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10/11/2020 | FRANCE | N°18/10616

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 11, 10 novembre 2020, 18/10616


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 11



ARRET DU 10 NOVEMBRE 2020



(n° , 19 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 18/10616 - N° Portalis 35L7-V-B7C-B6NIZ



Décision déférée à la Cour : Jugement du 23 Juillet 2018 -Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de CRETEIL - RG n° 17/00774





APPELANTE



Madame [J] [X]

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représentée par Me Tamar

a LOWY, avocat au barreau de SEINE-SAINT-DENIS, toque : 141





INTIMÉE



SAS SOCIÉTÉ D'EXPLOITATION DE CHAUFFAGE

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentée par Me Jérôme WATRELOT, avocat ...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 11

ARRET DU 10 NOVEMBRE 2020

(n° , 19 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 18/10616 - N° Portalis 35L7-V-B7C-B6NIZ

Décision déférée à la Cour : Jugement du 23 Juillet 2018 -Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de CRETEIL - RG n° 17/00774

APPELANTE

Madame [J] [X]

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représentée par Me Tamara LOWY, avocat au barreau de SEINE-SAINT-DENIS, toque : 141

INTIMÉE

SAS SOCIÉTÉ D'EXPLOITATION DE CHAUFFAGE

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentée par Me Jérôme WATRELOT, avocat au barreau de PARIS, toque : K0100

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 29 Septembre 2020, en audience publique, devant la Cour composée de :

Mme Sylvie HYLAIRE, Présidente

Mme Anne HARTMANN, Présidente de chambre

Mme Laurence DELARBRE, Conseillère

qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l'audience par Madame Sylvie HYLAIRE dans les conditions prévues par l'article 804 du code de procédure civile.

Greffier, lors des débats : Madame Mathilde SARRON

ARRET :

- contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Sylvie HYLAIRE, Présidente et par Mathilde SARRON, Greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSÉ DU LITIGE

La SAS d'Exploitation de Chauffage, ci-après dénommée société SEC, développe une activité de prestations de service auprès d'une clientèle d'entreprises en matière de maintenance, de dépannage d'installations thermiques et d'études dans le domaine de la performance énergétique. Elle emploie une centaine de salariés et applique la convention

collective des équipements thermiques.

Mme [J] [X], née en 1971, a été engagée par contrat de travail à durée indéterminée à compter du 3 février 1992, par la société SEC en qualité d'emp1oyée administrative, échelon 1, niveau II.

En 2001, Mme [X] a intégré le service Gestion clients et à compter du mois de mars 2002, elle a occupé la fonction de facturière.

Le 12 juillet 2006, Mme [X] a été désignée déléguée syndicale CGT ; au mois de décembre 2006, elle a été élue en qualité de membre titulaire du comité d'entreprise et de déléguée du personnel titulaire ; en décembre 2008, elle a été élue conseillère prud'hommes à Paris et le 4 novembre 2010, elle a été élue membre suppléante de la délégation unique du personnel, liste Sud Énergie.

En 2013, Mme [X] a saisi l'inspection du travail pour faire constater une situation de discrimination à son encontre en raison de ses activités syndicales ; l'inspection du travail a mené une enquête tant dans les locaux de l'entreprise qu'auprès de l'employeur en lui demandant de lui produire certains documents énumérés dans le courrier adressé à la société le 6 septembre 2013.

Le 6 septembre 2013, l'inspecteur du travail après avoir examiné l'évolution de carrière, les entretiens professionnels, l'accès à la formation professionnelle, la charge de travail des salariés du service facturation auquel appartient Mme [X], a fait part à l'employeur de ses conclusions aux termes desquelles il indiquait : « à l'examen des documents communiqués, il apparaît que les éléments de fait avancés par Madame [X] laissent supposer l'existence d'une discrimination fondée sur ses activités syndicales ».

Le 31 octobre 2013 Mme [X] a saisi le conseil de prud'hommes de Bobigny en référé pour obtenir divers documents, dont les bulletins de salaire de sa collègue Mme [B] de 2002 à 2013, et, selon ordonnance en date du 13 décembre 2013, il a été fait droit à sa demande.

Le 4 novembre 2013, Mme [X] a saisi au fond le conseil des prud'hommes de Bobigny en demandant la résiliation judiciaire de son contrat de travail pour discrimination et harcèlement ; le 12 mai 2015, les conseillers prud'hommes se sont déclarés en partage de voix ; les juges départiteurs qui se sont succédé se sont abstenus de siéger en raison d'un lien matrimonial existant entre Mme [X] et un conseiller prud'homme siégeant au conseil de prud'hommes de Bobigny ; le dossier a ensuite été dépaysé par ordonnance rendue le 16 mars 2017 par le premier président de la cour d'appel de Paris qui a désigné le conseil de prud'hommes de Créteil pour statuer sur le dossier.

Le 13 novembre 2013, Mme [Y], directrice administrative et financière de la société, a saisi M. [F], directeur général, de la dégradation des conditions de travail invoquée par Mme [G] [A], responsable du service facturation et supérieur hiérarchique de Mme [X] en raison du comportement agressif de cette dernière à son égard ; Mme [Y] indiquait que Mme [A] était venue lui parler des conditions de travail compliquées et pesantes dans lesquelles elle travaillait en raison de la multitude de mails qu'elle recevait quotidiennement de Mme [X], remettant sans cesse en question

l'organisation du service ; Mme [Y] indiquait dans son courriel : « il semblerait que

l'atmosphère au sein du bureau soit quelque peu électrique, voire tendue (...). Je vous demande donc de trouver une solution afin de mettre un terme aux agissements répétitifs

de [J] et que la santé morale, et peut-être physique, de [G] n'en soit plus altérée ».

Le 14 novembre 2013 , Mme [A] a saisi l'inspecteur du travail pour harcèlement moral

de la part de Mme [X], décrivant plusieurs difficultés rencontrées avec celle-ci et concluant : « (...) Cette situation est devenue insupportable pour le service, et c'est pour cela que je fais un droit d'alerte quant au harcèlement moral que je subi vis à vis de Mme [X], ainsi que mes collègues. Mme [X] [J] a le don de pousser les gens à bout afin de pouvoir par la suite faire en sorte que ce soit elle la victime.

Cette situation devenue intolérable, nous empêche de faire notre travail et nous n'arrivons plus à nous concentrer, aussi, je vous demande un rendez-vous au plus vite, afin de trouver une solution (...) ».

Ce même jour, 14 novembre 2013, Mme [B], facturière dans le même service, a également saisi l'inspecteur du travail, le médecin du travail et l'employeur pour solliciter un rendez-vous en dénonçant le harcèlement que leur faisait subir Mme [X] et la situation intolérable de l'ambiance dont souffrait le bureau ; copie de cette saisine était transmise à Mme [S], déléguée du personnel et membre du CHSCT.

Mme [S] a exercé un droit d'alerte et la société SEC a déclenché une enquête qui s'est déroulée les 4 et 5 décembre 2013 ; convoquée deux fois pour être entendue, Mme [X] a écrit ne pas souhaiter participer à cette enquête qui a été menée selon le plan d'enquête défini conjointement par le CHSCT et la direction.

Le 22 novembre 2013, Mme [X] a été placée en arrêt maladie.

Le compte-rendu d'enquête du 9 décembre 2013 dressé par la déléguée du personnel, conclut, après audition de sept personnes, que les faits dénoncés par les deux collègues de travail de Mme [X] sont avérés et mentionne notamment : « (...) Les répercussions de l'attitude de Mme [X] sur l'ambiance du service et la santé de ses collègues sont encore plus néfastes que ce que les mails laissaient entendre.

(...) les personnes hors du service mais travaillant avec elles font le même constat au sein du service facturation. Elles n'arrivent pas à communiquer avec Mme [X] autrement que par une production de mails inefficaces et stériles. Elles n'osent pas communiquer avec elle, par peur d'être agressées verbalement ou prises à partie dans un conflit.

L'ambiance de travail au sein du service facturation client est devenue intenable, les salariées du service souffrent des remarques désobligeantes et de l'attitude déplacée de Madame [X], elles sont à la limite de la dépression (...).

Les deux autres personnes interrogées hors du service ont confirmé les dires de Madame [A] et précisé que l'atmosphère est lourde (...). Les réflexions de Madame [X] sont à la limite du tolérable. Plus aucun échange n'est possible (...).»

Par lettre datée du 10 décembre 2013, Mme [X] a été convoquée à un entretien préalable fixé au 19 décembre 2013, avec mise à pied conservatoire.

Le 13 décembre 2013, le médecin du travail a déclaré Mme [X] « apte à travailler dans une ambiance sereine ''.

Le 20 décembre 2013, une réunion extraordinaire du comité d'entreprise a été convoquée

pour délibérer sur le projet de licenciement de Mme [X] ; celle-ci a été entendue ; le vote a eu lieu à bulletins secrets, seuls les 4 titulaires présents ont été appelés à voter, 3 avis favorables ont été émis contre un avis défavorable.

Le 23 décembre 2013, la société SEC a demandé à l'inspection du travail l'autorisation de licencier Mme [X].

Par décision du 11 février 2014, l'inspection du travail a opposé son refus au licenciement de Mme [X], au motif que celle-ci apportait la preuve de sa mise à l'écart du service et que l'employeur avait laissé la situation se dégrader au sein du service en ne prenant pas les « mesures en vue d'équilibrer la charge de travail au sein du service facturation pour prendre en compte les absences de Mme [X] '', « l'ensemble des salariés du service ayant exprimé de la souffrance dans le cadre de leur travail y compris Mme [J] [X] '' ; il arguait qu'il n'était pas établi que le climat de suspicion au sein du service soit de l'entière responsabilité de Mme [X] et considérait que les faits reprochés à Mme [X], pris isolément ou dans leur ensemble ne sont pas d'une gravité suffisante pour justifier un licenciement.

L'inspecteur du travail notait enfin qu'il n'était pas établi de lien entre les mandats détenus

par Mme [X] et la procédure de licenciement en cours.

Dès le 13 février, l'employeur a demandé à Mme [X] de reprendre le travail, ce qu'elle a fait le 18 février 2014.

Le 19 février 2014, Mme [X] a adressé un courrier recommandé de trois pages dactylographiées à la société dénonçant les conditions de sa reprise de travail le 18 février, alléguant une mise à l'écart et au placard, avoir été traitée comme une pestiférée, reprochant à son employeur de s'évertuer à la stigmatiser en l'isolant et en la mettant sous la surveillance constante de Mesdames [V] et [Y], respectivement RRH et DAF.

Au terme de sa lettre, elle indiquait : « Bien entendu j'ai très mal vécue cette situation oppressante, prise d'une énorme crise d'angoisse due au comportement de mes supérieurs hiérarchiques je suis partie dans la fin de matinée en prévenant Mme [V] et j'ai pu bénéficier d'une consultation médicale en urgence ''.

Par lettre du 20 février 2014, Mme [X] a pris acte de la rupture de son contrat de travail en ces termes :

« J'ai été embauchée dans l'entreprise en février 1992, et j'ai 22 ans d'ancienneté je n'ai commencé à faire du syndicalisme dans l'entreprise qu'à partir du mois de juillet 2006.

C'est à compter de cette date que j'ai commencé à rencontrer des difficultés avec la société.

J'ai régulièrement et depuis longtemps écrit à l'entreprise, à l'instance du CHSCT et à la médecine du travail ; dénonçant des manquements à l'obligation de formation professionnelle, formations demandées par moi-même ou bien par mes différents responsables hiérarchiques.

J'ai pu constater une dégradation de mes conditions de travail passant successivement d'un surcroît de travail à une absence de travail.

L'entreprise a aussi organisé une dégradation de mon environnement professionnel, en montant mes collègues contre moi et leur faisant peser le poids de mes absences en leur donnant ma charge de travail urgente à traiter en plus de la leur.

Cela a favorisé assurément une ambiance très tendue, délétère.

Le phénomène a atteint son paroxysme lorsque ma chef et une de mes collègues m'ont injustement accusée de harcèlement moral ; suite à ma saisine du conseil de prud'hommes en octobre 2013.

Pour mémoire, je vous rappelle qu'au mois de juillet 2013, l'inspection du travail réalisait une enquête et concluait : « à l'examen des documents communiqués il apparaît que les éléments de faits avancés par Madame [X] laissent supposer l'existence d'une discrimination fondée sur son activité syndicale. ''

Le 16 octobre 2013, je saisissais donc le conseil de prud'hommes en référé pour obtenir la communication d'éléments qui me permettraient d'établir devant les juges ma discrimination syndicale.

La société incitait alors les salariés à s'opposer à cette communication en leur demandant d'écrire à la société pour manifester leur refus.

De votre côté vous n'hésitiez pas à me menacer en m'écrivant :

« Nous regrettons que vous ayez souhaité judiciarisé nos relations et nous nous réservons la possibilité dans ce contexte de former des demandes reconventionnelles ou d'intenter toute action, dans l'hypothèse où votre demande serait rejetée. ''

J'avais pourtant saisi le conseil de prud'hommes tout à fait légitimement suite à l'enquête réalisée par l'inspection du travail en juillet 2013.

Le conseil de prud'hommes a d'ailleursfait droit à mes demandes par ordonnance du 13 décembre 2013 et a ordonné que vous versiez aux débats un certain nombre de pièces dont les fiches de paie et les entretiens d'évaluation de ma collègue.

En parallèle au mois de novembre 2013, dans le cadre de mon mandat syndical j'assurais

la defense de deux salariés contre la SEC.

C'est dans ce contexte que de façon soudaine, le 19 novembre, Madame [S] mettait

en 'uvre un droit d'alerte me mettant en cause.

Sans que je sois informée du contenu de cette enquête, vous me convoquiez le 10 décembre 2013 à un entretien préalable avec mise à pied à titre conservatoire pour le 19 décembre 2013.

Le jour de l'entretien, je n'avais toujourspas accès aux éléments fondant ma mise à pied et ne pouvait ainsi utilement me défendre.

Ce n'est que le 20 décembre, jour de la réunion du comité d'entreprise que je prenais connaissance des déclarations de mes collègues à mon sujet.

C'est alors que je constatais avec effroi que ma supérieure Madame [A] et ma collègue Mme [B] m 'accusaient de harcèlement moral.

Je rappelle que jusqu 'à ma saisine du conseil deprud'hommes, si des dysfonctionnements

étaient constatés au sein du service, leur origine était clairement identifiée par des causes qui n'avaient rien à voir avec un harcèlement !

Ainsi, devant le CHSCT au mois dejanvier 2013 Madame [A] indiquait : « le travail rendu par Madame [X] est fait d'une manièreprofessionnelle et consciencieuse, je n'ai rien à dire sur le travail effectué. A mon avis un poste « doux '' (sans date butoir) pour Madame [X] peut convenir et prendre une autre personne dans le service, réglera tous les conflits ;''.

Mme [B] indiquait pour sa part que la cause des dysfonctionnements était une mauvaise organisation de la charge de travail : « quand elle est absente, le travail me revient très souvent et ça me fait une surcharge de boulot ».

(...) Je vous indique donc que, compte tenu du non-respectde votre obligation de sécurité de résultat, compte tenu de votre harcèlement moral, compte tenu de la discrimination subie, je prends acte de la rupture de mon contrat de travail. ''.

L'employeur a pris acte de la décision de la salariée suivant courrier de cinq pages dactylographiées, en date du 26 février 2014 en répondant point par point aux griefs de

la salariée qu'il indique dénués de tout fondement.

A la date de la prise d'acte de la rupture de son contrat, Mme [X] avait une ancienneté de 22 ans.

Par jugement rendu en formation de départage le 23 juillet 2018, le conseil de prud'hommes de Créteil a dit que la prise d'acte de rupture notifiée par Mme [X] à la société SEC le 20 février 2014 produit les effets d'une démission, a rejeté l'ensemble des demandes de la salariée et a condamné cette dernière à payer à la société SEC la somme de 3.920,70 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis et celle de 2.500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Par déclaration en date du 19 septembre 2018, Mme [X] a relevé appel de cette décision.

Aux termes de ses dernières conclusions, Mme [X] demande à la cour d'infirmer le jugement du 23 juillet 2018 et de :

- dire et juger que la prise d'acte de la rupture de son contrat s'analyse en un licenciement

nul ;

- condamner la société SEC à lui payer les sommes suivantes :

* dommages intérêts pour discrimination : 35.000 euros nets,

* dommages et intérêts pour harcèlement moral : 25.000 euros nets,

* indemnité pour violation du statut protecteur : à titre principal 127.504 euros nets, à titre subsidiaire 73.560 euros nets,

* indemnité conventionnelle de licenciement : 11.036 euros nets,

* indemnité conventionnelle compensatrice de préavis : 6.492 euros bruts,

* congés payés afférents : 649,20 euros bruts,

* indemnité pour licenciement nul, et à titre subsidiaire sans cause réelle et sérieuse : 64.920 euros nets, soit l'équivalent de 30 mois de salaire,

* dommages et intérêts au titre de la perte d'une chance d'utiliser ses droits à DIF :

1.712 euros nets,

* indemnité pour préjudice distinct lié aux circonstances vexatoires de la prise d'acte : 5.000 euros nets,

* au titre de l'article 700 du code de procédure civile : 3.500 euros,

* les entiers dépens,

- fixer les intérêts au taux légal ;

- ordonner la capitalisation.

Dans ses dernières conclusions, la société SEC demande à la cour de :

- constater que Mme [X] n'a été victime d'aucun agissement relevant de la discrimination syndicale ;

- confirmer le jugement entrepris et la débouter de sa demande indemnitaire sur ce point ;

- constater que Mme [X] n'a été victime d'aucun agissement relevant du harcèlement

moral ;

- confirmer le jugement entrepris et la débouter de sa demande indemnitaire sur ce point ;

- constater que les manquements imputés par Mme [X] au soutien de la prise d'acte

de la rupture de son contrat de travail ne sont pas établis ;

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a dit que la rupture doit produire les effets d'une démission ;

- débouter Mme [X] de l'ensemble de ses demandes ;

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il 1'a condamnée au versement d'une indemnité compensatrice de préavis d'un montant de 3.920,70 euros ;

- la condamner au versement d'une somme de 2.000 euros sur le fondement des dispositions de 1'article 700 du code de procédure civile, en sus de l'indemnité allouée en première instance ;

A titre subsidiaire,

- constater que le quantum des demandes présentées par Mme [X] est manifestement

excessif ;

- constater que le quantum des demandes d'indemnité de licenciement, d'indemnité de préavis et d'indemnité pour violation du statut protecteur est manifestement erroné, étant

précisé que la cour ne saurait allouer des sommes nettes de cotisations sociales.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des moyens et des prétentions des parties, la cour se réfère à leurs conclusions écrites ainsi qu'au jugement déféré.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Mme [X] demande à la cour de juger que sa prise d'acte de la rupture de son contrat de travail s'analyse en un licenciement nul.

La prise d'acte de la rupture du contrat par un salarié produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse si les faits invoqués par le salarié sont établis et caractérisent

des manquements suffisamment graves de l'employeur à ses obligations empêchant la poursuite de la relation contractuelle. A défaut, la prise d'acte de la rupture produit les effets d'une démission.

En l'espèce, Mme [X] invoque avoir subi une discrimination syndicale et un harcèlement moral.

Sur la discrimination syndicale

Aux termes de l'article L. 1132-1 du code du travail, aucune personne ne peut être écartée d'une procédure de recrutement ou de l'accès à un stage ou à une période de formation, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, telle que définie par l'article 1er de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008, notamment en matière de rémunération, au sens de l'article L.3221-3, de mesures d'intéressement ou de distribution d'actions, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat en raison de ses activités syndicales.

L'article L.1134-1 du code du travail prévoit qu'en cas de litige relatif à l'application de ce texte, le salarié concerné présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte, au vu desquels, il incombe à l'employeur de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination, et le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.

Sur l'évolution de carrière et la rémunération

Mme [X] soutient que la discrimination syndicale dont elle a été victime s'est manifestée par :

- une évolution de carrière et de rémunération moins rapide que celle de sa collègue Mme [B], depuis le début de ses mandats, l'écart n'ayant cessé de se creuser pour atteindre une différence de salaire de 297 euros lors de son départ de l'entreprise ;

- une discrimination sur le plan de la classification : en 2006 elle était à l'échelon 2 niveau 5 et Mme [B] qui était échelon 2 niveau 5 en 2008 et 2009 est passée échelon 4 niveau 7 en 2010 (ce qui selon Mme [X] coïncide avec la période pendant laquelle elle affirme avoir été mise à l'écart à son retour de congé individuel de formation à l'issue de laquelle elle a obtenu un baccalauréat de comptabilité) ;

- la dispense de 30 heures de formation de moins que sa collègue Mme [B] ;

-la mention de ses absences « qui pèsent sur le service '' lors des entretiens annuels d'évaluation de juin 2007 et mars 2013 ;

- absence d'entretien d'évaluation entre 2008 et 2010 ;

- elle invoque le rapport de l'inspecteur du travail qu'elle avait saisi en 2013 et qui avait conclu qu'il apparaît que les éléments de fait qu'elle avançait laissaient supposer l'existence d'une discrimination fondée sur ses activités syndicales et fait valoir que ses compétences professionnelles et la qualité de son travail étaient reconnues dans le cadre de ses entretiens d'évaluation. Elle communique les pièces visées dans le corps de ses conclusions aux pages 1 à 21 comprises.

Mme [X] indique que sa situation doit être comparée à celle de Mme [B], puisqu'elles ont un diplôme initial qu'elle qualifie de similaire (BEP et CAP niveau BEP), qu'elles ont travaillé côte à côte comme facturières pendant près de 12 ans, avant et après ses mandats, qu'elles avaient un salaire très proche en 2006 (première année d'élection à des mandats représentatifs pour Mme [X]) et qu'à cette date elle percevait même 17 euros de plus par mois que Mme [B].

La société SEC fait valoir quant à elle que la situation de Mme [X] doit être comparée à celle de Mme [I], qui avait les mêmes tâches qu'elle, Mme [B] ayant pour sa part été promue, exerçant plus de responsabilités que Mme [X] et accomplissant un travail différent puisqu'elle était responsable du service facturation. Elle soutient que la différence de rémunération, de classification et d'évolution de carrière entre Mme [X] et Mme [B] s'explique par le fait que leurs tâches et responsabilités ne sont pas les mêmes, que leur niveau de diplôme initial est différent (formation initiale BEP comptabilité contre CAP employée de bureau à l'origine pour Mme [X]), tout comme leur expérience professionnelle et leur date d'intégration au service gestion clients : Mme [B] est plus ancienne dans le poste (1997 contre 2002 pour l'appelante), elle a plus de responsabilités, une certaine connaissance de l'entreprise et de son organisation. Elle ajoute que l'évolution de carrière de Mme [B] est totalement étrangère aux mandats représentatifs exercés par Mme [X] à compter de 2006 ; elle communique comme éléments de preuve les pièces 131, 132,136 , 1 37 bis, 1 38, 139 et les pièces adverses n° 10, 11, 93 et 94.

Des pièces communiquées par les parties et notamment des bulletins de salaire de Mme [X] et Mme [B], il ressort que lors de son embauche, Mme [X] était employée de bureau et n'était titulaire en 1992 que d'un CAP ; elle a intégré le service comptabilité en 2002 ; à cette date, Mme [B] était dans ce service depuis le 5 mai 1997 et avait donc acquis l'expérience de ce service depuis 5 ans déjà et était titulaire d'un BEP comptabilité 1er et 2ème degré ; en 2006, les deux salariées ont à 17 euros près la même rémunération en faveur de Mme [X] ; Mme [I] n'intégrera le service qu'en 2010 et elle est titulaire d'un BTS comptabilité gestion ; ce n'est que le 15 juillet 2009, à l'issue d'un congé individuel de formation, que Mme [X] a obtenu un baccalauréat professionnel de comptabilité.

L'étude des tâches effectuées par les salariées entre 2006 et 2013, révèle qu'e1les n'étaient

pas identiques puisqu'à s'en tenir uniquement à celles dont étaient responsables Mme [B] et Mme [X] comme cette dernière le souhaite, on constate que Mme [X] était en charge de 386 installations/travaux/régie/ contrats sauf les contrats P3 de plus de 15.000 euros HT et 131 installations uniquement travaux sauf P3 dont seule Mme [B] s'occupait alors qu'elle gérait en outre 633 installations travaux/ régie/ contrats P3, tous les contrats P3 et tous les travaux de plus de 15.000 euros HT et les décomptes portefeuille.

Par comparaison, Mme [I] qui avait moins d'ancienneté que Mme [X] gérait 376 installations travaux/ régie/ contrats sauf P3 et 210 installations uniquement travaux.

Il en résulte que dans ce service de trois personnes, et indépendamment de la prise en compte de la charge moindre de Mme [X] en terme de nombre de dossiers, ce qui tient compte de ses mandats électifs, les dossiers les plus importants au-delà de 15.000 euros étaient de la compétence de Mme [B].

L'expérience et l'ancienneté de celle-ci dans le service étaient plus grandes, lorsqu'elle a eu en 2010 une augmentation de salaire de 100 euros puis a été élevée au coefficient 4-7 en 2010 avec 13 ans d'ancienneté dans le service comptable alors que Mme [X] n'avait que 8 ans et venait seulement d'avoir son baccalauréat professionnel en comptabilité en juillet 2009.

L'employeur justifie ainsi par des éléments objectifs étrangers aux responsabilités syndicales de Mme [X], l'augmentation de rémunération de Mme [B] et son changement de coefficient.

S'agissant des augmentations des rémunérations annuelles et en considération de ce qui a été précisé ci-avant, de 2006 à 2007, Mme [X] a eu 35 euros d'augmentation, 35 euros de 2007 à 2008, son salaire est resté le même en 2008 et 2009, elle a eu 20 euros entre 2009 et 2010 et a ensuite bénéficié d'augmentations régulières, 70 euros en 2011, 50 euros en 2012, alors que le salaire de Mme [I] restait le même sur la période 2010-2013 ; Mme [X] a donc eu une augmentation de 120 euros pendant que Mme [I] n'a eu une augmentation que de 40 euros, Mme [I] étant la salariée qui, au regard de l'importance des dossiers traités, offre la plus grande similitude en terme de comparaison, l'analyse du poste de Mme [B] tel que décrit ci-dessus démontrant que Mme [B] et Mme [X] n'étaient pas placées dans la même situation, le périmètre des responsabilités exercées par Mme [B] justifiant la différence de rémunération et de classification.

Ainsi, la cour considère que Mme [X] n'a pas été victime de discrimination à raison de l'évolution professionnelle et salariale, l'employeur justifiant que les différences appliquées reposent sur des critères objectifs tel qu'il a été retenu ci-dessus.

Sur la discrimination invoquée concernant la formation

En ce qui conceme la formation, Mme [X] soutient avoir sollicité, à plusieurs reprises, dans le cadre des entretiens annuels d'évaluation et via des courriers adressés à l'employeur, des formations sur les outils dont elle avait besoin pour mener à bien son travail, et jugées prioritaires par son supérieur hiérarchique mais que celles-ci ne lui ont pas été accordées.

Elle ajoute que l'inspection du travail a également constaté qu'elle n'avait pas bénéficié de formation adéquate Excel, SAP et P3.

Mme [X] précise que Mme [B] a bénéficié de la formation sur les contrats P3,

de 14 heures de formation de plus sur le logiciel SAP, soit de 88,50 heures de formation entre 2006 et 2012, alors que pendant la même période elle n'a eu que 58 heures de formation et aucune formation SAP et P3.

Enfin, Mme [X] soutient que l'employeur a accepté sa demande de congé individuel de formation car il espérait qu'elle ne reviendrait pas au sein de l'entreprise, son poste ayant été proposé en interne pendant son absence et pas seulement comme disponible temporairement ; elle ajoute que ce congé individuel de formation ne pouvait pas justifier

ensuite un refus de formation en interne. Elle invoque notamment à ce sujet ses pièces 2-7-8 à 11-14-17-23-24-35-37-67-74-86 et les pièces adverses 39-141 et 143.

En réplique, la société SEC soutient qu'elle s'est toujours attachée à faire bénéficier Mme [X] des modules de formation en relation avec son poste de travail et ses fonctions et lui a permis de suivre un congé individuel de formation de 140 jours (965 h du 20 octobre 2008 au 22 mai 2009). Elle fait valoir que Mme [X] a, au même titre que ses collègues, bénéficié d'une journée de présentation et d'introduction sur le projet « Dynamiq SAP » le 14 septembre 2009 (courrier du 15/09/2009 pièce 24) et a suivi entre 2007 et 2013 un grand nombre de formations.

La société SEC affirme que Mme [X] n'a pas suivi les autres modules de formation SAP qui ne la concernaient pas car elle n'avait pas besoin de cet outil pour mener à bien ses missions de même que la formation P3 puisque le traitement de ces dossiers était confié à une autre collaboratrice.

Elle souligne en outre que Mme [X] a bénéficié de davantage de modules de formation que sa collègue Mme [I] qui n'a suivi que 42 heures.

Elle étaye ses arguments par ses pièces 13-70-141-143-145 et les pièces adverses 10-11-92-93 et 94.

Aux termes des articles L. 6311-1 et L. 6312-1 du code du travail dans leur rédaction applicable au litige, la formation professionnelle continue a pour objet de favoriser l'insertion ou la réinsertion professionnelle des travailleurs, de permettre leur maintien dans l'emploi, de favoriser le développement de leurs compétences et l'accès aux différents niveaux de la qualification professionnelle ; elle est assurée à l'initiative de l'employeur, ou du salarié notamment dans le cadre du congé individuel de formation défini à l'article L. 6322-1, à l'initiative du salarié avec l'accord de son employeur dans le cadre du droit individuel à la formation prévu à l'article L. 6323-1 du code du travail.

Il résulte de l'article L. 6321-1 du code du travail que l'employeur a l'obligation d'assurer l'adaptation de ses employés à l'évolution de leurs emplois; il appartient à l'employeur de planifier les départs en formation et d'apprécier les formations adaptées au salarié pour occuper son poste ; l'avis favorable émis par le supérieur hiérarchique direct du salarié ne constitue qu'un avis dont la nature peut être guidée par le souci de préserver les relations avec le salarié, notamment lorsque les relations sont tendues comme c'était le cas dans le service de Mme [X], l'employeur demeurant l'arbitre dans l'appréciation du besoin en formation en fonction de la nature du poste occupé.

Concernant la formation SAP, l'employeur a indiqué à la salariée dans un courrier qui lui

a été adressé le 10 juin 2010 en réponse à l'un des nombreux courriers de celle-ci, en date du 31 mai 2010 :« comme nous vous l'avions déjà précisé dans un précédent courrier du 15 décembre 2009, vous avez bénéficié, au même titre que vos collègues d'une journée de présentation et d'introduction sur le projet SAP DYNAMIQ en date du 14 septembre 2009, les autres modules de formation SAP ne vous concernant pas car ils ne sont pas en relation avec votre poste de travail ''.

La cour observe que dans les entretiens annuels 2011-2012, l'utilisation SAP a été évaluée en B ce qui correspond à compétence acquise permettant la maîtrise de la fonction ; de la pièce 141 de l'employeur, il ressort que les trois facturières (Mme [B], Mme [X] et Mme [I]) ont reçu chacune 7 heures de formation sur SAP (navigation dans l'outil) et que seule Mme [B], qui avait d'autres fonctions que Mmes [I] et [X], a suivi deux autres modules SAP encaissement et SAP référentiel client ; l'employeur explique, sans être démenti sur ce point, que dans leurs tâches courantes, Mmes [I] et [X] n'ont pas besoin de naviguer dans SAP et n'utilisent que Genesis.

De cette même pièce, il ressort que Mme [X] a également suivi 2x14 heures de formation sur Excel en 2007 et 2013 outre diverses autres formations et qu'ainsi elle a reçu 58 heures de formation entre 2007 et 2013 pendant que Mme [I] n'a pas reçu de formation en 2011, 2012, 2013, a eu 43 heures à ce titre entre 2007 et 2010 et seulement 7 heures en 2009 depuis qu'elle a intégré le service de Mmes [X] et Mme [W] [B].

La différence dans le nombre de formations suivies par Mme [B] (un certain nombre de formations ayant été communes à celle-ci ainsi qu'à Mme [X]) est justifiée par les différences de tâches entre les deux salariées, Mme [B] ayant, selon les comptes rendus annuels d'évaluation, la saisie des contrats P2/P3, les décomptes P3, le suivi de P3, la réalisation des cut-off P3 alors que Mme [X] était seulement en charge de l'ouverture des contrats P2/ P3 et non de la gestion et du suivi de l'intégralité de ces contrats.

S'il est exact que Mme [X] n'a pas obtenu toutes les formations qu'elle sollicitait dans ses entretiens annuels d'évaluation mais pour les raisons exposées et jugées ci-dessus légitimes, elle a bénéficié d'un congé individuel de formation du 20 octobre 2008 au 22 mai 2009 et des formations adaptées pour l'exécution des tâches qui lui étaient dévolues et ce, sans aucun désavantage ni discrimination par rapport à Mme [I] qui occupait un poste similaire au sien ou par rapport à Mme [B] dont le périmètre des tâches et les responsabilités étaient très différents et beaucoup plus étendus que les siens et justifiaient une formation adaptée et un plus grand nombre d'heures (88 heures entre 2006 et 2012 incluse).

Ainsi, la cour considère que 1'appelante n'a pas été victime de discrimination à la formation professionnelle.

Sur la discrimination invoquée relative aux entretiens d'évaluation

D'une part, Mme [X] soutient que dans l'entretien d'évaluation du 19 juin 2007, son supérieur hiérarchique M. [R] lui a reproché des absences pesant sur le service et, d'autre part, elle invoque le défaut d'entretien d'évaluation postérieur à 2007 jusqu'au 9 février 2011; postérieurement, la salariée indique avoir eu eu un entretien le 2 février 2012 et le 8 mars 2013 et relève que dans ce dernier entretien, il est fait mention de « ses nombreuses absences ''.

En ce qui concerne le fait relatif à l'absence d'entretien d'évaluation pour les années 2008

et 2010, Mme [X] relève que si elle n'a pas été évaluée, ses collègues l'ont bien été et notamment Mme [B]. Elle indique que ce constat a également été fait par l'inspection du travail et que l'employeur ne donne aucune explication réelle et sérieuse sur ces absences d'évaluation, ni sur ses prétendus refus.

Mme [X] affirme que le fait qu'elle ait été en congé individuel de formation entre le

20 octobre 2008 et le 22 mai 2009, n'empêchait pas la tenue d'entretien annuel d'évaluation et qu'elle pouvait être évaluée en juin 2008, juin 2009 et juin 2010, son refus d'aller à un entretien concernant simplement le fait de se retrouver seule avec sa hiérarchie. Elle mentionne ses pièces 9-10-35-37-89-91 et les pièces 147 et 148 de l'employeur.

La société SEC affirme que la référence aux absences de Mme [X] lors de l'entretien

annuel d'évaluation résulte d'une maladresse de M. [R] ; elle explique que celui-ci voulait seulement souligner que les absences de la salariée perturbaient le fonctionnement du service dans la mesure où elle refusait d'utiliser les bons de délégation et de contacter l'entreprise pour l'informer de ses absences maladie, ce qui compliquait l'organisation et la possibilité de pourvoir efficacement à son remplacement.

Elle ajoute que rien ne permet d'affirmer que cette remarque visait à stigmatiser le fait que la salariée exerçait des mandats , Mme [X] ayant qualifié l'entretien de « satisfaisant '', ce qui est justifié par la pièce produite.

La société SEC ne nie pas le fait que Mme [X] n'a pas eu d'entretiens annuels d'évaluation en 2008, 2009 et 2010, mais elle soutient que c'est cette dernière qui a elle-même refusé de suivre un entretien annuel d'appréciation pour ces périodes et non l'employeur qui s'est abstenu de les organiser.

Si l'examen de l'entretien annuel du 19juin 2007 porte une annotation du style « maladies

+ délégations pèsent sur le service '' à la rubrique « Présentéisme '' et « quand vous êtes présente '' à la rubrique « Est disponible '', la cour relève que ces deux item ont néanmoins été qualifiés de « satisfaisants '' par le notateur, qu'il en est de même pour le reporting, même si M. [R] a mentionné « quand on se voit '' ou encore « bonne coopération lors de votre présence ».

De même, si face aux objectifs « Vérification et envoi des factures contractuelles (du 5 au 10 de chaque mois) '', il a été mentionné « présence souhaitable à ces dates clés '', Mme [X] a indiqué : « ma présence au sein de l'entreprise ne peut répondre à des dates impératives mais je m'efforcerai de répondre présente ponctuellement '' ; elle ajoutait « Entretien satisfaisant '' et a coché la case « oui '' face à la question « Etes-vous globalement d'accord avec les termes de l'entretien » et « non '' à la question « Souhaitez-

vous rencontrer votre N+2 ''.

Il n'est ni invoqué et encore moins justifié que Mme [X] se soit plainte d'une quelconque entrave à l'exercice de ses fonctions syndicales, l'allusion de M. [R] aux absences de la salariée non exclusivement liées à ses délégations, pour regrettable qu'elle

soit, ne caractérise pas une discrimination, le travail et la collaboration étant qualifiés de

satisfaisants.

En 2013, le commentaire du responsable « [J] fait des efforts malgré ses absences et le surcroît de travail '' ne fait nullement allusion à des absences de nature syndicale.

Par ailleurs, il ressort notamment du courrier recommandé de l'employeur à Mme [X] en date du 16 juillet 2008, qu'un entretien annuel d'évaluation avait été fixé au 27 juin 2008 et que c'est la salariée qui a refusé d'y assister dans un courrier ainsi rédigé adressé le 24 juillet 2008 :

« En réponse à votre courrier recommandé portant à confusion du 16 juillet dernier [par lequel la société rappelait à Mme [X] le caractère obligatoire de l'entretien individuel annuel, suite à un premier mail de refus].

Premièrement, je vous demande d'être plus clair dans vos propos, vous m'écrivez devoir me soumettre très prochainement sans formalisme, à un « entretien annuel d'appréciation » ; dans ces conditions il vous faudra savoir faire la différence entre la forme d'entretien que vous prétendez me faire subir et un véritable entretien annuel d'évaluation professionnelle.

Ce lapsus révélateur éclaire vos intentions de manière limpide, de plus, je peux me référer à l'entretien de l'année passée.

En conséquence, je vous informe qu'il est hors de question de me trouver seule dans un bureau face à ma hiérarchie, je me tiendrais à sa disposition à mon poste de travail.

Deuxièmement, par rapport à un éventuel entretien d'appréciation individuel annuel auquel l'ensemble des salariés vient d'être soumis, sans grand formalisme apparemment ; celui la même auquel vous souhaitez que je me soumettre ; si la législation ne régit pas l'organisation de ces pratiques d'évaluation, elle prévoit néanmoins certaines règles à respecter.

Aussi, je vous demande de bien vouloir me prouver que l'entreprise à respecter ses obligations envers les instances représentatives du personnel par rapport à la mise en place d'entretien individuel annuel ; à savoir :

- que les membres du Comité d'entreprise ont bien été informés par rapport à la mise en place de ces entretiens individuels annuels ;

- et que les membres de l'instance du Comité d'Hygiène de Sécurité et des Conditions de travail ont bien été consultés sur la mise en place de cette méthode.

Sans quoi, il n'y aurait pas d'entretien possible avant que de votre côté, vos obligations soient remplies.

Salutations ».

L'année suivante, Mme [X] a suivi son congé individuel de formation et son retour dans la société a eu lieu le 27 mai 2009.

Il ressort de la pièce 154 produite par la société que son responsable hiérarchique, M. [R], qui souhaitait la rencontrer pour lui faire part de la nouvelle répartition des tâches mise en place au sein du service, devait lui adresser un mail avec copie à la DRH car la salariée avait exprimé le souhait de ne pas se présenter sans formalisme de convocation.

La lecture du dossier révèle que Mme [X] entretenait systématiquement et pour tout sujet un climat conflictuel avec l'employeur donnant lieu à de nombreux échanges de courriers, la société ayant toujours répondu aux lettres ou messages de la salariée en termes mesurés.

Le 10 juin 2010, le nouveau directeur général de la société, entré en poste le 1er février 2010, rappelait à la salariée qu'elle avait refusé à différentes reprises les demandes d'entrevues avec son supérieur hiérarchique tant pour lui exposer ses différentes tâches que pour réaliser l'entretien annuel d'évaluation.

Les entretiens annuels d'évaluation reprendront régulièrement à partir du 9 février 2011 avec Mme [G] [A], responsable facturation, ayant mentionné : « entretien « agréable et constructif ''.

Il ressort des pièces communiquées que les entretiens annuels d'évaluation ont pu reprendre normalement à partir du moment où Mme [X] a abandonné la logique d'affrontement dans laquelle elle avait campé au cours des années antérieures faisant elle-même obstacle à leur tenue ; il s'ensuit que la cour considère qu'il n'est pas établi de ce chef que Mme [X] ait été victime de discrimination.

En conséquence de tout ce qui précède, il y a lieu de juger que Mme [X] n'a pas été victime de discrimination syndicale et dès lors il convient de rejeter sa demande de dommages et intérêts à ce titre.

Sur le harcèlement moral

Mme [X] sollicite le paiement de la somme de 25.000 euros en réparation du préjudice résultant du harcèlement moral subi.

Selon les dispositions de l'article L. 1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir

les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

L'article L. 1154-1 prévoit, qu'en cas de litige, si le salarié concerné établit des faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement et, au vu de ces éléments, il incombe à l'employeur de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.

Mme [X] soutient que le harcèlement moral dont elle dit avoir été victime a pris plusieurs formes qui se sont succédées ou cumulées à savoir :

- sa mise à l'écart du service ;

- 1' absence d'adaptation de sa charge de travail à sa qualité de représentante du personnel

et l'accumulation de son travail pendant ses périodes d'absences maladie ou ses congés ;

- des pressions et menaces suite à son action syndicale d'aide à des intérimaires de l'entreprise et tentative de licenciement.

En ce qui concerne le fait relatif à la mise à l'écart du service, Mme [X] soutient que, sans la consulter, à son retour du congé individuel de formation, jusqu'au départ de M. [R], soit de mai 2009 à septembre 2010 et après la décision de refus de la licencier de l'inspection du travail, elle s'est vue retirer des responsabilités et cantonnée à des tâches inintéressantes et subalternes puis a été isolée et privée de ses outils de travail.

Elle rappelle que durant son congé de formation, son poste avait été présenté comme à pourvoir et non comme en remplacement momentané, puis précise qu'en son absence, son responsable avait désactivé son profil, lui faisant ainsi perdre ses fichiers et sa messagerie avec les adresses et messages de ses clients, qu'elle a été chargée par la suite de la tenue du standard du service et s'est vue retirer des secteurs de clients qu'elle gérait, ces demiers étant confiés à ses collègues et n'étant ni réattribués ni remplacés.

Elle invoque ses pièces 7-8-9-10-11-12-15-16 et 17 à 23-25-26-35 à 37 incluse-41-56-67-

68-90-99-107 et les pièces adverses 109-l45et 147.

Elle indique qu'ayant obtenu son baccalauréat professionnel, elle avait « imaginé que cette nouvelle qualification lui permettrait d'accéder à plus de responsabilités '' alors que de nouveaux secteurs ne lui étaient pas attribués, qu'elle se trouvait chargée des facturations hors contrats, « navettes et attachements provisoires P5 » sans que son nom figure sur ces factures provisoires puisqu'en dehors d'un secteur.

Elle évoque sa protestation du 30 novembre 2009 (pièce 23) dans laquelle elle indique :

« Vous me placez en situation d'infériorité vis-à vis de mes collègues du service en me

cantonnant à des tâches subalternes '' ; elle vise le compte rendu de réunion du CHSCT

du 12 mars 2010 qui, sans parler d'une mise à l'écart, indique « Nous invitons Madame [X] et Monsieur [R] à plus de communication, à une plus grande ouverture, dans le respect et l'équité. Nous demandons à la direction de prendre en compte les expressions des parties concernées et de prendre toutes les mesures pour favoriser la normalisation des relations entre les deux parties ''.

La société SEC rétorque qu'elle n'a modifié ni la fonction de facturière, ni la qualification

de Mme [X] à son retour du congé de formation et que M. [R] ne l'a pas écartée de la vie du service.

Elle explique qu'il assurait une répartition des tâches qui n'avait d'autre objet que d'assurer la continuité du service et de fournir à Mme [X] une charge de travail adaptée lui permettant l'exercice de ses différents mandats, comme elle ne cessait de le réclamer.

Elle ajoute que cette dernière n'apporte aucun élément de nature à étayer ses allégations, autre que ses propres courriers qui constituent de simples affirmations.

La société SEC affirme que c'est Mme [X] qui s'est peu à peu isolée du reste du personnel de l'entreprise et des élus, par son comportement systématiquement désagréable

et déplaisant, en créant des incidents puis en refusant de rencontrer ses responsables afin

de trouver une solution aux problèmes.

Elle ajoute que les derniers mois de collaboration ont révélé des relations conflictuelles de Mme [X] avec globalement toute l'entreprise, la Direction, ses responsables hiérarchiques, ses collègues de travail, la majorité du personnel de l'entreprise et les élus, la salariée pouvant dénigrer voire invectiver ses collègues de travail : ainsi elle indiquait le 3 décembre 2012 : « si mes prétendus détracteurs avaient un soupçon d'honneur et de dignité il leur appartiendrait de venir s'en expliquer avec moi au lieu de faire de la délation fallacieuse et mensongère ».

Elle mentionne ses pièces n°4-6-12-13-14-20 à 23incluse-29-3 1-36-45-46-47-50-5 1-54-

55-56-57-58-60-81-109-155.

*

Il ressort des multiples échanges de courriers à tout propos que ce soit avec ses supérieurs hiérarchiques directs ou la direction de la société que Mme [X] s'est toujours inscrite dans une logique conflictuelle et polémique, refusant par exemple de participer au repas organisé par la DAF pour le service, ce qui en soi ne constitue pas bien sûr une obligation

pour le salarié mais ne témoigne pas non plus d'une volonté d'intégration dans une équipe

et est de nature à favoriser l'isolement dont se plaint l'appelante.

Il est également établi que lorsque sa responsable du service facturation lui demande de lui déposer ses congés, Mme [J] [X] les dépose à une autre personne, ce qui amène à un échange de mails.

Les mêmes rapports d'hostilité avec les autres élus du comité d'entreprise, délégués du personnel et les membres du CHSCT sont établis et justifiés par les pièces communiquées ; par exemple, Mme [X] refuse d'être reçue avec la représente CGT au cours de la réunion NAO, refuse de se rendre aux réunions des délégués du personnel et du comité d'entreprise, demande que les réunions soient filmées ; incitée par l'employeur à revenir aux réunions, qui sont des instances de dialogue, elle répond que ce sont de fausses instances de dialogue et refuse.

L'ensemble des pièces examinées par la cour démontre que la société SEC a toujours répondu de manière détaillée et dans un esprit d'apaisement aux courriers de Mme [X] et il a déjà été relevé ci-avant que les deux salariées travaillant avec Mme [X] dans le service avaient saisi l'inspection du travail en se plaignant du comportement de cette dernière avec elles.

La saisine de l'inspection du travail le 18 juin 2007, par plusieurs élus du comité d'entreprise, pour se plaindre d'être constamment assaillis de courriers virulents mettant en cause leur efficacité et exposant faire l'objet de harcèlement et d'acharnement de la part de Mme [X] qui demandait leur destitution, révèle le climat que semait autour d'e1le Mme [X], ayant pu largement contribuer à son ressenti d'un isolement et d'une mise à l'écart sans qu'il ne ressorte de l'ensemble des pièces communiquées par les deux parties la réalité d'une mise à l'écart de celle-ci, l'employeur ayant maintenu ses tentatives d'instauration de rapports sereins et normaux en dépit d'une communication difficile avec la salariée.

Concernant enfin la nécessité de réactivation des codes informatiques après l'absence de plusieurs mois de Mme [X], ce qui est classique en entreprise, la cour considère que ce fait ne s'analyse pas en une mise à l'écart de la salariée.

Le premier grief invoqué à l'appui du harcèlement n'est ainsi pas établi.

***

Mme [X] soutient aussi que son employeur n'a jamais voulu adapter sa charge de travail à ses mandats, ni la remplacer lorsqu'elle était absente lors de ses congés ou arrêts maladie, même longs et qu'elle a appelé son attention à ce sujet, signalant aussi à l'inspection du travail sa surcharge de travail après ses absences, dès le 11 avril 2017.

Elle rappelle à la cour que dès 2006, elle cumulait deux mandats (déléguée syndicale et déléguée unique du personnel), puis trois mandats à compter de 2008 (celui de conseillère

prud'homme) et de nouveau, deux mandats à compter de février 2010.

Selon Mme [X], c'est son volume de travail qui devait être modifié et non la nature de ses tâches.

Elle souligne que son entretien d'évaluation de 2007 faisait déjà état d'une surcharge de travail, tout comme l'entretien de 2013 qui reconnaissait également la nécessité de réadapter son poste. En réponse aux accusations de l'employeur sur son refus de communiquer, Mme [X] avance qu'elle n'a jamais refusé le dialogue, mais ne voulait simplement pas rencontrer seule la direction.

Mme [X] ajoute que l'inspection du travail avait relevé l'absence de tout remplacement, ce qui entraînait une surcharge de travail pour ses collègues (avec heures supplémentaires) et in fine selon son analyse, une certaine ranc'ur à son égard et une dégradation du climat au sein du service.

Elle cite comme éléments de preuve les pièces n°8-11-12-13-28-30-35-37-48-66-67-89 à 94-96-98-102 et les pièces adverses 13, 24 à 30, 31, 33, 36, 37 à 39, 46, 54, 109, 111 et 118.

La société SEC indique que la charge de travail au sein du service « Gestion clients '' fluctue au cours de l'année en fonction des arrêtés de comptes et des opérations particulières, rendant délicate l'anticipation dans l'organisation du service ainsi que l'avait signalé Mme [A], responsable du service dans l'enquête déclenchée par l'employeur en 2012.

Elle soutient ensuite que la Direction s'est toujours efforcée d'adapter la charge de travail de Mme [X] en tenant compte de ses absences liées à l'exercice normal de ses mandats mais aussi à ses absences fréquentes de courte durée pour maladie ou plus longues comme en 2011, 61 jours, 35 jours en 2012, 5 jours en 2013.

La société met aussi en évidence l'inconstance de Mme [X] qui se plaint tantôt d'une

charge de travail trop importante, tantôt d'une charge d'activité trop faible tout en demandant que lui soient confiées de nouvelles missions plus diversifiées, sans jamais souhaiter rencontrer la direction pour en parler.

Elle ajoute que la salariée, sans en expliquer les raisons, a toujours refusé d'utiliser les bons de délégation en vigueur dans l'entreprise d'où l'impossibilité d'anticiper ses absences, d'adapter sa charge de travail et d'organiser son remplacement ; elle indique que Mme [X] s'absentait de manière inopinée sans informer sa hiérarchie au préalable, y compris lors de ses arrêts de travail, pour lesquels elle n'indiquait aucune durée prévisible, ce qui compliquait l'organisation tant de sa charge de travail que des ses remplacements, quel que soit le motif de ses absences.

Elle mentionne comme éléments de preuve les pièce n°4-13- 24-26- 30-3 1-32-33-36-3 9-

48-54-68-69-70-98-l08à 111 incluse -l13- 115 à 123 incluse -124-126-127et 134.

*

S'il est exact qu'au cours des entretiens annuel d'évaluation qui ont été effectués, la charge de travail avait été signalée comme devant être repensée ainsi que la réorganisation du service, force est toutefois de constater à la lecture des pièces communiquées par les deux parties qu'il y a bien eu, contrairement à ce que soutient Mme [X], des réponses apportées par l'employeur pour parvenir à la satisfaire et à trouver un juste équilibre en procédant à des répartitions différentes des tâches du service.

Dans cette recherche, la société s'est heurtée à maintes reprises au refus de Mme [X]

de venir discuter avec son employeur.

La cour relève que Mme [X] n'a jamais été force de proposition puisque tout en demandant de nouvelles responsabilités, ce qui en général est synonyme d'une tâche plus lourde, elle se montrait critique à l'égard des différents allègements qui lui étaient proposés, considérant que ces propositions constituaient une mise à l'écart et ce, alors qu'elle reconnaissait elle-même que ses tâches initiales antérieures à ses mandats étaient devenues trop importantes par rapport au temps qu'elle pouvait dorénavant y consacrer.

Il est également relevé comme le reconnaît Mme [X], que l'employeur a, à plusieurs reprises, certes pour des durées limitées, embauché des intérimaires pendant ses arrêts maladie et par ailleurs rien ne démontre objectivement qu'il ait voulu la remplacer définitivement en interne puisqu'à son retour de formation, elle a retrouvé son poste.

La cour, après étude de l'ensemble des pièces et conclusions des parties, considère que l'employeur a réellement cherché à remédier à la surcharge de travail dont s'est plainte Mme [X] en dépit des difficultés auxquelles il était confronté, pour l'adapter tant aux nécessités organisationnelles d'un service comptable par la répartition des tâches et des délais à respecter pour certaines opérations qu'aux temps de présence des salariées.

D'ailleurs, durant la période de février 2011 à août 2012, la situation s'était manifestement

apaisée.

Elle s'est de nouveau dégradée dans le service mais pour d'autres considérations liées aux « simples relations de travail entre collègues '', les salariées du service s'étant offusquées de ce que, sans les consulter et sans qu'elles ne lui aient rien demandé, Mme [X] a déclenché un droit d'alerte au motif qu'elles devaient effectuer des heures supplémentaires

à l'occasion de ses absences ou qu'elles se voyaient répartir entre elles des tâches à exécuter provenant du service normalement assuré par Mme [X].

La cour considère au regard de ces éléments que ce manquement n'est pas établi.

***

Mme [X] invoque encore des pressions et menaces suite à l'action syndicale d'aide à des intérimaires de l'entreprise et une tentative de licenciement suite à l'intervention de l'inspecteur du travail ayant demandé à l'employeur certains renseignements sur des faits supposés de discrimination dont elle l'avait saisis.

Mme [X] soutient que la société SEC a tenté de l'empêcher d'exercer son mandat auprès de salariés intérimaires qui travaillaient au sein de son service (en vérifiant la régularité des contrats) et que sa responsable hiérarchique directe, Mme [A], lui avait interdit de leur poser des questions. Elle ajoute que le fait d'avoir assisté deux intérimaires souhaitant saisir le conseil de prud'hommes en requalification de leur contrat, puis d'avoir engagé pour elle-même une action en référé pour obliger l'employeur à lui communiquer certains documents concernant ses collègues de travail, a provoqué la colère de la société qui l'a menacée et a tenté de la licencier, notamment en exacerbant les tensions créées par la surcharge de travail de ses collègues ; en ce sens, Mme [X] fait une chronologie afin de démontrer le lien qu'elle voit entre sa propre action prud'homale en référé et les accusations portées à son encontre.

Mme [X] relève également qu'elle a été mise à pied à titre conservatoire suite à la dénonciation par ses collègues du service de ce qu'elle les harcelait et qu'elle n'a pas été remplacée pendant cette période.

Elle fait valoir que sa supérieure hiérarchique paraissait satisfaite de son travail et de ses relations avec ses collègues, quelques mois avant sa saisine de l'inspection du travail, l'employeur ne remettant d'ailleurs pas en cause la qualité de son travail.

Mme [X] affirme que ses relations avec les autres élus et la Direction sont sans rapport

avec le litige et avec la demande d'autorisation de la licencier, que les conflits entre les élus avaient pour origine sa volonté de faire respecter les droits collectifs au sein de l'entreprise et que la direction était de mauvaise foi.

Enfin, elle indique qu'antérieurement à la plainte pour harcèlement moral, elle avait de bons rapports avec ses collègues et que ceux-ci se sont détériorés à cause de l'employeur.

La société SEC rétorque que Mme [X] a elle-même entretenu des relations conflictuelles avec la direction depuis 2006, indépendamment des responsables hiérarchiques et directeurs qui se sont succédés ainsi qu'avec les autres instances représentatives du personnel et autres organisations syndicales, notamment en refusant de participer aux réunions des instances représentatives du personnel.

Elle ajoute que Mme [X] avait également des tensions avec ses collègues de travail, fréquemment qualifiés de « subordonnés '' ou de « subalternes '' et créait des conflits en toute circonstance, certains salariés allant jusqu'à se plaindre dès novembre 2013 de harcèlement moral de sa part, du fait notamment de son attitude agressive.

Ainsi, selon la société SEC la procédure de licenciement initiée à l'encontre de Mme [X] ne constitue pas une mesure d'intimidation ou de rétorsion, mais la mise en 'uvre de son obligation de sécurité de résultat, afin de préserver la santé de ses salariés.

*

L'employeur a sollicité l'inspecteur du travail en vue de l'autorisation de licenciement postérieurement à la dénonciation par les salariées du service de Mme [X] du harcèlement moral auquel celle-ci se livrait à leur encontre et du droit d'alerte exercé le 19 novembre 2013 par Mme [S], déléguée du personnel qui avait été saisie par plusieurs salariées du service facturation.

L'inspecteur du travail, tout en refusant l'autorisation de licenciement, a considéré qu'un lien entre les mandats détenus par Mme [X] et la procédure de licenciement en cours, n'était pas établi.

Au cours de l'enquête réalisée par le CHSCT suite au droit d'alerte exercé par Mme [S], sept salariés ont été entendus, Mme [X] ayant refusé de l'être malgré deux convocations.

Parmi les personnes entendues, M. [E] a indiqué que toute communication verbale était

impossible avec Mme [X] et qu'il était inondé de mails précisant jusqu'à 30 par jour.

Mme [L] [W] a déclaré que Mme [X] était désagréable avec ses collègues, qu'elle refusait de travailler en équipe, mentionnant : « pas un bonjour, pas de dialogue '', « j'ai fais et je fais beaucoup d'efforts mais c'est un ras le bol, plus de cinq ans que ça dure, là c'est le débordement ''.

Mme [B] a indiqué que Mme [X] ne communiquait pas de façon positive, qu'elle se sentait persécutée et ne faisait qu'envoyer des mails ; elle ajoute : « sans arrêt elle fait des réflexions désagréables dans le bureau '', « elle ne participe à aucune réunion de service, elle s'en fout '', « je ne comprends pas pourquoi elle cherche systématiquement le conflit ''.

M. [T] a parlé du mauvais climat froid qu'il ressentait dans le bureau et de l'absence de dialogue avec Mme [X] avec qui il travaillait surtout par mail.

Mme [A], responsable du service, a indiqué que Mme [X] ne l'écoutait pas, qu'elle quittait son poste quand elle lui disait quelque chose, qu'elle avait le sentiment de ne plus pouvoir lui donner la moindre instruction ou consigne de travail, que toute action était l'objet de critique et que Mme [X] partait du principe que toute action visait à lui nuire.

Toutes ces personnes ont indiqué que la situation ne pouvait plus durer face à leur souffrance.

De cette enquête où les personnes en contact avec Mme [X] sont unanimes quant à l'attitude de celle-ci, cause de la dégradation de leurs rapports et de l'atmosphère qu'elle crée dans le service, il se déduit que la demande d'autorisation de licenciement reposait sur des faits objectifs et étaient sans lien avec les mandats syndicaux de Mme [X], l'employeur devant nécessairement réagir d'une façon qu'il estime la plus appropriée, face à la situation à risque pour la santé de son personnel telle qu'elle résultait de l'enquête consécutive au droit d'alerte qui avait été déclenché.

L'entrave à l'exercice de ses mandats n'est pas étayée et dans les échanges de mails au cours de la journée du 21 janvier 2013 au sujet des contrats d'intérimaires, Mme [A], responsable du service indique dans son mail à Mme [X] que les deux intérimaires vivaient comme des interrogatoires les questions de cette dernière et s'estimaient harcelés.

Les témoignages de ces deux intérimaires, M. [C] et Mme [M] [H], cités par Mme [X] dans ses conclusions page 72 et qui déclarent que Mme [X] était une personne avec qui il était agréable de travailler ne peuvent qu'être accueillis avec réserve dans la mesure où Mme [X] a été leur défenseur syndical en 2014 et 2015 devant le conseil de prud'hommes de Bobigny où son mari siège, que leur témoignage est de 2013 et que contrairement à ce que Mme [X] indique dans ses conclusions (page 65), les deux salariés n'ont pas gagné leur procès mais ont en fait été déboutés sur appel de la société SEC (arrêts de la cour d'appel de Paris du 12 décembre 2017 pour Mme [H] et du 14 septembre 2017 pour M. [C]).

La cour, après lecture et rapprochement de l'ensemble des pièces communiquées par les deux parties, considère que l'existence de menaces ou pressions sur Mme [X] en rétorsion de ses procédures personnelles ou d'entrave à l'exercice de ses mandats ne peut être retenue.

De ce qui précède, il convient de juger, comme l'a retenu justement le conseil, que les faits

allégués par Mme [J] [X], même pris dans leur ensemble, n'établissent pas qu'elle a été victime d'un harcèlement moral et il convient en conséquence de la débouter de sa demande de dommages intérêts à ce titre.

Le manquement à l'obligation de sécurité de résultat allégué à titre subsidiaire par Mme [X] page 80 de ses conclusions, quelles qu'aient été les considérations personnelles de l'inspecteur du travail ne peut être retenu dans la mesure où il est suffisamment établi par les pièces produites que l'employeur a pris des mesures pour éviter les confrontations au sein du service en installant Mme [X] dans le bureau d'un ancien directeur commercial à son retour, suite au refus d'autorisation de licenciement par l'inspecteur du travail, pour éviter la confrontation avec ses collègues mais que celle-ci s'est immédiatement plainte d'être isolée et mise à l'écart et a pris acte de la rupture de son contrat de travail.

En outre, contrairement à ce que soutient la salariée, l'employeur a régulièrement voulu organiser des réunions ou des rencontres avec elle pour apaiser les tensions mais l'attitude de Mme [X] y faisait obstacle ainsi qu'il a été précédemment relevé.

Sur la prise d'acte de rupture

Les griefs invoqués par Mme [X] à 1'appui de sa prise d'acte de rupture n'étant pas fondés, la prise d'acte s'analyse en une démission.

Il s'ensuit que, par confirmation du jugement déféré, Mme [X] doit être déboutée de sa demande principale et subsidiaire d'indemnité pour violation du statut protecteur, de ses demandes d'indemnité de licenciement, d'indemnité compensatrice de préavis et de congés payés, d'indemnité pour licenciement nul, de dommages intérêts pour circonstances vexatoires liées à sa prise d'acte qui ne sont ni établies ni justifiées et pour perte de chance d'utiliser ses droits au DIF.

Sur les autres demandes

La société SEC sollicite la confirmation du jugement qui a fait droit à sa demande reconventionnelle en paiement de l'indemnité compensatrice de préavis due légalement par Mme [X] s'agissant d'une démission.

Il convient de confirmer le jugement de ce chef.

Mme [X], partie perdante à l'instance, sera condamnée aux dépens ainsi qu'à payer à la société SEC la somme de 2.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles d'appel.

PAR CES MOTIFS,

La Cour,

CONFIRME le jugement déféré dans toutes ses dispositions,

Y ajoutant,

REJETTE toutes autres demandes des parties,

CONDAMNE Mme [J] [X] aux dépens et à payer à la SAS d'Exploitation de Chauffage la somme de 2.000 euros au titre des frais irrépétibles exposés en appel.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 11
Numéro d'arrêt : 18/10616
Date de la décision : 10/11/2020

Références :

Cour d'appel de Paris L2, arrêt n°18/10616 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2020-11-10;18.10616 ?
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