successifs, demandés dans l'attente d'un arrêt de la cour d'appel de Papeete relatif à l'admission d'une créance au passif de la société BBC, ne sont pas de nature à avoir fait progresser l'instance relative à la responsabilité des cocontractants de la BBC introduite par Me Baud, ou à lui avoir donné une impulsion processuelle.

Sur les actes interruptifs d'instance dans la procédure pendant devant les juridictions de Papeete

Il apparaît que le seul lien existant entre l'action en responsabilité introduite par Me Baud devant le tribunal de commerce de Paris et la procédure relative à l'admission de la créance de la SNC Tu Moana d'un montant de 14 337 836 euros au passif de la société BBC tient à une éventuelle compensation qui pourrait résulter, au final, des décisions rendues dans ces deux procédures, l'admission au passif de la créance de la SNC Tu Moana pouvant venir se compenser avec le solde du crédit-vendeur que lui avait accordé la société BBC pour l'acquisition du navire Tu Moana et dont Me Baud demande le remboursement dans la présente instance.

Il ressort des conclusions n° 4 de Me Baud produites devant les premiers juges que celui-ci soutenait qu'il n'y avait 'aucune influence juridique de la procédure collective sur l'action soumise au Tribunal de céans. (...) Une bonne administration de la justice impose précisément que ces procédures soient distinguées'.

Le tribunal de commerce de Paris a relevé que Me Baud avait également affirmé l'absence de lien entre ces deux procédures dans son assignation et ses conclusions n°2 du 4 septembre 2012.

Une demande de sursis à statuer ou une demande de compensation, formulée reconventionnellement par la défenderesse, ne sauraient constituer la preuve d'un lien de dépendance direct et nécessaire entre deux procédures. Il faut encore établir que le sort de l'une d'elle dépend nécessairement et directement de l'autre.

En l'espèce, le sort du solde du crédit-vendeur et de l'action en responsabilité introduite par la BBC à l'encontre de la SNC Tu Moana sont sans lien direct avec l'admission au passif de la BBC de la créance de la SNC Tu Moana, ainsi que l'a affirmé à de nombreuses reprises Me Baud. La circonstance que les parties soient, dans ces instances, les mêmes, et qu'elles puissent avoir des créances réciproques l'une envers l'autre, ne suffit pas à caractériser un lien de dépendance entre elles, dès lors que la nature des créances et le fondement des actions engagées sont distincts et sans lien entre eux.

Il s'ensuit qu'il y a lieu de confirmer le jugement du tribunal de commerce qui a constaté la péremption de l'instance introduite par Me Baud au motif qu'aucun acte interruptif de prescription n'avait été effectué entre le 21 octobre 2016 et le 6 février 2019, soit pendant plus de 2 ans.

Sur les frais irrépétibles

Me Baud demande, à ce titre, la condamnation des intimées à lui verser la somme de 10 000 euros.

Chaque société demande, à ce titre, la condamnation de Me Baud à leur verser la somme de 20 000 euros.

L'équité commande de condamner Me Baud à leur verser à chacune la somme de 2 000 euros et à supporter la charge des dépens de l'instance d'appel.

PAR CES MOTIFS,

La cour,

Statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,

Confirme le jugement rendu le 3 octobre 2019 par le tribunal de commerce de Paris,

Condamne Me Baud à verser à chacune des sociétés intimées, la SNC Tu Moana, la société NLR et la société INFI, la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne Me Baud aux entiers dépens.

La greffière La présidente


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 5 - chambre 9
Numéro d'arrêt : 19/21291
Date de la décision : 19/11/2020

Références :

Cour d'appel de Paris I9, arrêt n°19/21291 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2020-11-19;19.21291 ?
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