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19/11/2020 | FRANCE | N°19/09598

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 5 - chambre 9, 19 novembre 2020, 19/09598


REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS





COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 5 - Chambre 9



ARRET DU 19 NOVEMBRE 2020



(n° , 14 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 19/09598 - N° Portalis 35L7-V-B7D-B74YR



Décision déférée à la Cour : Jugement du 18 Avril 2019 - Tribunal de Commerce de PARIS - RG n° 2018054393





APPELANTES



SELAFA MJA, en la personne de Me [K] [F], en qualité de co-mandataire judiciaire à la liquidation judi

ciaire de Monsieur [H] [D] et des sociétés ALAIN COLAS TAHITI (ACT) et BT GESTION (BTG)

[Adresse 1]

[Localité 11]

Représentée par Me Frédérique ETEVENARD, avocat au barreau d...

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 9

ARRET DU 19 NOVEMBRE 2020

(n° , 14 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 19/09598 - N° Portalis 35L7-V-B7D-B74YR

Décision déférée à la Cour : Jugement du 18 Avril 2019 - Tribunal de Commerce de PARIS - RG n° 2018054393

APPELANTES

SELAFA MJA, en la personne de Me [K] [F], en qualité de co-mandataire judiciaire à la liquidation judiciaire de Monsieur [H] [D] et des sociétés ALAIN COLAS TAHITI (ACT) et BT GESTION (BTG)

[Adresse 1]

[Localité 11]

Représentée par Me Frédérique ETEVENARD, avocat au barreau de PARIS, toque : K0065

Représentée par Me Jean Paul PETRESCHI, avocat au barreau de PARIS, toque K.79, avocat plaidant

SELARL AXYME, en la personne de Me [B] [T], en qualité de co-mandataire judiciaire à la liquidation judiciaire de Monsieur [H] [D] et des sociétés ALAIN COLAS TAHITI (ACT) et BT GESTION (BTG)

[Adresse 10]

[Localité 11]

Représentée par Me Frédérique ETEVENARD, avocat au barreau de PARIS, toque : K0065

Représentée par Me Jean Paul PETRESCHI, avocat au barreau de PARIS, toque K.79, avocat plaidant

INTIMES

Monsieur [H] [D]

né le [Date naissance 3] 1943 à [Localité 11] 20ème

[Adresse 8]

[Localité 11]

Représenté par Me Charles-hubert OLIVIER de la SCP LAGOURGUE & OLIVIER, avocat au barreau de PARIS, toque : L0029

Représenté par Me Maurice LANTOURNE, avocat au barreau de PARIS, toque L.163, avocat plaidant

Madame [I] [A] épouse [D]

née le [Date naissance 2] 1950 à [Localité 11] 10ème

[Adresse 8]

[Localité 11]

Représentée par Me Charles-hubert OLIVIER de la SCP LAGOURGUE & OLIVIER, avocat au barreau de PARIS, toque : L0029

Représenté par Me Maurice LANTOURNE, avocat au barreau de PARIS, toque L.163, avocat plaidant

SASU CDR CREANCES

N° SIRET : 542 054 168

[Adresse 9]

[Localité 11]

Représentée par Me Matthieu BOCCON GIBOD de la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES, avocat au barreau de PARIS, toque : C2477

Représentée par Me Jean Pierre MARTEL, avocat au barreau de PARIS, toque C.2477, avocat plaidant

SA CDR - CONSORTIUM DE REALISATION

N° SIRET : 379 918 923

[Adresse 9]

[Localité 11]

Représentée par Me Matthieu BOCCON GIBOD de la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES, avocat au barreau de PARIS, toque : C2477

Représentée par Me Jean Pierre MARTEL, avocat au barreau de PARIS, toque C.2477, avocat plaidant

SNC GROUPE [H] [D]

N° SIRET : 316 655 125

[Adresse 8]

[Localité 11]

Représentée par Me Michel GUIZARD de la SELARL GUIZARD ET ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : L0020

Représentée par Me François KOPF, avocat au barreau de PARIS, toque R.170, avocat plaidant

SNC FINANCIÈRE ET IMMOBILIERE [H] [D]

N° SIRET : 316 238 906

[Adresse 8]

[Localité 11]

Représentée par Me Michel GUIZARD de la SELARL GUIZARD ET ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : L0020

Représentée par Me François KOPF, avocat au barreau de PARIS, toque R.170, avocat plaidant

SCP [W] DAUDE, en la personne de Me [J] [W], en qualité de mandataire judiciaire des sociétés GROUPE [H] [D] (GBT) et FINANCIERE ET IMMOBILIERE [H] [D] (FIBT)

[Adresse 6]

[Localité 11]

Représentée par Me Laurence TAZE BERNARD, avocat au barreau de PARIS, toque : P0241, avocat postulant

Représentée par Me Charles PEUGNET, avocat au barreau de PARIS, toque : J015, avocat plaidant

SCP [N] & ROUSSELET, en la personne de Me [V] [N], en qualité d'administrateur judiciaire des sociétés GROUPE [H] [D] (GBT) et FINANCIERE ET IMMOBILIERE [H] [D] (FIBT)

N° SIRET : 808 326 979

[Adresse 7]

[Localité 11]

Représentée par Me Laurence TAZE BERNARD, avocat au barreau de PARIS, toque : P0241, avocat postulant

Représentée par Me Charles PEUGNET, avocat au barreau de PARIS, toque : J015, avocat plaidant

PARTIE INTERVENANTE VOLONTAIRE

S.C.P. [W]-DAUDE, en la personne de Me [J] [W], en sa nouvelle qualité de liquidateur des sociétés GROUPE [H] [D] (GBT) et FINANCIERE ET IMMOBILIERE [H] [D] (FIBT)

[Adresse 5]

[Localité 11]

Représentée par Me Laurence TAZE BERNARD, avocat au barreau de PARIS, toque : P0241, avocat postulant

Représentée par Me Charles PEUGNET, avocat au barreau de PARIS, toque : J015, avocat plaidant

Monsieur LE PROCUREUR GENERAL - SERVICE FINANCIER ET COMMERCIAL

[Adresse 4]

[Localité 11]

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 07 octobre 2020, en audience publique, devant la Cour composée de :

Madame Michèle PICARD, Présidente

Madame Isabelle ROHART-MESSAGER, Conseillère

Madame Déborah CORICON, Conseillère

qui en ont délibéré

GREFFIER : Madame FOULON, lors des débats

ARRET :

- contradictoire

- rendu par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Michèle PICARD, Présidente et par Madame FOULON, Greffière .

**********

Le Groupe [D] était constitué autour de deux pôles, l'un patrimonial la Snc Financière et Immobilière [H] [D] (ci-après FIBT), l'autre industriel la Snc Groupe [H] [D], devenue une Sas (ci-après GBT).

Cette dernière contrôlait une sous-holding gérant un portefeuille d'actifs industriels, la société [H] [D] Finance (ci-après BTF) qui détenait notamment 80% du capital de la société Adidas, acquis en juillet 1990, par l'intermédiaire d'une filiale de droit allemand BTF GmbH.

Cette opération avait été financée en totalité par un pool de banques de différentes nationalités dont le chef de file était une filiale du Crédit Lyonnais, la Société de Banque Occidentale ( ci-après SDBO) prêteuse à hauteur de 30%. Ce prêt était remboursable en deux échéances, une première échéance de 600 millions de francs en août 1991 et une seconde échéance de un milliard de francs en août 1992. La première échéance a été payée après que BTF ait cédé 45% de sa participation dans BTF GmbH à plusieurs investisseurs dont à hauteur de 10% la société Clinvest (devenue CDR Consortium de Réalisation), filiale du Crédit Lyonnais. Le solde de l'emprunt a été transféré de BTF GmbH à BTF.

La seconde échéance a été réglée partiellement. Le solde restant dû en août 1992 s'élevait à 620 millions de francs environ.

Dans le cadre de la transformation de son patrimoine industriel en une société à vocation patrimoniale suite à l'entrée au gouvernement de Monsieur [D], BTF consentait à la SDBO, le 16 décembre 1992, un mandat de vendre sa participation dans BTF GmbH. Selon un mémorandum du 10 décembre 1992 le prix de vente devait être affecté au remboursement du solde des emprunts consentis par le Crédit Lyonnais pour l'acquisition d'Adidas et BTF, GBT et FIBT devaient être fusionnées dans une société Newco et les concours consentis devaient être transférés à cette nouvelle société. Le mémorandum prévoyait également la vente du navire Phocéa et l'affectation de son prix au remboursement des emprunts transférés à Newco.

A la suite du mandat de vendre donné à la SDBO cette dernière cédait en février 1993 au prix de 2.085 millions de francs BTF GmbH à plusieurs sociétés dont Clinvest déjà propriétaire de 10%, qui les cédait aussitôt au prix de 4.650 millions de francs à la société de droit belge Sogedim, détenue par Monsieur [S] La société Adidas était valorisée en bourse fin 1995 à 11 milliards de francs

Par un jugement du 23 novembre 1994 le tribunal de grande instance de Paris condamnait GBT ainsi que Monsieur et Madame [D] à payer à SDBO les sommes de 236.454.000 francs et 67.000.000 francs.

Aux termes de plusieurs jugements en date du 30 novembre 1994, le tribunal de commerce de Paris a ouvert des procédures de redressement judiciaire à l'encontre des sociétés Alain Colas Tahiti (ACT), Snc FIBT, Sa BTF, Snc GBT, Snc [H] [D] Gestion (ci-après BTG), ainsi qu'à l'encontre de Monsieur et Madame [D].

Ces derniers et la Snc FIBT ont été placés en liquidation judiciaire par différents jugements du 14 décembre 1994, puis le tribunal de commerce a étendu la liquidation judiciaire de FIBT à ACT.

La cour d'appel, par arrêt du 31 mars 1995, a prononcé la liquidation judiciaire des sociétés BTG et GBT et a confirmé les liquidations judiciaires des sociétés ACT, BT Gestion et GBT ainsi que celles de Monsieur et Madame [D] et de FIBT. Le 31 mai 1995 le tribunal de commerce ordonnait la poursuite des opérations de liquidation judiciaire des sociétés du Groupe [D] et de Monsieur et Madame [D] sous patrimoine commun hormis la société BTF qui bénéficiait d'un plan de continuation et dont les titres, par ordonnance du juge commissaire du 25 octobre 1995, ont fait l'objet d'une attribution préférentielle à SDBO moyennant le prix de 500 millions de francs (76.224.508 euros) et qui est devenue Compagnie Européenne de Distribution et de Pesage (CEDP).

La valeur de ces titres est venue s'imputer en moins sur les créances de SDBO à l'encontre de GBT.

La société BTF, devenue la Compagnie Européenne de Distribution et de Pesage (CEDP), a été dissoute et radiée le 27 août 2012.

Le Crédit Lyonnais et la SDBO ont déclaré différentes créances au passif de Monsieur et Madame [D] et des sociétés en procédure collective, pour des montants globaux très importants, leur créance représentant la grande majorité du passif (environ 163 millions d'euros).

La société CDR Créances et la société CDR Consortium De Réalisation viennent aux droits de la société SDBO et de la société Clinvest, et sont des sociétés de défaisance du Crédit Lyonnais et des sociétés du Groupe de celui-ci.

Par la suite, Monsieur [D] reprochait à la SDBO, banquier historique du Groupe [D], et filiale du Crédit Lyonnais, d'avoir commis des fautes dans le processus de cession d'Adidas, ce qui faisait l'objet d'un long contentieux portant sur la responsabilité contractuelle de SBDO à l'égard de GBT qui souhaitait se faire indemniser, comme actionnaire de BTF, vendeur d'Adidas, de sa quote-part de la plus-value dont sa filiale BTF aurait été privée.

En l'état de nombreuses procédures pendantes devant différentes juridictions les liquidateurs judiciaires ont proposé au CDR Créances et au CDR Consortium de Réalisation (ci après «les CDR ''), l'organisation d'un arbitrage pour éteindre ces contentieux.

L'autorisation de signer le compromis était donnée aux liquidateurs par le juge commissaire le 20 novembre 2007. Le compromis avait pour objet de mettre un terme immédiat et définitif à toutes les actions présentes et futures, de trancher définitivement tous les litiges en appliquant les règles de droit et en respectant l'autorité de la chose jugée des décisions judiciaires rendues.

Aux termes de quatre sentences, la première du 7 juillet 2008, les trois autres du 27 novembre 2008, le tribunal arbitral a condamné les sociétés CDR à payer aux liquidateurs la somme de 404 623 082,54 euros.

En ce qui concerne l'exécution des sentences, les sociétés CDR étaient de leur côté créancières d'une somme de 163.351.810,19 euros. En outre, les sociétés CDR étaient débitrices envers la procédure collective des sommes suivantes:

(i) une partie du prix de vente séquestrée du navire Phocéa soit en principal et intérêts 5.758.723,14 euros

(ii) le prix des titres de la société BTF devenue CEDP (76.224.508,62 euros en principal) qui sont par la suite venues s'imputer sur les 163 millions d'euros.

Il a été procédé à des compensations entre les condamnations aux termes d'une lettre du 28 juillet 2008 acceptée par les sociétés CDR le 29 juillet 2008 et d'un protocole d'exécution en date du 16 mars 2009. Parallèlement il a été également compensé une franchise de 12 millions d'euros que les sociétés CDR devaient recevoir du Crédit Lyonnais, et finalement prise en charge par la procédure collective.

En définitive, après compensation, en exécution des sentences, les sociétés CDR ont payé 197.872.698,48 euros le 5 septembre 2008 (en exécution de l'accord matérialisé par les lettres des 28 et 29 juillet 2008), et 107.623.082,54 euros le 19 mars 2009 (en application du protocole d'exécution du 18 mars 2009) : soit un total payé de 305.495.781,02 €.

Sur ces sommes, il a été remis par les liquidateurs judiciaires aux époux [D] la somme de 45 millions à titre de préjudice moral, et à la société GBT les sommes suivantes:

196.039.369,92 euros le 12 juin 2009

15.500.000 euros le 13 juillet 2009 et,

21.500.000 euros le 17 décembre 2009

Le surplus du montant des condamnations reçues en exécution des sentences a permis le paiement du passif par les liquidateurs (étant rappelé que la liquidation judiciaire était poursuivie sous patrimoine commun entre Monsieur et Madame [H] [D], GBT, FIBT, ACT et BT Gestion).

Les sociétés GBT et FIBT sont redevenues in bonis suite à la rétraction des jugements prononçant la liquidation judiciaire par deux jugements du tribunal de commerce de Paris du 6 mai 2009 et du 2 décembre 2009. La rétractation était motivée par les sentences du tribunal arbitral des 7 juillet et 27 novembre 2008 condamnant le Consortium de Réalisation (CDR) structure appartenant à l'Etat, à payer la somme de 404.623.082, 54 euros au sociétés du groupe [H] [D].

Monsieur [D] et les sociétés ACT et BTG sont restés en liquidation judiciaire bien que les sommes versées par les CDR aient été suffisantes pour permettre de rembourser l'entier passif. En revanche Madame [D] n'est plus en liquidation judiciaire depuis un arrêt de la cour d'appel de Paris du 30 juin 2015.

Suite à une instruction pénale ouverte le 18 septembre 2012, des demandes en révision ont été formées par les sociétés CDR, à l'encontre des quatre sentences arbitrales rendues, pour la première le 7 juillet 2008, pour la seconde le 27 novembre 2008, et pour les deux dernières dites interprétatives à cette même date.

Le 17 février 2015 la cour d'appel de Paris a rétracté les sentences arbitrales, puis par arrêt du 3 décembre 2015 a condamné solidairement les sociétés du groupe [D] ainsi que Monsieur et Madame [D] et les liquidateurs judiciaires à payer aux CDR Créances et CDR Consortium de Réalisation les sommes allouées par les sentences arbitrales, avec intérêts et capitalisation des intérêts.

Le pourvoi formé contre cet arrêt a été rejeté par la Cour de Cassation.

Par jugement en date du 30 novembre 2015 le tribunal de commerce de Paris a ouvert une procédure de sauvegarde au profit de la société Snc GBT.

La Scp [N] & Rousselet en la personne de Maître [N] a été désignée en qualité d'administrateur et la Scp BTSG, en la personne de Maître [W], en qualité de mandataire judiciaire.

La Scp BTSG a par la suite été remplacée par la Scp Brouard-Daudé.

Par jugement du 2 décembre 2015 la procédure de sauvegarde a été étendue à la société FIBT.

Le tribunal de commerce de Paris a rendu le 6 juin 2017 un jugement approuvant le plan de sauvegarde n° 1 des sociétés GBT et FIBT.

Le jugement était infirmé par la cour d'appel de Paris et par jugement du 18 janvier 2019 le tribunal décidait la conversion de la sauvegarde en redressement judiciaire.

Parallèlement, les liquidateurs saisissaient le juge-commissaire à la liquidation judiciaire de Monsieur [D] et des sociétés ACT et BTG pour demander l'annulation de tous les actes passés en exécution des sentences ainsi qu'un sursis à statuer pour poser un certain nombre de questions préjudicielles à la CJUE.

Par ordonnance du 12 septembre 2018 le juge-commissaire s'est déclaré incompétent sur l'ensemble des demandes des parties et les a renvoyé à mieux se pourvoir devant le tribunal de commerce de Paris.

Sur autorisation du président du tribunal de commerce de Paris accordée par ordonnance du 24 septembre 2018, la Selafa MJA, prise en la personne de Me [F], la Selarl Axyme, prise en la personne de Me [T], en qualité de co-liquidateurs de Monsieur [H] [D] assignaient à bref délai, par acte du 25 septembre 2018, le CDR créances, la société CDR Consortium de Réalisation, Monsieur [H] [D], Madame [I] [A], son épouse, la société GBT, la société FIBT et Monsieur le procureur de la République aux fins de voir prononcer l'anéantissement des actes passés en exécution des sentences arbitrales rétractées et notamment de l'accord des 28 et 29 juillet 2008 et du protocole d'exécution du 16 mars 2009, ordonner la restitution par les CDR des sommes reçues en paiement de leurs créances soit 163.351.810,19 euros, dire que les CDR restaient redevables à la procédure collective du montant des sommes qu'elles avaient séquestrées au titre de la vente du navire Phocéa par ACT (5.758.723,14 euros) et des sommes dues au titre de l'attribution des actions de la société BTF, devenue CEDP, soit 76.224.508,62 euros, dire que les conditions d'acquisition par le Crédit Lyonnais et la SDBO des titres de BTF GmbH contrevenaient au dispositions du traité de l'Union Européenne et préalablement saisir la CJUE de différentes questions préjudicielles.

Par jugement du 18 avril 2019, le tribunal de commerce de Paris a :

-reçu la Scp [N] Rousselet, prise en la personne de Me [N], es qualités d'administrateur judiciaire des société GBT et FIBT et la Scp [W] Daudé, prise en la personne de Me [W], ès qualités de mandataire judiciaire des sociétés GBT et FIBT, en leur intervention volontaire, -débouté la Selafa MJA, prise en la personne de Me [F], la Selarl Axyme, prise en la personne de Me [T], en qualité de co-liquidateurs de Monsieur [H] [D], de Madame [A], son épouse, et des sociétés ACT et BTG de leurs demandes de restitution du paiement des créances des CDR, de leurs demandes relatives aux questions préjudicielles irrecevables et infondées ainsi que de toutes leurs autres demandes

-et les condamnait in solidum à payer la somme de 25.000 euros chacun au CDR Créances et au CDR Consortium de Réalisation sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

La Selafa MJA, prise en la personne de Me [F], la Selarl Axyme, prise en la personne de Me [T], en qualité de co-liquidateurs de Monsieur [H] [D], de Madame [A], son épouse, et des sociétés ACT et BTG ont interjeté appel de ce jugement par déclaration du 2 mai 2019.

***

Dans leurs dernières conclusions auxquelles il est expressément référé, notifiées par voie électronique le 7 septembre 2020, la Selafa MJA, prise en la personne de Me [F], la Selarl Axyme, prise en la personne de Me [T], en qualité de co-liquidateurs de Monsieur [H] [D], de Madame [A], son épouse, et des sociétés ACT et BTG demandent à la cour de :

- Infirmer le jugement déféré,

Statuant à nouveau,

- Dire qu'ils sont fondés à demander aux CDR la restitution des sommes perçues en paiement de leurs créances, soit 163.315.810,19 euros, lesquelles sont primées par des créances de rang préférable d'un montant supérieur résultant de l'article 40 de la loi du 25 janvier 1985, codifiée à l'article L621-32 du code de commerce,

-Ordonner la restitution desdites sommes par les CDR, les y condamner,

- Dire que toutes choses étant remises en état antérieur du fait des nullités prononcées ci-dessus, les CDR sont redevables envers la procédure collective du montant des sommes séquestrées au titre de la ente du navire par ACT (5.758.723,14 euros outre intérêt à compter de la vente du navire) et des sommes dues au titre de l'attribution des actions de la société BTF, devenue CEDP, soit 76.224.508,62 euros, outre intérêts depuis l'ordonnance ayant attribué les titres aux CDR,

- Débouter les CDR de leurs demandes,

- Les condamner à leur payer la somme de 50.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

***

Dans leurs dernières conclusions auxquelles il est expressément référé, notifiées par voie électronique le 18 septembre 2020, le CDR Créances et le CDR Consortium de Réalisation demandent à la cour de :

- Déclarer irrecevables et en tout cas mal fondées les demandes des appelants,

En conséquence,

-Confirmer le jugement déféré,

Et y ajoutant,

- Condamner solidairement les liquidateurs judiciaires de Monsieur [D] et des sociétés ACT et BTG, et Madame [D] à leur régler la somme de 50.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

***

Dans ses dernières conclusions auxquelles il est expressément référé, notifiées par voie électronique le 17 septembre 2020, la Scp [W] Daudé, prise en la personne de Me [W], ès qualités de liquidateur judiciaire de GBT et FIBT intervient volontairement en sa nouvelle qualité de liquidateur à laquelle elle a été désignée par jugement du tribunal de commerce de Paris du 30 avril 2020.

***

Dans leurs dernières conclusions auxquelles il est expressément référé, notifiées par voie électronique le 25 octobre 2019, la Scp [N] et Rousselet, prise en la personne de Me [N], ès qualités d'administrateur judiciaire de GBT et FIBT et la Scp [W] Daudé, prise en la personne de Me [W], ès qualités de mandataire judiciaire de GBT et FIBT s'en remettent à la sagesse de la cour quant à la recevabilité et au bien fondé des demandes.

***

Dans leurs dernières conclusions auxquelles il est expressément référé, notifiées par voie électronique le 18 septembre 2020, la Snc GBT et la Snc FIBT demandent à la cour de :

- Infirmer le jugement déféré,

- Dire que les liquidateurs judiciaires sont fondés à demander aux CDR la restitution des sommes perçues en paiement de leurs créances, soit 163.315.810,19 euros, lesquelles sont primées par des créances de rang préférable d'un montant supérieur résultant de l'article 40 de la loi du 25 janvier 1985, codifiée à l'article L621-32 du code de commerce,

- Ordonner la restitution desdites sommes par les CDR, les y condamner,

- Dire que toutes choses étant remises en état antérieur du fait des nullités prononcées ci-dessus, les CDR sont redevables envers la procédure collective du montant des sommes séquestrées au titre de la ente du navire par ACT (5.758.723,14 euros outre intérêt à compter de la vente du navire) et des sommes dues au titre de l'attribution des actions de la société BTF, devenue CEDP, soit 76.224.508,62 euros, outre intérêts depuis l'ordonnance ayant attribué les titres aux CDR,

- Dire que que les conditions d'acquisition par le Crédit Lyonnais et la SDBO des titres de la société BTF Gmbh contreviennent aux dispositions du traité de l'Union Européenne et préalablement à la demande d'annulation de cette acquisition, saisir la Cour de Justice de l'Union Européenne de la procédure accélérée sur les questions préjudicielles listées par les appelants la Selafa MJA prise en la personne de Maître [F] et la Selarl Axyme prise en la personne de Maître [T] ès qualité de co-mandataires judiciaires à la liquidation judiciaire de Monsieur [H] [D] et des sociétés ACT et BTG dans le dispositif de leurs conclusions remises au greffe le 24 Octobre 2019 ;

- Débouter les CDR de l'ensemble de leurs demandes,

- Condamner les CDR à leur payer la somme de 10.000 euros chacune au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

***

Dans leurs dernières conclusions auxquelles il est expressément référé, notifiées par voie électronique le 30 octobre 2019, Monsieur [H] [D] et Madame [I] [A], son épouse, demandent à la cour de :

- Infirmer le jugement déféré,

- Dire que les liquidateurs judiciaires sont fondés à demander aux CDR la restitution des sommes perçues en paiement de leurs créances, soit 163.315.810,19 euros, lesquelles sont primées par des créances de rang préférable d'un montant supérieur résultant de l'article 40 de la loi du 25 janvier 1985, codifiée à l'article L621-32 du code de commerce,

- Ordonner la restitution desdites sommes par les CDR, les y condamner,

- Dire que toutes choses étant remises en état antérieur du fait des nullités prononcées ci-dessus, les CDR sont redevables envers la procédure collective du montant des sommes séquestrées au titre de la vente du navire par ACT (5.758.723,14 euros outre intérêt à compter de la vente du navire) et des sommes dues au titre de l'attribution des actions de la société BTF, devenue CEDP, soit 76.224.508,62 euros, outre intérêts depuis l'ordonnance ayant attribué les titres aux CDR,

- Dire que que les conditions d'acquisition par le Crédit Lyonnais et la SDBO des titres de la société BTF Gmbh contreviennent aux dispositions du traité de l'Union Européenne et préalablement à la demande d'annulation de cette acquisition, saisir la Cour de Justice de l'Union Européenne de la procédure accélérée sur les questions préjudicielles listées par les appelants la Selafa MJA prise en la personne de Maître [F] et la Selarl Axyme prise en la personne de Maître [T] ès qualité de co-mandataires judiciaires à la liquidation judiciaire de Monsieur [H] [D] et des sociétés ACT et BTG dans le dispositif de leurs conclusions remises au greffe le 24 Octobre 2019 ;

-Débouter les CDR de l'ensemble de leurs demandes,

- Condamner les CDR à leur payer la somme de 50.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

***

Dans son avis notifié par voie électronique le 17 février 2020, le ministère public demande à la cour de confirmer la décision entreprise en ce qu'elle a débouté la Selafa MJA et la Selarl Axyme de leurs demandes.

SUR CE

La cour relève à titre liminaire que les demandes relatives à la quesion préjudicielle devant la CJUE ne sont plus soutenues.

Sur la recevabilité de la demande

Les liquidateurs exposent qu'ils ne remettent pas en cause les ordonnances ayant admis les créances du CDR, qui ont l'autorité de la chose jugée mais les paiements qui ont été effectués en application de l'article 50 de la loi du 25 janvier 1985 modifiée, applicable à l'espèce et qui se trouvent maintenant primés par la créance de 404 millions d'euros réclamée aujourd'hui par les CDR, qui constitue une créance postérieure née régulièrement bénéficiant du privilège de procédure de l'article 40 de la loi susvisée. Ils soutiennent que l'arrêt du 3 décembre 2015, ne peut avoir autorité de la chose jugée à cet égard, qu'il s'est uniquement prononcé sur l'impossibilité de compensation entre la créance de condamnation et la créance de 163 million payée en vertu d'une ordonnance définitive et n'a pas statué sur la question de savoir si ce paiement de 163 millions ne devait pas être restitué pour permettre le paiement partiel de la créance privilégiée de 404 millions. Ils soulignent que la cour ne pouvait d'ailleurs prendre une telle décision qui ne relevait pas de sa compétence mais uniquement de la compétence du juge de la procédure collective.

Ils exposent que la condition prévue pour la compensation dans la lettre du 28 juillet 2008 subordonnant l'accord à l'absence de recours en annulation de la première sentence n'est pas remplie dès lors que les CDR ont formé un recours en annulation, un recours en rétractation, un appel nullité et un recours en révision contre les sentences.

Ils soutiennent par ailleurs que les accords du 28 et 29 juillet 2008 s'inscrivant dans le cadre de l'exécution de la première sentence arbitrale, le compromis du 16 novembre 2007 et le protocole d'exécution du 16 mars 2009 trouvent leur cause dans la procédure d'arbitrage, que la rétractation des arbitrages doit nécessairement conduire à annuler toute décision qui est la suite ou l'application de l'acte rétracté de sorte que ces engagements doivent être considérés comme n'ayant jamais existé. Ils font valoir qu'un paiement effectué en application d'une décision ultérieurement rétractée ne peut déroger à ce principe et qu'ainsi aucune renonciation tirée desdits engagements ne peut leur être opposée.

Les CDR soutiennent que la demande des liquidateurs est irrecevable en ce qu'elle se heurte à l'autorité de la chose jugée de l'arrêt de la cour d'appel de Paris du 3 décembre 2015 confirmé par la Cour de cassation le 18 mai 2017. Ils exposent que le prix d'attribution de CEDP (76,2 millions d'euros) a déjà été soustrait du montant total des créances CDR et ne peut donc être réclamé à nouveau au titre de la compensation des 163,3 millions d'euros.

Ils ajoutent que les paiements ont été réalisés par les liquidateurs judiciaires, sur autorisation du juge-commissaire, en application du compromis d'arbitrage du 16 novembre 2007 qui subsiste malgré la rétractation des sentences arbitrales obtenues par fraude. Ils exposent que le paiement des créances contractuellement admises n'a pas à venir en déduction des indemnités à restituer par suite de la rétractation de la sentence qui ne peut avoir d'effet sur les règlements intervenus avec les créanciers de la liquidation judiciaire puisque ce paiement et les indemnités allouées par les sentences sont deux opérations juridiques distinctes dont les fondements diffèrent.

Ils contestent l'incompétence alléguée de la cour d'appel qui n'aurait pas statué sur ce point qui relevait, selon les liquidateurs, exclusivement de la procédure collective et font valoir que l'arrêt ayant statué sur la remise en cause du passif avaient le même objet que les prétentions soumises à la cour qui les a rejetées.

Ils ajoutent que la demande est également irrecevable en ce qu'elle se heurte aux renonciations consenties dans le compromis d'arbitrage du 16 novembre 2007 et dans les jugements de révision des jugements d'ouvertures des liquidations judiciaires de GBT et FIBT du 6 mai 2009 et du 2 décembre 2009 ainsi que dans le protocole d'exécution du 16 mars 2009. Ils soulignent que l'article 3 du compromis du 16 novembre 2007 prévoit la renonciation à intenter, introduire ou maintenir directement ou indirectement devant quelque juridiction que ce soit toutes action, demandes ou instances de toute nature relative aux faits ou actes juridiques ayant donné lieu aux contentieux ou s'étant produits avant la date des présentes. Il précisent que l'article 2.4 du même compromis prévoit que le contentieux de rétractation des liquidations judiciaires et procédures collectives, s'ils aboutissent ne remettront pas en cause les décisions et actes postérieurs aux décisions d'ouverture des procédures collectives ce qui fait obstacle à la remise en cause des admissions de créances et au paiement de ces dernières.

Ils insistent sur la demande expresse formée par les liquidateurs, lors de la révision des jugements d'ouverture des liquidations judiciaires de GBT et FIBT en 2009, de ne pas remettre en cause les opérations de liquidation judiciaire déjà accomplies.

Ils rappellent enfin que la demande de restitution se heurte à la renonciation prévue à l'article 2.1 du protocole d'exécution du 16 mars 2009 qui prévoit que les liquidateurs et les époux [D] renoncent irrévocablement à intenter ou introduire toute action ou instance de toute nature relative aux faits ou actes juridiques antérieure à la date dudit protocole, ce qui inclut les paiement post sentences et notamment la compensation litigieuse.

Les sociétés GBT et FIBT soutiennent que la demande des liquidateurs ne concernait pas la réformation des ordonnances d'admission des créances mais uniquement la restitution des sommes payées afin de permettre de désintéresser les créanciers postérieurs privilégiés par priorité sur les créanciers antérieurs. Elles font valoir que l'arrêt de la cour d'appel de Paris du 3 décembre 2015 ne peut avoir autorité de la chose jugée quant aux paiements intervenus en exécution de la sentence arbitrale dès lors que cette question ne relevait pas de sa compétence mais uniquement de la compétence du juge de la procédure collective comme elle l'a elle-même relevé.

Elles font valoir que les protocoles du 16 novembre 2007 et du 16 mars 2009 ayant leur cause dans la procédure d'arbitrage et dans la sentence arbitrale ne peut avoir avoir subsisté à la rétractation de cette dernière et que les renonciations qui y étaient prévues n'ont donc pas lieu de s'appliquer.

Monsieur et Madame [D] soutiennent que l'autorité de la chose jugée ne peut être opposée à la demande des liquidateurs judiciaires de remboursement des créances payées par compensation afin de procéder au paiement privilégié des créances de l'article 40 nées de l'arrêt du 3 décembre 2015 sur le paiement des créances de l'article 50 préalablement effectué. Ils soulignent que la cour n'a pas statué sur ce point pour lequel elle s'est expressément déclarée incompétente.

Ils font valoir que les compromis ont été anéantis par la rétractation des sentences et ne concernaient pas le remboursement des condamnation exécutées par le protocole. Ils concluent à la recevabilité des demandes.

Le ministère public relève que les paiements réalisés sont l'exécution de décisions de justice ayant l'autorité définitive de la chose jugée ainsi qu'il ressort de l'analyse des arrêts du 3 décembre 2015 de la cour d'appel de Paris et du 18 mai 2017 de la Cour de Cassation, il en déduit que la rétractation des sentences n'entraîne pas la nullité des actes passé en exécution de celles-ci. Il estime l'action des liquidateurs irrecevable en ce qu'elle se heurte à la renonciation contractée dans le compromis du 16 novembre 2007 toujours en vigueur.

La cour relève que dans son arrêt rendu le 3 décembre 2015 la cour d'appel s'est prononcée sur la restitution des sommes versées par le CDR aux sociétés du groupe [D] et à Monsieur et Madame [D] en affirmant qu'aucun motif juridique ne justifiait que les sommes payées à des derniers au titre des créances admises du CDR et payées par compensation viennent en déduction de l'obligation de restitution des sommes allouées en vertu de la sentence rétractée. Dans son arrêt de rejet rendu le 18 mai 2017 la Cour de cassation a affirmé 'qu'après avoir constaté que les sommes allouées par la sentence rétractée sont censées n'être jamais entrées dans l'actif commun de la liquidation judiciaire, l'arrêt retient exactement qu'aucun motif juridique ne justifie que le paiement des créances contractuelles admises viennent en déduction des indemnités à restituer par suite de la rétractation de la sentence.'

Il résulte de ces deux décisions que le passif admis, payé et donc définitivement éteint à la suite de la compensation opérée ne peut renaître serait ce pour payer des créances qui seraient des créances de l'article 40. Il convient de noter à ce propos que le juge de la procédure collective n'a pas été saisi de la question de savoir si une créance de restitution née de la rétractation d'une sentence arbitrale constitue une créance de l'article 40.

Ordonner la restitution de ces sommes qui ont été utilisées pour éteindre les créances des sociétés [H] [D] et de Monsieur et Madame [D] afin de payer la créance indemnitaire née de la rétractation pour fraude des sentences arbitrales reviendrait paradoxalement comme le fait justement valoir le CDR à faire financer par le CDR le paiement d'une partie de la condamnation que les liquidateurs doivent lui payer.

La demande de restitution est en conséquence irrecevable en ce qu'elle se heurte à l'autorité de chose jugée.

Dès lors il n'y a pas lieu d'examiner si l'action des liquidateur se heurte également à la renonciation figurant dans le compromis du 16 novembre 2007 et notamment si ce compromis est toujours en vigueur.

Sur la restitution des sommes séquestrées au titre de la vente du Phocéa et des sommes dues au titre de l'attribution des actions de la société BTF

Les liquidateurs soutiennent que l'anéantissement des accords passés en exécution des sentences rétractées doit conduire à la restitution des sommes séquestrées au titre de la vente du Phocéa par ACT et de sommes dues au titre de l'attribution des actions CEDP.

Les sociétés GBT et FIBT soutiennent notamment qu'en raison de l'annulation des sentences arbitrales, les parties demeurent en l'état du jugement du 19 juin 2006 ayant condamné le CDR Créances à payer la somme de 4.344.797 euros outre intérêts soit 5.758.723 euros. Elles ajoutent que les CDR doivent également payer les actifs qu'elles ont appréhendés dans la procédure de liquidation, soit le prix d'attribution des actions BTF -76.224.508,62 euros en 1995- actualisée à 131.101.920,74 euros.

Monsieur et Madame [D] soulignent que les CDR revendiquaient la qualité de créance de l'article 40 pour les créances de restitution et qu'ainsi l'obligation de restitution n'est pas contestable, pas plus que le paiement des actifs appréhendés par le CDR dans la procédure de liquidation.

Les CDR répliquent que ses créances admises à hauteur de 87,1 millions d'euros ont été payées par compensation homologuée par le juge-commissaire antérieurement aux sentences et ne trouvent donc pas leur origine dans celles-ci.

Le ministère public rappelle que la considération selon laquelle il n'est pas possible de remettre en cause les paiements effectués librement par les liquidateurs avec l'approbation du juge-commissaire et du tribunal de commerce de Paris est applicable à tout le passif de la liquidation judiciaire réglée par les liquidateurs après les sentences. Il soutient que la rétractation des sentences n'entraîne pas la nullité des actes passés en exécution de celles-ci, les protocoles et les paiement résultant de l'exécution de décisions de justice ayant autorité de la chose jugée.

Sur la demande de restitution des sommes séquestrées au titre de la créance ACT, soit 5.758.723, 14 euros la cour rappelle que dans son arrêt du 3 décembre 2015 la cour d'appel, au visa des articles 2060 du code civil et 40 de la loi du 25 janvier 1985, a jugé, sur demande des CDR qui estimaient qu'elles disposaient d'une créance de restitution bénéficiant de la priorité de l'article 40 d'un prêt de 12,2 M€ garanti par l'hypothèque maritime sur le Phocéa,, que les contestations sur l'applicabilité de cette disposition et donc la qualification de la créance sont des questions nées de l'ouverture de la procédure collective et ne peuvent relever que de la compétence du juge de cette procédure. La cour a rappelé l'interdiction de compromettre sur cette règle d'ordre public et n'étant saisie que du compromis d'arbitrage a rejeté les demandes formées au titre du litige ACT.

Dans son arrêt du 18 mai 2017 la Cour de cassation a rejeté le moyen introduit à l'encontre de cette décision en rappelant que seul le juge de la procédure collective avait compétence pour statuer sur la qualification de la créance.

Les liquidateurs de la société ACT, BT Gestion et Monsieur [H] [D] avaient ensuite saisi le juge commissaire par requête du 27 avril 2018 afin de voir juger que la rétractation des sentences arbitrales entraînait l'obligation pour le CDR de restituer les sommes reçues, soit 163.531.810 euros et constater que les CDR restaient redevables des sommes séquestrées au titre de la vente du Phocéa et de restituer les actions BT Finance devenues CEDP. Ils avaient également demandé la saisine de la CJUE.

Le juge commissaire avait par une ordonnance du 12 septembre 2018 considéré que les demandes relevaient du fond de l'affaire, qu'elles concernaient la rétractation des sentences arbitrales et remettaient en cause la décision de la cour d'appel de Paris. Il s'est donc déclaré incompétent car dépourvu de pouvoir juridictionnel et a renvoyé les parties à mieux se pourvoir devant le tribunal de commerce.

La cour relève que le juge commissaire n'a pas statué sur la restitution de la somme séquestrée et qu'aucune des parties n'a soulevé la question de la compensation entre la somme séquestrée et la créance article 40 dont se prévalait les CDR. Cette ordonnance n'a pas été déférée à la Cour.

Le tribunal de commerce saisi à la suite de cette décision a jugé qu'il y avait autorité de la chose jugée suite à l'arrêt de la cour d'appel du 3 décembre 2015 d'une part et d'autre part que les demandes des liquidateurs se heurtaient aux renonciations figurant dans le Compromis du 16 novembre 2007 et dans le Protocole d'exécution du 16 mars 2009 et donc n'a pas statué sur le litige ACT relatif aux sommes séquestrées.

La cour, saisie de ce litige ne peut que constater qu'elle n'est pas saisie en qualité de cour d'appel de la procédure collective et qu'elle n'a donc pas compétence pour décider de la restitution de la somme séquestrée.

Sur la demande de restitution du prix d'attribution de CEDP de 76, 2 M€ la cour relève que cette sommes est venue en déduction du montant global des créances du CDR et qu'elle a donc été comprise dans la compensation opérée entre les sommes dues par CDR aux liquidateurs et les créances de CDR admises au passif.

Il en résulte que cette somme ne s'ajoute pas, comme l'a fait justement observé les premiers juges aux 163 M€ mais s'en déduit et que la demande en restitution de cette somme bénéficie également de l'autorité de la chose jugée.

Sur l'article 700 du Code de procédure civile

Il serait inéquitable de laisser aux sociétés CDR Créances et CDR Consortium de Réalisation la charge des frais qu'elles ont exposées et qui ne sont pas comprises dans les dépens. Il sera donc fait droit à la demande.

PAR CES MOTIFS,

Donne acte à la Scp [W] Daudé prise en la personne de Maître [W] de son intervention volontaire en sa nouvelle qualité de liquidateur à la liquidation judiciaire des sociétés Groupe [H] [D] (GBT) et Financière et Immobilière [H] [D] (FIBT),

Constate que les parties ont abandonné leur demande relative à la saisine de la CJUE,

Déclare irrecevable pour autorité de la chose jugée la demande de restitution de la somme de 163.315.810, 19 euros perçue en paiement des créances admises des sociétés CDR Créances et CDR Consortium de Réalisation,

Déclare irrecevable pour autorité de la chose jugée la demande de restitution de la somme de 76.224.508, 62 euros au titre de l'attribution des actions de la société BTF, devenue CEDP,

Se déclare incompétente pour juger de la demande de restitution de la somme de 5.758.723, 14 euros outre intérêts séquestrée suite à la vente du navire Le Phocéa,

Condamne solidairement la Selafa MJA, prise en la personne de Me [F], la Selarl Axyme, prise en la personne de Me [T], en qualité de co-liquidateurs de Monsieur [H] [D], de Madame [A], son épouse, et des sociétés ACT et BTG à payer aux sociétés CDR Créances et CDR Consortium de Réalisation la somme de 50.000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile,

Condamne solidairement la Selafa MJA, prise en la personne de Me [F], la Selarl Axyme, prise en la personne de Me [T], en qualité de co-liquidateurs de Monsieur [H] [D], de Madame [A], son épouse, et des sociétés ACT et BTG aux dépens qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.

La greffière La présidente


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 5 - chambre 9
Numéro d'arrêt : 19/09598
Date de la décision : 19/11/2020

Références :

Cour d'appel de Paris I9, arrêt n°19/09598 : Se déclare incompétent


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2020-11-19;19.09598 ?
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