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04/11/2020 | FRANCE | N°18/08150

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 6, 04 novembre 2020, 18/08150


REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS





COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 6 - Chambre 6



ARRET DU 04 NOVEMBRE 2020



(n° 2020/ , 2 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 18/08150 - N° Portalis 35L7-V-B7C-B57GX



Décision déférée à la Cour : Jugement du 05 Avril 2018 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de Paris - RG n° f17/09638





APPELANT



Monsieur [J] [W]

[Adresse 2]

Représenté par Me Adeline TISON, a

vocat au barreau de PARIS, toque : J152





INTIMEE



SAS UNITED PARCEL SERVICE FRANCE prise en la personne de son président en exercice

[Adresse 1]

Représentée par Me Loïc HERON de la...

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 6

ARRET DU 04 NOVEMBRE 2020

(n° 2020/ , 2 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 18/08150 - N° Portalis 35L7-V-B7C-B57GX

Décision déférée à la Cour : Jugement du 05 Avril 2018 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de Paris - RG n° f17/09638

APPELANT

Monsieur [J] [W]

[Adresse 2]

Représenté par Me Adeline TISON, avocat au barreau de PARIS, toque : J152

INTIMEE

SAS UNITED PARCEL SERVICE FRANCE prise en la personne de son président en exercice

[Adresse 1]

Représentée par Me Loïc HERON de la SELARL MGG LEGAL, avocat au barreau de PARIS, toque : G0668

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 22 Septembre 2020, en audience publique, devant la Cour composée de :

Madame Christine DA LUZ, Présidente de chambre

Madame Nadège BOSSARD, Conseillère

Monsieur Stéphane THERME, Conseiller

qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l'audience par Madame Nadège BOSSARD, Conseillère, dans les conditions prévues par l'article 804 du code de procédure civile.

Greffier : Madame Pauline MAHEUX, lors des débats

ARRÊT :

- contradictoire,

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile,

- signé par Madame Christine DA LUZ, Présidente de chambre et par Madame Pauline MAHEUX Greffière, présente lors de la mise à disposition.

RAPPEL DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE :

M. [J] [W] a été embauché par la société Kiala selon contrat de travail à durée indéterminée à compter du 12 septembre 2005, en qualité de « Responsable logistique » avec le statut de « Cadre ' Groupe 6 » de la convention collective.

A compter du 1er septembre 2011, M. [W] est devenu « Directeur des opérations et du Réseau », cette modification n'ayant pas fait l'objet d'un avenant à son contrat de travail. Sa rémunération fixe s'élevait à 145.000 euros bruts annuels et sa rémunération variable à un montant maximum annuel de 10.000 euros, payée trimestriellement, au prorata du niveau d'accomplissement d'objectifs quantitatifs et qualitatifs.

Dans le cadre de ses fonctions, M. [W] dirigeait principalement les APSR (équipe commerciale assurant la gestion des différents « Access Points '' - à savoir les points de distribution et de collecte des colis) et le centre d'appels (NOC), assurait le suivi du réseau des 'Access Points' de la société Kiala et la direction des aspects opérationnels de la société.

Le groupe Kiala a fait l'objet d'un rachat par la société UPS en février 2012.

Par avenant du 20 mars 2012, M. [W] est devenu Cadre ' Groupe 7 de la Convention collective applicable.

Le 20 décembre 2013, la société UPS France a acquis l'intégralité des parts de la société Kiala France.

Selon avenant n°3 du 24 mars 2014, la rémunération variable a été supprimée et il a été convenu entre les parties que M. [W] ne percevrait qu'une seule rémunération fixe à compter du 1er janvier 2014 de 120.576 euros bruts, soit 10.048 euros bruts mensuels.

La société Kiala a fait l'objet d'une transmission universelle de patrimoine à la société UPS.

Par avenant en date du 18 mai 2016, le contrat de travail de M. [W] a été transféré à la société UPS France SNC à compter du 1er juin 2016, avec reprise intégrale de son ancienneté, maintien de sa rémunération brute mensuelle de 10 048 euros pour 218 jours de travail par an outre une gratification au mois de décembre et les primes prévues par accord d'entreprise.

M. [W] a pris acte de la rupture de son contrat de travail par courrier recommandé avec accusé de réception adressée le 11 août 2017 dans lequel il mentionnait avoir subi une modification anormale de son contrat de travail depuis la fusion de Kiala avec UPS en ayant perdu ses attributions de Directeur des opérations et des réseaux, son activité opérationnelle ayant été absorbée par M. [Y], cadre d'UPS, ainsi que ses équipes.

Le 24 novembre 2017, il a saisi le conseil de prud'hommes de Paris afin de voir juger que sa prise d'acte produise les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Par jugement du 5 avril 2018, le conseil de prud'hommes de Paris a :

- débouté M. [W] de l'ensemble de ses demandes ;

- débouté UPS France de sa demande reconventionnelle ;

- condamné Monsieur [W] aux dépens.

M. [W] a interjeté appel le 27 juin 2018.

Selon ses dernières conclusions remises au greffe, signifiées par le réseau privé virtuel des avocats le 20 mars 2019, auxquelles la cour se réfère expressément, M. [W] demande de :

- déclarer M. [W] recevable et bien fondé en ses demandes, fins et prétentions, et en son appel contre la société UPS,

En conséquence :

- infirmer le jugement en ce qu'il a débouté M. [W] de l'ensemble de ses demandes,

- dire que la société UPS a méconnu les dispositions du contrat de travail de M. [W],

- dire que la société UPS a manqué à ses obligations légales et contractuelles à l'égard de M. [W],

- dire que la société UPS a modifié les dispositions du contrat de travail de M. [W] sans son accord exprès,

- dire que la prise d'acte du contrat de travail de M. [W] a été effectuée aux torts exclusifs de la société UPS,

- dire que la prise d'acte de M. [W] produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse,

En conséquence de quoi :

- condamner la société UPS à verser à M. [W] les sommes suivantes :

- 57.598,73 euros au titre de l'indemnité de licenciement ;

- 123.623,97 euros au titre de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

- 30.848,19 euros d'indemnité compensatrice de préavis ;

- 3.085 euros d'indemnité compensatrice de congés payés sur préavis ;

- 17.889 euros d'indemnité compensant la perte des stock-options ;

- condamner la société UPS à payer à M. [W] 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour la procédure de première instance, et 5.000 euros au titre de la procédure d'appel ainsi qu'aux entiers dépens.

Selon ses dernières conclusions remises au greffe, signifiées le par réseau privé virtuel des avocats le 20 juin 2019 auxquelles la cour ses réfère expressément, la société UPS France demande de :

À titre principal :

- dire et juger que la société n'a commis aucun manquement légal ou contractuel,

- confirmer le jugement rendu le 5 avril 2018 en ce qu'il a dit que la prise d'acte de M. [W] devait s'analyser en une démission et débouté en conséquence M.[W] de l'intégralité de ses demandes,

- condamner M. [W] à payer à la société UPS France la somme de 31.950 euros au titre de dommages-intérêts pour défaut d'exécution du préavis conventionnel,

À titre subsidiaire :

- dire et juger que les manquements d'UPS France allégués par l'appelant n'existaient plus au moment de la rupture,

En conséquence :

- confirmer le jugement rendu le 5 avril 2018 en ce qu'il a dit que la prise d'acte de M. [W] devait s'analyser en une démission et débouté en conséquence M. [W] de l'intégralité de ses demandes,

- Condamner M. [W] à payer à la société UPS France la somme de 31.950 euros au titre de dommages-intérêts pour défaut d'exécution du préavis conventionnel,

À titre infiniment subsidiaire :

- dire et juger les demandes de M. [W] excessives et les ramener à de plus justes proportions,

En tout état de cause :

- confirmer le jugement rendu le 5 avril 2018 en ce qu'il a débouté M. [W] de sa demande d'indemnité compensant la perte de stock-options,

- condamner M. [W] à verser à la société UPS France 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour la procédure de première instance, et 5.000 euros au titre de la procédure d'appel,

- condamner M. [W] aux entiers dépens.

L'ordonnance de clôture a été prononcée le 7 septembre 2020.

En application de l'article 442 du code de procédure civile, le 25 septembre 2020, la cour a sollicité les observations des parties par note en délibéré à adresser à la cour via le réseau privé virtuel des avocats au plus tard le 9 octobre 2020, au visa des articles 16, 562, 908,909, 954 du code de procédure civile sur l'absence dans les seules conclusions de l'intimé prises dans le délai prévu par l'article 909 de demande d'infirmation du jugement déféré et sur l'absence d'effet dévolutif des conclusions d'appel incident.

Par note en délibéré adressée via le réseau privé virtuel des avocats le 28 septembre 2020, la société UPS expose qu'aux termes de l'article 561 du Code de procédure civile « l'appel remet la chose jugée en question devant la juridiction d'appel pour qu'il soit à nouveau statué en fait et en droit '' et que l'article 562, alinéa 1, du même code dispose que « l'appel ne défère à la cour que la connaissance des chefs de jugement qu'il critique expressément ou implicitement et de ceux qui en dépendent ''. Il fait valoir que la règle de formalisme strict posée par l'arrêt n°827 du 17 septembre 2020 (Cass. Civ. 2ème, n°18-23.626) n'a pas vocation à s'appliquer à la présente instance, introduite par une déclaration d'appel du 27 juin 2018, soit à une date antérieure au 17 septembre 2020. Il souligne qu'au paragraphe 5 de l'arrêt précité, la Cour de cassation précise : « [...] l'application immédiate de cette règle de procédure, qui résulte de l'interprétation nouvelle d'une disposition []qui n'a jamais été affirmée par la Cour de cassation [...], dans les instances introduites [avant le 17 septembre 2020]aboutirait à priver les [parties] du droit à un procès équitable ''.

La société UPS soutient qu'en interjetant appel, M. [W] a demandé à la Cour : « d'infirmer le jugement en ce qu'il n'a pas considéré la prise d'acte de M. [W] comme un licenciement sans cause réelle et sérieuse mais comme une démission, avec les conséquences indemnitaires qui en découlent ''. La société UPS en déduit que c'est tout le jugement prud'homal qui a été dévolu à la Cour, y compris les conséquences indemnitaires de la qualification donnée à la prise d'acte de M.[W] au sens des chefs de demande qui en dépendent visés à l'article 562 du code de procédure civile.

Par note en délibéré adressée via le réseau privé virtuel des avocats le 9 octobre 2020, M. [W] fait valoir que l'appel fixe l'étendue de la dévolution à l'égard des parties intimées, et cette saisine initiale ne peut être élargie que par un appel incident ou un appel provoqué et qu'il est de jurisprudence constante que la cour ne peut aggraver le sort de l'appelant sur son unique appel et en l'absence d'appel incident de l'intimé. Il précise que dans ses conclusions d'appelant, il demande à la cour d'« infirmer le jugement en ce qu'il l'a débouté de l'ensemble de ses demandes ». Il fait observer que les demandes reconventionnelles faites dans l'intérêt de la société UPS dépendent d'un chef du jugement dont il n'a pas été relevé appel par M. [W], que ces demandes tendent à voir aggraver le sort de M. [W] en ce qu'elles visent à le voir condamner au paiement de la somme de 31.950 euros au titre de dommages-intérêts pour défaut d'exécution du préavis conventionnel. Il en conclut que la société UPS aurait donc dû présenter ses demandes sous forme d'appel incident pour espérer les voir prospérer et qu'au regard de l'article 562 du code de procédure civile et de la jurisprudence susvisée, il ne peut être fait droit à la demande de la société UPS, de voir M. [W] condamné à lui verser une indemnité de 31.950 euros au titre de dommages-intérêts pour défaut d'exécution du préavis conventionnel, celle-ci devra donc être rejetée.

MOTIFS :

Sur l'effet dévolutif de l'appel :

L'article 551 du code de procédure civile dispose que l'appel incident ou l'appel provoqué est formé de la même manière que le sont les demandes incidentes.

C'est donc par conclusions qu'est formé l'appel incident.

L'article 954 exige que les conclusions d'appel formulent expressément les prétentions des parties et les moyens de fait et de droit sur lesquels chacune de ces prétentions est fondée avec indication pour chaque prétention des pièces invoquées et de leur numérotation. Un bordereau récapitulatif des pièces est annexé.

Les conclusions comprennent distinctement un exposé des faits et de la procédure, l'énoncé des chefs de jugement critiqués, une discussion des prétentions et des moyens ainsi qu'un dispositif récapitulant les prétentions. Si, dans la discussion, des moyens nouveaux par rapport aux précédentes écritures sont invoqués au soutien des prétentions, ils sont présentés de manière formellement distincte.

La cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif et n'examine les moyens au soutien de ces prétentions que s'ils sont invoqués dans la discussion.

Les parties doivent reprendre, dans leurs dernières écritures, les prétentions et moyens précédemment présentés ou invoqués dans leurs conclusions antérieures. A défaut, elles sont réputées les avoir abandonnés et la cour ne statue que sur les dernières conclusions déposées.

La partie qui conclut à l'infirmation du jugement doit expressément énoncer les moyens qu'elle invoque sans pouvoir procéder par voie de référence à ses conclusions de première instance.

Le dernier alinéa de l'article 954 vise expressément l'infirmation du jugement.

En sus l'article 542 du code de procédure civile, précise que l'appel tend, par la critique du jugement rendu par une juridiction du premier degré, à sa réformation ou à son annulation par la cour d'appel.

Selon l'article 562 du code de procédure civile, dans sa rédaction applicable aux appels interjetés à compter du 1er septembre 2017, l'appel défère à la cour la connaissance des chefs de jugement qu'il critique expressément et de ceux qui en dépendent.

La dévolution ne s'opère pour le tout que lorsque l'appel tend à l'annulation du jugement ou si l'objet du litige est indivisible.

Ces dispositions publiées le 6 mai 2017, sont entrées en vigueur le 1er septembre 2017 soit dix mois avant l'appel interjeté par M. [W] de sorte que celui-ci a disposé d'un temps suffisant pour s'approprier ces nouvelles dispositions et que leur application ne le prive pas d'un droit à un procès équitable.

Il résulte de ces articles combinés que l'appel n'opère effet dévolutif que s'il précise les chefs de jugement critiqués et en sollicite expressément l'infirmation.

En l'espèce, la société UPS se limite à solliciter la condamnation de M. [W] à lui payer une somme à titre de dommages-intérêts pour défaut d'exécution du préavis conventionnel sans critiquer expressément le jugement qui avait rejeté cette demande et sans en demander l'infirmation.

C'est vainement que la société UPS soutient que c'est tout le jugement prud'homal qui a été dévolu à la Cour par l'appel principal, y compris les conséquences indemnitaires de la qualification donnée à la prise d'acte de M.[W], dans la mesure où tant l'étendue de la dévolution à l'égard des parties intimées que la saisine initiale ne peuvent être élargies que par un appel incident ou un appel provoqué et que la cour ne peut aggraver le sort de l'appelant sur son unique appel en l'absence d'appel incident de l'intimé. La demande formulée par UPS, dans ses conclusions d'intimé du 21 décembre 2018, tendant à la condamnation de l'appelant et aggravant le sort de ce denier ne constitue pas un chef de demande qui dépend de l'appel principal et n'entre donc pas dans le champ de son effet dévolutif.

Il en résulte que les conclusions de la société UPS signifiées par le réseau privé virtuel des avocats le 21 décembre 2018 ne saisissent pas la cour d'un appel incident.

La cour n'est saisie que de l'appel principal de M. [W] sur laquelle elle statue en prenant en considération les moyens de défense développés par UPS dans ses conclusions du 21 décembre 2018.

Sur la prise d'acte :

La prise d'acte de la rupture produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse lorsque les manquements de l'employeur invoqués par le salarié sont établis et suffisamment graves pour justifier la rupture. A défaut, elle produit les effets d'une démission.

Il résulte de l'organigramme de la société Kiala que M. [W], chargé du management opérationnel du réseau de relais colis, avait 59 personnes sous son autorité. Il n'est pas contesté qu'il a dû à compter de la décision de fusion absorption par UPS travailler à l'intégration des « Access Points » de la base Kiala et du sous-traitant Colis Privé, au sein de la société UPS dont les procédures internes relevaient de M. [Y].

Concomitamment au transfert de ses équipes au sein de celles d'UPS, M. [W] a perdu ses fonctions d'encadrement à leur égard et s'est vu confier des fonctions de développement de l'offre produit.

Le rapport détaillé des objectifs relatifs à M. [W] en date du 12 juillet 2017 mentionne quatre objectifs : le transfert des opérations à OSPSG, le levier d'exploitation total prévu par le plan d'affaires 2017, le volume total dans les UPS Access Point et le développement produits.

Au titre du volume total dans les UPS Access Point, il est demandé à M. [W] de 'travailler avec l'équipe Développement commercial pour vendre les produits UPS Access Points, initier des nouveaux services avec le département IE et créer le suivi opérationnel et les indicateurs clés de performance'. L'objectif est de 'compenser le volume perdu à l'occasion de la migration dans l'activité UPS Access Points grâce à l'activité globale UEP (tous les services). Le but est d'atteindre, à fin 2017, le même ADV qu'en 2016".

Concernant le développement produits, il s'agit de fournir de nouveaux produits au business UPS Access Points pour validation auprès du département marketing afin d'augmenter le business.

Le seul objectif en lien avec son activité antérieure est le 'levier d'exploitation total' lequel ne représente plus que 20% des objectifs.

Il résulte de l'ensemble de ces éléments que M. [W] a conservé sa classification, sa rémunération, son niveau de subordination dans la mesure où il continuait à rapporter à son N+1 mais a perdu une partie de ses responsabilités n'ayant plus d'équipe à encadrer et l'essentiel de ses attributions de sorte que la modification opérée dans le cadre de la réorganisation de la société constitue une modification de son contrat de travail et non une simple modification de ses conditions de travail.

En se limitant à échanger avec M. [W] sur de nouveaux objectifs sans lui adresser d'avenant de modification de son contrat de travail, la société UPS n'a pas exécuté le contrat de travail de bonne foi.

Consciente de son manquement, la société par la voie de sa responsable RH a par courriel du 13 juillet 2017, en réponse à une demande de rupture conventionnelle formulée par M.[W], proposé à celui-ci de reprendre l'intégralité de ses missions en précisant qu'elles lui ' reviennent de plein droit, tout comme le management des équipes APSR et NOC'alors qu'elle venait d'exposer dans le même message que le transfert des attributions de M.[W] avaient fait l'objet d'une décision prise en commun avec le Country Manager et qu'il avait été convenu qu'à l'issue de la phase de transfert des clients il prendrait des responsabilités de développement de l 'offre produit et contribuerait à la stratégie commerciale.

Ce manquement grave de la société UPS à son obligation d'exécution de bonne foi du contrat de travail justifiait la prise d'acte de M. [W] laquelle produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Sur l'indemnité de licenciement :

L'article 17 de l'Annexe IV de la Convention collective des transports routiers dispose que : « 1° Cas général :

Dans le cas de rupture du contrat individuel de travail du fait de l'employeur entraînant le droit au délai-congé, l'employeur versera à l'ingénieur ou cadre congédié, si celui-ci compte au moins 3 années de présence dans l'entreprise, une indemnité de congédiement calculée en fonction de son ancienneté sur la base de son salaire effectif au moment où il cesse ses fonctions.

Le taux de cette indemnité est fixé comme suit :

- 4/10 de mois par année de présence dans la catégorie " Ingénieurs et cadres " ;

- le cas échéant, 3/10 de mois par année de présence dans les catégories "

Techniciens et agents de maîtrise " et " Employés ".

Lorsque la rémunération effective de l'intéressé comporte une partie fixe et une partie variable, la valeur de la partie variable à prendre en considération est la valeur moyenne de cette partie variable au cours des 12 derniers mois. »

Il a droit à la somme de 63.820,23 euros à ce titre. M. [W] ayant déjà reçu une somme de 6.221,50 euros en août 2017, à titre de gratification de départ, lui reste due la somme de 57.598,73 euros. La société UPS est condamnée à la lui payer et le jugement entrepris est infirmé de ce chef.

Sur l'indemnité compensatrice de préavis :

Selon l'article 15 de l'Annexe IV de la convention collective des transports routiers, la durée du délai-congé est de trois mois.

Eu égard à son salaire mensuel brut de base des trois derniers mois de 10.282,73 euros, il lui est alloué la somme de 30.848,19 euros outre 3084,82 euros de congés payés y afférents.

La société UPS est condamnée à lui payer ces sommes et le jugement entrepris est infirmé de ce chef.

Sur l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse :

Selon l'article L1235-3 du code du travail en vigueur à la date de la prise d'acte, si le licenciement d'un salarié survient pour une cause qui n'est pas réelle et sérieuse, le juge octroie une indemnité au salarié. Cette indemnité, à la charge de l'employeur, ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois. Elle est due sans préjudice, le cas échéant, de l'indemnité de licenciement prévue à l'article L. 1234-9.

Eu égard à son ancienneté de onze années, à son salaire mensuel brut sur les douze derniers mois de 10 301,99 euros retenu par le salarié, et à la réinsertion très rapide de M. [W] qui a retrouvé dès septembre 2017 un emploi de même niveau de responsabilité et de rémunération dans une entreprise majeure du même secteur, son préjudice sera réparé par l'allocation de la somme de 65000 euros.

La société UPS est condamnée à lui payer et le jugement entrepris est infirmé de ce chef.

Sur la demande d'indemnité compensant la perte des stock-options :

M. [W] justifie avoir perçu au titre du programme « International management incentive program » (IMIP) une somme de 19 292,16 euros au titre de l'année 2014 et la somme de 19515,14 euros au titre de l'année 2016.

Il résulte de la section 3 du guide administratif relatif à ce plan IMIP que 'pour être éligible en vue de sa participation à l'IMIP, chaque salariée doit être inscrit au registre du personnel (...) Et pour recevoir une prime, les participants doivent être salariés jusqu'à la date d'éligibilité à l'IMIP (31 décembre de chaque année du plan).'

Il s'en déduit, d'une part, qu'il s'agit d'une prime et non de stock-options.

D'autre part, M. [W] ayant quitté la société le 11 août 2017, il n'était plus dans les effectifs le 31 décembre 2017 et ne pouvait percevoir cette prime. Il n'a donc subi aucune perte de chance.

Sa demande est en conséquence rejetée et le jugement entrepris est confirmé de ce chef.

Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile :

La société UPS est condamnée aux dépens de première instance et d'appel et au paiement d'une somme de 3000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS,

LA COUR,

DIT qu'elle n'est pas saisie d'un appel incident,

Statuant sur l'appel principal,

INFIRME le jugement entrepris sauf en ce qu'il a rejeté la demande de dommages-intérêts pour perte de stock-options,

Statuant sur les chefs infirmés,

DIT que la prise d'acte de M. [J] [W] produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse,

CONDAMNE la société UPS- United Parcel Service France à payer à M. [J] [W] les sommes de :

- 57 598,73 euros d'indemnité de licenciement,

- 30 848,19 euros d'indemnité compensatrice de préavis,

- 3084, 82 euros de congés payés y afférents,

- 65 000 euros d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

CONDAMNE la société UPS- United Parcel Service France à payer à M. [J] [W] la somme de 3000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE la société UPS- United Parcel Service France aux dépens de première instance et d'appel.

LA GREFFIÈRELA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 6
Numéro d'arrêt : 18/08150
Date de la décision : 04/11/2020

Références :

Cour d'appel de Paris K6, arrêt n°18/08150 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2020-11-04;18.08150 ?
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