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19/11/2020 | FRANCE | N°19/10839

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 2, 19 novembre 2020, 19/10839


REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS







COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 6 - Chambre 2



ARRET DU 19 NOVEMBRE 2020



(n° , 8 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 19/10839 - N° Portalis 35L7-V-B7D-CAAPZ



Décision déférée à la Cour : Jugement du 02 Avril 2019 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 17/17396





APPELANTE



FEDERATION NATIONALE DES INDUSTRIES CHIMIQUES (FNI C) CGT Prise en la personne de ses représe

ntants légaux domiciliés audit siège

[Adresse 4]

[Adresse 4]



Représentée par Me Bénédicte ROLLIN, avocat au barreau de PARIS, toque : P0028







INTIMEES



SARL CYTEC PROCES...

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 2

ARRET DU 19 NOVEMBRE 2020

(n° , 8 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 19/10839 - N° Portalis 35L7-V-B7D-CAAPZ

Décision déférée à la Cour : Jugement du 02 Avril 2019 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 17/17396

APPELANTE

FEDERATION NATIONALE DES INDUSTRIES CHIMIQUES (FNI C) CGT Prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés audit siège

[Adresse 4]

[Adresse 4]

Représentée par Me Bénédicte ROLLIN, avocat au barreau de PARIS, toque : P0028

INTIMEES

SARL CYTEC PROCESS MATERIALS

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Représentée par Me Aurélien LOUVET, avocat au barreau de PARIS, toque : K0020

SAS SOLVAY OPERATIONS FRANCE

[Adresse 3]

[Adresse 3]

Représentée par Me Aurélien LOUVET, avocat au barreau de PARIS, toque : K0020

SAS SOLVAY FLUORES FRANCE

[Adresse 3]

[Adresse 3]

Représentée par Me Aurélien LOUVET, avocat au barreau de PARIS, toque : K0020

SA SOLVAY

[Adresse 3]

[Adresse 3]

Représentée par Me Aurélien LOUVET, avocat au barreau de PARIS, toque : K0020

SAS SOLVAY SPECIALITY POLYMERS FRANCE

[Adresse 3]

[Adresse 3]

Représentée par Me Aurélien LOUVET, avocat au barreau de PARIS, toque : K0020

SASU PERFORMANCE POLYAMIDES

[Adresse 3]

[Adresse 3]

Représentée par Me Aurélien LOUVET, avocat au barreau de PARIS, toque : K0020

SAS SOLVAY ENERGY SERVICES

[Adresse 3]

[Adresse 3]

Représentée par Me Aurélien LOUVET, avocat au barreau de PARIS, toque : K0020

SA RHODIA OPERATIONS

[Adresse 3]

[Adresse 3]

Représentée par Me Aurélien LOUVET, avocat au barreau de PARIS, toque : K0020

SAS RHODIA LABORATOIRE DU FUTUR

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Représentée par Me Aurélien LOUVET, avocat au barreau de PARIS, toque : K0020

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 804 et suivants du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 24 septembre 2020, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Didier MALINOSKY, magistrat honoraire, chargé du rapport.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de

M. François LEPLAT, Président

M. Christophe ESTEVE, Conseiller

M. Didier MALINOSKY, magistrat honoraire

Greffier, lors des débats : M. Olivier POIX

ARRET :

- Contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Christophe ESTEVE, conseiller, pour le président empêché et par Catherine CHARLES, Greffier présent lors de la mise à disposition.

EXPOSÉ DU LITIGE

Le 31 mai 2016, un accord sur la rénovation du dialogue social au sein de l'unité économique et sociale Solvay France a été signé entre les dix sociétés de l'unité économique et sociale Solvay France et les syndicats CFDT et CFE-CGC.

L'article 18.1 de cet accord instaurait un mécanisme de prise en charge partielle des cotisations syndicales par l'employeur, et stipulait que : "Cette partie est constituée par le reste à charge des cotisations individuelles annuelles, une fois soustraite la partie fiscalement déductible de l'impôt sur le revenu. Afin de respecter l'anonymat des adhérents, le calcul de ces montants est effectué, pour chaque organisation syndicale, par un organisme extérieur indépendant à partir des informations concernant le nombre de membres et le montant de leurs cotisations de l'année civile. Au cours du premier trimestre suivant, Solvay verse ces montants à l'organisme extérieur indépendant qui les reverse ensuite à l'organisation syndicale, charge à elle de rembourser chacun de ses adhérents. Le premier recensement est fait à la date de signature de cet accord. (...)".

Par arrêt du 17 novembre 2017 d'une ordonnance de référé du 6 mars 2017, la cour d'appel de Paris, autrement composée, a considéré que ce dispositif présentait des risques d'atteinte à la liberté syndicale, et a ordonné la suspension de l'article 18.1.

Le 5 décembre 2017, l'unité économique et sociale Solvay France et les syndicats CFDT et CFE-CGC ont conclu un nouvel accord qui s'est substitué au précédent, et qui prévoyait à son article 17.1 un mécanisme similaire de prise en charge des cotisations syndicales.

L'article 17.1 de l'accord du 5 décembre 2017 stipule en effet que : "Tout en respectant intégralement l'anonymat des salariés ainsi que la volonté commune de voir préservée totalement l'indépendance des organisations syndicales, Solvay souhaite inciter à l'engagement syndical des salariés en France et prend à charge le montant correspondant au reste à charge (après déduction au titre de l'impôt sur le revenu des personnes physiques - IRPP) des adhérents après paiement de leur cotisation syndicale.

Pour ce faire, il est procédé annuellement comme suit :

- Chaque organisation syndicale communique à un officier ministériel (notaire ou huissier de justice) choisi d'un commun accord, le nombre actualisé de ses membres et le montant de leurs cotisations annuelles au titre de la période considérée,

- L'officier ministériel communique à Solvay le montant global cumulé des sommes à reverser à la totalité des organisations syndicales,

- Solvay verse à l'officier ministériel une somme correspondant à ce montant global cumulé,

- L'officier ministériel répartit entre les organisations syndicales, au vu des informations qu'elles lui ont chacune communiquées, le versement effectué globalement par Solvay

- Il appartient à chaque organisation syndicale de répartir la somme reçue au bénéfice des salariés cotisants qui en font la demande.

Le premier recensement à effectuer par les organisations syndicales, est réalisé fin 2017 pour un versement en 2018.

Dans le cadre d'une bonne application des dispositions légales relatives à l'informatique et aux libertés, chaque salarié dispose individuellement d'un droit de communication et de rectification des informations communiquées par les organisations syndicales à l'officier ministériel. (...)"

La Fédération nationale des industries chimiques (FNIC) CGT a saisi le 22 novembre 2017 le tribunal de grande instance de Paris aux fins de voir déclarer nul tant l'article 18-1 de l'accord du 31 mai 2016, que l'article 17-1 de l'accord du 5 décembre 2017.

Par jugement entrepris du 2 avril 2019 le tribunal de grande instance de Paris a :

Déclaré les demandes de la Fédération nationale des industries chimiques CGT recevables;

Débouté la Fédération nationale des industries chimiques CGT de l'intégralité de ses demandes ;

Condamné la Fédération nationale des industries chimiques CGT à payer aux sociétés Solvay, Solvay Energy Services, Solvay Travaux, Solvay Speciality Polymers France, Solvay Opérations France, Cytec Process Materials, Rhodia, Rhodia Opérations et Rhodia Laboratoire du Futur la somme de 5.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamné la Fédération nationale des industries chimiques CGT aux dépens.

PRÉTENTIONS DES PARTIES

Vu l'appel interjeté le 15 mai 2019 par la Fédération nationale des industries chimiques (FNIC) CGT à l'encontre des les seules sociétés Solvay France, Solvay Fluores France, Solvay Energy Services, Performance Polyamides, Solvay Speciality Polymers France, Solvay Opérations France, Cytec Process Materials, Rhodia Opérations, Rhodia Laboratoire du Futur, la société Rhodia n'étant pas mise dans la cause ;

Vu les dernières écritures signifiées le 8 août 2019 par lesquelles la Fédération nationale des industries chimiques (FNIC) CGT demande à la cour de :

Vu notamment les articles L.1132-1 et suivants, L.2141-5 et suivants du code du travail, la loi n°78-17 du 6 janvier 1978 et l'article L.242-1 du code de la sécurité sociale, le Règlement (UE) 2016/679 du 27 avril 2016,

Dire la FNIC CGT recevable et bien fondée ;

Ce faisant,

Infirmer le jugement du tribunal de grande instance de Paris du 2 avril 2019 jugeant la demande d'annulation de l'article 18.1 sans objet, la demande d'annulation de l'article 17.1 de la FNIC CGT mal fondée et condamnant cette dernière aux frais irrépétibles et aux dépens ;

En conséquence,

Juger nul l'article 18.1 de l'accord du 31 mai 2016 sur la rénovation du dialogue social au sein de l'unité économique et sociale Solvay France ;

Juger nul l'article 17.1 de l'accord d'adaptation du 5 décembre 2017 sur la rénovation du dialogue social au sein de l'unité économique et sociale Solvay France ;

Condamner in solidum les sociétés Solvay France, Solvay Fluores France, Solvay Energy Services, Performance Polyamides, Solvay Speciality Polymers France, Solvay Opérations France, Cytec Process Materials, Rhodia, Rhodia Opérations, Rhodia Laboratoire du Futur à payer "au demandeur" la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais non compris dans les dépens exposés tant en première instance qu'en cause d'appel ;

Les condamner aux entiers dépens.

Vu les dernières écritures signifiées le 7 novembre 2019 au terme desquelles les sociétés Solvay France, Solvay Fluores France, Solvay Energy Services, Performance Polyamides, Solvay Speciality Polymers France, Solvay Opérations France, Cytec Process Materials, Rhodia Opérations, Rhodia Laboratoire du Futur demandent à la cour de :

In limine litis,

Constater que le syndicat FNIC CGT est irrecevable car dépourvu d'intérêt à agir ;

En conséquence,

Débouter le syndicat FNIC CGT de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions ;

Au fond,

Confirmer le jugement rendu par le tribunal de grande instance de Paris le 2 avril 2019, en ce qu'il a dit et jugé que le dispositif mis en place par l'article 18.1 de l'accord du 31 mai 2016 était licite ;

Débouter le FNIC CGT de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions ;

En tout état de cause,

Débouter le FNIC CGT de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile;

Condamner le FNIC CGT au paiement de la somme de 15.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Pour un plus ample exposé des prétentions et des moyens des parties, la cour, conformément à l'article 455 du code de procédure civile, renvoie aux conclusions qu'elles ont déposées et au jugement déféré.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la recevabilité des demandes de la Fédération nationale des industries chimiques (FNIC) CGT :

Les sociétés de l'unité économique et sociale Solvay intimées devant la cour maintiennent l'irrecevabilité des demandes de la Fédération nationale des industries chimiques (FNIC) CGT, considérant que l'accord du 5 décembre 2017 s'est substitué à celui du 31 mai 2016; que son article 17.1 s'est ainsi substitué à l'article 18.1 stipulé à l'accord du 31 mai 2016; que cet article étant devenu inexistant, l'appelante a perdu tout intérêt à agir à en demander la nullité ;

Que c'est en violation de l'article 4 du code de procédure civile consacrant le principe d'immutabilité du litige, que la Fédération nationale des industries chimiques (FNIC) CGT fait désormais évoluer l'objet du litige sans que cette nouvelle prétention se rattache par un lien suffisant à la prétention originaire, par application du même article et de l'article 70 du même code.

La cour relève que le premier juge a admis que l'article 18.1 de l'accord du 31 mai 2016 était toujours en vigueur lors de sa saisine ; que la demande d'annulation formée par la Fédération nationale des industries chimiques (FNIC) CGT était ainsi recevable, tout en étant devenue sans objet du fait de la substitution opérée par l'article 23 de l'accord du 5 décembre 2017 à tout accord précédent portant sur le même objet ; qu'il a en revanche justement estimé que le remplacement d'un accord par l'autre, intervenu en cours de procédure et donc de l'article 18.1 du premier accord, dont il n'est pas contesté qu'il n'a jamais été appliqué, par l'article 17.1 du deuxième se rattachait par un lien suffisant à la prétention initiale.

La cour, au constat de la disparition de l'article 18.1 de l'accord du 31 mai 2016, lors de sa saisine du 15 mai 2019, déclarera ainsi la Fédération nationale des industries chimiques (FNIC) CGT irrecevable en sa demande d'annulation de cet article et confirmera le jugement en ce qui concerne la recevabilité de sa demande d'annulation de l'article 17.1 de l'accord du 5 décembre 2017.

Sur la demande d'annulation de l'article 17.1 de l'accord d'adaptation du 5 décembre 2017 sur la rénovation du dialogue social au sein de l'unité économique et sociale Solvay France:

Il ne saurait être valablement contesté, comme cela a été relevé à propos de la recevabilité de la demande d'annulation formée par la Fédération nationale des industries chimiques (FNIC) CGT, que l'article 17.1 de l'accord d'adaptation du 5 décembre 2017 sur la rénovation du dialogue social au sein de l'unité économique et sociale Solvay France a succédé à l'article 18.1 de l'accord du 31 mai 2016 sur la rénovation du dialogue social au sein de l'unité économique et sociale Solvay France.

Il sera à cet égard observé que leurs préambules respectifs ont été repris en des termes strictement identiques : "L'affirmation de l'importance de la qualité du dialogue social comme élément de la performance de Solvay en France nécessite de mettre en place un financement stable et transparent des organisations syndicales leur permettant de mettre en 'uvre :

o Leur rôle d'écoute et d'information à l'égard des salariés ;

o L'élargissement de leur audience en favorisant l'adhésion de nouveaux membres.

Solvay souhaite renforcer la représentativité des organisations syndicales en favorisant une augmentation du nombre des adhérents, et en facilitant le renouvellement de leurs membres compte tenu des perspectives démographiques de départs de militants.

Pour cela, Solvay fait des adhésions le critère principal de financement des organisations syndicales représentatives et prend, notamment en charge une partie des cotisations payées par les adhérents."

Devant la cour, la Fédération nationale des industries chimiques (FNIC) CGT maintient son opposition à ce texte en reprenant l'argumentaire développé devant le premier juge, faisant valoir que :

- l'interdiction faite à l'employeur par l'article L.2141-6 du code du travail de "prélever les cotisations syndicales sur les salaires de son personnel et de les payer au lieu et place de celui-ci" est d'ordre public ;

- l'article 17.1 violerait le principe de liberté syndicale, garanti par l'article L.2141-1 du code du travail ;

- l'article 17.1 instaurerait une discrimination syndicale prohibée par l'article L.1132-4 du code du travail, le remboursement des cotisations syndicales constituant un avantage financier accordé aux seuls salariés syndiqués à des organisations syndicales représentatives sans raison objective ;

- ce dispositif porterait atteinte au caractère secret d'une affiliation syndicale que le salarié n'a pas à révéler, mais également à l'article 8 de la loi n°78-17 du 6 janvier 1978, qui dispose:

"I.- Il est interdit de collecter ou de traiter des données à caractère personnel qui font apparaître, directement ou indirectement, (...) l'appartenance syndicale des personnes (...) ou encore à l'article 9 du Règlement (UE) 2016/679 du 27 avril 2016 relatif à la protection des personnes physiques à l'égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données qui prévoit : (...) 1. Le traitement des données à caractère personnel qui révèle l'origine (...) l'appartenance syndicale (...) sont interdits. / 2. Le paragraphe 1 ne s'applique pas si l'une des conditions suivantes est remplie : / a) la personne concernée a donné son consentement explicite au traitement de ces données à caractère personnel pour une ou plusieurs finalités spécifiques, sauf lorsque le droit de l'Union ou le droit de l'État membre prévoit que l'interdiction visée au paragraphe 1 ne peut pas être levée par la personne concernée ; (...) / d) le traitement est effectué, dans le cadre de leurs activités légitimes et moyennant les garanties appropriées, par une fondation, une association ou tout autre organisme à but non lucratif et poursuivant une finalité politique, philosophique, religieuse ou syndicale, à condition que ledit traitement se rapporte exclusivement aux membres ou aux anciens membres du dit organisme ou aux personnes entretenant avec celui-ci des contacts réguliers en liaison avec ses finalités et que les données à caractère personnel ne soient pas communiquées en dehors de cet organisme sans le consentement des personnes concernées ; (...), car l'article 17.1 prévoirait la communication illicite de données personnelles hautement sensibles à un tiers sans le consentement des salariés syndiqués ;

- en violation de l'article L.242-1 du code de la sécurité sociale l'avantage salarial instauré par l'accord échapperait au paiement des cotisations de sécurité sociale ;

- ce dispositif porterait atteinte à la libre organisation des syndicats et opérerait un contrôle illicite sur l'influence des organisations syndicales au-delà des scrutins électoraux, comme l'a relevé la cour dans son arrêt du 17 novembre 2017.

Le premier juge a toutefois exactement apprécié que l'article 17.1 de l'accord du 5 décembre 2017 n'instaure aucun prélèvement d'une part de cotisation syndicale sur les salaires des adhérents à des syndicats représentatifs au sein de l'unité économique et sociale mais la simple possibilité pour ceux-ci d'obtenir de leur syndicat le remboursement de la part de reste à charge au titre de l'impôt sur le revenu des personnes physiques, via une dotation globale transmise par l'employeur à un officier ministériel qui la reverse à chaque syndicat selon la demande qu'il en a faite.

La Fédération nationale des industries chimiques (FNIC) CGT ne développe pas en quoi ce système porterait atteinte à la liberté syndicale consistant pour chaque salarié à librement adhérer au syndicat professionnel de son choix.

S'agissant de la discrimination alléguée au motif que l'avantage accordé par l'employeur ne concernerait que les syndicats représentatifs, le tribunal a justement relevé que le fait de créer un dispositif plus favorable pour les organisations syndicales représentatives ne constituait pas un critère illicite au regard des dispositions de l'article L.1132-1 du code du travail ; qu'il accordait un avantage à ces dernières sans priver les autres organisations syndicales des moyens qui leur sont légalement attribués ; que cette différence de traitement est justifiée par une raison objective et matériellement vérifiable, d'ailleurs énoncée dans l'accord, celle de préserver l'indépendance syndicale, d'inciter à l'engagement syndical, particulièrement pour renouveler les membres des organisations syndicales compte tenu des perspectives démographiques de départ de nombreux adhérents ; qu'il convient d'observer à cet égard que la déduction fiscale instaurée par l'article 199 quater C du code général des impôts ne concerne que les cotisations versées aux organisations représentatives de salariés ; que la représentative syndicale est remise en cause lors de chaque élection.

Il a donc a bon droit écarté ce grief.

A propos de la protection des données personnelles et de leur traitement automatisé, le premier juge a tout aussi pertinemment relevé qu'aucune donnée à caractère personnel n'était transmise à l'officier ministériel et encore moins à l'employeur, tout en pointant néanmoins le possible droit dont dispose chaque salarié, dans cet accord, de communication et de rectification des informations personnelles qui seraient transmises à l'officier ministériel, notamment en ce qui concerne le montant du crédit d'impôt et le revenu brut de chaque salarié, transmission que l'accord ne prévoit cependant pas.

Il n'y a donc, dans le dispositif critiqué, aucun risque de violation du secret de l'adhésion syndicale par l'employeur.

En ce qui concerne le fait qu'aucune cotisation de sécurité sociale ne serait prélevée sur le montant de la part de reste à charge des cotisations syndicales allouée aux salariés, le tribunal a parfaitement jugé que cette question intéressait l'Urssaf et relevait de la compétence des juridictions de sécurité sociale et que la Fédération nationale des industries chimiques (FNIC) CGT ne justifiait pas d'un intérêt à agir en la matière, ce que la cour confirme.

Enfin, sur le grief de l'atteinte à la libre organisation des syndicats et du contrôle sur l'influence des organisations syndicales, la Fédération nationale des industries chimiques (FNIC) CGT n'argumente pas en quoi ce dispositif mettrait en péril la libre organisation des syndicats.

Sur le contrôle de l'influence des syndicats, le premier juge a estimé que, selon l'article 17.1 de l'accord du 5 décembre 2017, "chaque organisation syndicale communique à un officier ministériel (notaire ou huissier de justice) choisi d'un commun accord, le nombre actualisé de ses membres et le montant de leurs cotisations annuelles au titre de la période considérée" et que "l'officier ministériel communique à Solvay le montant global cumulé des sommes à reverser à la totalité des organisations syndicales" ; qu'ainsi le dispositif ne permettait pas à l'unité économique et sociale Solvay France d'obtenir une information directe et annuelle sur le nombre effectif des adhérents et donc sur le taux de syndicalisation au sein des sociétés, puisque c'est seulement un montant global qui lui est communiqué, étant rappelé que le montant des cotisations syndicales est librement fixé par chacune des organisations syndicales et n'est pas connu de l'employeur.

La cour estime toutefois que dans le cadre de la mise en place de ce dispositif, la communication par chaque organisation syndicale à l'officier ministériel du nombre actualisé de ses membres et du montant de leurs cotisations annuelles porte sur des informations dont la confidentialité doit être strictement respectée par l'officier ministériel, lequel ne doit, en aucun cas, les transmettre à l'employeur, se cantonnant exclusivement à lui communiquer "le montant global cumulé des sommes à reverser à la totalité des organisations syndicales", montant suffisamment indifférencié pour qu'il évite, au-delà des résultats des élections professionnelles, que ce dernier puisse de manière plus précise contrôler l'influence des syndicats.

C'est donc sous cette seule réserve que la cour reconnaît la validité de l'article 17.1 de l'accord d'adaptation du 5 décembre 2017 sur la rénovation du dialogue social au sein de l'unité économique et sociale Solvay France.

Le jugement entrepris sera ainsi confirmé.

Sur l'article 700 du code de procédure civile :

Il n'y a pas lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt contradictoire,

Infirme le jugement entrepris en ce qu'il a déclaré recevable la demande la Fédération nationale des industries chimiques (FNIC) CGT relative à l'annulation de l'article 18.1 de l'accord du 31 mai 2016 sur la rénovation du dialogue social au sein de l'unité économique et sociale Solvay France,

Et statuant à nouveau,

Déclare irrecevable la demande la Fédération nationale des industries chimiques (FNIC) CGT relative à l'annulation de l'article 18.1 de l'accord du 31 mai 2016 sur la rénovation du dialogue social au sein de l'unité économique et sociale Solvay France,

Confirme le jugement entrepris pour le surplus,

Et y ajoutant,

Rejette toutes autres demandes,

Condamne la Fédération nationale des industries chimiques (FNIC) CGT aux dépens d'appel.

LE GREFFIERLE CONSEILLER

P/ LE PRESIDENT EMPÊCHÉ


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 2
Numéro d'arrêt : 19/10839
Date de la décision : 19/11/2020

Références :

Cour d'appel de Paris K2, arrêt n°19/10839 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2020-11-19;19.10839 ?
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