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13/11/2020 | FRANCE | N°16/09152

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 13, 13 novembre 2020, 16/09152


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS







COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 13



ARRÊT DU 13 Novembre 2020

(n° , 6 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : S N° RG 16/09560, 16/09781, 16/09152, 16/09711 et 16/09207 - N° Portalis 35L7-V-B7A-BZFVV



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 19 Mai 2016 par le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de BOBIGNY RG n° 14-00359





APPELANTE

CPAM DE PARIS

Direction du contentieu

x et de la lutte contre la fraude

Pôle contentieux général

[Localité 2]

représentée par Me Florence KATO, avocat au barreau de PARIS, toque : D1901





INTIMEE

Société CL...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 13

ARRÊT DU 13 Novembre 2020

(n° , 6 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S N° RG 16/09560, 16/09781, 16/09152, 16/09711 et 16/09207 - N° Portalis 35L7-V-B7A-BZFVV

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 19 Mai 2016 par le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de BOBIGNY RG n° 14-00359

APPELANTE

CPAM DE PARIS

Direction du contentieux et de la lutte contre la fraude

Pôle contentieux général

[Localité 2]

représentée par Me Florence KATO, avocat au barreau de PARIS, toque : D1901

INTIMEE

Société CLINIQUE DU [Localité 3]

[Adresse 1]

[Localité 3]

représentée par Me Alexandre MALBASA, avocat au barreau de PARIS, toque : D1744 substitué par Me Thibault DES CROIX, avocat au barreau de PARIS, toque : D1542

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 24 Septembre 2020, en audience publique, devant la Cour composée de :

Madame Elisabeth LAPASSET-SEITHER, Présidente de chambre

Mme Sophie BRINET, Présidente de chambre

M. Lionel LAFON, Conseiller

qui en ont délibéré

Greffier : Mme Venusia DAMPIERRE, lors des débats

ARRÊT :

- CONTRADICTOIRE

- prononcé

par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

-signé par Madame Elisabeth LAPASSET-SEITHER, Présidente de chambre et par Monsieur Fabrice LOISEAU, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

La cour statue sur les appels interjetés par la caisse primaire d'assurance maladie de Seine et Marne, la caisse primaire d'assurance maladie de la Seine Saint Denis, la caisse primaire d'assurance maladie de Paris, la caisse primaire d'assurance maladie des Hauts de Seine et la caisse primaire d'assurance maladie du Val de Marne à l'encontre d'un jugement rendu le 19 mai 2016 par le tribunal des affaires de sécurité sociale de Bobigny dans un litige les opposant à la Clinique du [Localité 3].

FAITS , PROCÉDURE , PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Les faits de la cause ayant été correctement rapportés par le tribunal dans son jugement au contenu duquel la cour entend se référer pour un plus ample exposé, il suffit de rappeler que la caisse primaire d'assurance maladie de la Seine Saint Denis a notifié par lettre du 10 avril 2013 à la Clinique du [Localité 3] un indu d'un montant de 216 487,32 euros représentant pour les caisses primaires d'assurance maladie de Seine et Marne, de la Seine Saint Denis, de Paris, des Hauts de Seine et du Val de Marne des factures de séjours de rééducation qui n'avaient pas fait l'objet de demandes d'accord préalable.

Contestant ces indus, la Clinique du [Localité 3] a saisi la commission de recours amiable qui a ramené le 9 octobre 2013 sa créance globale à la somme de 193 804,78 euros. Elle a alors saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale de Bobigny qui par jugement du 19 mai 2016 a accueilli sa demande et annulé la décision de la commission de recours amiable du 11 décembre 2013, retenant que les accords donnés oralement par les caisses devaient prévaloir, que les dossiers litigieux étaient similaires à des dossiers pris en charge et que la clinique produit une attestation sur l'honneur de la responsable médico-administrative.

C'est le jugement attaqué par les dites caisses.

Les caisses primaires d'assurance maladie de Seine et Marne, de la Seine Saint Denis, de Paris et du Val de Marne font soutenir et déposer par leur conseil des conclusions écrites invitant la cour à:

-infirmer la décision,

En conséquence,

-condamner la Clinique du [Localité 3] à verser à la caisse primaire d'assurance maladie de la Seine Saint Denis la somme de 137 435,32 euros avec intérêts au taux légal à compter du 10 avril 2013,

-condamner la Clinique du [Localité 3] à verser à la caisse primaire d'assurance maladie de Paris la somme de 31 547,69 euros avec intérêts au taux légal à compter du 10 avril 2013,

-condamner la Clinique du [Localité 3] à verser à la caisse primaire d'assurance maladie de Seine et Marne la somme de 8103,44 euros avec intérêts au taux légal à compter du 10 avril 2013,

-condamner la Clinique du [Localité 3] à verser à la caisse primaire d'assurance maladie du Val de Marne la somme de 6901,98 euros avec intérêts au taux légal à compter du 10 avril 2013,

-condamner la Clinique du [Localité 3] à verser à la caisse primaire d'assurance maladie de la Seine Saint Denis, de Paris, de Seine et Marne et du Val de Marne la somme de 2000 euros chacune au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'en tous les dépens.

La caisse primaire d'assurance maladie des Hauts de Seine fait soutenir et déposer par son représentant des conclusions écrites invitant la cour à infirmer la décision, et statuant à nouveau, accueillir sa demande reconventionnelle et condamner la Clinique du [Localité 3] à lui verser la somme de 9816,35 euros avec intérêts au taux légal à compter du 10 avril 2013, ainsi qu'à la somme de 1500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Les caisses primaires font valoir en substance que la Clinique du [Localité 3] ne rapporte pas la preuve qu'elle aurait obtenu leur accord préalable en vue de la prise en charge de frais de séjours et soins de suite et de réadaptation à la suite d'actes chirurgicaux pour la période du 12 décembre 2011 au 12 juin 2012.

La Clinique du [Localité 3] fait soutenir et déposer par son conseil des conclusions écrites invitant la cour à confirmer le jugement déféré, à débouter les caisses primaires d'assurance maladie de Seine et Marne, de la Seine Saint Denis, de Paris, des Hauts de Seine et du Val de Marne de leurs demandes et à les condamner au paiement de la somme de 1000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

La Clinique fait essentiellement valoir qu'elle a toujours respecté la procédure et demandé l'accord préalable de ces caisses, qu'elle produit une attestation sur l'honneur en ce sens, qu'il appartient aux dites caisses de rapporter la preuve de leurs refus, qu'il n'existe aucun formalisme impérieux sur les modalités d'acceptation de prise en charge, qu'aucun texte n'impose l'existence d'un accord écrit, que la prise en charge était acceptée dés lors que l'accord téléphonique était donné, que la primauté de l'accord oral était justifiée pour des raisons pratiques et sanitaires, que la totalité des dossiers litigieux ont fait l'objet d'un accord régulier nonobstant l'existence d'une confirmation écrite insusceptible de remettre en cause la validité de l'accord oral.

Il est renvoyé aux conclusions déposées par les parties pour un plus ample exposé des moyens développés au soutien de leurs prétentions.

SUR CE,

-Sur la jonction des procédures :

Les appels des caisses primaires d'assurance maladie de Seine et Marne, de la Seine Saint Denis, de Paris, des Hauts de Seine et du Val de Marne, enregistrées respectivement sous les numéros de répertoire général 16/09560, 16/09781, 16/09152, 16/09711 et 16/09207 et qui ont été interjetés à l'encontre du même jugement dans un litige les opposant à la Clinique du [Localité 3] doivent être joints sous le numéro 16/09152 pour une bonne administration de la justice.

-Sur la charge de la preuve de l'indu :

Il est établi que la Clinique du [Localité 3] a été soumise, par décision du 8 décembre 2011 et en application de l'article L.162-1-17 du code de la sécurité sociale à la procédure de l'accord préalable pour la prise en charge des séjours de soins de suite et de réadaptation à la suite d'actes d'arthroplastie du genou par prothèse totale de première intention pour la période du 12 décembre 2011 au 12 juin 2012.

L'article L.162-1-17, dans sa version applicable aux faits, dispose en effet que :

'Sur proposition du directeur de l'organisme local d'assurance maladie, le directeur général de l'agence régionale de santé, après mise en oeuvre d'une procédure contradictoire, peut décider de subordonner à l'accord préalable du service du contrôle médical de l'organisme local d'assurance maladie, pour une durée ne pouvant excéder six mois, la prise en charge par l'assurance maladie de prestations d'hospitalisation mentionnées au 1° de l'article L. 162-22-6 du présent code ainsi que les prestations d'hospitalisation mentionnées au 2° de l'article L. 162-22 pour les soins de suite ou de réadaptation. La mise sous accord préalable des prestations d'hospitalisation pour les soins de suite ou de réadaptation est effectuée sur la base d'un programme régional établi par le directeur général de l'agence régionale de santé sur proposition de l'organisme local d'assurance maladie. Dans le cas où l'établissement de santé, informé par l'agence régionale de santé de la soumission à la procédure d'accord préalable du prescripteur, délivre des prestations d'hospitalisation malgré une décision de refus de prise en charge, il ne peut pas les facturer au patient. La proposition du directeur de l'organisme local d'assurance maladie est motivée par le constat d'une proportion élevée de prestations d'hospitalisation avec hébergement qui auraient pu donner lieu à des prises en charge sans hébergement ou sans hospitalisation, d'une proportion élevée de prestations d'hospitalisation facturées non conformes aux référentiels établis par la Haute Autorité de santé ou d'un nombre de prestations d'hospitalisation facturées significativement supérieur aux moyennes régionales ou nationales établies à partir des données mentionnées à l'article L. 6113-7 du code de la santé publique ou des données de facturation transmises à l'assurance maladie, pour une activité comparable. La procédure contradictoire est mise en oeuvre dans des conditions prévues par décret.

Toutefois, en cas d'urgence attestée par le médecin ou par l'établissement de santé prescripteur, l'accord préalable du service du contrôle médical n'est pas requis pour la prise en charge des prestations d'hospitalisation susvisées.'

Cette procédure a donc contraint la Clinique à solliciter l'accord préalable du service médical pour obtenir la prise en charge des dits frais de séjours et de soins. A défaut d'une telle demande ou d'un accord préalable, la prise en charge est indue et doit être remboursée par l'établissement de santé. En pratique, l'établissement de santé devait obtenir un accord d'abord téléphonique du service médical, immédiat ou dans les 24h en cas de dossier complexe, et la décision était notifiée ensuite par lettre. La procédure devait apparaître dans les logiciels MSAP et HIPPOCRATE.

En l'espèce, les caisses primaires ont diligenté un contrôle a posteriori sur les facturations établies par la Clinique en matière de séjours de soins de suite et de réadaptation à la suite d'actes d'arthroplastie du genou par prothèse totale de première intention sur la période du 12 décembre 2011 au 12 juin 2012, dont il est ressorti que 32 facturations n'auraient pas respecté la procédure de l'accord préalable de l'article L.167-1-17 du code de la sécurité sociale. Le nombre de facturations litigieuses a été ramené le 9 octobre 2013 à 29 par la commission de recours amiable saisie par la Clinique.

Quelque soit le formalisme de la mise en oeuvre de la procédure de mise sous accord préalable des prestations d'hospitalisation pour les soins de suite ou de réadaptation de l'article L.167-1-17, il appartient en application de l'article 1315 du code civil à la Clinique, qui réclame une prestation, de justifier qu'elle a systématiquement sollicité l'accord préalable de la caisse.

L'attestation sur l'honneur de Mme [G], responsable médico-administrative, qui certifie que tous les dossiers présentés par la Clinique ont fait l'objet d'un accord oral téléphonique pour la totalité des patients concernés par la procédure spéciale, ne peut constituer une telle preuve. Mme [G] est une salariée de la Clinique et est personnellement concernée par d'éventuelles irrégularités. Cette attestation revient à présenter une preuve que la Clinique se serait délivrée à elle-même. La cour ne peut qu'écarter cette pièce.

En faisant valoir que les écrits des caisses ne pourraient venir contredire des accords donnés oralement, la Clinique reconnaît implicitement l'existence de tels écrits de confirmation des accords ou refus oraux.

Dés lors, bien que ces écrits ne soient pas prévus par les textes, rien ne faisait obstacle à ce que la Clinique les produise aux débats et établissent ainsi ses demandes d'accord préalable dans les 29 dossiers litigieux. Les documents produits par la Clinique ne concernent pas les soins et séjours en cause. Par ailleurs, la Clinique qui prétend que l'oralité de la procédure l'emporterait sur l'écrit notifié par la caisse ne rapporte pas la preuve qu'il aurait pu y avoir discordance entre les deux.

On notera que faire peser sur la caisse la charge de la preuve reviendrait à exiger d'elle la preuve d'un fait négatif.

Enfin, il n'appartient pas à la cour de porter un avis médical sur les dossiers litigieux pour prétendre, ainsi que l'a fait le tribunal des affaires de sécurité sociale, qu'ils seraient similaires à des dossiers précédemment pris en charge avec accord préalable.

La Clinique du [Localité 3] échoue donc dans l'administration de la preuve. La décision des premiers juges doit être infirmée.

-Sur le montant des indus :

Les caisses justifient que les 29 dossiers en cause représentent les sommes de :

-pour la caisse primaire d'assurance maladie de la Seine Saint Denis, 137 435,32 euros

-pour la caisse primaire d'assurance maladie de Paris, 31 547,69 euros

-pour la caisse primaire d'assurance maladie de Seine et Marne, 8103,44 euros

-pour la caisse primaire d'assurance maladie du Val de Marne, 6901,98 euros

-pour la caisse primaire d'assurance maladie des Hauts de Seine, 9816,35 euros.

Ainsi il y a lieu de faire droit à leurs demandes de remboursement à hauteur de ces sommes.

Les intérêts au taux légal devront courir à compter du 10 avril 2013, date de la mise en demeure, conformément à leur demande.

Il paraît inéquitable de laisser à la charge des caisses l'intégralité des frais irrépétibles qu'elles ont du engager. La Clinique du [Localité 3] sera en conséquence condamnée à verser à chacune d'entre elles la somme de 1000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS,

La cour,

Déclare les appels recevables,

Ordonne la jonction des procédures enregistrées sous les numéros de répertoire général 16/09560, 16/09781, 16/09152, 16/09711 et 16/09207 sous le numéro 16/09152,

Infirme le jugement déféré,

Statuant à nouveau,

Condamne la Clinique du [Localité 3] à verser à la caisse primaire d'assurance maladie de la Seine Saint Denis la somme de 137 435,32 euros avec intérêts au taux légal à compter du 10 avril 2013,

Condamne la Clinique du [Localité 3] à verser à la caisse primaire d'assurance maladie de Paris la somme de 31 547,69 euros avec intérêts au taux légal à compter du 10 avril 2013,

Condamne la Clinique du [Localité 3] à verser à la caisse primaire d'assurance maladie de Seine et Marne la somme de 8103,44 euros avec intérêts au taux légal à compter du 10 avril 2013,

Condamne la Clinique du [Localité 3] à verser à la caisse primaire d'assurance maladie du Val de Marne la somme de 6901,98 euros avec intérêts au taux légal à compter du 10 avril 2013,

Condamne la Clinique du [Localité 3] à verser à la caisse primaire d'assurance maladie des Hauts de Seine la somme de 9816,35 euros avec intérêts au taux légal à compter du 10 avril 2013,

Condamne la Clinique du [Localité 3] à verser à la caisse primaire d'assurance maladie de la Seine Saint Denis, de Paris, de Seine et Marne, des Hauts de Seine et du Val de Marne la somme de 1000 euros à chacune au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Déboute la Clinique du [Localité 3] de ses demandes,

Condamne la Clinique du [Localité 3] aux dépens d'appel.

LE GREFFIERLE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 13
Numéro d'arrêt : 16/09152
Date de la décision : 13/11/2020

Références :

Cour d'appel de Paris L4, arrêt n°16/09152 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2020-11-13;16.09152 ?
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