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13/11/2020 | FRANCE | N°17/02606

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 12, 13 novembre 2020, 17/02606


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS







COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 12



ARRÊT DU 13 Novembre 2020



(n° , 10 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : S N° RG 17/02606 - N° Portalis 35L7-V-B7B-B2VR6



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 06 Janvier 2017 par le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de PARIS RG n° 15/05026







APPELANTE

FONDATION OPHTALMOLOGIQUE [T] [S]

[Adresse 1]

[Locali

té 4]

représentée par Me Xavier BADIN, avocat au barreau de PARIS, toque : B0713





INTIMEE

SYNDICAT DES TRANSPORTS D'ILE DE FRANCE

[Adresse 2]

[Localité 3]

représentée par Mme [X] en ve...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 12

ARRÊT DU 13 Novembre 2020

(n° , 10 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S N° RG 17/02606 - N° Portalis 35L7-V-B7B-B2VR6

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 06 Janvier 2017 par le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de PARIS RG n° 15/05026

APPELANTE

FONDATION OPHTALMOLOGIQUE [T] [S]

[Adresse 1]

[Localité 4]

représentée par Me Xavier BADIN, avocat au barreau de PARIS, toque : B0713

INTIMEE

SYNDICAT DES TRANSPORTS D'ILE DE FRANCE

[Adresse 2]

[Localité 3]

représentée par Mme [X] en vertu d'un pouvoir spécial

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 01 Octobre 2020, en audience publique, devant la Cour composée de :

M. Pascal PEDRON, Président de chambre

M. Gilles REVELLES, Conseiller

Mme Bathilde CHEVALIER, Conseillère

qui en ont délibéré

Greffier : Mme Clémentine VANHEE, lors des débats

ARRÊT :

- CONTRADICTOIRE

- prononcé

par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

-signé par M. Pascal PEDRON, Président de chambre et Mme Vénusia DAMPIERRE, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

La cour statue sur l'appel interjeté par la Fondation ophtalmologique [T] [S] (la fondation) d'un jugement rendu le 6 janvier 2017 par le tribunal des affaires de sécurité sociale de Paris dans un litige l'opposant au syndicat des transports d'Île-de-France (STIF).

FAITS, PROCÉDURE, PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Les circonstances de la cause ont été correctement rapportées par le tribunal dans son jugement au contenu duquel la cour entend se référer pour un plus ample exposé.

Il suffit de rappeler que la Fondation ophtalmologique [T] [S] a été créée en 1905 en exécution des volontés testamentaires du baron [T] [S], décédé en 1900, afin d'établir un établissement spécialisé en ophtalmologie et maladies de la tête, ouvert aux spécialités et techniques imposées par les progrès de la médecine, offrant des soins gratuits aux indigents sans distinction de croyances ou de religions. La fondation a été reconnue d'utilité publique par décret du 20 avril 1909.

Par décision du 17 mai 2001, le syndicat des transports, en application des dispositions de l'article L.'2531-2 du code général des collectivités territoriales, a exonéré la fondation du versement de transport.

Le 10 août 2015, le syndicat des transports a abrogé sa décision du 17 mai 2001.

La fondation a saisi la juridiction de sécurité sociale le 9 octobre 2015 en annulation de cette dernière décision.

Le tribunal des affaires de sécurité sociale de Paris par jugement du 6 janvier 2017 a':

-'débouté la fondation de sa demande d'annulation de la décision numéro 2015-0434 en date du 10 août 2015 du syndicat des transports abrogeant la décision d'exonération du versement de transport prise le 17 mai 2001';

-'rejeté les demandes formées sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile';

-'rappelé que la procédure est sans frais ni dépens.

La fondation a interjeté appel «'général'» le 15 février 2017 de ce jugement qui lui avait été notifié le 30 janvier 2017.

Par conclusions écrites soutenues oralement à l'audience par son conseil, la fondation demande à la cour, au visa des articles L.'2531-2 du code général des collectivités territoriales, 261, 7, 1° b du code général des impôts, L.'3332-17-1 du code du travail, 1 et 2 de la loi n°'2014-856 du 31 juillet 2014 relative à l'économie sociale et solidaire, de':

-'infirmer le jugement n°'15-05026 rendue le 6 janvier 2017 par le tribunal des affaires de sécurité sociale de Paris';

Par conséquent,

-'annuler la décision d'abrogation n°'2015-0434 prise par le syndicat des transports et notifiée le 12 août 2015';

-'juger que la fondation satisfait à l'ensemble des critères d'exonération du versement de transport prévu à l'article L.'2531-2 du code général des collectivités territoriales';

-'condamner le syndicat des transports à verser à la fondation la somme de 5'000'euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel.

Par conclusions écrites soutenues oralement à l'audience par son représentant, le STIF, devenu Île-de-France Mobilités (le syndicat des transports) en 2019, demande à la cour de':

-'juger que la fondation n'a pas une activité de caractère social au sens de l'article L.'2531-2 du code général des collectivités territoriales et qu'elle ne remplit pas les trois conditions cumulatives prévues à l'article susvisé pour être exonérée du paiement de la taxe mobilité';

En conséquence,

-'confirmer le jugement rendu le 16 janvier 2017 par le tribunal des affaires de sécurité sociale de Paris en toutes ces dispositions';

-'juger que la décision du 10 août 2015 n°'2015-0434 établie par le syndicat des transports pourtant abrogation de la décision d'exonération le 17 mai 2001 est fondée en droit';

-'rejeter la demande d'annulation de la décision n°'2015-0434 du 10 août 2015 établie par le syndicat des transports';

-'rejeter la demande de condamnation du syndicat des transports au paiement de la somme de 5'000'euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile';

-'condamner la fondation à payer au syndicat des transports la somme de 5'000'euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Il est expressément renvoyé aux conclusions des parties pour un exposé des moyens et arguments développés au soutien de leurs prétentions respectives et soutenus à l'audience.

SUR CE,

L'article L.'2531-2, premier alinéa, du code général des collectivités territoriales, dans sa rédaction applicable, dispose que dans la région d'Île-de-France, les personnes physiques ou morales, publiques ou privées, à l'exception des fondations et associations reconnues d'utilité publique, à but non lucratif, dont l'activité est de caractère social, sont assujetties à un versement de transport lorsqu'elles emploient plus de neuf salariés.

Ainsi, les associations et fondations ne sont pas assujetties au versement destiné aux transports publics, même lorsqu'elles emploient plus de neuf salariés, si elles remplissent cumulativement trois conditions': être reconnues d'utilité publique'; avoir un but non lucratif'; avoir une activité de caractère social.

Le caractère créateur de droits de l'attribution d'un avantage financier ne fait pas obstacle à ce que la décision d'attribution soit abrogée pour l'avenir si le syndicat des transports modifie l'appréciation qui avait justifié sa décision initiale (Dans ce sens voir Conseil d'État, 3e et 8e sections réunies, 27 juillet 2005, n°'270487).

Enfin, l'exonération étant l'exception, en application de l'article 1315 du code civil, selon lequel il appartient au demandeur d'établir les faits nécessaires au soutien de sa prétention, il incombe à l'association, qui prétend échapper à l'assujettissement au versement destiné aux transports publics, devenu la taxe mobilité, d'établir qu'elle remplit bien les trois conditions prévues par la loi.

En l'espèce, conformément à la volonté testamentaire de son fondateur décédé en 1900, la fondation a été créée en 1905 afin de fournir des soins gratuits, et conformes au progrès de la science médicale, aux indigents sans distinction. Elle a été reconnue d'utilité publique dès 1909. À compter de 1990, la fondation a commencé sa participation au service public hospitalier. Elle dispose depuis 2010 du statut d'établissement de santé privé d'intérêt collectif et «'pratique exclusivement des tarifs conventionnés sans dépassement d'honoraires'». Aujourd'hui, elle est un «'centre spécialisé de soins, d'enseignement et de recherche'» (pièce n°'14, page 7, de la fondation).

Les statuts de la fondation ont été mis à jour le 10 août 1973.

Ses effectifs étant supérieurs au seuil fixé par les textes, le 17 mai 2001, en application des dispositions de l'article L.'2531-2 du code général des collectivités territoriales, le syndicat des transports avait décidé d'exonérer la fondation du versement transport (pièce n°'2 de la fondation).

Après une procédure d'instruction contradictoire commencée en 2012, par décision du 10 août 2015, le syndicat des transports a abrogé sa décision d'exonération de 2001 en revenant sur son appréciation du critère de l'activité de caractère social, notamment aux motifs que «'l'hôpital est financé par des fonds publics versés par les caisses primaires d'assurance maladie ce qui n'est pas suffisant pour établir le caractère social de l'activité d'autant plus que d'autres structures hospitalières relèvent du même mode de financement'; que de surcroît, les pièces justificatives en notre possession montrent que les missions sociales ne sont pas prépondérantes par rapport à l'activité hospitalière'; qu'en outre, les bénévoles qui accompagnent les patients sont rattachés à d'autres associations et ne concourent pas directement à l'exercice de l'activité de la fondation'» (pièces n°'6 du syndicat des transports).

Les deux autres critères n'ont pas été remis en cause par le syndicat des transports dans la mesure où la fondation est reconnue d'utilité publique depuis un décret du 20 avril 1909 et que «'la gestion désintéressée de la fondation'» est de nature à caractériser son but non lucratif (pièce n°'6 du syndicat des transports).

La notification de cette décision d'abrogation a été reçue par l'association le 12 août 2015. La fondation a saisi la juridiction de sécurité sociale, le 9 octobre 2015, en annulation de la décision d'abrogation. Le tribunal ayant rejeté son recours, la fondation a interjeté appel.

En droit, le fait que les activités d'une structure sociale soient en partie accomplies en vertu de dispositions légales et financées en partie avec des fonds publics ou des subventions ne leur enlève pas leur caractère essentiellement social. En outre, le seul fait que l'organisme demande le versement d'une contribution aux personnes qu'elle assiste ne fait pas perdre son caractère social à cette activité dès lors que l'activité en cause répond à un besoin social et que la contribution demandée ne couvre pas le coût réel du service rendu (Cass., 2e chambre civile, 4 avril 2013, n°'12-15740).

Dès lors, la juridiction saisie d'une contestation d'une décision refusant ou abrogeant une exonération de la taxe mobilité à une fondation doit apprécier le caractère social de celle-ci en fonction non seulement de la nature de son objet mais également des modalités d'exercice de son activité dans la zone de transport concernée, notamment ses modalités de financement et la participation de bénévoles à son fonctionnement.

En l'espèce, selon les derniers statuts de la fondation du 10 août 1973, l'établissement qu'elle a créé est destiné à fournir des soins gratuits des maladies des yeux ou de la tête à toutes personnes justifiant de la nécessité dans laquelle elles sont d'avoir recours à cette gratuité, sans distinction de nationalité, de croyance ou de religion, mais aussi aux victimes de la guerre ou de fléaux sociaux dignes d'intérêts, aux victimes d'accidents du travail et à toutes personnes bénéficiant d'un régime d'assurance-maladie ou disposées à acquitter le prix des consultations, des soins ou de l'hospitalisation selon le tarif fixé par les autorités de tutelle (articles 1 et 2, pièce n°'1 de la fondation).

Il est donc constant que l'objet de la fondation visait en 1973 une activité de caractère social en ce qu'il organisait un accès gratuit aux soins répondant aux exigences de la médecine la plus moderne en priorité aux personnes démunies, puis aux victimes dignes d'intérêts, et enfin seulement aux personnes disposées à payer les seuls prix fixés par les autorités de la sécurité sociale, c'est-à-dire sans dépassements d'honoraires ou du prix d'une journée d'hospitalisation. Néanmoins, aujourd'hui, il n'est pas moins certain que son activité ne se distingue pas de celle des autres établissements de santé dont l'activité est purement hospitalière et s'inscrit dans le cadre de certains programmes de la politique nationale de santé qui justifient leur financement par des fonds publics quelle que soit la population visée.

En effet, il convient de noter qu'il est constant que depuis 1973, l'évolution de la sécurité sociale française est parvenue à vider cet objet social de sa substance en ce que le développement des politiques publiques de lutte contre toutes les formes d'exclusion est venue encadrer et financer les structures facilitant l'accès aux soins du plus grand nombre et par ailleurs la création de la CMU en 1999 et le développement de l'AME ont étendu la couverture sociale à l'ensemble des personnes résidant ou transitant sur le territoire national, de sorte que la gratuité des soins ne saurait s'entendre que pour les coûts excédant les tarifs fixés par «'les autorités de tutelle'» que la fondation n'a pas expressément entendu prendre en charge, et pour les dépassements d'honoraires qu'elle revendique à juste titre ne pas pratiquer.

Ainsi, les statuts de la fondation et l'activité de l'établissement de soins qu'elle a créé entrant désormais dans le système hospitalier a dès lors pour objet la gestion d'un hôpital dans le cadre des missions de service public sanitaire telles que définies à l'article L.'6111-1 du code de la santé publique qui, dans sa version applicable, disposait que':

«'Les établissements de santé publics, privés et privés d'intérêt collectif assurent, dans les conditions prévues par le présent code, le diagnostic, la surveillance et le traitement des malades, des blessés et des femmes enceintes.

«'Ils délivrent les soins avec hébergement, sous forme ambulatoire ou à domicile, le domicile pouvant s'entendre du lieu de résidence ou d'un établissement avec hébergement relevant du code de l'action sociale et des familles.

«'Ils participent à la coordination des soins en relation avec les membres des professions de santé exerçant en pratique de ville et les établissements et services médico-sociaux, dans le cadre défini par l'agence régionale de santé en concertation avec les conseils départementaux pour les compétences qui les concernent.

«'Ils participent à la mise en 'uvre de la politique de santé publique et des dispositifs de vigilance destinés à garantir la sécurité sanitaire.

«'Ils mènent, en leur sein, une réflexion sur l'éthique liée à l'accueil et la prise en charge médicale.'»

C'est ce que confirme l'inscription de la fondation dans la catégorie des établissements de santé privés d'intérêt collectif (ESPIC), lesquels prennent en charge plusieurs missions de service public sanitaire figurant sur la liste dressée à l'article L.'6112-1 du code de la santé publique, depuis la loi dite «'Hôpital, patients, santé et territoires'» (HPST) de 2009. Cette inscription dans ce service public sanitaire lui ôte désormais son caractère social historique non pas en ce que les missions induites par ce service public sont financées en grande partie par des fonds publics, élément qui pris isolément ne serait pas déterminant, mais en ce que, comme les autres établissements hospitaliers publics, les ESPIC répondent à trois engagements vis-à-vis du public (pas de limitation à l'accès aux soins'; pas de dépassement d'honoraires'; continuité du service par un accueil 24h/24), dont aucun ne révèle, séparément ou pris ensemble, un caractère spécifiquement et exclusivement social, et en aucun cas la gratuité des soins ou l'accueil d'une population déterminée sous l'angle de sa seule condition économique et financière. Si l'accueil des plus démunis s'impose à tout établissement hospitalier, public ou privé d'intérêt collectif, ce seul élément ne détermine plus aujourd'hui une activité à caractère social en ce que la prise en charge financière des soins est assurée par l'assurance maladie, laquelle relève de la solidarité nationale.

La fondation n'établit d'ailleurs pas fournir l'accès à des soins et produits non remboursés par la sécurité sociale à des personnes aux revenus modestes ou délivrer des soins et produits qui seraient plus onéreux que leur coût pris en charge par l'assurance maladie et les mutuelles. Elle n'explicite pas davantage quelles sont ou seraient les personnes qui ne disposent pas d'une couverture maladie aujourd'hui ou qui ne seraient pas prises en charge par un autre établissement hospitalier public ou privé d'intérêt collectif. Elle n'établit pas non plus devoir recourir à des aides financières extérieures, non publiques, pour équilibrer son budget. Enfin, elle n'établit pas que des bénévoles participent à ses activités de façon substantielle.

En effet, bien qu'elle soutienne fournir des soins, des examens et des produits pharmaceutiques gratuitement aux personnes en situation de précarité, d'isolement ou ne bénéficiant pas d'une couverture maladie, en s'appuyant sur la plaquette de présentation de la permanence d'accès aux soins de santé (PASS - pièce n°8 de la fondation), la fondation ne l'établit pas pour autant. En effet, la plaquette de la PASS précise au sujet de leur coût que ces prestations se font «'Sans avance d'argent / L'accès est gratuit aux soins ophtalmologiques, aux examens complémentaires et à la pharmacie si votre état de santé le nécessite'». Il s'en déduit d'une part que la fondation ne pratique pas la «'gratuité'» mais le tiers payant, l'absence d'avances n'emportant pas la gratuité réelle des soins, et de l'autre que seule la situation médicale du patient justifie ce traitement administratif du paiement sans considération pour sa situation économique ou financière. Un service hospitalier d'urgence ophtalmologique, même sans avance de frais pour les patients, qui s'inscrit dans un système de santé publique relevant de la solidarité nationale ne caractérise aucun caractère social d'une activité exercée par une personne morale privée au sens de l'article L.'2531-2 du code général des collectivités territoriales, mais relève de la mise en 'uvre d'un service sanitaire global financé selon une tarification fixe donnant lieu à des remboursements par les assurances sociales directement aux patients ou au professionnels de la santé. En outre, la fondation ne conteste pas que la demande déposée auprès de l'Agence régionale de santé (ARS) pour l'ouverture de ce service fixait un budget prévisionnel de 291'600'euros tout en sollicitant en conséquence une subvention de 213'600'euros. Les textes entrés en vigueur en 2016, invoqués par le syndicat des transports, confirment que si les PASS ont pour vocation de favoriser l'accès aux soins des populations défavorisées, leur financement est assuré par l'assurance maladie dès lors qu'ils s'inscrivent dans le cadre d'une mission de service public sanitaire.

La fondation invoque également «'l'aide médicale urgente'» en se prévalant de son service d'urgences accueillant toutes les personnes 24 heures sur 24 et en rappelant les dispositions de l'article L.'6112-3 du code de la santé dans ses dispositions applicables aux termes duquel un tel service doit assurer': 1/ l'égal accès à des soins de qualité, 2/ la permanence de l'accueil et l'égalité de la prise en charge, 3/ la prise en charge aux tarifs fixés par l'autorité administrative. Néanmoins, la fondation n'établit pas que la prise en charge aux tarifs fixés par l'autorité administrative ne couvre pas le coût réel des services rendus dans ce seul service d'urgences ophtalmologiques et ne justifie donc pas d'une action à caractère social visant à fournir «'aux personnes les plus démunies des soins de qualité qu'elles n'auraient pu obtenir autrement'». Au contraire, pour l'aide médicale urgente aux «'personnes démunies'», la fondation reçoit des fonds publics dénommés «'forfait annuel urgence'» et «'dotation MIGAC'» (Missions d'intérêt général et d'aide à la contractualisation) (pièce n°'14 de la fondation), étant rappelé que l'accès aux soins, dans un établissement hospitalier, est ouvert à toute personne y compris aux plus démunis, le principe d'égalité d'accès aux soins ne permettant pas à de tels établissements de refuser des soins aux bénéficiaires de l'AME ou de la CMU.

En dernière analyse, si comme la fondation l'écrit dans son dossier de plaidoirie elle «'n'a jamais changé ses objectifs, ni ses modalités d'exercice depuis la création de son établissement de santé'» et qu'elle a «'toujours souhaité accueillir quiconque se présentait à elle, dans les meilleures conditions et sans restriction liée aux revenus ou à la situation sociale des patients'», force est de constater que l'évolution constante du système de sécurité sociale français en étendant la couverture médicale de l'assurance sociale à toute personne résidant en France, a, depuis la création de la fondation et singulièrement après 1973, rendu caduque l'objectif de dispenser des soins gratuitement aux personnes censées ne pas pouvoir y accéder en raison de la faiblesse de leurs moyens financiers dès lors que ces soins sont directement ou indirectement pris en charge par des fonds publics.

De plus, la fondation n'établit pas, autrement que par ses seules affirmations, mettre en place des dispositifs de soins et d'actes de prévention gratuits qu'elle financerait exclusivement par l'emprunt, des dons et ses fonds propres, le rapport d'activité et de gestion étant insuffisant à cet égard (pièce n°'14 de la fondation).

Ensuite, l'ensemble des activités d'enseignement universitaire et post-universitaire dont se prévaut la fondation procèdent des dispositions de l'article L.'6112-1 du code de la santé publique qui imposent aux établissements hospitaliers de telles activités. Ces activités ne relèvent pas nécessairement de la sphère sociale dès lors d'une part que la fondation n'allègue pas dispenser une formation ou un enseignement à des personnes qui n'auraient pas pu y avoir accès, notamment, en raison de leur situation économique ou financière, et d'autre part que leur financement est essentiellement assuré par des fonds publics. Il ressort de sa pièce n°'11, «'Convention de fédération inter-hospitalière des pathologies rétiniennes'», dont la fondation se prévaut pour souligner le caractère social de ses activités de formation, que l'objet de cette convention est': «'La coordination des moyens techniques et humains, la mise en commun des méthodes de pratique clinique, d'investigations complémentaires, de thérapeutique et d'évaluation médicales, chirurgicales et soignantes dans le domaine des affections rétiniennes''» et précise qu'elle «'a pour vocation à favoriser tous les échanges scientifiques, médicaux, paramédicaux et techniques'» entre les trois services qui se fédèrent. En aucun cas, cette convention ne fait état de la population à laquelle elle destine son action, ni d'aucun objet à caractère spécifiquement social, ni de son financement. Une activité pédagogique n'est pas intrinsèquement une activité de caractère social au sens de l'article L.'2531-2 du code général des collectivités territoriales, a fortiori lorsqu'elle est financée par des fonds publics.

Il en est de même pour les actions de recherche revendiquées par la fondation (pièces n°'12 et 14). En premier lieu, il convient d'observer que la fondation ne justifie pas assurer seule le financement de la majeure partie de ses 23 projets de recherche clinique (sur 92 projets en cours à la fondation). Au contraire, il résulte de son rapport d'activité (pages 46 et 56, pièce n°'14) que «'6 projets de la Fondation ont été financés par des appels d'offres publics'», qu'elle a mis en place une «'unité de recherche clinique'» dont l'une des missions est la recherche de financements, et qu'elle reçoit essentiellement des fonds publics dénommés «'enveloppe MERRI'» (Mission d'enseignement, de recherche, de recours et d'innovation) pour financer les projets de recherche clinique en cause. Si à l'origine de la fondation, l'intention de son fondateur était de fournir des soins dignes des derniers progrès de la science médicale afin que ces derniers ne profitassent pas aux seules personnes capables de les payer, aujourd'hui, le seul souci de «'faire progresser les techniques médicales'» et de «'maîtriser des techniques novatrices'» afin de faire bénéficier aux patients, «'y compris les plus précaires'», de l'établissement de la fondation des meilleures technologies et d'améliorer «'leur prise en charge'» ne relève pas d'une finalité à caractère social, peu important par ailleurs que ces recherches soient ou non financées par des fonds publics, dès lors qu'il n'est pas établi que cette amélioration de la prise en charge de patients sur le plan médical susciterait des coûts supplémentaires qui ne seraient pas pris en charge en fin de compte par l'assurance maladie ou l'État.

La fondation s'appuie également sur ses activités de formations initiales du personnel paramédical, notamment en revendiquant la gratuité de ces formations (stages pratiques et internats). Toutefois, ces formations s'inscrivent dans le cadre de la convention de la fédération inter-hospitalière précitée de sorte que la gratuité relève de la mise en commun de leurs ressources par les établissements de cette fédération et ne vise pas à dispenser une formation à des personnes qui, pour des raisons économiques, n'auraient pas pu y accéder sans cette action (pièce n°'13 de la fondation). De plus, l'internat relève des activités de formation des étudiants en médecine (3e cycle) prévues par la convention hospitalo-universitaire que la fondation a signée et sont prises en charge par des fonds publics.

Ensuite, la fondation n'établit pas que les hôpitaux publics sont exonérés de diverses taxes auxquelles elle reste en revanche soumise. Elle n'explicite pas en quoi de telles exonérations, à les supposer établies, justifieraient qu'elle soit exonérée de la taxe mobilité alors même que les hôpitaux publics y sont soumis.

L'exonération de la TVA dont se prévaut la fondation est sans incidence dans la mesure où d'une part le caractère non lucratif de la fondation n'est pas contesté et d'autre part que cette exonération est accordée sur la base du critère de l'utilité sociale du service et non de leur caractère social. En outre, les dispositions de l'article 261, 7°, 1° b du code général des impôts que la fondation invoque pour soutenir que cette exonération est justifiée, notamment, par le caractère social ou philanthropique des services rendus ont été abrogées au 6 juin 2015, soit avant la décision du syndicat des transports et n'ont été rétablies qu'au 23 juin 2018 sans la reprise expresse à la mention au caractère social ou philanthropique.

De même, l'agrément «'entreprise solidaire d'utilité sociale'» dont se prévaut la fondation n'est pas davantage déterminant. Il convient de rappeler que cet agrément octroyé par la chambre régionale des entreprises solidaires et sociale en application des dispositions de l'article L.'3332-17-1, II, 13°, du code du travail dans sa version applicable concerne les «'associations et fondations reconnues d'utilité publique et considérées comme recherchant une utilité sociale au sens de l'article 2 de la loi n° 2014-856 du 31 juillet 2014'». Il ne conditionne nullement l'exonération du versement transport. L'amendement allant dans ce sens déposé devant l'Assemblée nationale le 9 mai 2014, puis le 5 juin suivant en deuxième lecture, visant à compléter la rédaction de l'article L.'2531-2 du code général des collectivités territoriales a été rejeté par le législateur. De plus, la loi de 2014 exige que les associations et fondations concernées apportent un soutien à des personnes en situation de fragilité, soit du fait de leur situation économique et sociale, soit du fait de leur situation personnelle et en particulier de leur état de santé, et qu'elles aient pour objectif de contribuer à la lutte contre les exclusions et les inégalités sanitaires. Au cas d'espèce, sauf à l'affirmer, la fondation n'établit aucune de ces actions qui ne sauraient se déduire du seul fait qu'elle agit au moyen d'un établissement de soins spécialisé utilisant les dernières techniques médicales sans pratiquer de dépassements d'honoraires.

Dès lors, l'utilité sociale de l'action de la fondation et son caractère non lucratif n'étant pas en cause, et l'exonération de la TVA ne reposant plus sur le caractère social ou philanthropique du service rendu, ces deux éléments avancés par la fondation ne peuvent pas être retenus comme des indices supplémentaires établissant son caractère social.

Enfin, au regard de l'intervention des bénévoles dont se prévaut la fondation en son sein, ceux-ci sont attachés à des associations tierces et leur présence est résiduelle ou accessoire par rapport à celle des salariés de l'hôpital.

En effet, il ressort du rapport d'activité et de gestion de 2013 (pièce n°'14 de la fondation) que l'établissement de soins employait 767 salariés dont 192 médecins. La fondation verse une liste de 18 associations censées intervenir en son sein en dénombrant les bénévoles qui seraient concernés, à savoir 116 personnes (pièce n°'18 de la fondation). Aucune pièce n'est versée pour vérifier cette affirmation qui, à la supposer avérée et correspondant à 116 emplois à temps plein, porterait le nombre total de personnes participant à l'activité de l'établissement hospitalier à 878 (767 + 116), soit une représentation des bénévoles à hauteur de 13,21'%. Cette participation alléguée peut être qualifiée d'accessoire.

En particulier, la fondation fait état de l'intervention de 7 bénévoles de l'association Téo2004 et de 2 bénévoles de l'association «'Hémisphérotomie France'» qu'elle aurait créées et qu'elle financerait (pièce n°'18 de la fondation pour le nombre de bénévoles). Il n'est pas contestable que la fondation met à disposition de ces deux associations des locaux.

Néanmoins, il convient de remarquer que l'association Téo2004 agit uniquement en Afrique et qu'il ressort de ses statuts (pièce n°'15 de la fondation) que seuls les patients qui ne peuvent pas subir d'intervention chirurgicale sur place sont transférés dans les locaux de la fondation à [Localité 5]'; la fondation n'indique pas combien de patients sont concernés et combien de bénévoles les prennent en charge. De même, les statuts de cette association (page 8 de la pièce n°'15) ne font pas état d'un financement par la fondation alors que sont cités l'Union des clubs professionnels de football, la Caisse centrale de réassurance, la société Medtech, le Lions Club de Sartrouville et la société Air France. La fondation ne verse aucune pièce permettant de vérifier qu'elle fournit le matériel médical nécessaire au fonctionnement de cette association et le simple fait de libérer «'bien volontiers l'emploi du temps de son personnel membre de l'association afin qu'[ils] puissent organiser leurs voyages humanitaires'» ne relèvent ni d'un financement de l'association ni de l'intervention de bénévoles au sein de la fondation. La convention de coopération de la fondation avec une institution malienne (pièce n°'20) relative, notamment, à la formation du personnel médical africain ne relève pas de l'intervention de bénévoles dans le cadre de l'association au sein de la fondation.

Ensuite, si la fondation revendique deux bénévoles en 2015 pour l'association «'Hémisphérotomie France'» créée par un de ses anciens patients en 2012, aucune pièce n'est versée sur l'activité de cette association et sur les éventuelles interventions de ses bénévoles en son sein'; la page Facebook et le blog de son fondateur versés en pièces n°'17 et 18 n'apportant aucune information utile sur ce point. La fondation n'établit pas qu'elle finance cette association et que son personnel médical et paramédical «'accompagne bénévolement les enfants traités par Hémisphérotomie, en s'appuyant sur l'association'».

La fondation n'apporte pas la preuve de financer la Régate des oursons à [Localité 6] (pièce n°'19 de la fondation), due à l'initiative de l'association Robert-Debré, peu important qu'elle participe à son comité d'organisation. En tout état de cause si dans ses écritures, la fondation fait état de 80 bénévoles, sa pièce n°'18 n'indique que 19 bénévoles au titre de cette action qui, au surplus, ne se déroule pas dans la zone de transport parisienne.

Si d'autres associations dont la fondation se prévaut interviennent effectivement dans son établissement à la suite d'une convention conclue avec elle (Les Blouses roses, Main dans la main et Solidaires), il ressort très clairement des conventions versées qu'elles exercent leur activité par leurs propres bénévoles et pour leur compte et non en recourant à des bénévoles de la fondation et pour le compte de la fondation, le seul fait que les enfants bénéficiaires soient hospitalisés dans l'établissement de la fondation ne suffisant pas à établir que ce soit pour le compte de la fondation (pièces n°'21 et 22 de la fondation). Sans avoir signé de convention, les associations De par le monde et Old-Up interviennent également au sein de la fondation, mais de la même manière par leurs bénévoles et pour leur propre compte et non pour celui de la fondation. La fondation n'établit une quelconque participation financière pour aucune de ces associations.

L'intervention de jeunes en service civique ne relève pas de l'intervention de bénévoles ayant un caractère social, étant rappelé que ce service ouvre droit à une indemnité mensuelle versée pour les 4/5 par l'État et le 1/5 par la structure accueillante.

L'action annuelle de dépistage gratuit des maladies de la vue dont la fondation fait état n'est justifiée par aucune pièce établissant l'intervention bénévole chaque année de dix membres de son personnel (pièce n°'9 de la fondation).

De plus, le réseau de dépistage des rétinopathies des prématurés dont se prévaut la fondation ne relève pas d'une activité exercée par des bénévoles. En effet, le compte de résultat analytique pour 2015, non certifié par un commissaire aux comptes, retient un coût de 68'542'euros pour le seul personnel médical, outre 22'804'euros pour le personnel paramédical et 17'804'euros pour le personnel support, sur un coût total de l'opération de 191'968'euros. Le syndicat des transports a ainsi raison de remarquer que le personnel de la fondation ne participe pas à cette opération de manière bénévole mais dans le cadre de ses attributions. Bien que la fondation soutienne le contraire, les honoraires et salaires versés par l'employeur à son personnel excluent d'évidence que cette intervention soit bénévole au sein de l'entreprise (pièces n°'9 et 24).

Les autres actions (quatre journées d'action en faveur des enfants en partenariat avec une association d'Essilor, campagnes de protection solaire, ventes aux enchères), même si elles peuvent apparaître dignes d'intérêt, sont accessoires au regard du fonctionnement global de la fondation.

Ainsi, les actions sociales que la fondation revendique et l'intervention des bénévoles à leur réalisation ne concourent pas directement à ses activités, ne sont pas prépondérantes dans ses activités et ne sont pas réalisées par ses propres bénévoles.

En fin de compte, il résulte de l'ensemble des observations précédemment exposées que la fondation ne rapporte pas la preuve, ni même un faisceau d'indices, du caractère social de son activité au sens de l'article L.'2531-2 du code général des collectivités territoriales.

Il s'ensuit que la décision des premiers juges doit être confirmée.

La fondation sera condamnée aux dépens d'appel.

L'équité ne commande pas de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS,

La cour

Déclare l'appel de la Fondation ophtalmologique [T] [S] recevable';

Confirme le jugement déféré';

Dit n'y avoir lieu de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civil';

Condamne la Fondation ophtalmologique [T] [S] aux dépens d'appel.

La greffièreLe président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 12
Numéro d'arrêt : 17/02606
Date de la décision : 13/11/2020

Références :

Cour d'appel de Paris L3, arrêt n°17/02606 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2020-11-13;17.02606 ?
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