RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 5 - Chambre 3
ARRÊT DU 04 NOVEMBRE 2020
(n° , 12 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 18/15458 - N° Portalis 35L7-V-B7C-B54QD
Décision déférée à la Cour : Jugement du 22 Mai 2018 -Tribunal de Grande Instance de BOBIGNY - RG n° 16/10773
APPELANTE
SCI LE MARLOU agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
immatriculée au RCS de CRETEIL sous le numéro 815 022 678
[Adresse 2]
[Localité 16]
Représentée par Me Guillaume NORMAND, avocat au barreau de PARIS, toque : G770
INTIMÉS
Monsieur [H] [S]
né le [Date naissance 7] 1968 à [Localité 9]
[Adresse 10]
[Localité 9]
Représenté par Me Jacques SEMIONOFF, avocat au barreau de PARIS, toque : E0760
Monsieur [M] [C]
né le [Date naissance 6] 1970 à [Localité 17] (ALGÉRIE)
[Adresse 5]
[Localité 15]
Représenté par Me Pascale FLAURAUD, avocat au barreau de PARIS, toque : K0090, avocat postulant
Assisté de Me Fabienne BERNERON, avocat au barreau de PARIS, toque : A0617, avocat plaidant
Monsieur [K] [C]
né le [Date naissance 11] 1963 à [Localité 17] (ALGÉRIE)
[Adresse 8]
[Localité 14]
Représenté par Me Pascale FLAURAUD, avocat au barreau de PARIS, toque : K0090, avocat postulant
Assisté de Me Fabienne BERNERON, avocat au barreau de PARIS, toque : A0617, avocat plaidant
Monsieur [B] [C]
né le [Date naissance 13] 1959 à [Localité 17] (ALGÉRIE)
[Adresse 18]
[Localité 17] (ALGÉRIE)
Représenté par Me Pascale FLAURAUD, avocat au barreau de PARIS, toque : K0090, avocat postulant
Assisté de Me Fabienne BERNERON, avocat au barreau de PARIS, toque : A0617, avocat plaidant
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 22 Septembre 2020, en audience publique, devant la Cour composée de :
Madame Agnès THAUNAT, présidente de chambre
Madame Sandrine GIL, conseillère
Madame Elisabeth GOURY, conseillère
qui en ont délibéré,
un rapport a été présenté à l'audience dans les conditions prévues par l'article 804 du code de procédure civile.
Greffière, lors des débats : Madame Marie-Gabrielle de La REYNERIE
ARRÊT :
- contradictoire
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Madame Sandrine GIL, conseillère, pour la présidente empêchée et par Madame Marie-Gabrielle de La REYNERIE, greffière à laquelle la minute du présent arrêt a été remise par la magistrate signataire.
*****
EXPOSE DU LITIGE
Le 5 mars 1998, la SCI [Adresse 4] a consenti à Mme [F] un bail commercial portant sur un local situé [Adresse 4] (93) pour l'exercice de l'activité de 'café, restaurant', pour une durée de neuf années à compter du jour de la conclusion du contrat.
Les lieux loués étaient définis dans l'acte comme étant constitués d'une première salle de restaurant, WC, cuisine et arrière-cuisine au rez-de-chaussée, d'une seconde salle de restaurant également au rez-de-chaussée avec un jardin-terrasse et un garage accessibles depuis cette seconde salle, et d'une cave au sous-sol.
La SCI, qui était alors propriétaire de l'ensemble immobilier, a fait établir un règlement de copropriété et un état descriptif de division selon acte du 31 octobre 2007. Ce document mentionnait l'existence de trois lots décrits comme suit :
-lot 1 : 'un local commercial à usage de restaurant, situé au rez-de-chaussée du bâtiment A existant avec cave, accessible depuis la rue';
-lot 2 : 'un plateau à aménager en trois logements, situés au premier étage du bâtiment A existant (...) Et le droit à construire y afférent';
-lot 3 : 'le droit à construire du bâtiment B projeté', selon permis de construire annexé à l'acte.
Le 31 octobre 2007, la SCI DU [Adresse 3] a vendu les trois lots ainsi créés à la société IMMINVEST.
Le 18 janvier 2008, le règlement de copropriété a été modifié. Le lot 2 a été supprimé et remplacé par les lots 8 à 13 ; le lot 3 a été supprimé et remplacé par les lots 4 à 7 d'un bâtiment B à créer.
Le 21 janvier 2008, la société IMMINVEST a cédé l'ancien lot 2 à la SCI BM & PARTNERS.
Le 25 janvier 2008, Mme [F] et son époux M. [N] [T] ont cédé à M. [I] [C] leur fonds de commerce de café-restaurant, en ce compris le droit au bail.
Le 17 avril 2008, la société IMMINVEST a vendu le lot 1 à la SCI YANN, représentée par son gérant M. [M] [C].
Le 14 juin 2008, M. [I] [C] est décédé, laissant pour lui succéder sa mère et ses onze frères et soeurs.
Par acte authentique du 26 novembre 2010, M. [B] [C], M. [M] [C] et M. [K] [C] (ci-après dénommés 'les consorts [C]'), agissant en qualité de propriétaires conjoints et indivis du fonds de commerce par suite de la succession de leur frère et de leur mère décédés, ont conclu avec M. [X] [A] un contrat de location-gérance portant sur ledit fonds.
Le 7 juillet 2011, la société IMMINVEST a vendu à M. [H] [S] les lots 4 à 7 à créer, résultant de la suppression du lot 3.
Le 16 avril 2012, le juge des référés du tribunal de grande instance de Bobigny, saisi par la société BM PARTNERS et M. [H] [S], a ordonné sous astreinte à la SCI YANN en sa qualité de bailleur, à M. [M] [C] en sa qualité de propriétaire du fonds de commerce et à M. [X] [A] en sa qualité de locataire-gérant, de mettre fin à l'occupation du local situé sur l'emprise de l'ancien lot 3 appartenant à M. [S] dans lequel se trouvait la chambre froide du restaurant. Cette astreinte sera par la suite liquidée par le juge de l'exécution par jugements des 22 août 2013 et 8 juin 2016.
A la suite de cette décision, M. [X] [A] a fait assigner M. [H] [S], la SCI BM & PARTNERS, la SCI YANN et les consorts [C] devant le tribunal de grande instance de Bobigny aux fins de voir dires nulles les condamnations prononcées par l'ordonnance de référé précitée. Cette procédure a abouti à un jugement du 26 juillet 2017 aux termes duquel le tribunal a notamment débouté M. [A] de sa demande et a dit le bail du 5 mars 1998 inopposable à M. [H] [S] en sa qualité de propriétaire de l'ancien lot 3.
Dans le même temps, des différends sont apparus entre les consorts [C] relatifs notamment à l'exécution du contrat de location-gérance et à la perception des redevances afférentes. MM. [K] et [B] [C] ont fait assigner leur frère [M] devant le juge des référés du tribunal de grande instance de Bobigny qui, par ordonnance du 22 juillet 2013, a désigné Maître [Z]-[U] en qualité d'administrateur judiciaire de l'indivision, avec pour mission notamment d'administrer le fonds de commerce en location-gérance. Maître [Z] [U] a achevé son mandat le 22 juillet 2015 sans en solliciter le renouvellement.
Le 19 mars 2014, M. [X] [A] a fait l'objet d'un jugement de liquidation judiciaire. Le liquidateur judiciaire a alors décidé de ne pas poursuivre le contrat de location gérance et a remis les clefs des locaux à Maître [Z]-[U] ès qualités.
Le 13 octobre 2014, la SCI YANN a fait signifier un congé avec offre de renouvellement avec effet au 30 juin 2015 à Maître [Z]-[U] ès qualités et aux consorts [C].
Courant 2015, la société HSBC FRANCE, créancière de la SCI YANN, a engagé une procédure de saisie immobilière comprenant le lot 1. Par jugement du 24 novembre 2015, le bien a été adjugé au profit de la SCI LE MARLOU.
Par courrier du 17 décembre 2015, Maître [V], huissier de justice auquel Maître [Z]-[U] avait remis les clefs du local dans le cadre de la procédure de saisie immobilière, a indiqué au conseil de M. [M] [C] qu'il ne pouvait remettre les clefs à ce dernier dans la mesure où plusieurs personnes différentes l'avait saisi de la même demande.
Le 23 décembre 2015, les consorts [C] ont fait constater par huissier de justice que le local constituant le restaurant était fermé et recouvert d'un adhésif 'bail à céder', et que la porte de l'immeuble était munie de verrous neufs.
Le 15 janvier 2016, le conseil de M. [M] [C] a vainement mis en demeure la SCI LE MARLOU de mettre un terme à cette offre de location et de lui remettre les clefs des locaux, faisant valoir que l'indivision [C] était toujours titulaire d'un bail en cours.
Par acte du 22 septembre 2016, les consorts [C] ont fait assigner devant le tribunal de grande instance de Bobigny la SCI LE MARLOU et M. [H] [S] aux fins d'indemnisation du préjudice résultant de leur éviction fautive des lieux loués.
Par jugement en date du 22 mai 2018, le tribunal de grande instance de Bobigny a :
- Dit M. [B] [C], M. [M] [C] et M. [K] [C] recevables en leur demandes,
- Dit que la SCI LE MARLOU a abusivement évincé M. [B] [C], M. [M] [C] et M. [K] [C] du lot 1 de l'immeuble situé [Adresse 4] dont elle est propriétaire depuis le 24 novembre 2015,
Avant-dire droit, ordonné une expertise judiciaire,
- Commis M. [D] [Y], [Adresse 12] tel [XXXXXXXX01], En qualité d'expert avec pour mission de :
- se rendre sur place, [Adresse 4] (93),
- se faire remettre par les parties tous éléments utiles à sa mission, notamment le bail du 5 mars 1998 et le règlement de copropriété,
- donner son avis sur la valeur de droit au bail résultant de la différence entre le loyer que les consorts [C] auraient payé pour la partie des lieux loués correspondant au lot de copropriété n°1 s'ils avaient pu se maintenir dans les lieux du 24 novembre 2015, date de leur éviction fautive par la SCI LE MARLOU, jusqu'au terme du bail en cours, le 30 juin 2024, et le loyer qu'il leur faudrait payer pour retrouver au prix du marché un local équivalent, la différence ainsi calculée étant capitalisée conformément aux usages applicables en matière de calcul d'indemnité d'éviction,
- donner son avis sur l'éventuel préjudice des consorts [C] résultant du défaut de restitution par la SCI LE MARLOU des matériels, du mobilier commercial et de l'outillage figurant dans l'inventaire joint à l'acte de location-gérance du 26 novembre 2010, dont un exemplaire devra être remis à l'expert par les consorts [C],
- Dit que l'expertise sera mise en oeuvre et que l'expert accomplira sa mission conformément aux dispositions des articles 232 à 248 et 263 à 284 du code de procédure civile,
- Dit que l'expert pourra s'adjoindre tout sapiteur,
- Dit que l'expert, en concertation avec les parties définira un calendrier prévisionnel de ses opérations à l'issue de la première réunion d'expertise et qu'il actualisera ce calendrier en tant que de besoin notamment en fixant un délai aux parties pour procéder aux extensions de mission nécessaires,
- Dit que l'expert devra fixer la date limite de dépôt des observations qui lui seront adressées, rappellera qu'il n'est pas tenu de répondre aux observations transmises après cette date limite et rappellera la date de dépôt de son rapport,
- Dit que l'expert devra déposer son rapport en deux exemplaires au greffe au plus tard le 1er janvier 2019,
- Dit que préalablement à ce rapport, l'expert adressera aux parties un document de synthèse présentant ses conclusions provisoires et destiné à provoquer leurs observations,
- Fixé à 3.000€ la somme à valoir sur la rémunération de l'expert,
- Dit que M. [B] [C], M. [M] [C] et M. [K] [C] devront consigner cette somme entre les mains du Régisseur d'avances et de recettes du tribunal de grande instance de Bobigny dans les DEUX MOIS du présent jugement, à peine de caducité de la mesure d'instruction ordonnée, sauf application des dispositions de l'article 271 du code de procédure civile,
- Désigné le juge de la 5ème chambre, 2ème section de ce tribunal, pour assurer le contrôle de l'expertise,
- Dit que l'affaire sera rappelée par le greffe à l'audience de mise en état de la 5ème chambre, 2ème section de ce tribunal, pour reprise de la procédure après dépôt du rapport d'expertise ou constat de la caducité de la mesure,
- Débouté M. [B] [C], M. [M] [C] et M. [K] [C] de leur demande de condamnation de la SCI LE MARLOU et de M. [H] [S] au paiement de dommages et intérêts pour préjudice moral,
- Débouté M. [H] [S] de sa demande de condamnation de M. [B] [C], M. [M] [C] et M. [K] [C] au paiement de dommages et intérêts pour procédure abusive,
- Sursis à statuer sur les demandes au titre des dépens et des frais irrépétibles jusqu'au dépôt du rapport d'expertise judiciaire,
- Ordonné l'exécution provisoire de la décision en toutes ses dispositions.
Par déclaration en date du 20 juin 2018, la SCI LE MARLOU a interjeté appel de ce jugement.
Par arrêt rendu le 23 octobre 2019, la cour d'appel de Paris statuant sur l'appel du jugement rendu le 26 juillet 2017 par le tribunal de grande instance de Bobigny, dans un autre litige opposant M. [X] [A], locataire-gérant, et son liquidateur, d'une part, et M. [H] [S], la SCI BM ET PARTNERS, la SCI YANN, MM. [M], [K] et [B] [C], Maître [Z]-[U] en qualité d'administrateur judiciaire des consorts [C], d'autre part, a notamment dit que le bail du 5 mars 1998 cédé le 25 janvier 2008 à M. [I] [C] ayant acquis date certaine le 28 janvier 2008 en raison de son enregistrement au SIE de Montreuil Est le 28 janvier 2008 est opposable à M. [H] [S], acquéreur du lot 3 par acte du 7 juillet 2011; fixé la part du loyer revenant à M. [S] en application du bail du 5 mars 1998 à la somme de 400 euros/mois du 1er janvier 2012 au 4 décembre 2015 ; condamné
in solidum la SCI YANN, MM. [B] [C], [K] [C] et [M] [C] à régler à M. [H] [S] la somme de 18 838,70 euros au titre de la part de loyer qu'il aurait dû percevoir pour la période allant du 1er janvier 2012 au 4 décembre 2015.
Dans ses dernières conclusions notifiées par RPVA le 19 juin 2020, la SCI LE MARLOU demande à la Cour de :
Vu les articles L144-3, L 145-1, L 145-14, L145-28 du code de commerce,
Vu les dispositions de l'article 31 du code de procédure civile,
Vu les pièces versées aux débats,
CONSTATER que le Jugement du 22 mai 2017 (sic) a été rendu en suite d'une mauvaise appréciation des faits soumis à son appréciation,
EN CONSEQUENCE
REFORMER la décision entreprise et statuant à nouveau :
CONSTATER le défaut d'intérêt et de qualité à agir des demandeurs tirés du défaut de droit à application du statut des baux commerciaux,
CONSTATER le défaut d'intérêt et de qualité à agir des demandeurs tirés du défaut d'existence d'un quelconque fonds de commerce,
EN CONSEQUENCE
DEBOUTER MM. [M], [K] et [B] [C] de l'ensemble de leurs demandes,
fins et conclusions,
SUBSIDIAIREMENT
- Modifier les chefs de missions de l'Expert en distinguant 1) la valorisation du droit au
bail et 2) le calcul de la différence entre le loyer que les consorts [C] auraient
payé pour la partie des lieux loués correspondant au lot n°1 s'ils s'étaient maintenus
dans le lieux du 24 novembre 2015 jusqu'au terme du bail dont ils se prévalent le 30 juin 2024, et le loyer qu'il leur faudrait payer pour prendre au prix du marché un local
équivalent
- Prononcer le sursis à statuer en l'attente du dépôt du rapport de M. l'Expert
[D] [Y]
EN TOUT ETAT DE CAUSE
CONDAMNER solidairement MM. [M], [K] et [B] [C] à payer à la
société LE MARLOU la somme de 1.500 euros chacun sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Dans leurs dernières conclusions, notifiées par le RVPA le 13 janvier 2020, M. [M] [C], M. [K] [C], et M. [B] [C] demandent à la Cour de :
Vu les dispositions des articles 1240 et suivants du Code Civil,
Vu l'article 1405 du Code Civil,
Vu l'article 1719 du Code Civil,
Vu les pièces versées aux débats,
Vu l'arrêt en date du 23 octobre 2019 de la Cour d'Appel de Paris - Pôle 5 - Chambre 3
- Débouter purement et simplement la SCI LE MARLOU et M. [S] de l'intégralité de leurs demandes, fins et conclusions et notamment de leurs fins de non recevoir,
En conséquence, confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a :
- Déclaré recevables MM. [B] [C], [K] [C] et [M] [C] en leurs demandes,
- Dit que la SCI LE MARLOU a abusivement évincé MM. [B] [C], [K] [C] et [M] [C] du lot n°1 de l'immeuble sis [Adresse 4],
- Avant dire droit, ordonné une expertise judiciaire et commis pour ce faire, M. [D] [Y],
- Débouté M. [S] de sa demande de condamnation de MM. [B] [C], [K] [C] et [M] [C] au paiement de dommages et intérêts pour procédure abusive,
- Sursis à statuer sur les demandes au titre des dépens et des frais irrépétibles jusqu'au dépôt du rapport d'expertise judiciaire,
Infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a :
- Débouté les consorts [C] de leurs demandes de condamnation de la SCI LE MARLOU et de M. [S] au paiement de dommages et intérêts pour préjudice moral,
Statuant à nouveau :
- Constater que le bail initial du 5 mars 1998, cédé à M. [I] [C] le 25 janvier 2008, s'est poursuivi tacitement et dès lors, est opposable à M. [S] pour n'avoir jamais été résilié,
- En conséquence, dire et juger que M. [S] a abusivement évincé MM. [C] du lot n°3 de l'immeuble sis [Adresse 4], dont il est propriétaire depuis le 7 juillet 2011,
- Dire l'expertise judiciaire confiée à M. [D] [Y] opposable à M. [S],
- Etendre la mission de l'expert et à ce titre, dire que l'expert devra :
- Donner son avis sur la valeur du droit au bail résultant de la différence entre le loyer que les consorts [C] auraient payé pour le lot n°3 s'ils avaient pu se maintenir dans les lieux du 12 mars, date de leur éviction fautive par M. [S] jusqu'au terme du bail en cours, le 30 juin 2024, et le loyer qu'il leur faudrait payer pour retrouver au prix du marché un local équivalent, la différence ainsi calculée étant capitalisée conformément aux usages applicables en matière de calcul d'indemnités d'éviction,
- Condamner in solidum M. [S] et la SCI LE MARLOU à payer à MM. [B], [K] et [M] [C] la somme de 20.000 € au titre du préjudice moral subi.
- Condamner in solidum M. [H] [S] et la SCI LE MARLOU à payer à MM. [M], [B] et [K] [C], la somme de 10.000 € chacun au titre de l'article 700 du CPC,
- Condamner in solidum M. [H] [S] et la SCI LE MARLOU aux entiers dépens, dont recouvrement au profit de Maître Pascale FLAURAUD avocat au Barreau de PARIS, conformément aux dispositions de l'article 699 du CPC,
Dans ses dernières conclusions notifiées par le RVPA le 5 février 2020, M. [H] [S] demande à la Cour de :
Vu la jurisprudence constante ;
Vu les pièces versées au débat ;
Vu les articles 109, 110 et 378 du Code de procédure civile ;
Vu les articles L.145-9 et suivants du Code de commerce ;
Vu l'article 700 du CPC ;
' SURSEOIR A STATUER dans l'attente de la décision qui sera rendue par leTribunal de Grande Instance de Bobigny saisi en garantie par M. [H] [S] à l'encontre de la SCI YANN, de la SCI du [Adresse 4], de M. [T] et de Mme [E] [F] épouse [T] ;
' SURSEOIR A STATUER dans l'attente de la décision qui sera rendue par la Cour de Cassation saisie à l'encontre de l'arrêt rendu par la Cour d'Appel de Paris le 23 Octobre 2019, afin d'éviter une contrariété de décision et de faciliter une bonne administration de la justice ;
En tout état de cause,
' CONSTATER que les consorts [C] ne justifient nullement avoir exploité et payé un loyer pour les locaux dont ils disent avoir été évincés et ce depuis plusieurs années, avant même qu'un congé leur ait été délivré par leur bailleur, à savoir la SCI YANN ;
' CONSTATER que le congé délivré par la SCI YANN en date du 13 Octobre 2014, à effet du 30 Juin 2015, a mis fin au bail et qu'ainsi les consorts [C] ne sauraient se prévaloir valablement d'une quelconque éviction au mois de décembre 2015 ou en mars 2016 ;
' DIRE que c'est de leur propre fait que les locaux ont été abandonnés et libérés ;
' DIRE ET JUGER que la présente action est en fait une action spéciale prévue par les dispositions des articles L. 145-9 et suivants du Code de commerce ;
' DIRE que les demandes formées par les consorts [C] à l'égard de M. [H] [S] sont prescrites ;
' DIRE ET JUGER que la valeur locative des locaux était à minima égale à 2.200 € hors taxes et hors charges par mois ;
En conséquence,
' DEBOUTER les consorts [C] de l'ensemble de leur prétention sachant qu'ils ne démontrent ni une faute, ni un préjudice, ni un lien de causalité entre la prétendue faute et le préjudice invoqué ;
' METTRE HORS DE CAUSE M. [H] [S] ;
En tout état de cause,
' REDEFINIR la mission de l'Expert désigné, à savoir M. [D] [Y] qui devra également interroger la SCI YANN et considérer que le loyer de référence s'élevait à 2.200 € HT et Hors charges par mois ;
' CONDAMNER in solidum MM. [M], [K] et [B] [C] à verser à M. [H] [S] une somme de 10.000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;
' CONDAMNER in solidum MM. [M], [K] et [B] [C] aux entiers dépens.
L'ordonnance de clôture a été prononcée le 2 juillet 2020.
MOTIFS DE LA DECISION
Sur le sursis à statuer :
Selon les dispositions de l'article 378 du code de procédure civile, la décision de sursis à statuer suspend le cours de l'instance pour le temps ou jusqu'à la survenance de l'événement qu'elle détermine.
La cour rappelle que le sursis à statuer pour une bonne administration de la justice est discrétionnaire.
M. [H] [S] invoque en premier lieu au soutien de sa demande de sursis à statuer l'instance en garantie devant le tribunal de grande instance de Bobigny qu'il déclare avoir été contraint d'initier à l'encontre de la SCI du [Adresse 4], M. [T] son gérant et Mme [T] née [F] et enfin la SCI YANN en suite de l'arrêt de la cour d'appel en date du 23 octobre 2019 lui déclarant opposable le bail régularisé entre la SCI du [Adresse 4] et Mme [F].
Si aux termes de l'article 109 du code de procédure civile, le juge peut accorder un délai au défendeur pour appeler un garant, la cour relève cependant que l'issue de la présente instance est indépendante de la responsabilité des appelés en garantie ; qu'en outre M. [H] [S] a tardé à agir à leur encontre, l'opposabilité du bail à son égard étant en débat depuis plusieurs années.
Il ne sera dès lors pas fait droit à la demande de sursis à statuer de ce chef.
M. [H] [S] ne peut pas davantage se prévaloir du pourvoi en cassation formé contre l'arrêt rendu le 23 octobre 2019 dès lors que cette voie de recours n'est pas suspensive d'exécution et qu'il ne serait pas de l'intérêt d'une bonne administration de la justice, au regard de l'ancienneté du litige et de l'expertise en cours, d'en retarder la solution.
La demande de sursis à statuer sera en conséquence écartée.
Sur l'intérêt et la qualité à agir des consorts [C] :
Selon les dispositions de l'article 31 du code de procédure civile, l'action est ouverte à tous ceux qui ont un intérêt légitime au succès ou au rejet d'une prétention sous réserve des cas dans lesquels la loi attribue le droit d'agir aux seules personnes qu'elle qualifie pour élever ou combattre une prétention ou défendre un intérêt déterminé.
Il n'est plus contesté par la SCI LE MARLOU que les consorts [C] sont propriétaires indivis dans le cadre d'une indivision successorale du fonds de commerce de café-restaurant situé [Adresse 4]. Elle invoque en revanche leur défaut d'intérêt et de qualité à agir en faisant valoir qu'ils ne peuvent bénéficier du statut des baux commerciaux ouvrant droit au paiement d'une indemnité d'éviction en l'absence d'immatriculation au registre du commerce et des sociétés et à défaut d'existence d'un quelconque fonds, faute d'exploitation depuis l'ouverture de la liquidation judiciaire du locataire-gérant, soutenant en outre que le congé délivré le 13 octobre 2014 à effet au 30 juin 2015 a mis fin au bail.
La cour relève cependant que l'action des consorts [C] est fondée sur les dispositions des articles 1240 et 1719 du code civil et non pas sur les dispositions des articles L. 145-1 et suivants du code de commerce ainsi que l'a retenu le premier juge. Il en résulte dès lors que le moyen tiré du défaut de droit au statut est inopérant sans qu'il soit nécessaire d'en examiner le détail.
La SCI LE MARLOU ne peut pas davantage prétendre que le congé délivré le 13 octobre 2014 par la société YANN a mis fin au bail à sa date d'échéance alors que, s'agissant d'un congé avec offre de renouvellement, un nouveau bail a commencé à courir à compter de la date d'effet du congé soit à compter du 1er juillet 2015, peu important que le locataire n'ait pas accepté l'offre et que les parties ne se soient pas accordées sur le prix du bail renouvelé, le bail étant renouvelé aux conditions antérieures du fait de l'inaction des parties et donc à l'ancien loyer.
Ce bail n'étant pas résilié, la qualité et l'intérêt à agir des consorts [C] ne peuvent être remis en cause par la SCI LE MARLOU.
Sur l'éviction fautive :
La SCI LE MARLOU ne développe au soutien de sa demande d'infirmation du jugement aucun moyen de fond de nature à remettre en cause l'appréciation du premier juge qui par des motifs pertinents que la cour adopte a retenu qu'elle avait par ses agissements manqué à son obligation de délivrance et doit réparation aux consorts [C] du préjudice causé par sa faute.
S'agissant des manquements reprochés à M. [H] [S], ce dernier fait valoir qu'il n'a commis aucune faute ; qu'il n'a en effet jamais encaissé un quelconque loyer ; qu'il n'a pas procédé à l'éviction des consorts [C] qui lui ont restitué les lieux de leur propre chef ; qu'il a acquis lesdits locaux libres de toute occupation et de toute location ; que le fonds n'était plus exploité depuis a minima mars 2014 et que faute pour les consorts [C] de justifier de leur exploitation dans les trois dernières années précédant leur prétendue éviction, ils sont privés de la possibilité de demander une indemnisation et du droit au renouvellement ; que le bail a d'ailleurs pris fin par l'effet du congé délivré par la SCI YANN à effet au 30 juin 2015 ; qu'enfin, l'action des consorts [C] est une action spéciale prévue par les dispositions des articles L. 145-9 et suivants du code de commerce et est dès lors prescrite.
La cour relève que M. [H] [S] ne vise dans le dispositif de ses conclusions qui seul saisit la cour aucun fondement textuel à sa demande de prescription. En tout état de cause, il sera rappelé que l'action des consorts [C] est fondée sur les dispositions des articles 1240 et 1719 du code civil et non sur les dispositions des articles L. 145-1 et suivants du code de commerce de sorte que seul est applicable le délai de prescription de droit commun non invoqué en l'espèce.
Il résulte par ailleurs de l'arrêt rendu le 23 octobre 2019 par la présente cour que le bail du 5 mars 1998 cédé le 25 janvier 2008 à M. [I] [C] est opposable à M. [H] [S] en sa qualité d'acquéreur du lot 3 par acte du 7 juillet 2011. Il a ainsi la qualité de bailleur du lot 3 tenu à ce titre d'une obligation de délivrance de la chose louée et de garantie de la jouissance paisible des lieux loués dont la méconnaissance l'oblige à réparation.
Il est inopérant pour M. [H] [S] de se prévaloir du congé délivré par la SCI YANN, propriétaire du seul lot 1 qui ne peut produire effet sur le lot 3, dont il a au surplus été ci-dessus précisé qu'il a fait courir un nouveau bail à compter du 1er juillet 2015.
Il n'est pas justifié de la résiliation du bail sur le lot 3 qui, en l'absence de congé, s'est poursuivi par tacite reconduction depuis le 6 mars 2007, sans faire l'objet d'une quelconque procédure de résiliation judiciaire pour défaut de paiement du loyer, peu important dès lors qu'il ne soit pas justifié par les consorts [C] du paiement des loyers.
M. [H] [S] ne peut pas davantage invoquer une restitution amiable des lieux en se prévalant des conclusions notifiées dans le cadre de l'instance initiée par M. [X] [A] tant par MM. [K] et [B] [C] le 21 décembre 2015 que par la SCI YANN et M. [M] [C] le 10 mars 2016. La cour rappelle en effet que par ordonnance de référé rendue le 16 avril 2012 il avait été ordonné à la SCI YANN, M. [M] [C] et M. [X] [A] de mettre fin à l'occupation du local se trouvant sur le lot 3, ladite injonction étant assortie d'une astreinte dont la liquidation a été à plusieurs reprises sollicitée y compris à l'encontre de MM. [K] et [B] [C] qui n'étaient pourtant pas partie à l'ordonnance de référé. Elle relève par ailleurs que si, aux termes de conclusions notifiées le 21 décembre 2015, ces derniers ont sollicité qu'il leur soit donné acte de leur accord pour restituer la chambre froide revendiquée par M. [H] [S], ils rappelaient néanmoins qu'ils étaient locataires de lieux en indivision avec leur frère [M] et qu'ils sollicitaient un accord global tant avec ce dernier qu'avec la SCI YANN et M. [S] lesquels voulaient leur faire supporter l'astreinte sans qu'ils soient partie à l'ordonnance l'ayant fixée. Quant à la SCI YANN et à M. [M] [C], ils faisaient valoir qu'ils étaient étrangers à l'occupation de ce local en cause par M. [X] [A], les parties s'opposant sur l'assiette de la location-gérance.
Il ne résulte dès lors pas des conclusions invoquées par M. [H] [S] une quelconque volonté non équivoque des consorts [C] de résilier le bail portant sur le lot 3, la cour observant en tout état de cause que les lieux ont été restitués à M. [H] [O] par la SCI LE MARLOU et non par les consorts [C].
Enfin, s'il n'est pas discuté que l'exploitation du fonds a cessé lors de l'ouverture de la procédure de liquidation judiciaire du locataire-gérant, il sera cependant relevé que les clés ont été restituées par le liquidateur à l'administrateur judiciaire de l'indivision, lequel les a remises à l'huissier poursuivant dans le cadre de la procédure de saisie immobilière du lot 1 appartenant à la SCI YANN, les consorts [C] en sollicitant vainement la restitution.
Le jugement entrepris déboutant les consorts [C] de leurs demandes à l'égard de M. [H] [S] sera en conséquence infirmé et l'expertise étendue à M. [H] [S] et au lot 3.
Sur la mission de l'expert :
Ainsi que l'a relevé le premier juge, les preneurs, du fait de leur éviction, vont devoir retrouver un autre local et ont droit à une indemnisation égale à la valeur du droit au bail. Cette valeur sera déterminée selon la méthode du différentiel correspondant à la différence entre la valeur locative de marché et le loyer tel qu'il aurait été perçu si le bail avait été renouvelé.
S'agissant du loyer, il ne peut enfin être valablement soutenu par M. [H] [S] que le loyer de référence s'élève à la somme mensuelle de 2.200 euros hors taxes et hors charges dès lors que du fait de l'inaction des parties en suite du congé avec offre de renouvellement délivré par la société YANN, le bail du 5 mars 1998 s'est trouvé renouvelé aux conditions antérieures.
Il résulte en revanche du contrat de location-gérance conclu le 26 novembre 2010 qu'à cette date le loyer du bail du 5 mars 1998 s'élevait à la somme de 2.000 euros par mois. C'est d'ailleurs sur cette base que la cour dans son arrêt du 23 octobre 2019 a évalué la part du loyer revenant à M. [H] [S], à savoir 20 % du loyer global.
Sur les dommages-intérêts :
Les consorts [C] sollicitent l'infirmation du jugement les ayant déboutés de leur demande de condamnation de la SCI LE MARLOU et de M. [H] [S] au paiement de dommages-intérêts en réparation du préjudice moral subi. Ils leur reprochent d'avoir profité de leur mésentente pour les évincer du fonds dont ils étaient propriétaires, faisant valoir que la multiplicité des procédures a engendré nombre de tracas et envenimé les rapports familiaux.
Il est indiscutable que la mésentente des consorts [C] a conduit à la désignation d'un administrateur judiciaire de l'indivision par ordonnance du 22 juillet 2013, les difficultés étant apparues dès l'origine du contrat de location-gérance, en décembre 2010, ainsi qu'il résulte du rapport de fin de mission de Maître [Z]-[U]. Il n'est cependant pas établi que la SCI LE MARLOU et M. [H] [S] ont profité de cette mésentente pour les évincer de leur fonds et il n'est pas davantage justifié d'un quelconque préjudice moral découlant de cette éviction.
Le jugement entrepris les déboutant de leur demande de dommages-intérêts au titre d'un préjudice moral sera donc confirmé.
Sur les autres demandes :
La SCI LE MARLOU et M. [H] [S] qui succombent supporteront les dépens d'appel dont distraction au profit de Maître Pascale FLAURAUD dans les conditions de l'article 699 du code de procédure civile.
Il n'y a pas lieu en revanche de faire application de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La cour statuant publiquement, par mise à disposition au greffe, contradictoirement,
Confirme le jugement entrepris sauf sur la mission de l'expert,
Infirmant de ce chef et y ajoutant,
- Dit que M. [H] [S] a abusivement évincé les consorts [C] du lot n° 3 de l'immeuble situé à [Adresse 4],
- Dit l'expertise judiciaire opposable à M. [H] [S],
- Modifie la mission de l'expert et l'étend au lot 3,
- Dit que l'expert devra donner son avis sur la valeur du droit au bail résultant de la différence entre le loyer de marché et le loyer que les consorts [C] auraient payé pour les lots 1 et 3 si le bail avait été renouvelé, la différence étant capitalisée conformément aux usages applicables en matière de calcul d'indemnité d'éviction,
- Dit que le loyer de référence s'élève à la somme de 2.000 euros par mois HT et HC au 26 novembre 2010,
Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne la SCI LE MARLOU et M. [H] [S] in solidum aux dépens d'appel dont distraction au profit de Maître Pascale FLAURAUD en application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
LA GREFFIÈRE POUR LA PRÉSIDENTE EMPÊCHÉE