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02/11/2020 | FRANCE | N°19/05505

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 5 - chambre 10, 02 novembre 2020, 19/05505


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS







COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 5 - Chambre 10



ARRÊT DU 02 NOVEMBRE 2020



(n° , 11 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 19/05505 - N° Portalis 35L7-V-B7D-B7QHV



Décision déférée à la Cour : Jugement du 15 Février 2019 -Tribunal de Grande Instance de CRÉTEIL - RG n° 17/09903





APPELANTS



SARL [Adresse 3]

Ayant son siège social [Adresse 2]

[Localité 1]r>
Prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège



Représenté par Me Stéphane LE ROY de l'AARPI GODIN ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : R259





I...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 10

ARRÊT DU 02 NOVEMBRE 2020

(n° , 11 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 19/05505 - N° Portalis 35L7-V-B7D-B7QHV

Décision déférée à la Cour : Jugement du 15 Février 2019 -Tribunal de Grande Instance de CRÉTEIL - RG n° 17/09903

APPELANTS

SARL [Adresse 3]

Ayant son siège social [Adresse 2]

[Localité 1]

Prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

Représenté par Me Stéphane LE ROY de l'AARPI GODIN ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : R259

INTIMEE

L'ADMINISTRATION DES DOUANES, prise en la personne de :

- La directrice de la direction nationale du renseignement et des enquêtes douanières (dnred)

- La receveuse régionale des douanes de la dnred

Ayant ses bureaux [Adresse 1]

[Adresse 4]

[Localité 2]

Représentée par Me Anne-Claire MOYEN de la SELARL URBINO ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : P0137, substituée par Me Nicolas NEZONDET avocat au barreau PARIS

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 28 Septembre 2020, en audience publique, devant la Cour composée de :

Monsieur Edouard LOOS, Président

Madame Sylvie CASTERMANS, Conseillère

Monsieur Stanislas de CHERGÉ, Conseiller

qui en ont délibéré,

Un rapport a été présenté à l'audience par Monsieur Edouard LOOS dans les conditions prévues par l'article 804 du code de procédure civile.

Greffière, lors des débats : Mme Cyrielle BURBAN

ARRET :

- contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par M. Edouard LOOS, Président et par Mme Cyrielle BURBAN, Greffière à qui la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS ET PROCÉDURE

La sarl [Adresse 3] exerce une activité d'achat-revente de carburants et de combustibles.

Dans le cadre d'un contrôle initié le 1er juin 2015, La Direction Nationale du Renseignement et des enquêtes Douanières (DNRED) a constaté que la Sarl [Adresse 3] n'avait pas acquitté pour les années 2013, 2014 et 2015 la taxe générale sur les activités polluantes (TGAP) dans sa composante « carburants » prévue par l'article 266 quindecies du code des douanes.

De ce fait, la société demanderesse s'est vue notifier, sur le fondement de l'article 411-1 du code des douanes et par avis de résultat d'enquête daté du 30 juin 2016, un redressement total de 2 982 735 euros qu'elle a contesté par courrier recommandé du 4 août 2016.

Ce redressement ayant été confirmé par procès-verbal du 28 septembre 2016, l'avis de mise en recouvrement n°2016/39 en découlant a été émis le 20 octobre 2016 pour le montant précité.

Par courrier du 25 février 2017, la Sarl [Adresse 3] a contesté le bien fondé de cet avis de mise en recouvrement, contestation rejetée par l'administration des douanes par courrier recommandé daté du 11 août 2017.

Par acte extrajudiciaire du 17 octobre 2017, la Sarl [Adresse 3] a assigné la DNRED devant le tribunal de grande instance de Créteil afin d'obtenir l'annulation de la décision du 11 août 2017, ensemble l'avis de mise en recouvrement litigieux et l'abandon du redressement notifié à hauteur de 2 982 735 euros.

* * *

Vu le jugement prononcé le 15 février 2019 par le tribunal de grande instance de Créteil qui a a :

- débouté la Sarl [Adresse 3] de l'intégralité de ses demandes

- déclaré l'avis de mise en recouvrement n°2016/39 émis le 20 octobre 2016 pour un montant de 2 982 735 euros régulier, tant sur la forme que sur le fond ;

- condamné la Sarl [Adresse 3] à payer à l'administration des douanes la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- rappelé qu'en vertu de l'article 367 du code des douanes, il n'y a pas lieu à dépens.

Vu l'appel déclaré le 7 mars 2019 par la société [Adresse 3],

Vu l'arrêt prononcé par cette cour le 10 février 2020 qui a refusé de transmettre à la cour de cassation une question prioritaire de constitutionnalité relative à l'article 266 quindecies III alinéa 5 , 2° du code des douanes,

Vu les dernières conclusions signifiées le 11 septembre 2020 par la société [Adresse 3],

Vu les conclusions signifiées le 28 mai 2020 par l'administration des douanes,

La société [Adresse 3] demande à la cour de statuer ainsi qu'il suit :

- recevoir la société [Adresse 3] en son appel et le dire bien fondé ;

Avant dire droit, sur le fondement de l'article 267 du Traité sur le Fonctionnement de l'Union (TFUE),

- renvoyer la cause et les parties devant la Cour de Justice de l'Union Européenne ;

Poser les questions préjudicielles suivants à la CJUE :

L'économie générale et la finalité de la directive 2003/96/CE du 27 octobre 2003, telles que décrites notamment aux points 2 à 9 et 33-34 de l'arrêt de la CJUE du 2 juin 2016 ROZ-SWIT (C-418/14), appliquées en combinaison avec l'article 1er § 2 de la directive n° 2008/118/CE du 16 décembre 2008, s'opposent-elles à un régime national, tel l'article 266 quindecies du Code des douanes français, qui permet la taxation d'un produit pétrolier commercialisé sous forme de mélange de gazole et de biocarburant comme s'il ne comportait aucune teneur de biocarburant, ce en raison du non-respect de plafonds d'incorporation nationaux variables selon les matières premières constitutives de chaque biocarburant '

L'article 1er § 2 de la directive n° 2008/118/CE relative au régime général d'accises du 16 décembre 2008 doit-il être interprété en ce sens qu'il s'oppose au maintien d'une « taxe indirecte à finalité spécifique », dont les caractéristiques sont incompatibles avec l'économie générale des règles des droits d'accise, lorsque la base d'imposition est celle utilisée pour calculer la TVA due en cas de mise à la consommation des carburants, à savoir une valeur fixée forfaitairement pour chaque quadrimestre par décision du directeur général des douanes sur la base du prix CAF moyen des produits importés, ou faisant l'objet d'une acquisition intracommunautaire (majoré du montant des droits de douane applicables aux produits de l'espèce en régime de droit commun en tarif minimum et des taxes et redevances perçues lors de la mise à la consommation, à l'exception de la taxe sur la valeur ajoutée), étant précisé que cette valeur forfaitaire est révisable dans le cas où les prix CAF des produits pétroliers accusent une variation en plus ou en moins, égale ou supérieure à 10 % par rapport aux prix ayant servi de base au calcul de cette valeur (1° du 2 de l'article 298 du code général des impôts français) '

Les modalités de répercussion d'une imposition indirecte font-elles partie de « l'économie générale » d'un droit d'accise au sens de la jurisprudence de la Cour afférente à l'article 1er § 2 de la directive n° 2008/118/CE du 16 décembre 2008 '

Dans l'affirmative, une taxe dont la quotité à répercuter sur le consommateur final n'est pas déterminable au moment de la mise à la consommation est-elle, ou non, une taxe intérieure à finalité spécifique (« TIFS ») conforme à l'article 1er § 2 de la directive 2008/118/CE au regard notamment des règles d'exigibilité d'un droit d'accise '

En cas de réponse positive à la quatrième question, le principe du « pollueur-payeur » consacré par l'article 191 du TFUE doit-il être interprété en ce sens qu'une taxe indirecte nationale adoptée à des fins incitatives dans le cadre de la directive n° 2009/28/CE du 23 avril 2009 est contraire au droit communautaire, lorsque, d'une part, cette taxe ne comporte pas des règles imposant une répercussion complète et à bref délai de son montant et, d'autre part, ne garantit pas au redevable (en raison d'un plafonnement) que sa mise à la consommation de biocarburants « avancés » sera intégralement prise en compte pour bénéficier de la réduction prévue au titre de la taxe incitative '

L'article 18 de la directive n° 2009/28/CE dans sa rédaction initiale doit-il être interprété en ce sens qu'il s'oppose à un régime national, tel celui résultant des articles L.661-1 à L.661-7 du code de l'énergie français et du décret n° 2011-1468 du 9 novembre 2011 pris pour l'application de l'ordonnance portant transposition des directives 2009/28/CE et 2009/30/CE du Parlement européen et du Conseil du 23 avril 2009 dans le domaine des énergies renouvelables et des biocarburants, qui restreint le bénéfice de la réduction d'assiette de la taxe générale sur les activités polluantes -composante carburants- française, moyennant l'adhésion de l'opérateur procédant à la mise à la consommation des biocarburants à un système national de gestion de la durabilité et à la fourniture mensuelle de « déclarations de durabilité » à un organisme autre que l'administration fiscale chargée de recouvrer la taxe en cas d'irrégularité '

L'article 18 de la directive n° 2009/28/CE dans sa rédaction initiale et le principe général du droit de l'Union de proportionnalité s'opposent-t-il à la réglementation nationale citée dans la sixième question, si celle-ci devait être regardée comme conditionnant le bénéfice d'une réduction de la taxe générale sur les activités polluantes française à la double condition de produire des « certificats de durabilité » à l'administration des douanes chargée de lutter contre toutes fraudes fiscale ET une « déclaration de durabilité » à une autorité non fiscale '

Au fond,

- constater que la procédure du droit d'être entendu n' a pas été respectée et déclarer la procédure de redressement irrégulière ;

A titre subsidiaire,

- dire et juger que l'article 266 quindecies du code des douanes national est contraire au droit de l'Union européenne car non-conforme à la directive 2008/118/CE ;

A titre très subsidiaire,

- dire et juger que l'article 266 quindecies du code des douanes national est contraire au droit de l'Union européenne car non-conforme aux directives 2009/28/CE et 2003/96/CE et au principe « pollueur-payeur » ;

- dire et juger que le respect du principe de proportionnalité s'oppose à ce que soit réputé sans biocarburant durable éligible à une réfaction de TGAP un carburant qui en contient en raison du simple non-respect d'une obligation de forme ;

En conséquence et en toute hypothèse,

- infirmer le jugement du TGI de Créteil du 15 février 2019 en toutes ses dispositions ;

- juger le redressement notifié à la société PCB irrégulier et en tout cas mal fondé ;

- annuler le procès-verbal de redressement en date du 28 septembre 2016, l'avis de mise en recouvrement n° 2016/39 en date du 20 octobre 2016 et la décision de rejet du 11 août 2017 ;

- prononcer la décharge de la TGAP pour un montant de 2 982 735 euros ;

Reconventionnellement,

- condamner l'administration à payer à la société [Adresse 3] la somme de 15 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- dire n'y avoir lieu à condamnation aux dépens

L'administration des douanes demande à la cour de  statuer ainsi qu'il suit :

Avant dire droit,

- dire n'y avoir lieu à poser à la Cour de justice de l'Union européenne des questions préjudicielles ;

Sur le fond,

- confirmer le jugement rendu le 15 février 2019 par le tribunal de grande instance de Créteil ;

En conséquence,

- constater le bien-fondé et la validité du procès-verbal de notification d'infraction en date du 28 septembre 2016, l'avis de mise en recouvrement n° 2016/39 en date du 20 octobre 2016 et la décision de rejet du 11 août 2017 ;

En conséquence,

- constater le bien-fondé et la validité du procès-verbal de notification d'infraction en date du 28 septembre 2016, l'avis de mise en recouvrement n° 2016/39 en date du 20 octobre 2016 et la décision de rejet du 11 août 2017 ;

- condamner la société [Adresse 3] à verser à l'administration des douanes la somme de 4 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- dire n'y avoir lieu à dépens conformément à l'article 367 du code des douanes

SUR CE, LA COUR

a) Sur le respect du contradictoire

La Sarl [Adresse 3] fait valoir, sur le fondement de l'article 67 A du code des douanes, de la directive 2003/96/CE du conseil du 27 octobre 2003 et de l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union-Européenne, que la procédure de redressement est irrégulière au motif que l'administration douanière a manqué à son obligation de répondre de manière motivée aux observations qu'elle a formulées.

L'administration des douanes réplique que l'article 67 A du code des douanes, imposant une procédure contradictoire, n'était pas applicable au moment de la procédure douanière. Elle fait valoir qu'elle a néanmoins respecté le principe communautaire du contradictoire en permettant à la société Pétroles de la côte basque de connaître, à l'issue de l'enquête et avant la notification d'infraction, les constatations du service et ses fondements. Elle ajoute que la société a pu faire valoir ses observations auxquelles elle a répondu de manière motivée.

Ceci étant exposé , par de justes motifs que la cour adopte, les premiers juges ont parfaitement caractérisé le fait que la société [Adresse 3] avait été mise en mesure, avant la délivrance de l'avis de mise en recouvrement du 26 octobre 2016, de faire connaître ses contestations et observations notamment dans son courrier daté du 4 août 2016 auquel l'administration a répondu dans le procès verbal d'infractions du 28 septembre 2016 relevant que les contestations développées la Sarl [Adresse 3] ne permettaient pas de remettre en cause l'infraction douanière .

Le contradictoire a ensuite été respecté postérieurement à l'émision de l'AMR puisque la contestation soulevée par la société appelante le 25 février 2017 a fait l'objet d'un rejet motivé le 11 août 2017.

Le grief relatif au non respect du contradictoire n'est pas fondé et doit être rejeté, le jugement déféré étant confirmé de ce chef ;

b) Sur les demandes tendant à poser des questions préjudicielles

L'article 266 quindecies du code de douanes, tel que modifié par la loi n° 2013-1278 du 29 décembre 2013 (version en vigueur du 1er janvier 2014 au 1er janvier 2016) comporte les dispositions suivantes :

'I. - Les personnes qui mettent à la consommation en France des essences reprises aux indices 11 et 11 bis et 11 ter du tableau B du 1 de l'article 265, du gazole repris à l'indice 22 et du superéthanol E85 repris à l'indice 55 de ce même tableau sont redevables d'un prélèvement supplémentaire de la taxe générale sur les activités polluantes.

II. - Son assiette est déterminée conformément aux dispositions du 1° du 2 de l'article 298 du code général des impôts, pour chaque carburant concerné.

III. - Son taux est fixé à 7 % dans la filière essence et à 7,7 % dans la filière gazole.

Il est diminué à proportion de la quantité de biocarburants incorporée aux carburants mis à la consommation en France, sous réserve que ces biocarburants respectent les critères de durabilité prévus aux articles L. 661-3 à L. 661-6 du code de l'énergie.

Pour la filière essence, le taux est diminué de la part d'énergie renouvelable résultant du rapport entre les quantités de biocarburants incorporées dans les produits repris aux indices d'identification 11, 11 bis, 11 ter et 55 du tableau B du 1 de l'article 265 du présent code mis à la consommation en France à usage de carburants et les quantités de ces mêmes carburants soumises au prélèvement, exprimées en pouvoir calorifique inférieur.

Pour la filière gazole, le taux est diminué de la part d'énergie renouvelable résultant du rapport entre les quantités de biocarburants incorporées dans les produits repris aux indices d'identification 20 et 22 du même tableau B mis à la consommation en France à usage de carburants et les quantités de carburant routier, soumises au prélèvement, exprimées en pouvoir calorifique inférieur.

La part d'énergie renouvelable, prise en compte pour cette minoration, ne peut être supérieure aux valeurs suivantes :

1° Dans la filière essence, la part d'énergie renouvelable maximale des biocarburants produits à partir de céréales et d'autres plantes riches en amidon ou sucrières, et des biocarburants produits à partir de matières premières d'origine animale ou végétale, énumérées à l'article 21 de la directive 2009/28/ CE du Parlement européen et du Conseil du 23 avril 2009 relative à la promotion de l'utilisation de l'énergie produite à partir de sources renouvelables, et modifiant puis abrogeant les directives 2001/77/ CE et 2003/30/ CE, est de 7 % ;

2° Dans la filière gazole, la part d'énergie renouvelable maximale des biocarburants produits à partir de plantes oléagineuses est de 7 %. Cette part est de 0,7 % lorsque les biocarburants sont produits à partir de matières premières d'origine animale ou végétale énumérées à l'article 21 de la directive 2009/28/ CE du Parlement européen et du Conseil du 23 avril 2009 précitée.

La liste des biocarburants éligibles à cette minoration de taux est définie par arrêté conjoint des ministres chargés des douanes, de l'écologie, de l'énergie et de l'agriculture. (...)'.

La Sarl [Adresse 3] demande à la cour de poser plusieurs questions préjudicielles à la cour de justice de l'union européenne sur la conformité de l'article 266 quindecies du code des douanes national avec les directives 2008/118/CE, 2009/28/CE et 2003/96/CE et au principe 'pollueur-payeur'.

La Sarl [Adresse 3] fait en effet valoir que la réglementation sur la TGAP, prévue par l'article 266 quindecies du code des douanes, ne serait pas conforme à la directive 2008/118/CE au droit de l'Union au motif d'une part, qu'elle ne respecte ni les règles communautaires concernant la TVA ni l'économie générale des règles relatives aux accises sur les produits énergétiques. A cet égard, elle soutient que le calcul de sa base d'imposition est réalisé en violation de l'utilisation réelle du produit et est déterminé par rapport à un prix CAF de produits importés et non sur la base du poids et de la quantité du produit. Elle ajoute que la taxe est contraire aux règles sur l'exigibilité des droits d'accise au motif qu'elle ne permet aucune répercussion sur le consommateur.

La Sarl [Adresse 3] fait ensuite valoir que l' avis de mise en recouvrement dont elle fait l'objet est irrégulier en ce que l'administration a procédé à une lecture erronée de l'article 266 quindecies du code des douanes. A défaut, elle soutient que la réglementation sur la TGAP, prévue par l'article 266 quindecies du code des douanes, et l'interprétation qui en est faite par l'administration des douanes, est incompatible avec la directive 2009/28/CE notamment du fait que le pourcentage de 0,7 % constitue un seuil minimal d'incorporation pouvant être dépassé. Elle ajoute que cette réglementation méconnait le principe communautaire « pollueur-payeur » en ce qu'elle ne prévoit pas de répercussion de cette taxe sur les acheteurs du carburant.

L'administration des douanes ne conteste pas que la TGAP ne respecte pas les règles propres à la TVA. Elle réplique, sur le fondement de la directive 2008/118/CE, que la TGAP respecte les règles propres aux accises. Elle ajoute que le grief soulevé à l'encontre de la TGAP sur les carburants n'est pas fondé, en ce que d'une part, le mécanisme d'exonération sous conditions prévu par la TGAP n'est pas soumis aux règles propres au régime des accises, et d'autre part, que le montant de la TGAP à acquitter est proportionnel à la quantité de biocarburants incorporés. Elle ajoute que la base d'imposition de la TGAP est déterminée selon la valeur forfaitaire mais également selon le volume de biocarburants incorporés. Elle soutient, sur le fondement de la directive 2008/118/Ce et de la jurisprudence de la CJUE, que l'exigence de répercussion ne concerne par la TGAP.

L'administration des douanes réplique, également sur le fondement de l'article 266 quindecies du code des douanes et de la directive 2009/28/CE, que le seuil d'incorporation de 0,7 % des biocarburants « avancés » constitue non pas un seuil minimal mais un plafond dont le dépassement ne pouvait être comptabilisé pour ouvrir droit à une réduction de la TGAP. Elle ajoute que les dispositions de l'article 266 quindecies du code des douanes et les dispositions de la directive 2009/28/CE ne sont pas incompatibles, le législateur pouvant dès lors limiter la part d'énergie renouvelable issue des biocarburants avancées pris en compte pour la réfaction de TGAP sur les carburants. Au surplus, elle fait valoir que l'article 266 quindecies du code des douanes n'est pas contraire au principe « pollueur-payeur » au motif qu'aucune disposition des directives 2008/118/CE et 2009/28/CE ou du code des douanes n'impose la mise en place d'un système de répercussion de la TGAP sur le consommateur.

Ceci étant exposé, l'article 32 de la loi du 30 décembre 2004 a fixé les taux de la taxe générale sur les activités polluantes (TGAP), codifié à l'article 266 quindecies du code des douanes dont le contenu a été ci dessus rappelé.

Les dispositions du texte prévoient que l'incorporation de biocarburants dans l'essence et le gazole permette de réduire le taux des taxes.

L'article 266 du code des douanes résulte de la transposition en droit français d'une directive européenne, qui édicte une norme contraignante afin d'éviter des fraudes consistant à détourner les règles protectrices de l'environnement.

La part des biocarburants, définie à l'article 266 précité, a été entérinée par la commission des finances de l'Assemblée Nationale le 12 décembre 2013.

Pour la filière gazole, il est prévu deux plafonds qui, cumulés, atteignent le montant de 7,70 % et permettent la minoration de la TGAP.

La part d'énergie renouvelable des biocarburants issus des plantes oléagineuses pouvant être prise en compte pour la minoration de la TGAP ne peut dépasser 7 %.

La part d'énergie renouvelable des biocarburants produits à partir de matières

premières (biocarburants avancés) énumérés à l'article 21 de la directive 2009/ 38/ CE du

23 avril 2009 ne peut dépasser 0,7 %.

L'article 266 quindecies retient un taux de 0,35 % via le plafond de 0,7 % en intégrant un double comptage.

Il doit être relevé , ainsi que développé par l'administration des douanes , que la TGAP sur les carburants qui figure à la position tarifaire 1710 19 41 n'a pas une finalité budgétaire telle la TVA mais a une finalité environemmentale dans le but de développer le recours aux biocarburants moins pollueurs . L'administration des douanes retient la qualification de taxe indirecte à fiscalité spécifique, l'article 1er 2 de la directive 2008/118/CE disposant que les 'Etats membres peuvent , à des fins spécifiques , prélever des taxes indirectes supplémentaires sur les produits soumis à accise'.

Il convient d'examiner les griefs soulevés par l'appelante sur la non conformité de l'article 266 quindecies avec les principes généraux du droit d'accise ;

* Sur le grief relatif à la violation du critère relatif à l'utilisation réelle du produit

Si la base d'imposition prévue dans le texte contesté ne se fonde pas sur l'utilisation réelle du produit contrairement à ce qui s'applique en matière de taxation classique, il doit être relevé la spécificité de cette imposition qui peut conduire à son exonération en fonction du taux de biocarburant retenu . Ce faisant il n'est pas contrevenu à la règle selon laquelle le droit d'accise doirt prendre en compte l'utilisation réelle du produit.

* Sur le grief relatif au fait que la TGAP sur les carburants est déterminée par rapport à la valeur du produit et non sur la base de la quantité du produit :

L'article 266 quindécies du code des douanes précise que l'asiette de la TGAP est déterminée conformément aux dispositions du 1°) du 2 de l'article 298 du code général des impôts selon lequel 'cette valeur est établie sur la base du prix CAF moyen des produits importés ou faisant l'objet d'une acquisition intracommunautaire (...)' . Les premiers juges ont justement relevé que le prix CAF n'est pas le prix réel des marchandises mais une moyenne par unité de volume applicable sur l'ensemble du quatrimestre. Le volume des marchandises est ainsi pris en compte pour leur appliquer le prix CAF moyen. De plus le taux de la TGAP sur les carburants est calculé en fonction des volumes de biocarburants incorporés dans les carburants mis à la consommation.

Il s'en déduit que la TGAP sur les carburants n'est pas exclusivement calculée par rapport à la valeur du produit mais tient également compte de sa quantité .

* Sur le grief relatif à l'absence d'exigibilité en raison de l'impossibilé de répercussion de la TGAP

La Sarl [Adresse 3] dénonce le fait que les sommes dues au titre de de la TGAP telle que mise en oeuvre par l'article 266 quindécies du code des douanes ne puissent pas être répercutées sur les clients puisque la liquidation et le paiement de la taxe intervient le 10 avril de l'année suivant la mise en consommation et donc de la facturation adressée au client .

Si ce mécanisme peut effectivement créer des difficultés de répercussion d'une taxe non encore liquidée, cette difficulté ne se traduit pas nécessairement par une impossibilité . De plus au vu de la jurisprudence citée de la CJUE et notamment l'arrêt Messmer France , il suffit que les impositions indirectes poursuivant des finalités spécifiques soient conformes, sur ces points, à l'économie générale du droit d'accises, donc sur la détermination de la base imposable, de calcul, d'exigibilité et de contrôle de l'impôt. Cette exigence ne s'étend pas aux modalités de répercussion de la TGAP sur les carburants.

Cette contestation a ainsi justement été écartée par les premiers juges .

* Sur le grief relatif à l'atteinte au principe pollueur/payeur

Selon la société [Adresse 3] , lorsque l'article 266 quindeciés dispose que 'la part d'énergie renouvelable maximale des biocarburants produits à partir de plantes oléagineuses est de 7 %. Cette part est de 0,7 % lorsque les biocarburants sont produits à partir de matières premières d'origine animale ou végétale énumérées à l'article 21 de la directive 2009/28/ CE du Parlement européen et du Conseil du 23 avril 2009 précitée(...)' , il est évident que le législateur a entendu qu'il y ait au plus 7 % d'EMHV dans les biocarburants et au moins 0,7 % de biocarburants « durables » ;

Outre que cette lecture ne peut pas être suivie puisque, ainsi que relevé par l'administration des douanes le texte, en mentionnant des parts respectivement chiffrées à 7 % et à 0,7 % ne rend pas applicables des seuils mais des plafonds.

Dans cette dernière hypothèse , il ne peut pas être soutenu que le dépassement des plafonds qui ne permet plus de bénéficier de l'éxonération porterait atteinte principe pollueur/payeur au motif que la situation d'un industriel qui aurait excessivement recours aux produits protecteurs de l'environnement serait comparable à celle d'un pollueur.

En effet le recours à des plafonds, ainsi que relevé par l'administration des douanes , s'inscrit dans une politique environnementale progressivement mise en place par le gouvernement, dans un contexte où sont intervenues des fraudes massives et des effets d'aubaine.

L'instauration de ces plafonds manifeste également la volonté de contenir l'évolution des biocarburants avancés et de vérifier que les produits bénéficiant d'un avantage fiscal, sont issus de déchets avancés présentant de meilleurs bilans environnementaux. Le plafond de 0, 7 % s'explique donc par la nécessité de renforcer la traçabilité. Ces motifs d'intérêt général s'inscrivent dans une politique environnementale contrôlée.

* sur le grief relatif aux certificats de durabilité

La Sarl [Adresse 3] fait valoir, sur le fondement de la directive 2009/28/CE, d'une part, que l'administration ne peut exiger d'autres preuves que les certificats de durabilité remis par ses fournisseurs et, d'autre part, que l'administration n'était pas autorisée à établir une fiscalité sur un manquement de pure forme. Elle soutient, au visa des articles L. 661-1 à L. 661-7, L. 662-1 à L. 662-10 et R. 662-1 à R. 662-4 du code de l'énergie, que l'administration des douanes a fait une application erronée des dispositions précitées en ce que le code de l'énergie n'a aucune portée fiscale et ne pouvait servir de base pour procéder au redressement. Elle ajoute qu'elle n'avait ni l'obligation de justifier de l'adhésion au système national ni de produire des déclarations de durabilité mais seulement de produire des certificats d'incorporation de biocarburant.

L'administration des douanes réplique, au visa des articles L. 661-2 à L. 661-6 du code de l'énergie, que les règles de durabilité constituent une condition indispensable au bénéfice de l'avantage fiscal. Au surplus, elle ajoute, sur le fondement de l'article L. 661-7 du code de l'énergie, que ce bénéfice est conditionné à l'envoi des déclarations de durabilité. Elle estime que la société [Adresse 3] n'apporte pas la preuve de la durabilité des carburants dont elle se prévaut au titre de la minoration de la TGAP. Elle ajoute, au visa de l'article L. 661-7 du code de l'énergie, que la société ne justifie pas avoir transmis de déclaration de durabilité à un organisme chargé de gérer le système de durabilité des biocarburants ou à l'administration des douanes.

Ceci étant exposé l'article 266 quindecies dispose que que le taux de la TGAP , fixé à 7,7 % dans la filière gazole , est diminué à proportion de la quantité de biocarburants incorporée aux carburants mis à la consommation en France, 'sous réserve que ces biocarburants respectent les critères de durabilité prévus aux articles L. 661-3 à L. 661-6 du code de l'énergie' ;

L'article L661-7 du code de l'énergie dans sa rédaction applicable au litige dispose que :

' Les opérateurs économiques qui prennent part à la chaîne de production et de distribution des biocarburants et bioliquides visés à l'article L 661-2 doivent être en mesure de justifier que les critères de durabilité ont été respectés.

Pour apporter ces justifications, ils recourent aux règles définies par des systèmes volontaires reconnus par la Commission européenne à cette fin ou par des accords conclus avec des pays tiers par la Commission européenne et reconnus par elle à cette fin. Ils peuvent aussi recourir aux règles définies par un système national présentant des exigences et garanties équivalentes et dont les principes sont définis par décret en Conseil d'Etat.

Dans les conditions prévues par le système volontaire, l'accord avec les pays tiers ou le système national auquel ils recourent, ils fournissent des informations précises, fiables et pertinentes sur le respect des critères de durabilité.

Ils sont tenus de soumettre à un contrôle indépendant et de niveau suffisant les informations qu'ils fournissent concernant le respect des critères prévus aux articles L. 661-4 et L. 661-5. Lorsque le contrôle n'est pas organisé dans le cadre d'un système volontaire ou d'un accord reconnu par la Commission européenne, il est exercé par des organismes certificateurs reconnus par l'autorité compétente.

Chaque opérateur économique est responsable des informations qu'il établit, conserve et transmet.

Les opérateurs qui mettent à la consommation des carburants et combustibles liquides contenant des biocarburants ou bioliquides sont tenus de démontrer que ces produits satisfont aux critères de durabilité. A cette fin, ils établissent des déclarations de durabilité fondées sur les informations recueillies et les adressent, au moment de la mise à la consommation, à l'organisme chargé de gérer le système de durabilité des biocarburants et des bioliquides. Pour bénéficier des avantages fiscaux prévus par le code des douanes, ils adressent également ces déclarations de durabilité à l'administration des douanes'.

Il n'est pas contesté par la société Pétroles de la côte basque ne s'est pas inscrite dans un schéma de durabilité (schéma volontaire ou système national) et n'a pas transmis la déclaration mensuelle de durabilité à la direction générale de l'énergie et du climat (DGEC) . Ce faisant elle n'a pas démontré la durabilité des biocarburants contenus dans les carburants acquis auprès de fournisseurs espagnols qu'elle mettait à la consommation en France. Elle a uniquement produit les certificats d'incorporation de biocarburant.

La société [Adresse 3] est maf fondée à soutenir que le respect du principe de proportionnalité s'oppose à ce que soit réputé sans biocarburant durable éligible à une réfaction de TGAP un carburant qui en contient en raison du simple non-respect d'une obligation de forme.

En effet l'article 661-7 du code l'énergie précité rappelle que le bénéfice des avantages fiscaux prévus par le code des douanes est subordonné à la remise des déclarations de durabilité . Il ne s'agit pas d'une simple formalité administrative mais d'une exigence de fonds permettant le contrôle des bioliquides et permettant également de rique de fraude dans la chaîne d'approvisionnement des bioliquides .

La dénonciation de l'atteinte portée au principe de proportionnalité n'est ainsi pas caractérisée.

Il se déduit de ce qui précède que la cour n'estime pas nécessaire de soumettre à la cour de justice de l'union européenne les questions formulées par la société [Adresse 3] dans ses conclusions.

c) Sur les autres demandes

Considérant qu'il se déduit de ce qui précède que la société [Adresse 3] échoue à soutenir que l'article quidecies du code des douanes serait contraire aux directives 2008/118/CE, 2009/28/CE et 2003/96/CE ni au principe du principe de proportionnalité.

Le jugement déféré doit ainsi être confirmé en toutes ses dispositions .

Il paraît équitable d'allouer à l'intimée une indemnisation sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

En application de l'article 367 du code des douanes il n'y a pas lieu de statuer au titre des dépens.

PAR CES MOTIFS :

La cour,

REJETTE les demandes tendant à soumettre à la cour de justice de l'union européennes des questions préjudicielles ;

CONFIRME le jugement déféré ;

REJETTE toutes autres demandes ;

CONDAMNE la Sarl [Adresse 3] à payer à l'administration des douanes la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

LA GREFFIÈRE LE PRÉSIDENT

C. BURBAN E. LOOS


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 5 - chambre 10
Numéro d'arrêt : 19/05505
Date de la décision : 02/11/2020

Références :

Cour d'appel de Paris J1, arrêt n°19/05505 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2020-11-02;19.05505 ?
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