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22/10/2020 | FRANCE | N°18/05978

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 7, 22 octobre 2020, 18/05978


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 7



ARRÊT DU 22 Octobre 2020

(n° , 9 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : S N° RG 18/05978 - N° Portalis 35L7-V-B7C-B5TTP



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 14 Mars 2018 par le Conseil de Prud'hommes de LONGJUMEAU section RG n° 14/03/2018







APPELANTE



SELARL PHARMACIE [G]

[Adresse 2]

[Localité 3]



Représentée par M

e Matthieu BOCCON GIBOD, avocat au barreau de PARIS, toque : C2477





INTIMEE



Mme [H] [L] épouse [X]

[Adresse 1]

[Localité 4]



Représentée par Me Anne BACHELLERIE, avocat au barreau de ...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 7

ARRÊT DU 22 Octobre 2020

(n° , 9 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S N° RG 18/05978 - N° Portalis 35L7-V-B7C-B5TTP

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 14 Mars 2018 par le Conseil de Prud'hommes de LONGJUMEAU section RG n° 14/03/2018

APPELANTE

SELARL PHARMACIE [G]

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représentée par Me Matthieu BOCCON GIBOD, avocat au barreau de PARIS, toque : C2477

INTIMEE

Mme [H] [L] épouse [X]

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentée par Me Anne BACHELLERIE, avocat au barreau de PARIS, toque : C1400

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 23 Septembre 2020, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Bérengère DOLBEAU, Conseillère, chargée du rapport.

Ce magistrat, entendu en son rapport, a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Hélène FILLIOL, Présidente de Chambre,

Madame Marie-Hélène DELTORT, Présidente de chambre,

Madame Bérengère DOLBEAU, Conseillère.

Greffier, lors des débats : Madame Lucile MOEGLIN

ARRET :

- CONTRADICTOIRE,

- mis à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile,

- signé par Madame Hélène FILLIOL, Présidente de Chambre, et par Madame Lucile MOEGLIN, Greffière, à laquelle la minute a été remise par le magistrat signataire.

FAITS ET PROCEDURE

Par contrat à durée indéterminée en date du 1er mars 2009, Mme [L] épouse [X], épouse du gérant, a été engagée en qualité de secrétaire à temps complet, puis à temps partiel à compter du 25 février 2013, par la Selarl Pharmacie [X].

La convention collective applicable est celle des pharmacies d'officine.

Le 30 avril 2015, M. [G] a acquis le fonds de commerce d'officine exploité par la Pharmacie [X] par acte sous seing privé avec transfert de propriété au 1er mai 2015.

Le contrat de travail de Mme [X] a été transféré le 1er mai 2015 à la Pharmacie [G].

Par courrier du 25 avril 2017, Mme [X] a mis en demeure M. [G] d'avoir à lui régler l'intégralité de ses salaires depuis le mois de juillet 2015.

Par courrier du 28 avril 2017, M. [G] a contesté les demandes de Mme [X].

Par courrier du 12 mai 2017, Mme [X] a relancé son employeur concernant le paiement de ses salaires et l'a informé que l'accès à son poste lui était refusé.

Par courrier du 19 mai 2017 M. [G] a contesté lui avoir refusé l'accès à son poste de travail.

Mme [X] a pris acte de la rupture de son contrat de travail par courrier en date du 23 juin 2017.

Mme [X] a saisi le conseil de prud'hommes de Longjumeau le 21 juillet 2017.

Par jugement en date du 14 mars 2018, le Conseil de prud'hommes a :

- Dit que la prise d'acte de la rupture du contrat de travail de Mme [X] du 23 juin 2017 produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

- Fixé le salaire mensuel brut de Mme [X] à 1.601,03 euros

- Condamné la Pharmacie [G] prise en la personne de son représentant légal à payer à Mme [X] :

*9.606,18 euros à titre de dommages et intérêts pour rupture abusive ;

*3.047,46 euros bruts au titre de l'indemnité compensatrice de préavis ;

*304,74 euros bruts au titre des congés payés afférents ;

*2.514,14 euros au titre de l'indemnité légale de licenciement ;

*18.568,13 euros au titre du règlement des salaires nets allant du 1er juillet 2015 au 30 octobre 2016 ;

*600 euros au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile ;

- Ordonné à la Pharmacie [G] de remettre à Mme [X] les documents suivants :

*une attestation pôle emploi conforme au présent jugement ;

*un certificat de travail conforme au présent jugement ;

*un bulletin de paie récapitulatif conforme au présent jugement ;

*un bulletin de paie récapitulatif pour les mois de janvier 2017 jusqu'au 23 juin 2017 ;

- Prononcé l'exécution provisoire ;

- Ordonné que les sommes allouées à titre indemnitaire porteront intérêts au taux légal à compter du prononcé de la présente décision ;

- Dit que les intérêts échus depuis plus de un an à compter du prononcé de la présente décision seront eux mêmes productifs d'intérêts au taux légal ;

- Ordonné que les sommes allouées à titre de salaires et accessoires de salaires porteront intérêts au taux légal à compter du 21 juillet 2017 ;

- Débouté Mme [X] de toutes ses autres demandes ;

- Débouté la Pharmacie [G] de sa demande reconventionnelle ;

- Mis les dépens à la charge de la Pharmacie [G].

Pour requalifier la prise d'acte de la rupture en un licenciement sans cause réelle et sérieuse, le conseil a considéré que l'employeur n'apportait pas de preuve tangible permettant à la fois de démontrer l'absence de manquements de sa part et de justifier le licenciement de Mme [X].

Le conseil a rappelé que la prise d'acte de la rupture ne donne pas droit à une indemnité pour non respect de la procédure de licenciement.

Concernant la demande de rappel de salaires, le Conseil a rappelé que l'employeur n'avait pas communiqué en délibéré les comptes de bilan pour les années 2015 et 2016 permettant d'établir la créance de Mme [X] et condamné la société au règlement du net à payer des salaires demandés en se basant sur les courriers de l'employeur mentionnant le refus de ces paiements.

La Pharmacie [G] a interjeté appel de ce jugement le 30 avril 2018.

Mme [X] a formé un appel incident.

PRETENTIONS ET MOYENS DE LA PARTIE

Dans ses dernières conclusions transmises par voie électronique le 23 janvier 2019, la Pharmacie [G] conclut à l'infirmation de la décision déférée et demande à la cour de :

- dire que la prise d'acte effectuée par Mme [X] doit s'analyser comme une démission avec toutes les conséquences de droit ;

- dire Mme [X] mal fondée en ses demandes ;

En conséquence,

- débouter Mme [X] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions, subsidiairement en opérer réduction ;

- condamner Mme [X] au paiement de la somme de 3.047,46 € bruts au titre de l'indemnité compensatrice de préavis;

- condamner Mme [X] au paiement d'une somme de 5 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner Mme [X] aux entiers dépens.

Sur la prise d'acte de la rupture, elle fait valoir que celle-ci doit s'analyser comme une démission.

Elle précise que la jurisprudence considère que la rupture n'est justifiée qu'en cas de manquements :

- suffisamment graves pour empêcher la poursuite du contrat de travail ;

- non considérés comme anciens ;

- ayant provoqués une réaction rapide du salarié ;

Elle rappelle que la jurisprudence considère que le doute profite à l'employeur.

Elle soutient que Mme [X] a cessé brutalement d'exécuter toute prestation de travail dès le 1er septembre 2015, que la salariée n'établit nullement la réalité des faits qu'elle invoque et qu'elle n'a jamais réclamé ses prétendus salaires entre juillet 2015 et octobre 2016.

Elle indique également avoir fourni des attestations concordantes de ses huit salariés rapportant la preuve de ses allégations et notamment que Mme [X] a travaillé depuis le 1er septembre 2015 dans la nouvelle pharmacie de son mari.

Sur la demande de dommages et intérêts pour rupture abusive, elle fait valoir que le jugement rendun'est pas motivé et que la salariée n'a subi aucun préjudice.

Sur sa demande reconventionnelle au titre de l'indemnité pour non respect du préavis, elle rappelle que lorsque la prise d'acte n'est pas justifiée, elle produit les effets d'une démission, et que le salarié peut être condamné à verser à l'employeur le montant de l'indemnité compensatrice de préavis.

Dans ses dernières conclusions transmises par voie électronique le 26 juin 2019, Mme [X] demande la confirmation en tous points du jugement, sauf en ce que la demande au titre de la journée du 2 mai 2017 a été rejetée.

Par conséquent, elle demande à la cour de :

- dire bien fondée sa prise d'acte de rupture et la dire imputable à l'employeur,

- condamner la société à lui payer les sommes suivantes :

*Indemnité légale de licenciement : 2.514,14 €

* Indemnité compensatrice de préavis : 3.047,46 €

* Congés payés afférents : 304,74 €

*Dommages et intérêts pour rupture abusive : 9.606,18 €

*Rappel de salaire pour la période courant du 1er juillet 2015 au 30 octobre 2016 : 18.568,13 €

*Rappel de salaire pour le 2 mai 2017 : 35,16 €

Y ajoutant,

- ordonner à la Pharmacie [G] la remise sous astreinte de 100 € par jour de retard et par document, des documents suivants :

* Bulletins de salaire de Janvier à avril 2017, juin, juillet et août 2017,

* Certificat de travail,

* Attestation Pôle Emploi,

- débouter la Pharmacie [G] de toutes ses demandes, fins et conclusions,

- la condamner à lui régler une somme de 3.500€ au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile en cause d'appel, et aux entiers dépens.

Sur la prise d'acte de la rupture, elle fait valoir qu'elle a alerté son employeur de l'absence de règlement de ses salaires et de son impossibilité de pouvoir travailler avec son code d'accès.

Elle fait valoir que la jurisprudence considère que le non-paiement des salaires par l'employeur justifie la prise d'acte de la rupture.

Sur les rappels de salaires, elle indique que son employeur a reconnu le défaut de règlement de ses salaires aux termes des courriers en date du 28 avril et 19 mai 2017.

Elle indique avoir versé aux débats des attestations démontrant sa présence à la pharmacie pour y emporter du travail et conteste les attestations versées par son employeur.

L'ordonnance de clôture a été prononcée le 1er juillet 2020.

MOTIFS de la DECISION

Sur la rupture du contrat de travail

Lorsqu'un salarié prend acte de la rupture de son contrat de travail en raison de faits qu'il reproche à son employeur, cette rupture produit soit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse si les manquements de l'employeur invoqués sont d'une gravité telle qu'ils font obstacle à la poursuite du contrat de travail, soit dans le cas contraire d'une démission.

Il appartient au salarié de rapporter la preuve des manquements qu'il invoque, sans que le courrier de prise d'acte ne lie le juge ou ne fixe les limites du litige.

En l'espèce, la prise d'acte du 23 juin 2017 est ainsi libellée : «Je vous rappelle notamment que par courrier du 25 avril 2017, je me voyais contrainte de vous mettre en demeure de me régler les salaires suivants, qui malgré plusieurs relances n'avaient toujours pas été payés ('). Or, vous n'avez pas cru devoir faire droit à cette demande, et avez même prétendu par deux fois depuis, que le paiement du salaire est la contrepartie d'une prestation de travail. Je vous rappelle néanmoins que tous ces rappels de salaire ont trait à des périodes de travail, en attestent mes bulletins de travail, lesquels mentionnent bien ma présence à mon poste de travail. Par ailleurs je me suis présentée avant mon arrêt maladie dû à la situation présente, à mon poste de travail, sans succès, puisque l'accès à la pharmacie m'a été à chaque fois refusé. Mieux, tous les codes d'accès nécessaires à l'accomplissement de mes fonctions ont été bloqués de sorte que vous ne respectez pas les obligations contractuelles qui sont les vôtres, en faisant obstacle à ce que je remplisse mes fonctions. Sachant que le paiement de l'intégralité du salaire est une des obligations principales de l'employeur et que chaque salarié doit avoir accès à son poste de travail, et être en mesure d'exercer ses fonctions, je ne peux que constater que vous ne remplissez pas ces obligations. Cela me contraint à prendre acte de la rupture de mon contrat de travail, cette prise d'acte vous étant totalement imputable ».

Mme [X] reproche à son employeur de ne pas lui avoir versé ses salaires de juillet 2015 à octobre 2016, et de ne pas l'avoir laissée accéder à son poste de travail en lui interdisant l'accès à la pharmacie et en ne lui communiquant pas les codes d'accès.

Elle verse aux débats pour en justifier :

- ses bulletins de salaire de mai 2015 à octobre 2016 ;

- un courrier recommandé adressé par elle-même à la Pharmacie [G] le 25 avril 2017 la mettant en demeure de lui régler ses salaires de juillet 2015 à octobre 2016 ;

- un courrier recommandé adressé par elle à la Pharmacie [G] le 12 mai 2017 indiquant qu'elle s'était présentée à la pharmacie le 2 mai 2017 à 8h30, et qu'il lui avait été refusé d'accéder à son poste et les codes d'accès nécessaires à ses fonctions ;

- une attestation du 22 novembre 2017 de Mme [O] [D], apprentie préparatrice, indiquant avoir été salariée au sein de la pharmacie [G] du 8 août 2016 au 28 mars 2017, et attestant avoir vu Mme [X] venir fréquemment au sein de la pharmacie et y rester plusieurs heures, mais également emporter avec elle des dossiers afin de poursuivre son travail chez elle ;

- une attestation du 23 novembre 2017 de M. [N] [A], pharmacien, attestant avoir constaté que Mme [X] effectuait des rejets de facturation de la pharmacie [G] [X] à [Localité 3] par télétravail jusqu'au moment où M. [G] lui a bloqué l'accès aux logiciels.

Une autorisation de sortie du 2 mai 2017 délivrée par la pharmacie [G] à Mme [X] pour qu'elle puisse se rendre à son rendez vous médical à 11h30.

La Pharmacie [G] conteste formellement que Mme [X] soit venue travailler dans les locaux de la pharmacie depuis le 1er septembre 2015, date à laquelle la salariée serait partie travailler dans l'officine de son mari.

Elle verse aux débats :

- son propre courrier du 28 avril 2017, en réponse au courrier de Mme [X] du 25 avril 2017 ;

- son propre courrier du 19 mai 2017, en réponse au courrier de Mme [X] du 12 mai 2017 ;

- son propre courrier du 3 juillet 2017 en réponse à la prise d'acte de Mme [X], contestant la demande de salaires et rappelant que la salariée a abandonné son poste de travail depuis le 1er septembre 2015 ;

- son courrier adressé à la DIRECCTE le 4 juillet 2017 contestant le paiement des salaires réclamés par Mme [X] et indiquant que ceux de juillet et août 2015 lui avaient été réglés en temps et en heure ;

- une attestation du 18 novembre 2017 de M. [C] [U] [F], pharmacien, qui indique qu'il est employé à la pharmacie [G] depuis le 1er juin 2015 et qu'il a travaillé avec Mme [X] jusqu'au 31 août 2015, date à laquelle celle-ci a rejoint la pharmacie [X] à [Localité 4] ;

- une attestation du 21 novembre 2017 de Mme [T] [M], préparatrice en pharmacie, attestant être salariée de la pharmacie [G] depuis le 1er septembre 2016, et n'avoir pas vu Mme [X] au sein de la pharmacie jusqu'au jour de l'attestation ;

- une attestation du 17 novembre 2017 de Mme [W] [S], étudiante en pharmacie, attestant être salariée de la pharmacie [G] depuis le 1er février 2017 et n'avoir vu Mme [X] qu'une demi-matinée au sein de la pharmacie ;

- une attestation du 17 novembre 2017 de Mme [I] [E], préparatrice, attestant ne pas avoir vu Mme [X] à son poste de travail depuis septembre 2015 mis à part une petite matinée en 2017 ;

- une attestation du 17 novembre 2017 de Mme [R] [K], préparatrice, attestant être salariée depuis mai 2015 de la pharmacie [G], et qu'à partir de septembre 2015, date à laquelle M. et Mme [X] ont repris une nouvelle pharmacie à [Localité 4], elle a croisé brièvement Mme [X] venant simplement récupérer des affaires au sein de la pharmacie [G] ;

- une attestation du 24 novembre 2017 de M. [Z] [P] [Y] [B] [V], ancien apprenti préparateur en pharmacie à la pharmacie [X] à [Localité 4] du 1er septembre 2015 au 31 août 2017, qui indique qu'il a travaillé sous la supervision de Mme [X] qui était toujours présente pendant ses heures de formation, soit 23 heures hebdomadaires ;

- un certain nombre de décisions de justice entre la pharmacie [X] et la pharmacie [G], attestant d'un conflit important entre les deux associés de 2017 à 2019.

Sur le premier grief relatif à l'absence de paiement des salaires :

- Salaires de juillet et août 2015 :

Il n'est pas contesté que Mme [X] a travaillé pour le compte de la pharmacie [G] au cours des mois de juillet et août 2015. Elle indique ne pas avoir été payée pour ces deux mois.

La pharmacie [G] affirme avoir réglé ces deux salaires dans son courrier du 3 juillet 2017 en réponse à Mme [X] et dans son courrier du 4 juillet 2017 à la DIRECCTE.

Toutefois, l'employeur ne justifie pas avoir réglé ces deux salaires, alors que la preuve du paiement lui incombe.

Il y a donc lieu de le condamner à verser à Mme [X] la somme de 3 200,92 € au titre des salaires de juillet et août 2015.

- Salaires de septembre 2015 à octobre 2016 :

Le salaire est la contrepartie d'un travail effectif.

Mme [X] soutient qu'elle a travaillé de septembre 2015 à octobre 2016 à la pharmacie [G] sans être rémunérée, mais n'a réclamé ses salaires à son employeur que par courrier du 25 avril 2017, soit au bout de 20 mois.

En premier lieu, s'il n'est pas contesté par les deux parties que Mme [X] n'a pas reçu de salaire à compter du mois de septembre 2015 de la part de son employeur, la Pharmacie [G], il résulte des différentes pièces versées aux débats et notamment des six attestations des salariés de la pharmacie [G] et de la pharmacie [X], que Mme [X] n'était plus présente et ne travaillait plus dans l'officine [G] à [Localité 3] (91) mais dans l'officine [X] à [Adresse 5] (94) à compter du 1er septembre 2015.

Les deux attestations versées aux débats par Mme [X] précisent pour l'une (M. [A]), qu'il a constaté que Mme [X] faisait des rejets de facturation par télétravail, ce dont il ne peut avoir été témoin en étant présent dans la pharmacie, et pour l'autre (Mme [D]) qu'elle a vu « Mme [X] venir fréquemment au sein de la pharmacie et y rester plusieurs heures », sans plus de précision quant à la fréquence et à la durée de cette présence, contredite par l'ensemble des autres attestations.

Par ailleurs, les fiches de paie produites par la salariée ne justifient pas de la présence effective de Mme [X] à son poste de travail pour l'ensemble de la période réclamée, les bulletins de salaires à compter du mois de février 2016 et jusqu'au mois de juin 2016 inclus mentionnant « absence sans solde ».

Aussi, en l'absence de toute preuve de travail effectif du mois de septembre 2015 au mois d'octobre 2016 au sein des locaux de la pharmacie [G], la demande de paiement de salaires de Mme [X] par courriers d'avril et mai 2017 n'était pas justifiée, et ce grief envers l'employeur n'est pas constitué.

Sur le second grief relatif au refus d'accès à son poste de travail :

Mme [X] reproche également à son employeur ne pas l'avoir laissée accéder à son poste de travail le 2 mai 2017 en lui interdisant l'accès à la pharmacie et en ne lui communiquant pas les codes d'accès aux logiciels.

Il résulte des attestations de Mmes [E] et [S] que Mme [X] est bien venue travailler dans la pharmacie [G] « une petite matinée », ce qui est corroboré par l'autorisation de sortie délivrée le 2 mai 2017 par la pharmacie [G] à Mme [X] pour qu'elle puisse se rendre à un rendez vous médical à 11h30 (pièce n°17 de Mme [X]). Il est donc établi que Mme [X] a pu avoir accès à son poste de travail le 2 mai 2017 contrairement à ses affirmations, celle-ci demandant par ailleurs le paiement de cette demi-journée de travail.

Quant à l'accès aux codes logiciels, Mme [X] ne verse aux débats aucune pièce justifiant de ce refus de communiquer de la part de l'employeur.

Ce second grief n'est donc pas démontré.

La preuve des deux griefs invoqués par la salariée à l'encontre de son employeur n'est pas établie. Le paiement des salaires de juillet et août 2015 n'est pas justifié par l'employeur, mais ce grief, qui est antérieur de 23 mois à la prise d'acte de la salariée est trop ancien pour justifier celle-ci, et la prise d'acte du 23 juin 2017 produira donc les effets d'une démission.

Le jugement sera infirmé.

Sur les indemnités de rupture :

La prise d'acte produisant les effets d'une démission, Mme [X] ne peut prétendre aux indemnités de rupture.

Les demandes au titre de l'indemnité légale de licenciement, d'indemnité compensatrice de préavis et de dommages intérêts pour rupture abusive seront rejetées.

Le jugement sera infirmé.

Sur les rappels de salaire :

Mme [X] sollicite le paiement du salaire pour les trois heures de travail du 2 mai 2017.

Sa venue dans les locaux de la pharmacie [G] le 2 mai 2017 n'étant pas contestée par l'employeur, il y a lieu de faire droit à cette demande à hauteur de la somme de 35,16 €.

Les autres demandes au titre de rappel de salaires seront rejetées pour les motifs ci-dessus exposés, à l'exception des salaires de juillet et août 2015, Mme [X] ne justifiant ni de sa présence, ni d'un travail effectif au sein de la pharmacie [G] du 1er septembre 2015 au 31 octobre 2016.

Sur la demande reconventionnelle :

La Pharmacie [G] sollicite le paiement de la somme de 3 047,46 € au titre du préavis de deux mois de Mme [X].

En application de l'article L 1237-1 du code du travail, la conséquence de la prise d'acte constitutive d'une démission est le paiement d'une indemnité compensatrice de préavis par le salarié dont le montant est égal aux salaires correspondants et qui présente un caractère forfaitaire indépendamment de la caractérisation d'un quelconque préjudice subi par l'employeur ; en conséquence, Mme [X] sera condamnée à verser à la pharmacie [G] une somme de 3 047,46 euros correspondant à deux mois de salaire conformément à l'article 8 du contrat de travail.

Sur l'article 700 du code de procédure civile :

Chacune des parties garde à sa charge les frais qu'elle a engagés en application de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant publiquement par arrêt contradictoire et mis à disposition au greffe,

INFIRME le jugement dans sa totalité ;

Et statuant à nouveau,

DIT que la prise d'acte de la rupture du contrat de travail de Mme [X] produit les effets d'une démission ;

DÉBOUTE Mme [H] [L] épouse [X] de ses demandes au titre des indemnités de rupture ;

CONDAMNE la Selarl Pharmacie [G] prise en la personne de son représentant légal à verser à Mme [H] [L] épouse [X] :

- la somme de 35,16 € au titre de rappel de salaires du 2 mai 2017,

- la somme de 3 200,92 € au titre des salaires de juillet et août 2015 ;

DÉBOUTE Mme [H] [L] épouse [X] de ses demandes supplémentaires ;

CONDAMNE Mme [H] [L] épouse [X] à verser à la Selarl Pharmacie [G] la somme de 3 047,46 € au titre du préavis ;

DIT que chacune des parties garde à sa charge les frais qu'elle a engagés en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE la SELARL Pharmacie [G] au paiement des dépens de première instance et d'appel.

LA GREFFIERE LA PRESIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 7
Numéro d'arrêt : 18/05978
Date de la décision : 22/10/2020

Références :

Cour d'appel de Paris K7, arrêt n°18/05978 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2020-10-22;18.05978 ?
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