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17/11/2020 | FRANCE | N°18/10574

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 11, 17 novembre 2020, 18/10574


Copies exécutoiresREPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 11



ARRET DU 17 NOVEMBRE 2020



(n° , 8 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 18/10574 - N° Portalis 35L7-V-B7C-B6NCG



Décision déférée à la Cour : Jugement du 05 Septembre 2018 -Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de PARIS - RG n° F15/14520





APPELANTE



SAS REXEL DEVELOPPEMENT

[Adresse 1]

[Adres

se 1]

Représentée par Me Antoine MARGER, avocat au barreau de PARIS, toque : P0463





INTIMÉ



Monsieur [C] [B]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Représenté par Me Maud EGLOFF-CAHEN...

Copies exécutoiresREPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 11

ARRET DU 17 NOVEMBRE 2020

(n° , 8 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 18/10574 - N° Portalis 35L7-V-B7C-B6NCG

Décision déférée à la Cour : Jugement du 05 Septembre 2018 -Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de PARIS - RG n° F15/14520

APPELANTE

SAS REXEL DEVELOPPEMENT

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Représentée par Me Antoine MARGER, avocat au barreau de PARIS, toque : P0463

INTIMÉ

Monsieur [C] [B]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Représenté par Me Maud EGLOFF-CAHEN, avocat au barreau de PARIS, toque : C1757

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 06 Octobre 2020, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme Anne HARTMANN, Présidente de chambre, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :

Anne HARTMANN, Présidente de chambre

Sylvie HYLAIRE, Présidente de chambre

Laurence DELARBRE, Conseillère

Greffier, lors des débats : Madame Mathilde SARRON

ARRET :

- contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Anne HARTMANN, Présidente de chambre et par Mathilde SARRON, Greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

RAPPEL DES FAITS, PROCÉDURE ET MOYENS DES PARTIES

La SAS Rexel Développement a employé M.[C] [B] né en 1965, par contrat de travail à durée indéterminée, à compter du 6 janvier 1992, en qualité d'employé des services généraux.

Les relations contractuelles entre les parties étaient soumises à la convention collective nationale de commerce de gros.

En dernier lieu, la rémunération mensuelle brute moyenne de M. [B] s'élevait à la somme de 2034,86 euros.

Par lettre datée du 26 novembre 2015, M. [B] a été convoqué à un entretien préalable fixé au 4 décembre 2015 avec mise à pied conservatoire

M. [B] a ensuite été licencié pour faute grave par lettre datée du 9 décembre 2015 ; la lettre de licenciement indique:

« Le mercredi 18 novembre 2015, M.[H] [U], intérimaire affecté à votre remplacement durant la période de vos congés pour RTT, a utilisé votre poste informatique.

Lors de cette utilisation, M.[U] s'est connecté au site internet Facebook, en effet vous n'avez pas pris la précaution de fermer votre compte Facebook. Il a cliqué sur l'alerte lui indiquant qu'il avait un nouveau message et a involontairement ouvert une conversation entre vous et Madame [K] [G], autre salarié de la société Rexel Développement.

M.[U], qui n'avait pas l'intention de lire votre conversation, s'est autorisé à en prendre connaissance quand il a compris qu'il en était le sujet.

La lecture de cette conversation, démontre que vous avez tenu des propos particulièrement violents et insultants à l'encontre de votre remplaçant ainsi qu'à l'égard de M. [F] [L], votre supérieur hiérarchique, Responsable des services généraux du siège.

Ainsi, votre conversation s'est tenue dans les termes suivants :

[C] [B] : Ca boom djette

[K] [G] : Ça va et toi ' Tu reprends quand '

[C] [B] : Oui on coocoone ... Je v voir lol

[K] [G] : Lol c mignon de cocooner

OK g vu ton remplaçant le pede

[C] [B] : Oui un vrai loire sous sa galerie Non bi je pense lol

[K] [G] : Berk

[C] [B] : Avec JC il veut faire son trou lol

[K] [G] : Il veut le fist fucker Lol

[C] [B] : Ca m'étonne pas c'est ça la promotion Il va plus être détendu

[K] [G] : Image [illisible]

[C] [B] : Image [pleure de rire]

Image [d'un lapin qui se tord de rire « HAHA »]

[H] [U] a répondu sur votre compte et sous votre nom :

Donc le pedé est en couple, attend un enfant et vous méprise ... [C] tu es bien bête car ton facebook est resté ouvert sur ton ordi ... du coup mon ordi ...

je vous laisse répondre de vos propos aujourd'hui ou demain bonne réception.

Ces propos ont particulièrement choqué M.[U]. Ce dernier en a immédiatement fait part à son supérieur M.[L], lui aussi visé par les écrits que vous avez échangés avec Madame [G].

M.[U] a ensuite quitté son poste et fait part de son état de choc par écrit auprès de la Société.

M.[L], qui est également visé par la conversation outrageante, a également adressé un courrier à l'attention de la direction des ressources humaines pour dénoncer la situation. Cet échange a eu de graves conséquences sur l'intégrité physique et psychique des personnes nommément visées par ces propos plus que désobligeants.

Ces propos relèvent de l'injure non publique à caractère discriminatoire qui est prévue et réprimée par l'article R 624-4 du Code pénal qui dispose :

« L'injure non publique commise envers une personne ou un groupe de personnes à raison de leur origine ou de leur appartenance ou de leur non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée est punie de l'amende prévue pour les contraventions de la 4e classe.

Est punie de la même peine l'injure non publique commise envers une personne ou un groupe de personnes à raison de leur sexe, de leur orientation sexuelle ou de leur handicap. »

Ces propos sont discriminants en ce qu'ils ont traits à l'orientation sexuelle supposée des personnes visées, ils sont insultants car ils sont rédigés en des termes orduriers, ils sont diffamants puisqu'ils prêtent des relations affectives aux personnes désignées en précisant que ces dernières ont pour objet de favoriser la progression professionnelle de l'un d'eux.

C'est pourquoi, le seul fait d'avoir rédigé de tels écrits constitue une faute grave. A cela s'ajoute que celle-ci n'a pas été sans conséquence sur la Société.

En effet, Messieurs [U] et [L] ont été amenés à en prendre connaissance et ont été particulièrement affectés par vos propos.

M.[U] qui occupait un poste en intérim, a été choqué au point qu'il s'est trouvé dans l'incapacité de terminer sa journée de travail en date du 18 novembre 2015.

M.[L], votre supérieur hiérarchique, s'interroge sur sa capacité à continuer d'assumer ses tâches dans un tel climat et à piloter avec sérénité les services généraux.

De telles répercussions sur l'état de santé moral, psychiques ou physiques des salariés n'est pas admissible.

Il doit vous être rappelé qu'il entre dans les obligations de l'employeur de s'assurer qu'à aucun moment, au temps ou sur le lieu de travail, l'un des collaborateurs de l'entreprise n'est la victime d'agissements ou de faits pouvant porter atteinte à son honneur, à sa considération ou à son intégrité physique ou psychologique et que vous avez transgressé ces obligations fondamentales.

La Société Rexel Développement ne peut imaginer un seul instant qu'en tant qu'auteur de tels propos vous puissiez continuer à croiser, voire à travailler, avec vos victimes dont votre supérieur hiérarchique sur un même lieu de travail.

C'est pourquoi, ces faits caractérisent une faute particulièrement grave qui rend impossible le maintien de votre contrat de travail pendant la durée du préavis. »

À la date du licenciement, M. [B] avait une ancienneté de plus 23 ans, et la SAS Rexel Développement occupait à titre habituel plus de 10 salariés pour les besoins de son activité.

Contestant la légitimité de son licenciement et réclamant diverses indemnités, outre des rappels de salaires, M. [C] [B] a saisi le 17 décembre 2015 le conseil de prud'hommes de Paris qui, par jugement rendu en formation de départage le 5 septembre 2018 a statué comme suit :

- DIT que le licenciement de M. [C] [B] est dépourvu de cause réelle et sérieuse

-Fixe le salaire moyen de M. [C] [B] à la somme de 2.034,86 euros.

- CONDAMNE la SAS Rexel Développement à payer à M.[B] les sommes suivantes :

- 818,60 euros sur la période de mise à pied à titre conservatoire ;

- 81,86 euros au titre des congés payés y afférent ;

-4.069,72 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis ;

-406,97 euros au titre des congés payés y afférents ;

-13.508,80 euros au titre d'indemnité de licenciement ;

- 40.000 euros de dommages intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

- DIT que les condamnations à caractère salarial porteront intérêt au taux légal à compter de la réception par l'employeur de la convocation au bureau de conciliation et celles à caractère indemnitaire à compter de la présente décision.

- ORDONNE le remboursement par la SAS Rexel Développement aux organismes intéressés de l'équivalent d'un mois d'allocation chômage versé au salarié licencié.

- ORDONNE l'exécution provisoire.

- CONDAMNE la SAS Rexel Développement à payer à M. [B] la somme de 1.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

- CONDAMNE la SAS Rexel Développement aux entiers dépens.

- DEBOUTE la SAS Rexel Développement de ses demandes.

Les premiers juges ont en effet estimé que l'accès à la conversation strictement privée entre le salarié et une collègue de travail sur un compte Facebook non professionnel constitue une violation du principe du secret des correspondances de sorte que les propos tenus par le salarié à cette occasion ne pouvaient servir de fondement à son licenciement.

Par déclaration du 18 septembre 2018, la SAS Rexel Développement a interjeté appel de cette décision.

Par conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 20 mars 2019 la SAS Rexel Développement demande à la cour de :

- d'infirmer, en toutes ces dispositions le jugement rendu par le CPH de Paris en ce qu'il:

- dit que le licenciement de M. [B] est dépourvu de cause réelle et sérieuse;

- condamné la SAS Rexel Développement à payer à M. [B] les sommes suivantes:

-818,60 euros sur la période de mise à pied à titre conservatoire ;

-81,86 au titre des congés payés y afférent ;

-4.069,72 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis ;

-406,97 euros au titre des congés payés y afférents ;

-13.508,80 au titre d'indemnité de licenciement ;

- 40.000 euros de dommages intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

- dit que les condamnations à caractère salariale porteront intérêt au taux légal à compter de la réception par l'employeur de la convocation au bureau de conciliation et celles à caractère indemnitaire à compter de la présente décision ;

- ordonne le remboursement par la SAS Rexel Développement aux organismes intéressés de l'équivalent d'un mois d'allocation chômage versé au salarié licencié ;

- condamne la SAS Rexel Développement à payer à M. [B] la somme de 1.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

-condamne la SAS Rexel Développement aux entiers dépens.

- débouter M. [B] de l'intégralité de ses demandes, fins et prétentions ;

- condamner M. [B] à payer à la SAS Rexel Développement la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner M. [B] aux entiers dépens.

Par conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 4 février 2019 M. [B] demande à la cour de :

- confirmer le jugement rendu le 5 septembre par le conseil de prud'hommes de Paris en ce qu'il a:

- dit que le licenciement de M. [B] est dépourvu de cause réelle et sérieuse;

- condamné la SAS Rexel Développement à payer à M. [B] les sommes suivantes :

-818,60 euros sur la période de mise à pied à titre conservatoire ;

-81,86 au titre des congés payés y afférent ;

-4.069,72 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis ;

-406,97 euros au titre des congés payés y afférents ;

-13.508,80 au titre d'indemnité de licenciement ;

- dit que les condamnations à caractère salarial porteront intérêt au taux légal à compter de la réception par l'employeur de la convocation au bureau de conciliation et celles à caractère indemnitaire à compter de la présente décision ;

- ordonné le remboursement par la SAS Rexel Développement aux organismes intéressés de l'équivalent d'un mois d'allocation chômage versé au salarié licencié ;

- ordonné l'exécution provisoire.

- condamné la SAS Rexel Développement à payer à M. [B] la somme de 1.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamné la SAS Rexel Développement aux entiers dépens.

Et y ajoutant :

- condamner la SAS Rexel Développement à payer à M. [B] la somme de 48.000 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

- débouter la SAS Rexel Développement de l'ensemble de ses demandes ;

- condamner la SAS Rexel Développement à payer à M. [B] la somme de 2.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 24 juin 2020 et l'affaire fixée à l'audience du 6 octobre 2020.

Pour un plus ample exposé des faits, des prétentions et des moyens des parties, la cour se réfère à leurs conclusions écrites ainsi qu'au jugement déféré.

SUR CE, LA COUR :

Sur le licenciement

Pour infirmation du jugement déféré, la société Rexel Développement fait valoir de première part qu'elle n'a pas directement accédé au compte Facebook de l'appelant en sorte qu'il a pu sanctionner sans violer le droit à la vie privée et au secret des correspondances de M. [B], les propos litigieux qui lui ont été rapportés par M. [U]. De seconde part, elle estime qu'en application du principe conventionnel et constitutionnel de proportionnalité, le licenciement reposant sur une éventuelle atteinte à la vie privée et au secret des correspondances de M. [B], se justifiait par l'obligation pesant sur l'employeur de garantir la santé et la sécurité des salariés et de mettre un terme au trouble créé dans l'entreprise afin d'en assurer le bon fonctionnement.

Pour confirmation du jugement déféré, M. [B] réplique que les propos servant de base au licenciement, ont été tenus alors qu'il était en congés, qu'ils ressortent d'une conversation privée entre lui et sa collègue sur Facebook, sans être publiés sur leurs « murs respectifs » de sorte qu'ils n'avaient pas à être lus par des tiers sans violation de l'intimité de sa vie privée. Il soutient que le compte Facebook d'un salarié est protégé par le droit au respect de la vie privée puisque par définition ce compte ne peut pas être professionnel.

La lettre de licenciement qui fixe les limites du litige doit être suffisamment motivée et viser des faits et des griefs matériellement vérifiables sous peine de rendre le licenciement dénué de cause réelle et sérieuse.

La faute grave qui seule peut justifier une mise à pied conservatoire et qui exige que soient identifiés des faits précis survenus au cours de la période de prescription de deux mois est celle qui empêche la poursuite du contrat de travail et il appartient à l'employeur d'en rapporter la preuve.

Au soutien de la réalité des faits reprochés, l'employeur s'appuie sur les propos litigieux tels qu'ils ont été reproduits plus avant dans la lettre de licenciement, tenus lors d'une conversation échangée sur la messagerie du compte Facebook de M. [B], entre ce dernier et une autre salariée de la société, compte ouvert sur son ordinateur professionnel, auquel un salarié intérimaire M. [U] le remplaçant ponctuellement a eu accès avant de les porter à sa connaissance.

L'article 9 du code civil, pose le principe du droit de chacun au respect de sa vie privée.

Par application de l'article 9 du Code de procédure civile, il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi, les faits nécessaires au succès de sa prétention et les preuves apportées doivent être obtenues de manière licite et loyale.

Il s'en déduit que même si en matière de droit du travail la preuve est libre, cette liberté n'est toutefois pas sans limite et doit préserver deux principes celui de la loyauté dans l'administration de la preuve et le droit au respect de la vie privée.

Il est admis que le salarié a droit même au temps et au lieu du travail au respect de l'intimité de sa vie privée et que celle-ci implique le secret des correspondances même reçues sur un outil informatique mis à sa disposition pour son travail.

Ainsi, il est constant que les courriels adressés par le salarié à l'aide de l'outil informatique mis à sa disposition par l'employeur pour les besoins de son travail sont présumés avoir un caractère professionnel sauf si le salarié les identifie comme étant personnels.

S'agissant toutefois des messages électroniques reçus par un salarié sur sa messagerie personnelle, distincte de la messagerie professionnelle dont il dispose pour son activité, il est constant que ceux-ci ne peuvent être produits en justice sans porter atteinte au secret des correspondances.

L''accès de l'employeur aux données figurant sur les comptes Facebook de ses salariés et l'utilisation des données de ce compte comme moyen de preuve sont autorisés sous réserve :

- que les éléments de preuve aient été recueillis loyalement ;

- que l'atteinte à la vie privée soit proportionnée au but poursuivi par l'employeur,

- que la production des éléments soit indispensable à l'exercice du droit de la preuve.

Il est acquis aux débats que les propos litigieux ont été tenus à l'occasion d'une conversation qui s'est déroulée dans la messagerie intégrée dans le compte Facebook de M. [B] lequel ne conteste plus leur teneur ni ne prétend plus que son compte aurait été usurpé.

Il convient par conséquent de s'interroger sur l'accès de l'employeur aux propos tenus sur le compte Facebook de M. [B] et la loyauté de l'administration de la preuve.

Même si le réseau Facebook est par définition un mode de communication mais aussi de partage et d'accès aux réseaux sociaux, avec une accessibilité variable en fonction des droits accordés aux tiers ou à la publicité donnée aux informations selon leur publication ou non sur les « murs », il n'en reste pas moins que la messagerie qui y est intégrée reste personnelle au titulaire du compte même si celle-ci est consultée sur un ordinateur mis à disposition du salarié sur le lieu du travail.

En l'espèce, il ressort des débats que M. [U], salarié intérimaire a eu accès sur le poste de travail informatique de M. [B] au compte Facebook de ce dernier, non déconnecté, dont il a aux termes mêmes de l'employeur « ouvert la page » et qu'il s'est cru autorisé à ouvrir un message qu'il ne pouvait ignorer ne pas lui être destiné sur la messagerie personnelle intégrée dudit compte, après une alerte avertissant de l'arrivée d'un message, ce qui signifie qu'une manipulation active de sa part a été nécessaire.

Il ne peut donc être soutenu valablement par l'employeur que la conversation tenue sur la messagerie Facebook avait perdu son caractère privé dès lors que son titulaire a sciemment ou par négligence permis à d'autres d'en prendre connaissance sur l'ordinateur, puisque même si la page Facebook du compte de M. [B] était accessible, sa messagerie conservait un caractère personnel incontestable et que son contenu qui n'avait pas vocation à être rendu public en dehors des participants à la conversation, ne pouvait être consulté que suite à une démarche active d'ouverture.

Même si contrairement à ce que suggère M. [B] sans le prouver, il n'est pas établi que l'employeur a usé d'un quelconque stratagème puisqu'il affirme que les propos tenus lui ont été rapportés par M. [U], il n'en reste pas moins que ce dernier, n'étant pas autorisé à consulter la messagerie litigieuse a violé ce faisant le secret des correspondances, de sorte que ce procédé d'obtention de la preuve était déloyal et illicite, peu importe que l'employeur n'ait pas personnellement cherché à prendre connaissance de cette conversation ou n'ait pas consulté directement le compte litigieux.

Par conséquent, il convient d'estimer par confirmation des premiers juges, que les propos litigieux ainsi obtenus ne pouvaient servir de fondement au licenciement prononcé, lequel est dépourvu de cause réelle et sérieuse.

Sur les conséquences financières

L'absence de cause réelle et sérieuse ouvre droit pour le salarié aux indemnités de rupture.

C'est à bon droit que le jugement déféré a accordé un rappel de salaire majoré des congés payés sur la période de mise à pied conservatoire, une indemnité compensatrice de préavis majorée des congés payés et une indemnité de licenciement non contestés dans leur quantum, il sera confirmé sur ces points.

M. [B] réclame une somme de 48.000 euros d'indemnité en réparation du préjudice moral et matériel subi du fait de ce licenciement sans cause réelle et sérieuse en se prévalant de son ancienneté de 23 années dans l'entreprise et en faisant valoir rechercher depuis désespérément un emploi tout en étant confronté à des difficultés financières. Il ne justifie de recherches professionnelles que pour l'année 2016 et de la perception d'une allocation de retour à l'emploi de juin à septembre 2016. Il n'est produit aucun élément sur sa situation au-delà de cette date.

Compte tenu notamment de l'effectif de l'entreprise, des circonstances de la rupture, du montant de la rémunération versée à M. [B], de son âge, de son ancienneté, de sa capacité à trouver un nouvel emploi eu égard à sa formation et à son expérience professionnelle et des conséquences du licenciement à son égard, dans la limite des pièces et des explications fournies, le préjudice subi par le salarié a été justement évalué à la somme de 40.000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, en application de l'article L.1235-3 du code du travail.

En application des dispositions de l'article L. 1235-4 du code du travail, le jugement déféré est confirmé en ce qu'il a ordonné le remboursement par l'employeur à Pôle Emploi des indemnités de chômage éventuellement versées au salarié depuis son licenciement dans la limite d'un mois d'indemnités

Sur les autres dispositions

Partie perdante la société Rexel Développement est condamnée aux dépens d'instance et d'appel, le jugement déféré étant confirmé sur ce point ainsi que sur la condamnation à l'indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

L'équité commande d'allouer sur le même fondement à M. [B] une somme de 2.000 euros au titre des frais irrépétibles exposés par lui en appel , la société appelante étant quant à elle déboutée de sa demande de ce chef.

PAR CES MOTIFS

CONFIRME le jugement déféré en toutes ses disposition.

CONDAMNE la SAS Rexel Développement à verser à M. [C] [B] une somme de 2.000 euros au titre de l'application de l'article 700 du code de procédure civile à hauteur d'appel.

DÉBOUTE la SAS Rexel Développement de sa demande formée sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

CONDAMNE la SAS Rexel Développement aux dépens d'appel.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 11
Numéro d'arrêt : 18/10574
Date de la décision : 17/11/2020

Références :

Cour d'appel de Paris L2, arrêt n°18/10574 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2020-11-17;18.10574 ?
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