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06/11/2020 | FRANCE | N°16/08426

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 13, 06 novembre 2020, 16/08426


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 13



ARRÊT DU 06 Novembre 2020



(n° , 6 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : S N° RG 16/08426 - N° Portalis 35L7-V-B7A-BZBNB



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 04 Avril 2016 par le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de PARIS RG n° 15/03962





APPELANT

Monsieur [N] [D]

[Adresse 1]

[Localité 2]

représenté par Me Da

vid PIOT, avocat au barreau de PARIS, toque : B0027 substitué par Me Adrien ROUX DIT BUISSON, avocat au barreau de LYON, toque : 2085





INTIMEE

CAISSE PRIMAIRE ASSURANCE MALADIE DE PARIS...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 13

ARRÊT DU 06 Novembre 2020

(n° , 6 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S N° RG 16/08426 - N° Portalis 35L7-V-B7A-BZBNB

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 04 Avril 2016 par le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de PARIS RG n° 15/03962

APPELANT

Monsieur [N] [D]

[Adresse 1]

[Localité 2]

représenté par Me David PIOT, avocat au barreau de PARIS, toque : B0027 substitué par Me Adrien ROUX DIT BUISSON, avocat au barreau de LYON, toque : 2085

INTIMEE

CAISSE PRIMAIRE ASSURANCE MALADIE DE PARIS

DIRECTION DU CONTENTIEUX ET DE LA LUTTE CONTRE LA FRAUDE

POLE CONTENTIEUX GENERAL

[Localité 3]

représenté par Me Florence KATO, avocat au barreau de PARIS, toque : D1901

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 14 Septembre 2020, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Mme Bathilde CHEVALIER, Conseillère, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Mme Elisabeth LAPASSET-SEITHER, présidente de chambre

Mme Sophie BRINET, présidente de chambre

Mme Bathilde CHEVALIER, Conseillère

Greffier : M. Fabrice LOISEAU, lors des débats

ARRET :

- CONTRADICTOIRE

- prononcé

par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

-signé par Mme Elisabeth LAPASSET-SEITHER et par M. Fabrice LOISEAU, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

RAPPEL DES FAITS, PROCEDURE, PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES :

La caisse primaire d'assurance maladie de Paris a refusé de prendre en charge au titre de la législation professionnelle la déclaration de rechute faite par M. [N] [D] qui a transmis un certificat médical initial du 3 juillet 2014 faisant état de 'lombalgies hernie discale L5-S1".

M. [D] ayant fait le 16 juillet 2014 une déclaration de maladie professionnelle au titre des mêmes lésions selon un certificat médical initial du 12 juillet 2014, la caisse en a aussi refusé la prise en charge.

Après avoir vainement saisi la commission de recours amiable pour contester ce dernier refus, M. [D] a saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale de Paris le 7 août 2015 du rejet implicite puis le 30 septembre 2015 du rejet explicite de son recours par celle-ci.

Par jugement du 4 avril 2016, ce tribunal a ordonné la jonction des deux recours et a débouté M. [D] de l'ensemble de ses demandes.

M. [D] a relevé appel le 9 juin 2016 de ce jugement qui lui avait été notifié le 30 mai 2016.

Par arrêt du 15 mars 2019, auquel il est renvoyé pour un plus ample exposé du litige, la cour a ordonné avant dire-droit une expertise médicale technique, désigné pour y procéder le docteur [M] [Z], détaillé la mission de l'expert, dit que les frais d'expertise seront réglés par la caisse primaire d'assurance maladie de Paris selon le barème en vigueur et ordonné la réouverture des débats à l'audience du 2 décembre 2019.

L'expert a déposé son rapport le 14 mai 2019 au greffe de la cour d'appel.

Par ses conclusions écrites soutenues oralement et déposées à l'audience du 14 septembre 2020 par son conseil, M. [D] demande à la cour, par voie d'infirmation du jugement déféré, de:

- Homologuer le rapport d'expertise du docteur [Z],

- Dire et juger que la hernie discale dont il souffre est une maladie professionnelle inscrite au tableau n°98 des maladies professionnelles,

- Annuler la décision de refus de prise en charge de sa maladie au titre de la législation professionnelle,

- Ordonner à la caisse de prendre en charge sa maladie à titre de maladie professionnelle,

- Ordonner à la caisse de l'indemniser au titre de la législation sur les maladies professionnelles à compter de son arrêt de travail du 3 juillet 2014,

- Condamner la caisse à lui payer la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

Il expose qu'il souffre d'une sciatique par hernie discale L5-S1 comme en attestent différents comptes-rendus médicaux et que cette pathologie est inscrite au tableau n°98 des maladies professionnelles. Il souligne que le rapport d'expertise qui conclut en ce sens et dont il demande l'homologation, est très explicite.

Par ses conclusions écrites soutenues oralement par son conseil qui les a déposées à l'audience, la caisse demande à la cour de :

- Confirmer le jugement rendu en toutes ses dispositions,

- Débouter M. [D] de ses demandes et de le condamner aux dépens.

- A titre subsidiaire, si la cour considérait que la pathologie déclarée le 12 juillet 2014 relève du tableau n°98 des maladies professionnelles, de renvoyer M. [D] devant elle pour instruction de sa demande de maladie professionnelle au titre du tableau n°98 des maladies professionnelles.

Elle fait essentiellement valoir que :

- l'expert ne répond pas à la question posée par la cour à savoir : 'dire si la pathologie déclarée le 16 juillet 2014 par M. [D] correspondait à une maladie désignée dans le tableau n°98 des maladies professionnelles' puisqu'il se borne à indiquer, sur la base de l'examen médical pratiqué et des doléances présentées par M. [D], que : 'la déclaration de maladie professionnelle était justifiée' ;

- l'expert ne caractérise nullement l'existence d'une atteinte radiculaire de topographie concordante et ne précise pas la date ni la nature de l'examen médical qui lui aurait permis de retenir l'existence d'une telle atteinte ;

- dans un avis en date du 25 juin 2019, le médecin conseil de la caisse a relevé que 'l'examen clinique de l'expert est superposable à celui du médecin conseil d'août 2014 (soit il y a 5 ans): absence de signe objectif d'atteinte radiculaire (ainsi que l'expert le souligne à la fin de la discussion : il est à noter que ce bilan ne met pas en évidence actuellement de signe de sciatalgie mais plus des signes de lombalgie, d'évolution chronique)' ;

- M. [D] ne rapporte donc pas la preuve que son affection correspondrait à celle visée par le tableau n°98 des maladies professionnelles.

Il est fait référence aux conclusions des parties déposées à l'audience du 14 septembre 2020 pour plus ample exposé des moyens développés.

SUR CE :

L'article L. 461-1 du code de la sécurité sociale, dans sa version applicable à la date de la déclaration de maladie professionnelle de M. [D], énonce qu'une maladie ne peut être présumée liée à l'activité professionnelle du salarié qu'à la condition d'être désignée dans un tableau de maladies professionnelles et d'avoir été contractée dans les conditions définies à ce tableau.

Peut être également reconnue d'origine professionnelle une maladie caractérisée non désignée dans un tableau de maladies professionnelles lorsqu'il est établi qu'elle est essentiellement et directement causée par le travail habituel de la victime et qu'elle entraîne le décès de celle-ci ou une incapacité permanente d'un taux évalué dans les conditions mentionnées à l'article L. 434-2 et au moins égal à un pourcentage déterminé.

Dans ce cas, la caisse primaire reconnaît l'origine professionnelle de la maladie après avis motivé d'un comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles. L'avis du comité s'impose à la caisse dans les mêmes conditions que celles fixées à l'article L. 315-1.

Le tableau n°98 des maladies professionnelles est relatif aux affections chroniques du rachis lombaire provoquées par la manutention manuelle de charges lourdes et désigne deux maladies:

- la sciatique par hernie discale L4-L5 ou L5-S1 avec atteinte radiculaire de topographie concordante,

- la radiculalgie crurale par hernie discale L2-L3 ou L3-L4 ou L4-L5 avec atteinte radiculaire de topographie concordante.

En l'espèce, M. [D] a fait le 16 juillet 2014 une déclaration de maladie professionnelle assortie d'un certificat médical initial mentionnant des 'lombalgies, hernie discale L5-S1, IRM du 7 avril 2014" et demandé la prise en charge au titre du tableau n°98 des maladies professionnelles.

Le compte rendu de l'IRM pratiqué le 7 avril 2014 (pièce n°4 produite par M. [D]) fait état d'un contexte clinique de lombo-radiculalgies à bascule et au niveau L5-S1 de 'hernie discale L5-S1 postérieur médiane entraînant un effet de masse sur le fourreau dural et pouvant expliquer un conflit disco radiculaire avec l'émergence des racines S1 des deux côtés.

Atteinte en modic I des plateaux vertébraux L5-S1.

Chondropathie inter-apophysaire postérieure sans spondylolisthésis associé.

Pas de signe de scoro iliite'.

Un autre compte rendu d'IRM du rachis lombaire pratiqué le 16 septembre 2014 (pièce n°14 produite par M. [D]) fait état de :

'En L5/S1 : discopathie dégénérative avec discret oedème sous-chondral en miroir des plateaux vertébraux, sans remaniement graisseux

Bombement discal postérieur avec saillie focale médiane venant au contact des racines S1, en particulier à gauche.

Absence d'anomalie des articulaires postérieures.'

Et conclut : 'En L5/S1 : discopathie inflammatoire avec protusion postéro-médiane.'

L'expertise du 14 mai 2019 diligentée par le docteur [Z] fait référence aux pièces transmises par le docteur [L] [S], médecin conseil chef de service de la caisse primaire d'assurance maladie de Paris.

L'expert expose au paragraphe discussion de son rapport que :

'Monsieur [D] présente des lombalgies d'évolution chronique dans les suites d'un accident du travail survenu en 2012.

Cet accident semble avoir été guéri rapidement après une évolution rapidement favorable permettant une reprise de ses activités professionnelles.

Il va se plaindre de douleurs lombaires avec irradiation au niveau des deux membres inférieurs à partir du mois d'avril 2014. Un bilan IRM sera réalisé le 8 avril 2014 mettant en évidence une hernie discale L5/S1 potentiellement conflictuelle avec les 2 racines S1.

Un certificat de déclaration de maladie professionnelle a été rédigé évoquant la notion de hernie discale sans noter lombosciatique par hernie discale.

En restant dans le cadre de la maladie professionnelle n°98 (sciatique par hernie discale L4/L5 ou L5/S1 avec atteinte radiculaire de topographie concordante), on peut estimer qu'au vu du tableau clinique, décrivant des lombalgies associées à des irradiations de topographie S1, confirmées par un bilan IRM concordant suivant la topographie de l'irradiation, la déclaration de maladie professionnelle était justifiée.

Le bilan réalisé ce jour, se fait dans un contexte d'arrêt de travail récent puisqu'il a présenté il y a deux jours une lombalgie aigüe.

Il est à noter que ce bilan ne met pas en évidence actuellement de signe de sciatalgie mais plus des signes de lombalgies d'évolution chronique'.

Contrairement à ce que soutient la caisse, l'expert répond ensuite à la question posée par la cour dans son arrêt du 15 mars 2019 à savoir : 'Dire si la pathologie déclarée le 16 juillet 2014 par M. [D] correspond à une maladie désignée par le tableau n°98 des maladies professionnelles: Oui'.

Au regard de ces conclusions, la caisse fait valoir que l'expert ne caractérise pas l'atteinte radiculaire de topographie concordante alors qu'il relève lui-même en page 5 de son rapport que 'le tableau exige la présence d'une hernie discale et d'un tableau clinique de sciatique avec atteinte radiculaire de topographie concordante, c'est à dire une concordance topographique entre le disque siège de la hernie et la racine atteinte'.

La caisse omet cependant de poursuivre la lecture du rapport qui poursuit ainsi :'Il faut tenir compte des éventuelles anomalies de la charnière lombo-sacrée qui peuvent modifier la topographie. Par ailleurs, les hernies foraminales et extra foraminales provoquent la compression de la racine sous-jacente. Ainsi une hernie de ce type en L4-L5 provoque une compression de la racine L4 avec une cruralgie et une hernie L5-S1 une compression de la racine L5".

Il doit par ailleurs être répondu que l'expert caractérise l'atteinte radiculaire de topographie concordante puisqu'il indique : 'on peut estimer qu'au vu du tableau clinique, décrivant des lombalgies associées à des irradiations de topographie S1, confirmées par un bilan IRM concordant suivant la topographie de l'irradiation, la déclaration de maladie professionnelle était justifiée'.

La caisse se fonde enfin sur l'avis de son médecin conseil du 25 juin 2019 qui relève une incohérence entre d'une part les doléances (actuelles et passées) de l'assuré 'lombosciatalgies chroniques ayant entraîné un licenciement par inaptitude puis une formation professionnelle' c'est à dire des lombosciatalgies a priori invalidantes et d'autre part la prise en charge effective : une seule infiltration en 2014, une indication opératoire évoquée par l'assuré mais refusée par lui-même et l'absence d'imagerie depuis cinq ans, l'absence d'infiltration depuis 2014, l'absence d'arrêt de travail en 2015, 2016, quelques jours en 2017, 2018 et 2019.

Il relève également une incohérence avec les doléances actuelles de l'assuré reprises dans le rapport d'expertise : les doléances décrivent des lombosciatalgies invalidantes avec un retentissement important (par exemple un périmètre de marche ne pouvant excéder 10 minutes).

Ces observations ne sont cependant pas de nature à remettre en cause les conclusions de l'expert qui indiquent clairement que la pathologie correspond à la maladie professionnelle du tableau 98 alors que l'expert a analysé l'ensemble de ces données, qui lui avaient été communiquées par la caisse, lors de son expertise.

C'est oublier par ailleurs que l'existence de l'atteinte litigieuse s'apprécie au jour de la déclaration de maladie professionnelle au regard des pièces médicales produites et non d'après les doléances de la victime au jour de l'examen clinique par l'expert qui est intervenu presque cinq ans après.

Il en résulte que compte tenu des conclusions de l'expert, la pathologie déclarée le 16 juillet 2014 par M. [D] correspond à une maladie désignée par le tableau n°98 des maladies professionnelles.

Le jugement rendu sera en conséquence infirmé de ce chef.

La caisse devra reprendre l'instruction du dossier de maladie professionnelle afin de vérifier que les conditions du tableau n°98 tenant au délai de prise en charge et à la liste limitative des travaux sont remplies.

Il n'y a pas lieu de faire droit à la demande de M. [D] au titre des frais irrépétibles.

PAR CES MOTIFS :

La cour,

Vu l'arrêt du 15 mars 2019,

Vu le rapport d'expertise du 14 mai 2019,

Déclare l'appel recevable,

Infirme le jugement rendu,

Et statuant à nouveau :

Dit que la pathologie déclarée le 16 juillet 2014 par M. [D] correspond à une maladie désignée par le tableau n°98 des maladies professionnelles ;

Dit que la caisse primaire d'assurance maladie de Paris devra instruire le dossier de demande de reconnaissance de maladie professionnelle de M. [N] [D] au titre du tableau n°98 des maladies professionnelles 'sciatique par hernie discale L4/L5 ou L5/S1 avec atteinte radiculaire de topologie concordante' ;

Déboute M. [N] [D] de sa demande au titre des frais irrépétibles ;

Condamne la caisse primaire d'assurance maladie de Paris aux dépens d'appel.

Le greffier La présidente


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 13
Numéro d'arrêt : 16/08426
Date de la décision : 06/11/2020

Références :

Cour d'appel de Paris L4, arrêt n°16/08426 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2020-11-06;16.08426 ?
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