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12/11/2020 | FRANCE | N°18/01908

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 7, 12 novembre 2020, 18/01908


REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 7



ARRET DU 12 NOVEMBRE 2020



(n° , 6 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 18/01908 - N° Portalis 35L7-V-B7C-B47U7



Décision déférée à la Cour : Jugement du 26 Décembre 2017 -Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de PARIS - RG n° 14/13866







APPELANT



Monsieur [N] [K]

[Adresse 4]

[Localité 2]



Représenté p

ar Me Pierre-François ROUSSEAU, avocat au barreau de PARIS, toque : P0026





INTIMEE



SAS SONY MUSIC ENTERTAINMENT FRANCE

[Adresse 1]

[Localité 3]



Représentée par Me Helena DELABARRE, avoc...

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 7

ARRET DU 12 NOVEMBRE 2020

(n° , 6 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 18/01908 - N° Portalis 35L7-V-B7C-B47U7

Décision déférée à la Cour : Jugement du 26 Décembre 2017 -Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de PARIS - RG n° 14/13866

APPELANT

Monsieur [N] [K]

[Adresse 4]

[Localité 2]

Représenté par Me Pierre-François ROUSSEAU, avocat au barreau de PARIS, toque : P0026

INTIMEE

SAS SONY MUSIC ENTERTAINMENT FRANCE

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentée par Me Helena DELABARRE, avocat au barreau de PARIS, toque : L0237

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 15 Octobre 2020, en audience publique, devant la Cour composée de :

Madame Hélène FILLIOL, Présidente de chambre

Madame Bérénice HUMBOURG, Présidente de Chambre,

Madame Bérengère DOLBEAU, Conseillère

Qui en ont délibéré, un rapport ayant été présenté à l'audience par Madame Bérengère DOLBEAU, Conseillère, dans les conditions prévues par l'article 804 du code de procédure civile.

Greffier, lors des débats : Madame Lucile MOEGLIN

ARRET :

- CONTRADICTOIRE,

- mis à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile,

- signé par Madame Hélène FILLIOL, Présidente de chambre, et par Madame Lucile MOEGLIN, Greffière, à laquelle la minute a été remise par le magistrat signataire.

FAITS ET PROCEDURE

La société Sony et les membres du groupe musical Tale Of Voices (TOV) dont M. [K] fait partie, ont conclu un contrat dénommé «contrat gagnant» le 5 août 2011 en vue de la participation à un programme audiovisuel dont le prix était un contrat d'artiste.

M. [K] exerce l'activité d'artiste interprète musical et plus particulièrement l'accompagnement rythmique vocal.

Le 15 octobre 2011, le groupe TOV a remporté le concours.

Le 27 février 2012, le premier album du groupe a été mis en vente.

Par lettre du 23 octobre 2012, la maison de disque a levé son option pour la réalisation d'un second album.

Par lettre recommandée du 9 avril 2014, la société Sony a informé M. [K] que sa participation n'était pas pertinente pour la production du troisième album.

M. [K] a saisi le Conseil de Prud'hommes de Paris le 31 octobre 2014 pour contester la rupture contractuelle et obtenir le paiement de diverses sommes de natures salarialeset indemnitaires.

Par jugement du 26 décembre 2017 le conseil a débouté M. [K] de l'ensemble de ses demandes.

Pour statuer ainsi, le conseil en formation de départage a considéré que la société Sony avait levé l'option pour un second contrat à durée déterminée par courrier le 23 octobre 2013 dont l'objet était l'enregistrement d'un second album, selon les termes de l'accord convenu entre les parties, ce second contrat étant arrivé à son terme le 20 avril 2014. Dès lors à défaut d'une seconde levée d'option de la part de Sony entrainant la conclusion d'un troisième contrat à durée déterminée avec le demandeur ce dernier ne saurait faire valoir la rupture anticipée d'un contrat à durée déterminée du fait de la levée d'option à l'égard des autres membres du groupe.

M.[K] a interjeté appel du jugement le 23 janvier 2018.

PRETENTIONS ET MOYENS

Dans ses dernières conclusions transmises par la voie électronique le 13 décembre 2019, M. [K] sollicite l'infirmation du jugement et demande à la Cour de :

-Juger que Sony a rompu abusivement son contrat à durée déterminée ;

-Condamner Sony à lui payer les sommes sommes suivantes :

*20.300,37 euros au titre des rémunération qui auraient dû lui être versées;

*40.000 euros au titre de son préjudice d'image ;

*50.000 euros au titre de son préjudice de carrière ;

*40.000 euros au titre de son préjudice moral ;

-Condamner Sony à lui payer la somme de 6.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile;

-Condamner la société Sony aux entiers dépens ;

Sur le contrat, il soutient que celui-ci liait les parties et qu'il s'agissait d'un contrat à durée déterminée qui engageait le groupe dans son ensemble pour la réalisation de cinq albums. Il rappelle l'article L.7121-7 du code du travail qui précise que le contrat de travail peut être commun à plusieurs artistes lorsqu'il concerne des artistes se produisant dans un même numéro ou des musiciens appartenant au même orchestre. Il soutient que le conseil a fait une application erronées des dispositions légales. Il fait valoir l'article 15.01 de l'annexe-conditions générale qui précise que « la composition du groupe est à la date de signature des différents contrats dont la présente annexe fait partie intégrante considérée comme une condition déterminante et essentielle desdits contrats».

Il soutient que la levée d'option sur le troisième album était collective à l'ensemble des membres du groupe et que Sony n'avait pas la possibilité de rompre le contrat de travail à l'égard d'un seul de ses membres.

Il soutient que le contrat était en cours d'exécution, il rappelle l'article L.7121-3 du code du travail visant la présomption du contrat de travail dès lors que l'artiste n'exerce pas l'activité qui fait l'objet du contrat dans des conditions impliquant son inscription au registre du commerce et soutient que son contrat visait expressément les dispositions légales relatives au contrat d'usage.

Il fait valoir que la levée d'option de Sony sur le troisième album le concernait aussi et que le contrat du 5 août 2011 était un contrat à durée déterminée toujours en vigueur au 9 avril 2014.

Sur le caractère abusif de la rupture, il fait valoir que les causes de rupture anticipée du contrat de travail sont limitatives et que tout autre motif est abusif. Il fait valoir que la société Sony a levé l'option pour l'enregistrement du troisième album le 19 mars 2014 dans les mêmes conditions que le contrat initial et que la rupture de son contrat de travail est intervenue le 9 avril 2014 soit postérieurement à la levée d'option, sans qu'aucune faute ou force majeure ne soit invoquée par son employeur.

Sur le préjudice, il soutient que la rupture brutale et injustifiée de son contrat de travail lui a causé un préjudice financier, de carrière et moral.

Par conclusions transmises par la voie électronique, le 13 janvier 2020, la société Sony demande à la Cour de :

-Constater qu'elle n'a pas levé l'option à l'égard de M. [K] sur le contrat à durée déterminée d'usage portant sur la réalisation du troisième album du groupe Tale Of Voices;

-Constater que la non-levée d'option résulte de l'application des dispositions contractuelles ;

-Dire et juger que le contrat d'enregistrement portant sur le troisième album du groupe TOV n'est pas entré en vigueur ;

-Dire et juger en conséquence qu'elle n'a pas rompu ce contrat de manière anticipée.

En conséquence,

-Confirmer le jugement en ce qu'il a débouté M. [K] de l'ensemble de ses demandes ;

Subsidiairement

-Au titre du préjudice financier, débouter M. [K] de sa demande à hauteur de 20.300,37 € pour la fixer au maximum à 971,04 € ;

-Débouter M. [K] de ses demandes relatives à ses prétendus préjudices d'image, de carrière et moral ;

-Condamner M. [K] au paiement d'une somme de 2.000 € à Sony au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Elle fait valoir que les contrats signés avec chacun des membres du groupe TOV, dont M. [K], étaient des contrats de travail à durée déterminée d'usage (CDDU) régis à ce titre par des dispositions spécifiques du code du travail et dérogatoires du droit commun des contrats à durée déterminée.

Elle soutient que par ce contrat :

- les parties se sont engagées mutuellement et réciproquement à enregistrer un premier album ;

- les artistes lui ont consenti en outre quatre options de contrats successifs et distincts portant chacun sur un nouvel album ;

- l'entrée en vigueur de chacun de ces quatre contrats optionnels et successifs était subordonnée à sa décision de lever l'option à l'égard de chacun des membres du groupe et ce, au plus tard un mois avant le terme du précédent contrat.

Elle soutient que les termes du contrat étaient parfaitement connus de M. [K] et que ce système des options successives a été validé par la Cour de cassation.

Elle fait valoir que M. [K] a été lié par deux CDDU successifs et distincts portant sur le premier puis le second album et que ces contrats ont pris fin normalement par l'arrivée de leur terme respectif.

Pour le troisième album, elle soutient que la levée d'option a bien été exercée à l'égard des autres artistes du groupe et non de M. [K] à qui le courrier nominatif de levée d'option n'était pas destiné et n'a pas été adressé, et que le troisième CDDU objet de la levée d'option n'est donc jamais entré en vigueur à son égard.

Sur les dispositions légales relatives au contrat commun à plusieurs artistes, elle soutient que nonobstant le caractère commun, la relation contractuelle nouée entre le salarié et l'employeur demeure individuelle et que l'article L7121-6 du Code du Travail est particulièrement clair à cet égard.

Sur les dispositions contractuelles concernant le groupe, elle fait valoir que le terme « ARTISTE » dans le contrat désigne l'ensemble des membres du groupe mais n'affecte pas l'existence de la relation contractuelle individuelle entre le producteur et chacun des membres. Elle fait valoir que tant en application de l'article L7121-7 du code du travail que des dispositions du contrat, la décision de levée d'option prise et notifiée à l'égard de certains membres du groupe ne peut avoir d'effets qu'à leur égard.

Sur le quantum, elle soutient que l'arrêt Superbus ne s'applique pas puisque M.[K] n'a pas fait l'objet d'une rupture anticipée, il ne peut donc invoquer la perte de chance.

Sur le calcul de la rémunération, elle soutient que les demandes sont calculées à tort sur la base de trois albums alors que le contrat prétendument rompu suite à la non-levée d'option portait sur un album.

Sur le préjudice d'image et de carrière, elle soutient que M. [K] ne démontre aucun préjudice.

L'ordonnance de clôture a été prononcée le 22 janvier 2020.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur le caractère abusif de la rupture du CDD :

L'article 1242-2 du code du travail dispose, dans sa version applicable lors de la conclusion du contrat du 5 août 2011, que sous réserve des dispositions de l'article L. 1242-3, un contrat de travail à durée déterminée ne peut être conclu que pour l'exécution d'une tâche précise et temporaire, et seulement dans les cas suivants : (..) 3° Emplois à caractère saisonnier ou pour lesquels, dans certains secteurs d'activité définis par décret ou par convention ou accord collectif de travail étendu, il est d'usage constant de ne pas recourir au contrat de travail à durée indéterminée en raison de la nature de l'activité exercée et du caractère par nature temporaire de ces emplois.

Par ailleurs, l'article D1242-1 du code du travail dispose qu'il est d'usage constant de ne pas recourir au CDI en raison de la nature de l'activité exercée et du caractère par nature temporaire des emplois de l'édition phonographique, ce que confirme l'article 19 de la convention collective nationale de l'édition phonographique du 30 juin 2008 qui stipule que le recours au CDD pour les artistes est d'usage constant.

En l'espèce, il n'est pas contesté que M. [K] a été engagé par la société Sony dans le cadre d'un contrat à durée déterminée dit « d'usage » en application de l'article L.1242-2 3°du code du travail.

Ce contrat intitulé « The sing-off contrat gagnant » conclu le 5 août 2011 entre la société Sony Music Entertainment France d'une part, et les six chanteurs de Tale of Voices (TOV) dont M. [K] d'autre part, stipule dans son article 3.2.1 sous le titre « Durée et nombre d'enregistrements » qu' : « En outre, comme il est d'usage dans le secteur de l'édition phonographique, l'Artiste consent expressément à la société 4 options de contrats distincts et successifs, d'une durée minimale de 20 mois chacun, dans les mêmes termes et conditions que ceux du contrat initial visé à l'article 3.1.2 ».

L'article 3.2.3 dispose quant à lui : « La société s'engage à notifier à l'Artiste, par courrier recommandé avec accusé de réception, sa décision définitive de lever ou non l'option sur le contrat considéré en vue de procéder à la fixation de l'album concerné (...)au plus tard un mois avant le terme du contrat en cours. En cas d'exercice par la société de son droit d'option, le contrat suivant prendra effet au terme du précédent ».

Il résulte des pièces versées aux débats que par courrier du 23 octobre 2012, la société Sony Music a levé la première option dont elle bénéficiait sur l'album n°2, ce contrat ayant été prorogé jusqu'au 20 janvier 2014 selon avenant du 21 octobre 2013, puis jusqu'au 20 avril 2014 selon avenant du 17 décembre 2013.

Par courrier du 19 mars 2014 remis en main propre, la société Sony Music a levé la deuxième des quatre options de contrats prévues au contrat d'enregistrement du 5 août 2011, en excluant dans cet avenant la participation de M. [K] à ce troisième album en ces termes : « le maintien dans le groupe en qualité de co-interprète des enregistrements, au sens du contrat de référence, de M. [N] [K], beat-boxer (percussionniste vocal) n'est malheureusement pas pertinent en ce qui concerne la production de ce LP3 ».

Cet avenant du 19 mars 2014, paraphé par cinq des membres de TOV, n'a pas été remis à M. [K], qui ne l'a pas signé.

En effet, si le contrat initial du 5 août 2011 précise en page 2 que les six chanteurs cocontractants sont dénommés « l'Artiste » ou « le Groupe », et forme un ensemble auquel il est fait référence dans tout le contrat sous ces termes, le contrat de travail étant commun à plusieurs artistes appartenant au même groupe en application de l'article L.7121-7 du code du travail, ce contrat, conformément à l'article L.7121-6 du même code, est également un contrat de travail individuel liant chaque salarié avec la société employeur.

Or, la société Sony n'a jamais levé l'option pour le troisième album à l'égard de M. [K], l'avenant du 19 mars 2014 ne lui ayant pas été soumis, et le contrat de travail à durée déterminée de M. [K] pour le second album est arrivé à son terme le 20 avril 2014, conformément à l'avenant du 17 décembre 2013.

Aussi, aucune rupture abusive du contrat de travail à durée déterminée ne peut être reprochée à la société Sony, aucun nouveau contrat de travail n'ayant été conclu avec M. [K] à l'expiration du second contrat à durée déterminée.

Les demandes de M. [K] relatives à la rupture abusive du contrat de travail, notamment les demandes au titre du préjudice financier, du préjudice d'image, du préjudice de carrière et du préjudice moral, seront donc rejetées.

Le jugement de première instance sera confirmé de ce chef.

Sur l'article 700 du code de procédure civile :

M. [K] qui succombe, sera condamné aux entiers dépens d'appel.

Il n'apparaît pas inéquitable de laisser à la charge de chacune des parties les frais qu'elle a dû supporter au cours de la présente instance.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant publiquement par arrêt contradictoire et mis à disposition au greffe,

CONFIRME le jugement dans sa totalité ;

Y ajoutant ;

DIT que chacune des parties garde à sa charge les frais qu'elle a engagés en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE M. [N] [K] au paiement des dépens d'appel.

LA GREFFIERE LA PRESIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 7
Numéro d'arrêt : 18/01908
Date de la décision : 12/11/2020

Références :

Cour d'appel de Paris K7, arrêt n°18/01908 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2020-11-12;18.01908 ?
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