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29/10/2020 | FRANCE | N°20/03429

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 1 - chambre 2, 29 octobre 2020, 20/03429


Copies exécutoiresRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS







COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 1 - Chambre 2



ARRÊT DU 29 OCTOBRE 2020



(n° 313 , 11 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 20/03429 - N° Portalis 35L7-V-B7E-CBQBH



Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 30 Janvier 2020 -Tribunal de Commerce de PARIS - RG n° 19/55350





APPELANTE



SAS MECADAQ GROUP Agissant poursuites et diligence

s en la personne de son président domicilié en cette qualité audit siège.



[Adresse 12]

[Adresse 12]

[Localité 5]



Représentée par Me Florence GUERRE de la SELARL SELARL PELLER...

Copies exécutoiresRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 1 - Chambre 2

ARRÊT DU 29 OCTOBRE 2020

(n° 313 , 11 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 20/03429 - N° Portalis 35L7-V-B7E-CBQBH

Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 30 Janvier 2020 -Tribunal de Commerce de PARIS - RG n° 19/55350

APPELANTE

SAS MECADAQ GROUP Agissant poursuites et diligences en la personne de son président domicilié en cette qualité audit siège.

[Adresse 12]

[Adresse 12]

[Localité 5]

Représentée par Me Florence GUERRE de la SELARL SELARL PELLERIN - DE MARIA - GUERRE, avocat au barreau de PARIS, toque : L0018

Assistée par Me Carine DUPEYRON et par Me Solène DELAFOND, du cabinet DARROIS, VILLEY, MAILLOT et BROCHIER avocats au barreau de PARIS, toque : R170

INTIMES

M. [I] [D]

[Adresse 6]

[Localité 10]

Représenté par Me Jacques BELLICHACH, avocat au barreau de PARIS, toque : G0334

Assisté par Me Jean-Philippe ALVES, du cabinet FIDAL, avocat au barreau de NANTERRE, toque : 702

M. [U] [D]

[Adresse 7]

[Localité 9]

Représenté par Me Jacques BELLICHACH, avocat au barreau de PARIS, toque : G0334

Assisté par Me Jean-Philippe ALVES, du cabinet FIDAL, avocat au barreau de NANTERRE, toque : 702

M. [W] [D]

[Adresse 7]

[Localité 9]

Représenté par Me Jacques BELLICHACH, avocat au barreau de PARIS, toque : G0334

Assisté par Me Jean-Philippe ALVES, du cabinet FIDAL, avocat au barreau de NANTERRE, toque : 702

M. [H] [D]

[Adresse 1]

[Localité 9]

Représenté par Me Jacques BELLICHACH, avocat au barreau de PARIS, toque : G0334

Assisté par Me Jean-Philippe ALVES, du cabinet FIDAL, avocat au barreau de NANTERRE, toque : 702

M. [A] [D]

[Adresse 7]

[Localité 9]

Représenté par Me Jacques BELLICHACH, avocat au barreau de PARIS, toque : G0334

Assisté par Me Jean-Philippe ALVES, du cabinet FIDAL, avocat au barreau de NANTERRE, toque : 702

Mme [P] [D]

[Adresse 11]

[Localité 9]

Représentée par Me Jacques BELLICHACH, avocat au barreau de PARIS, toque : G0334

Assistée par Me Jean-Philippe ALVES, du cabinet FIDAL, avocat au barreau de NANTERRE, toque : 702

Mme [J] [D]

[Adresse 4]

[Localité 9]

Représentée par Me Jacques BELLICHACH, avocat au barreau de PARIS, toque : G0334

Assistée par Me Jean-Philippe ALVES, du cabinet FIDAL, avocat au barreau de NANTERRE, toque : 702

S.A.S. AM FINANCES Prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 3]

[Localité 8]

Représentée par Me Jacques BELLICHACH, avocat au barreau de PARIS, toque : G0334

Assistée par Me Jean-Philippe ALVES, du cabinet FIDAL, avocat au barreau de NANTERRE, toque : 702

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 01 Octobre 2020, en audience publique, rapport ayant été fait par Thomas RONDEAU, Conseiller et Michèle CHOPIN, Conseillère conformément aux articles 804, 805 et 905 du code de procédure civile, les avocats ne s'y étant pas opposés.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Hélène GUILLOU, Présidente

Thomas RONDEAU, Conseiller

Michèle CHOPIN, Conseillère

Greffier, lors des débats : Lauranne VOLPI

ARRÊT :

- CONTRADICTOIRE

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Hélène GUILLOU, Présidente de chambre et par Lauranne VOLPI, Greffière,

Exposé du litige

Par contrat du 1er juin 2017, MM [I], [U], [W], [H] et [A] [D], Mmes [P] et [J] [D] et la société AM Finances ont cédé l'intégralité des titres qu'ils détenaient dans les sociétés [E], Teknicut Tunisie et Teknicut France à la société Mecadaq Group.

Les parties sont convenues de deux clauses de complément de prix, notamment concernant les titres de la société [E]. La procédure de détermination du complément de prix n°2 de la société [E] prévoit le recours à un tiers expert en cas de différend entre les parties, dans les termes suivants :

« Les Cédants 1 et l'Acquéreur conviennent que tout désaccord entre eux quant à la réalisation ou non des conditions attachées au Complément de Prix n°2 [E] telles que visées à l'Article 3.1.1 qui ne pourrait être résolu amiablement entre les parties concernées dans un délai de vingt-cinq (25) jours calendaires suivant la Date Documentaire CP2, sera soumis au Tiers Expert selon les modalités figurant en Annexe 3.1.1 (c)(i)(cc).

[...]

Le Tiers-Expert sera désigné d'un commun accord entre les Parties ou, à défaut, par le Président du Tribunal de Commerce de Paris sur requête de la Partie la plus diligente, statuant en la forme des référés sans possibilité d'appel, dans un délai de vingt-neuf (29) jours consécutif à la Date Documentaire CP1 ou à la Date Documentaire CP2 selon le cas. En cas de refus ou de carence du Tiers-Expert ou d'impossibilité pour le Tiers-Expert d'accomplir sa mission, un nouveau Tiers-Expert sera désigné selon les mêmes modalités ».

Le 9 octobre 2019, MM [I], [U], [W], [H] et [A] [D], Mmes [P] et [J] [D] et la société AM Finances (les consorts [D]) et la société AM Finances ont fait assigner la société Mecadaq Group devant le président du tribunal de commerce de Paris qui, par une ordonnance rendue le 30 janvier 2020, a :

- dit l'action principale recevable,

- nommé M. [N] [Z], domicilié au [Adresse 2] [...], en qualité d'expert avec la mission de déterminer le « chiffre d'affaires CP2 », conformément aux dispositions contractuelles prévues, notamment, à l'article 3.1.1 (c) (cc) et à l'annexe 3.1.1 (c) (i) (cc) du contrat de cession du 1er juin 2017 et ce pour :

- se faire communiquer tous documents et pièces qu'il estimera utiles à sa mission,

- se rendre sur place,

- mener de façon strictement contradictoire ses opérations d'expertise,

- fixé à 2 500 euros le montant de la provision à consigner au greffe de ce tribunal, avant le 29 février 2020, par les demandeurs, auxquels la défenderesse devra en rembourser la moitié, par application des dispositions de l'article 269 du code de procédure civile,

- dit qu'à défaut de consignation dans le délai prescrit, il sera constaté que la désignation de l'expert est caduque (article 271 du code de procédure civile),

- dit que, si les parties ne viennent pas à composition entre elles, le rapport de l'expert devra être déposé au greffe dans un délai d'un mois à compter de la consignation de la provision fixée ci-dessus ;

- dit que le juge chargé du contrôle des mesures d'instruction suivra l'exécution de l'expertise,

- débouté les parties de leurs demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné la société Mecadaq Group aux dépens, dont ceux à recouvrer par le greffe liquidés à la somme de 198,80 euros TTC dont 32,92 de TVA.

Le premier juge a fondé cette décision notamment sur les motifs suivants :

- le contrat ne prévoit pas que le délai de 29 jours est stipulé à peine de déchéance ou de forclusion,

- si les parties constataient leur incapacité à trouver un accord au bout de 25 jours, il leur resterait quatre jours calendaires pour mandater un tiers expert, se mettre d'accord sur une lettre de mission et saisir le président du tribunal de commerce en cas de désaccord ; que ce délai est irréaliste et conduirait à priver le cocontractant de son droit d'agir en justice s'il devait être sanctionné par une forclusion,

- la mission de l'expert est précisément définie à l'annexe du contrat de cession et que sa désignation suivra donc les dispositions contractuelles.

Par déclaration en date du 14 février 2020, la société Mecadaq Group a fait appel de cette ordonnance.

Le 5 mars 2020, les consorts [D] et la société AM Finances ont saisi la cour d'une requête en rectification d'erreur matérielle portant sur l'ordonnance du 30 janvier 2020, qui a été jointe à l'appel interjeté par la société Mecadaq Group par une ordonnance du 12 juin 2020.

Le 3 avril 2020, les consorts [D] et la société AM Finances ont notifié des conclusions d'incident devant le président de la chambre ou le magistrat désigné par le premier président de la cour d'appel de Paris aux fins de rectification d'erreurs matérielles et d'irrecevabilité de l'appel interjeté par la société Mecadaq Group.

Par une ordonnance d'incident en date du 28 juillet 2020, le président de la chambre a :

- dit recevable mais rejeté la demande de sursis à statuer,

- constaté l'absence de pouvoir du président de la chambre pour statuer sur la recevabilité de l'appel,

- condamné in solidum les consorts [D] et la société AM Finances à payer à la société Mecadaq la somme de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens de l'incident,

- débouté les parties du surplus de leurs demandes.

Dans ses conclusions remises au greffe le 18 septembre 2020, la société Mecadaq Group a demandé à la cour, sur le fondement des articles 122, 145, 232, 488 et 492-1 du code de procédure civile et de l'article 1103 du code civil, de :

- statuer ce que de droit sur la demande de rectification de la décision du 30 janvier 2020 en substituant les termes 'ordonnance de référé prononcée le jeudi 30/01/2020" par les termes 'ordonnance en la forme des référés prononcée le jeudi 30/01/2020",

- rejeter la demande de rectification du dispositif de la décision du 30 janvier 2020 tendant à obtenir la rectification des termes 'et en premier ressort' par les termes 'et en dernier ressort',

- juger que l'appel interjeté par la société Mecadaq Group est recevable,

- infirmer l'ordonnance rendue le 30 janvier 2020 par le président du tribunal de commerce de Paris en toutes ses dispositions,

Statuant à nouveau :

- juger irrecevable la demande formée par les consorts [D] et la société AM Finances de voir désigner un tiers-expert comme étant forclose,

- débouter les consorts [D] et la société AM Finances de toutes leurs demandes, en ce compris leur demande de désignation d'un expert judiciaire et de paiement de la moitié des frais d'expertise,

- condamner in solidum les consorts [D] et la société AM Finances à verser la somme de 20 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

La société Mecadaq Group a fait valoir en substance que:

Sur les demandes de rectification d'erreur matérielle :

- l'erreur matérielle sur l'intitulé de l'ordonnance du 30 janvier 2020, improprement désignée 'ordonnance de référé', n'emporte aucune conséquence juridique sur les délais ou les modalités de la procédure d'appel,

- si la requalification de l'ordonnance avait effectivement une 'incidence directe sur la nature et la recevabilité des voies de recours applicables' comme le soutiennent les consorts [D] et la société AM Finances, alors cette erreur ne serait pas purement matérielle, elle remettrait en cause son droit d'appel, et ne pourrait donc pas faire l'objet d'une simple mesure de rectification matérielle,

Sur la recevabilité de l'appel :

- si elle a renoncé à contester l'identité de l'expert que pourrait choisir le juge à défaut d'accord, elle n'a jamais renoncé à son droit d'appel relatif à un litige sur l'application des délais de forclusion,

- l'éventuelle renonciation à l'appel intervenue avant la naissance du litige ne peut produire d'effet en application de l'article 557 du code de procédure civile,

- ses références au contrat de cession pour encadrer la mission de l'expert n'emportent pas renonciation à son droit d'appel,

- ses références au contrat de cession avant l'introduction de l'instance n'emportent pas non plus renonciation à son droit d'appel,

Sur l'infirmation de l'ordonnance :

- l'action des consorts [D] et de la société AM Finances était irrecevable en raison de l'expiration du délai de forclusion contractuel pour solliciter la désignation d'un tiers expert,

- la sanction du non-respect des délais est l'irrecevabilité de l'action sans qu'il soit exigé que cette sanction contractuelle soit expressément mentionnée sous forme de déchéance ou de forclusion,

- c'est la seule sanction implicitement mais nécessairement applicable au non-respect du calendrier du contrat de cession selon la volonté des parties, délais volontairement stricts pour éviter des contestations et incertitudes pesant longtemps sur le contrat de cession,

- ce délai de forclusion qui laisse 29 jours aux parties pour désigner un tiers-expert d'un commun accord ou saisir le président du tribunal de commerce de Paris, ne porte pas atteinte au droit d'agir en justice,

- en l'espèce la demande des consorts [D] et de la société AM Finances en désignation d'un expert judiciaire était irrecevable car présentée 18 mois après l'expiration du délai de forclusion,

- la société Mecadaq ayant notifié le 19 janvier 2018 aux cédants sa constatation que le complément de prix n'était pas dû en y joignant les justificatifs de calculs, c'est cet envoi qui a fait courir le délai de 29 jours,

- la demande de condamnation à payer la moitié des frais d'expertise ne relève pas de la compétence de la cour mais du juge chargé du contrôle de l'expertise,

- subsidiairement, il appartient au tribunal de commerce de Paris, saisi du litige au fond concernant les compléments de prix n°1 et n°2, de désigner si besoin un expert judiciaire.

Les consorts [D] et la société AM Finances, par conclusions remises au greffe le 4 septembre 2020, demandent à la cour, sur le fondement des articles 232, 492-1, 696, 700 et 872 du code de procédure civile, de :

Avant dire droit :

- ordonner la rectification purement matérielle de l'ordonnance du 30 janvier 2020 (portant le N°RG N°2019055350),

- dire qu'il y a lieu de rectifier la décision du 30 janvier 2020 (RG N°19/55350) en substituant, en page 1, les termes 'ordonnance de référé prononcée le jeudi 30/01/2020 » par les termes « ordonnance en la forme des référés prononcée le jeudi 30/01/2020",

- dire qu'il y a lieu de rectifier immédiatement le dispositif de la décision du 30 janvier 2020 (RG N°19/55350) en substituant les termes 'et en premier ressort' par les termes 'et en dernier ressort',

En conséquence :

- juger la société Mecadaq Group irrecevable en sa déclaration et ses conclusions d'appel dirigées à l'encontre de l'ordonnance du 30 janvier 2020,

Au fond :

A titre principal :

- confirmer l'ordonnance du 30 janvier 2020 en ce qu'elle a jugé,

- l'action principale recevable,

- nommé M. [Z] en qualité de tiers-expert avec la mission de déterminer le « chiffre d'affaires CP2 » conformément aux dispositions contractuelles prévues, notamment, à l'article 3.1.1 (c) (cc) et à l'annexe 3.1.1 (c) (i) (cc) du contrat de cession du 1er juin 2017 et pour ce :

- se faire communiquer tous documents et pièces qu'il estimera utiles à sa mission,

- se rendre sur place,

- mener de façon strictement contradictoire ses opérations d'expertise,

- fixé à 2.500 euros le montant de la provision à valoir sur les frais de tiers-expert, auxquels la défenderesse devra en rembourser la moitié aux demandeurs, par application des dispositions de l'article 269 du code de procédure civile,

- juger que les frais de tiers-expert devront être supportés par moitié entre la société Mecadaq Group et les consorts [D]/la société AM Finances,

- condamner la société Mecadaq Group, au titre du remboursement des honoraires d'expertises dont les consorts [D] ont fait l'avance à la somme de 22.900 euros,

Subsidiairement :

- dire et juger que les intimés justifient d'un motif légitime fondant la désignation d'un expert judiciaire ;

- désigner tel expert judiciaire qu'il plaira au juge, avec la mission suivante :

- se faire communiquer par les parties tous documents ou pièces qu'il estimera nécessaires à l'accomplissement de sa mission et entendre, si besoin est, tout sachant, prendre connaissance de l'ensemble des documents versés aux débats,

- déterminer le « Chiffre d'Affaires CP2 » (Complément de Prix [E] n°2) conformément aux modalités de fixation stipulées au § 3.1.1 (ii) (aa) de l'acte de cession de titre du 1er juin 2017,

- s'expliquer techniquement dans le cadre des chefs de mission ci-dessus sur les dires et observations des parties, après leur avoir fait part de ses pré-conclusions,

- dire et juger que l'expert accomplira sa mission conformément aux dispositions des articles 263 et suivants du code de procédure civile et que, sauf conciliation des parties, il déposera son rapport au secrétariat greffe de ce tribunal dans un délai de 3 mois à compter de sa désignation,

- dire qu'il sera référé au juge en cas de difficultés,

- fixer la provision à consigner au greffe, à titre d'avance sur les honoraires de l'expert dans le délai qui sera imparti par l'ordonnance à intervenir,

En toutes hypothèses :

- débouter la société Mecadaq Group de ses demandes plus amples et contraires et notamment de celles visant à la condamnation des demandeurs au règlement d'une indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la société Mecadaq Group à payer la somme de 5 000 euros à chacun des intimés conformément à l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens qui incluront la moitié des frais de tiers-expert, conformément aux stipulations du contrat, et autoriser Me Bellichach à recouvrer les dépens conformément à l'article 699 du code de procédure civile.

Les consorts [D] et la société AM Finances font valoir en substance:

Sur la rectification d'erreur matérielle et l'irrecevabilité de l'appel :

- que c'est par une erreur purement matérielle que la décision a été nommée « ordonnance de référé » et rendue « en premier ressort » alors qu'il s'agit d'une ordonnance en la forme des référés, rendue en dernier ressort, qui n'est susceptible que d'un appel nullité pour excès de pouvoir ; qu'en conséquence, l'appel interjeté par la société Mecadaq Group est irrecevable ;

- que la rectification de cette erreur matérielle emporte des conséquences sur les pouvoirs de la cour qui, statuant sur l'appel d'une fausse 'ordonnance de référé', ne pourrait statuer sur l'interprétation des stipulations contractuelles ; alors que, statuant après rectification de l'erreur matérielle sur une ordonnance rendue en la forme des référés, elle peut interpréter la convention et notamment déduire l'irrecevabilité de l'appel interjeté par la société Mecadaq Group de la stipulation prévoyant que la décision de désignation de l'expert doit être 'insusceptible d'appel',

- que la société Mecadaq Group avait justement sollicité en première instance l'application de cette stipulation contractuelle,

- que les pouvoirs de la cour sont déterminants pour eux puisqu'ils lui demandent justement de trancher une contestation relative à l'interprétation de stipulations contractuelles sur la possibilité d'interjeter appel de la décision désignant l'expert,

Sur l'irrecevabilité de l'appel :

- que nul ne pouvant se contredire au détriment d'autrui, la société Mecadaq Group ne peut, sans se contredire, invoquer la clause litigieuse pour opposer une forclusion à la demande d'expertise et refuser l'application de cette clause la privant de la faculté d'agir en appel,

- que la société Mecadaq Group n'invoque pas la nullité de cette clause, mais au contraire s'en est prévalue avant l'introduction de l'instance notamment dans son courrier du 18 juin 2018 ;

Sur la recevabilité de la demande de désignation d'un tiers expert :

- le délai contractuel pour la désignation du tiers-expert a été respecté, et qu'il n'était en tout état de cause pas sanctionné par la forclusion ou la déchéance,

- les délais contractuels de 25 et de 29 jours sont de nature à priver les concluants de l'exercice de leurs droits d'ester en justice en raison de leur brièveté,

- que les délais contractuels courent à compter de la remise des informations prévues au contrat pour justifier le calcul du complément de prix n°2 ; que la notification de la société Mecadaq Group en date du 18 janvier 2018 ne peut être considérée comme point de départ de ces délais, les informations fournies s'avérant incomplètes, et qu'en conséquence et en toutes hypothèses, elles ont respecté ces délais,

- que les frais de tiers-expert doivent être partagés par moitié entre les parties conformément aux stipulations du contrat,

Sur la désignation d'un tiers expert :

- que, subsidiairement, seul un expert judiciaire est en capacité dans le cadre d'un débat contradictoire de procéder à pareil calcul pour déterminer la vraisemblable exigibilité du complément de prix n°2 prévu au contrat ;

Il sera renvoyé aux conclusions susvisées pour un plus ample exposé des faits, moyens et prétentions des parties en application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

SUR CE, LA COUR

Sur les rectifications d'erreur matérielle:

Les consorts [D] demandent la rectification de la décision en ce que le juge y a déclaré statuer 'en référé' et non 'en la forme des référés.' La société Mecadaq ne s'y oppose pas tout en déclarant cette rectification inutile.

Cette demande n'est cependant pas inutile puisqu'une ordonnance rendue en référé n'a pas d'autorité de la chose jugée au fond contrairement aux décisions rendues en la forme des référés. A cet égard, le premier juge ne pouvait statuer en référé après avoir relevé qu'il avait été saisi en la forme des référés au visa de l'article 492, de sorte qu'il ne disposait pas des pouvoirs du juge des référés mais de ceux du juge statuant au fond, et que sa décision avait l'autorité de chose jugée conformément aux contestations qu'il tranchait, conformément à la disposition précitée.

Il sera fait droit à cette demande de rectification.

Quant à la demande portant sur la qualification de 'en premier ou en dernier ressort', elle ne peut être qualifiée d'erreur purement matérielle, ainsi que cela a été rappelé par ordonnance d'incident du 28 juillet 2020, dès lors que le litige porte précisément sur la faculté ou non d'exercer un recours et sur l'interprétation de la clause du contrat prévoyant les modalités de fixation du complément de prix.

Cette demande sera donc rejetée.

Sur la recevabilité de l'appel :

Ainsi que cela a été précédemment rappelé, la qualification de décision en premier ressort d'une décision n'a pas d'incidence sur l'existence ou non d'une voie de recours.

En revanche la recevabilité de l'appel est en l'espèce directement liée à la mise en oeuvre de la clause litigieuse, qui suppose donc que soient appréciés:

- si cette clause pouvait encore être mise en oeuvre malgré l'écoulement d'un délai de 18 mois,

- la validité et l'étendue de la renonciation à l'appel qu'elle contient.

Sauf à priver les parties de tout recours sur les conditions de sa mise en oeuvre, la clause qui stipule que le 'Tiers-Expert sera désigné d'un commun accord entre les Parties ou, à défaut, par le président du tribunal de commerce de Paris sur requête de la Partie la plus diligente, statuant en la forme des référés sans possibilité d'appel, dans un délai de vingt-neuf (29) jours consécutif à la Date Documentaire CP1 ou à la Date Documentaire CP2 selon le cas' ne peut donc être comprise comme excluant tout appel contre une décision qui serait susceptible de méconnaître les conditions de mise en oeuvre de la clause de désignation d'un expert en cas de désaccord sur les compléments de prix.

Cette clause n'a pour objet que d'interdire tout recours contre la désignation de l'expert sur le nom duquel les parties n'ont pu s'accorder et la société Mecadaq ne se contredit pas en se prévalant des dispositions de cette clause quant aux délais qu'elle impose tout en écartant la qualification de 'dernier ressort' qu'elle contient, puisqu'elle s'oppose en réalité à l'application de cette clause.

L'appel sera donc déclaré recevable.

Sur le fond:

Le contrat de cession de titres signé le 1er juin 2017 par les parties comporte un prix et deux compléments de prix. Seul le second complément de prix est en litige mais il n'est pas inutile de rappeler que le premier complément de prix a fait l'objet d'une procédure telle que prévue par le contrat, à savoir:

- le 21 juin 2018: notification d'un complément de prix,

- le 12 juillet 2019 contestation par M. [H] [D],

- le 20 juillet 2018 la société Mecadaq, rappelant que la demande était formée dans le délai contractuel (la date documentaire CP1 ayant expiré le 30 juin 2018 et faisant courir le délai de 29 jours) constate que M. [D] sollicite la désignation d'un tiers expert et que les parties s'accordent sur le nom proposé, et rappelle enfin que le tiers expert doit être désigné avant le 29 juillet 2018.

Le litige relatif au second complément de prix porte sur la faculté dont disposait les consorts [D] de saisir le tribunal de commerce statuant en la forme des référés et sans possibilité d'appel après l'expiration du délai de 29 jours prévu à l'annexe 3.1.1 (c)(i)(cc), les consorts [D] soutenant que ce délai n'est pas prévu à peine de forclusion et la société Mecadaq y voyant au contraire un délai de forclusion.

Le contrat prévoit en son article complément de prix n° 2 [E] n° 3.1.1 sur quelle base ce prix sera calculé après détermination d'un'chiffre d'affaires en année pleine 2018 (le chiffre d'affaire CP2) . Il prévoit également que les parties conviennent que tout désaccord entre eux quant à la réalisation ou non des conditions attachées au complément de prix [E] tel que visé à l'article précité qui ne pourrait être résolu amiablement entre les parties concernées dans un délai de 25 jours calendaires suivant la date documentaire CP2 sera soumis au Tiers Expert selon les modalités figurant en annexe 3.1.1(c)(i)(cc).

Cette annexe prévoit que 'le tiers expert sera désigné d'un commun accord entre les parties ou, à défaut, par le président du tribunal de commerce sur requête de la partie la plus diligente, statuant en la forme des référés sans possibilité d'appel, dans un délai de 29 jours consécutifs à la date documentaire CP1 à la date documentaire CP2 selon le cas. En cas de refus ou de carence du tiers expert ou d'impossibilité pour le tiers expert d'accomplir sa mission, un nouveau tiers expert sera désigné selon les mêmes modalités'.

Ce même article détermine le calendrier des documents à remettre à l'expert.

Il en ressort que la détermination des compléments de prix est enserrée dans un délai assez bref à compter du jour où les éléments de calculs nécessaires à la détermination de ce prix ont été notifiés aux cédants et que ces délais, sans être expressément qualifiés de préfix, sont nécessairement des délais passés lesquels la désignation d'un expert n'est plus possible selon les modalités contractuelles en tout cas.

Les parties en sont d'ailleurs bien conscientes, y compris les cédants puisque dans un courrier du 30 janvier 2018 M. [H] [D] en sa qualité de représentant des cédants 1 explique:

« je fais suite à la réception de votre courrier du 19 janvier dernier valant notification au sens de l'article 3. 1. 1 (c)(ii) dudit contrat, aux fins de détermination du complément de prix n°2 [E].

Aux termes de ce courrier, vous me notifiez les éléments que vous estimez être de nature à justifier vos calculs dudit complément de prix et arguez de ce que le montant du chiffre d'affaires arrêté au 31 décembre 2017 date ultime CP2 maximum ne serait pas de 1'358'542,85 euros de telle sorte que le complément de prix numéro 2 [E] ne serait pas dû.

Outre le fait que le tout ne manque pas de me surprendre votre position ne me semble pas être justifiée.

Ainsi et afin de pouvoir apprécier vos prétentions je vous remercie de bien vouloir me transmettre par prompt retour la copie du plan d'approvisionnement 2017 2018 à extraire de l'ERP.

À défaut je vous remercie de bien vouloir me faire part de disponibilité afin de me permettre de planifier, au plus vite et aux plus tard sous 8 jours compte tenu des délais imposés par l'article 3. 1. 1 (c)(ii) du contrat une consultation directe celle-ci au sein de l'entreprise'. (souligné par la cour).

En outre, juste après ces échanges, et pour la détermination du complément de prix n° 1, il a été fait appel à cette procédure, avec rappel des délais, M. [H] [D] sollicitant la désignation d'un expert en la personne de M. [T] [M], dans les délais requis par l'article 3. 1. 1 (c)(ii) en indiquant faire cette demande 'dès à présent et à titre conservatoire au vu des délais qui nous tiennent'.

Il en ressort que les cédants considéraient comme la société Mecadaq que le délai de 29 jours était un délai butoir et qu'à défaut d'avoir pu parvenir à un accord dans ce délai, une saisine de l'expert à titre conservatoire était nécessaire.

La possibilité de procéder 'à titre conservatoire' comme le rappelle M. [D], à la désignation d'un expert permet d'ailleurs d'écarter le moyen selon lequel le délai de 29 jours depuis la première communication des éléments, alors que le délai de 25 jours pour constater le désaccord court de cette même date, serait si bref qu'il ferait obstacle à toute désignation, alors même que l'absence d'accord sur le nom de l'expert ne prive pas les parties d'une expertise mais les oblige seulement à la saisine du juge.

Il ne peut pas davantage être tiré de conclusions du fait que pour le premier complément de prix les parties s'en sont finalement remises en justice, après le délai fixé, puisqu'elles étaient parvenues à un accord sur le nom de l'expert qui a été saisi, même si, en définitive, cet expert n'a pu les mettre d'accord sur la méthode de calcul à utiliser.

En l'espèce, en ce qui concerne le complément de prix n° 2, après réception le 7 février des documents demandés, M [H] [D] a le 13 février 2018 exprimé son désaccord sur les éléments transmis et sur le calcul du chiffre d'affaires servant de base au calcul du complément de prix et ce, en six observations, invitant en conclusion la société Mecadaq à régler le complément de prix dans les délais impartis.

Ce n'est que le 2 mai 2018, soit bien au-delà du délai de 29 jours requis par la clause rappelée par les cédants eux-mêmes, que M. [H] [D] a proposé la désignation de M. [C] [G] en qualité d'expert, ce qui a été refusé par la société Mecadaq au motif que la désignation d'un tiers expert n'était contractuellement plus possible.

Il apparaît donc que l'action des consorts [D] et de la société AM Finances en désignation d'un expert sur le fondement de l'article 3.1.1 (c)(i)(cc) a été tardive et doit être déclarée irrecevable.

En conséquence le jugement sera infirmé en ce qu'il a dit l'action recevable et, par conséquent en ce qu'il a désigné un expert.

PAR CES MOTIFS

Reçoit l'appel de la société Mecadaq,

Rectifie la décision du 30 janvier 2020 en ce qu'elle s'intitule ordonnance de référé et y substitue la mention ordonnance en la forme des référés,

Rejette la demande de rectification de la mention 'en premier ressort',

Infirme en toutes ses dispositions cette décision, et, statuant à nouveau,

Dit irrecevable l'action introduite par MM [I], [U], [W], [H] et [A] [D], Mmes [P] et [J] [D] et la société AM Finances,

Condamne in solidum MM [I], [U], [W], [H] et [A] [D], Mmes [P] et [J] [D] et la société AM Finances à payer à la société Mecadaq la somme de 10 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Les déboute de leurs demandes sur ce fondement,

Condamne in solidum MM [I], [U], [W], [H] et [A] [D], Mmes [P] et [J] [D] et la société AM Finances aux dépens de première instance et d'appel.

LA GREFFIERE, LA PRESIDENTE,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 1 - chambre 2
Numéro d'arrêt : 20/03429
Date de la décision : 29/10/2020

Références :

Cour d'appel de Paris A2, arrêt n°20/03429 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2020-10-29;20.03429 ?
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