La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

20/10/2020 | FRANCE | N°18/10604

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 11, 20 octobre 2020, 18/10604


Copies exécutoiresREPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 11



ARRET DU 20 OCTOBRE 2020



(n° , 9 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 18/10604 - N° Portalis 35L7-V-B7C-B6NHU



Décision déférée à la Cour : Jugement du 19 Mars 2018 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS - RG n° F 15/04591





APPELANTE



Madame [P] [F]

[Adresse 1]

[Localité 4]>
Représentée par Me Suzanne DUMONT VAYSSADE, avocat au barreau de PARIS, toque : D1097

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2018/057694 du 06/02/2019 accordée par le bure...

Copies exécutoiresREPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 11

ARRET DU 20 OCTOBRE 2020

(n° , 9 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 18/10604 - N° Portalis 35L7-V-B7C-B6NHU

Décision déférée à la Cour : Jugement du 19 Mars 2018 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS - RG n° F 15/04591

APPELANTE

Madame [P] [F]

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentée par Me Suzanne DUMONT VAYSSADE, avocat au barreau de PARIS, toque : D1097

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2018/057694 du 06/02/2019 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de PARIS)

INTIMÉE

SAS AXCESS

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représentée par Me Eric MANCA, avocat au barreau de PARIS, toque : P0438

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 17 Septembre 2020, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme Sylvie HYLAIRE, Présidente de chambre, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :

Sylvie HYLAIRE, présidente de chambra

Anne HARTMANN, présidente de chambre

Laurence DELARBRE, conseillère

Greffier, lors des débats : Madame Mathilde SARRON

ARRÊT :

- contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Sylvie HYLAIRE, Présidente et par Victoria RENARD, Greffier présent à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSÉ DU LITIGE

Après un contrat de travail à durée déterminée conclu pour une journée en janvier 2012, Mme [P] [F], née en 1984, a été engagée par contrat de travail à durée indéterminée, à compter du 1er février 2013, en qualité d'hôtesse accueil standard par la société Axcess qui effectue des prestations pour les entreprises en matière d'accueil et d'événementiel et emploie 150 salariés.

Les relations contractuelles entre les parties étaient soumises à la convention collective nationale du personnel des prestataires de service dans le domaine du secteur tertiaire.

En dernier lieu, la rémunération mensuelle brute moyenne de Mme [F], qui était affectée dans la société Eprus à [Localité 5], s'élevait à la somme de 1.430,24 euros pour 151,67 heures par mois (9h30 - 17h30 avec une heure de pause).

Mme [F] a été placée en arrêt maladie du 8 mars au 18 juin 2014 et a ensuite repris son poste dans le cadre d'un mi-temps thérapeutique du 16 juin au 16 juillet 2014.

Ses horaires de travail ont alors été de 9h à 13 h.

Mme [F] a de nouveau été en arrêt maladie à compter du 19 novembre 2014, puis de façon discontinue à compter du 7 janvier 2015.

Demandant la résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts exclusifs de son employeur et diverses indemnités, Mme [F] a saisi le 15 avril 2015 le conseil de prud'hommes de Paris.

Le 6 janvier 2016, à l'issue de deux visites, le médecin du travail a déclaré Mme [F] inapte définitivement à son poste de travail, selon les termes suivants : « à l'issue du deuxième examen médical réglementaire après étude de poste et des conditions de travail, réalisée le 22 décembre 2015, je déclare l'intéressée inapte définitivement à son poste. L'état de santé de l'intéressée ne permet pas de proposer une solution de reclassement dans l'entreprise ».

Par lettre datée du 28 janvier 2016, Mme [F] a été convoquée à un entretien préalable fixé au 8 février 2016.

Mme [F] a ensuite été licenciée pour inaptitude et impossibilité de reclassement par lettre datée du 12 février 2016.

A la date du licenciement, Mme [F] avait une ancienneté de 3 ans et la société Axcess occupait à titre habituel plus de dix salariés.

Par jugement rendu le 19 mars 2018, le conseil de prud'hommes de Paris a :

- condamné la SAS Axcess à verser à Mme [F] les sommes suivantes':

* 23.149,49 euros au titre de l'indemnité en réparation du préjudice subi du fait de l'impossibilité de percevoir la contrepartie de la prestation de travail et pour perte de revenus ;

* 700 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile';

- ordonné l'exécution provisoire du jugement en application de l'article 515 du code de procédure civile';

- débouté Mme [F] du surplus de ses demandes';

- condamné la SAS Axcess aux dépens.

Par déclarations des 19 septembre 2018 et 8 novembre 2018, Mme [F] et la société Axcess ont relevé appel de cette décision qui avait été notifiée le 15 septembre 2018 à Mme [F] et dont la société n'avait pas reçu la notification.

Les deux procédures ont fait l'objet d'une jonction.

Par conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 12 décembre 2018, Mme [F] demande à la cour de :

- confirmer le jugement du conseil de prud'hommes de Paris en ce qu'il a condamné la société Axcess à lui verser la somme de 23.149,49 euros au titre de l'indemnité en réparation du préjudice subi du fait de l'impossibilité de percevoir la contrepartie de la prestation de travail et pour perte de revenus, outre une somme de 700 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- l'infirmer pour le surplus et statuant à nouveau,

- dire et juger que la société Axcess a gravement manqué à ses obligations professionnelles inhérentes au contrat de travail, notamment à son obligation de sécurité de résultat et à son obligation de loyauté, ce qui a eu une incidence sur l'état de santé de sa salariée à l'origine de l'inaptitude définitive constatée par le médecin du travail ;

- dire et juger que l'inaptitude définitive de Mme [F] revêt un caractère professionnel ;

- dire et juger que la société Axcess n'a nullement consulté les délégués du personnel avant la proposition de reclassement adressée à Mme [F] et avant la mise en 'uvre de la procédure de licenciement ;

- dire et juger que la société Axcess n'a nullement respecté son obligation préalable de reclassement et ne s'est nullement livrée à une recherche loyale et sérieuse de reclassement ;

- dire et juger que le licenciement pour inaptitude définitive et pour impossibilité de reclassement est nul ou à tout le moins dépourvu de tout motif réel et sérieux avec toutes les conséquences juridiques et financières y afférentes ;

En conséquence,

- condamner la société Axcess à verser à Mme [F] les sommes suivantes :

* 2.933,30 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis de deux mois,

* 293,33 euros au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés afférents,

* 1.234,45 euros au titre du complément de l'indemnité légale de licenciement en application des dispositions des articles L. 1234-9 et R. 1234-1 et L. 1226-14 du code du travail,

* 17.599,80 euros au titre de l'indemnité pour licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse en application des dispositions des articles L. 1226-15 et L. 1235-3 du code du travail,

* 15.000 euros à titre de dommages intérêts pour préjudice moral distinct,

* 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- assortir les condamnations des intérêts légaux à compter de la saisine du conseil de prud'hommes pour les condamnations à caractère salarial et à compter du prononcé de l'arrêt de la cour pour les condamnations à caractère indemnitaire ;

- condamner la société Axcess aux entiers dépens.

Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 12 mars 2019, la SAS Axcess demande à la cour de :

- constater la régularité de la représentation de la société lors de l'audience qui s'est tenue devant le conseil de prud'hommes le 8 janvier 2018 ;

- dire et juger qu'en statuant comme il a fait le conseil de prud'hommes a violé le droit essentiel que constitue le droit de la défense (article 6.3 CEDH)';

en conséquence,

- prononcer la nullité du jugement ;

Statuant à nouveau,

- dire et juger que la société n'a commis aucun harcèlement moral à l'encontre de Mme [F] ;

- dire et juger le licenciement de Mme [F] bien-fondé ;

En conséquence,

- débouter Mme [F] de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions ;

A titre subsidiaire, si la cour ne prononçait pas l'annulation du jugement :

- confirmer le jugement en ce qu'il a jugé le licenciement bien-fondé ;

- infirmer le jugement en ce qu'il a reconnu l'existence d'un harcèlement moral subi par Mme [F] ;

En conséquence,

- infirmer le jugement en ce qu'il a condamné la société au versement de la somme de 23.149 euros à titre d'indemnité en réparation du prétendu préjudice subi lié à l'impossibilité pour elle de percevoir la contrepartie de la prestation travail ;

- infirmer le jugement qui a condamné la société à 700 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

En tout état de cause,

- condamner Mme [F] à 700 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 24 juin 2020 et l'affaire fixée en audience de plaidoirie le 17 septembre 2020.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des moyens et des prétentions des parties, la cour se réfère à leurs conclusions écrites ainsi qu'au jugement déféré.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la nullité du jugement

La société Axcess demande à la cour de prononcer la nullité du jugement au motif que le conseil de prud'hommes a estimé que la société ne pouvait pas être valablement représentée par M. [Z] [H], gérant d'une autre société, la SARL AMB, le conseil ayant retenu à tort que les deux sociétés n'avaient pas la même activité.

Mme [F] ne présente pas d'observation sur cette demande.

***

Aux termes des dispositions de l'article R.1453-2 du code du travail, les personnes habilités à assister ou représenter les parties devant le conseil de prud'hommes sont notamment les employeurs appartenant à la même branche d'activité.

Il ressort des extraits Kbis des sociétés Axcess et AMB qu'à la date de l'audience du bureau de jugement, soit le 8 janvier 2018, l'activité de la première était l'accueil en entreprise et l'accueil événementiel mais aussi le recrutement et la formation ainsi que toutes prestations de service et toutes actions commerciales liées à la communication et à l'accueil alors que celle de la société AMB était limitée à l'accueil événementiel et en entreprise et plus particulièrement en matière de parfumerie, hygiène corporelle et produits de beauté.

Les premiers juges ont donc estimé à juste titre que les branches d'activité respective des deux sociétés n'étaient pas les mêmes et que, par conséquent, M. [H] [Z], gérant de la SARL AMB, ne pouvait pas représenter la société Axcess.

La société Axcess sera donc déboutée de sa demande tendant à voir prononcer la nullité du jugement déféré.

Sur le harcèlement moral

Mme [F] soutient que l'inaptitude à son poste est la conséquence de la dégradation de ses conditions de travail constitutive d'un harcèlement moral.

Selon les dispositions de l'article L. 1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

L'article L. 1154-1 prévoit, qu'en cas de litige, si le salarié concerné établit des faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement et, au vu de ces éléments, il incombe à l'employeur de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.

Au soutien de ses prétentions, Mme [F] invoque les éléments suivants :

- elle ne pouvait pas prendre de pause déjeuner dans la mesure où la personne qui devait la remplacer arrivait en retard ;

- elle a été contrainte à plusieurs reprises de former des hôtesses d'accueil, ce qui n'entrait pas dans ses attributions et ce, sans aucune revalorisation de ses qualifications professionnelles et de son niveau de rémunération ;

- elle était contrainte de travailler lorsqu'elle était en arrêt de maladie mais aussi les jours fériés sans percevoir aucune majoration de salaire ou indemnité ;

- durant ses arrêts de travail pour maladie, la société Axcess ne transmettant pas à la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) des attestations de salaires valables et elle ne pouvait pas percevoir ses indemnités journalières ;

- la société lui adressait des lettres recommandées pour lui demander de justifier ses absences alors qu'elle lui avait transmis les arrêts de travail ;

- n'ayant aucune réponse à ses demandes de congés, elle n'a pas pu prendre ceux-ci en temps voulu ;

- la société refusait systématiquement de lui verser les primes trimestrielles dues ainsi que les indemnités de frais kilométriques qui devaient se substituer au remboursement de la carte orange ;

- elle a rencontré des difficultés financières du fait du retard dans les versements des salaires qui n'étaient pas payés dans leur intégralité ;

- cette situation a eu des répercussions sur son état de santé.

Mme [F] verse notamment aux débats les pièces suivantes :

- un mail du 22 mars 2013 dans lequel elle indique que sa pause déjeuner a été d'une demi-heure (pièce 10) ainsi qu'un mail du 25 mars 2013 où Mme [F] déclare que cela fait 4 fois que personne ne vient la relever pendant sa pause déjeuner (les 12, 13 et 25 mars ainsi que le 22 mars où elle n'a eu une pause que d'une demi-heure) suivi d'un autre mail du même jour où elle indique avoir pu finalement prendre sa pause et où elle précise que pour le 22 mars, elle a préféré réduire sa pause car celui qui la remplaçait n'était pas formé au poste (pièces 11 et 12) ;

- une liste des jours de formation avec les prénoms des personnes formées (pièce 44) ;

- un échange de mails du 26 février 2013 au sujet du travail de Mme [F] le 27 février 2013 alors qu'elle est en arrêt de maladie jusqu'au 1er mars 2013 (pièce 9) ;

- un mail du 24 avril 2013 où elle indique faire parvenir par la voie postale un arrêt de travail pour maladie et sollicite l'envoi de l'attestation de salaire à la CPAM (pièce 13) ;

- un mail du 17 juin 2014 où elle demande si l'attestation de salaire a été envoyée à la CPAM (pièce 35), une relance le 3 juillet 2014 où elle indique que la CPAM n'aurait pas reçu l'attestation (pièce 36), un mail du 25 juillet 2014 où elle signale une erreur sur l'attestation envoyée (pièce 37), des rappels à ce sujet les 7 et 11 août 2014 (pièces 38 à 42)  et un échange de mails du 6 novembre 2014 dans lequel le service comptabilité indique que les attestations ont été envoyées le 15/09 pour le mois d'août et le 14/10 pour le mois d'octobre (pièce 76) ;

- un mail de la CPAM du 16 avril 2015 où il est demandé l'envoi d'attestations de salaire mais signalant qu'il manque des arrêts de travail (pièces 82 à 84, 86 et 87) ;

- deux mails, l'un du 22 mai 2013, le second du 25 avril 2014 où elle signale une erreur sur la date mentionnée sur l'attestation de salaire destinée à la CPAM (pièces 17, 26) ;

- un mail du 2 mai 2013 où elle déplore ne pas avoir eu le virement d'un acompte qu'elle aurait dû avoir l'avant-veille (pièces 14 et 15) ;

- un mail du 15 mai 2013 réitéré le 21 puis le 22 sollicitant qu'on l'appelle pour avoir des explications sur son bulletin de paie du mois d'avril (pièces 16 et 18), la réponse du service du 22 mai 2013 (pièce 19) où il lui est indiqué que l'absence pour déménagement est déduite mais immédiatement recréditée dans la ligne suivante du bulletin (pièce 19) et un échange de mails du 19 novembre 2014 au sujet des retenues opérées sur son salaire du mois d'octobre dans lequel l'employeur reconnaît une erreur de 3h30 qui va être régularisée par virement la semaine suivante (pièce 78) ,

- une lettre recommandée avec avis de réception adressée le 10 décembre 2015 par l'employeur demandant à Mme [F] de justifier son absence depuis le 1er décembre et la convoquant pour une visite de reprise fixée au 17 décembre (pièce 87) ;

- un mail du 22 octobre 2013 où elle se plaint d'avoir reçu une fiche de paie avec zéro heure et zéro salaire et de n'avoir été payée que le 18 et non le 15 ;

- un mail du 19 mai 2014 et du 21 mai 2014 où elle indique avoir travaillé jusqu'à 17h40 le 19 et 17h37 le 21 (pièces 27 et 28) et deux mails du 28 mai 2014 adressés à 17h51 et 18h30 où elle indique dans le premier que l'agent de sécurité n'est pas venu la relever et qu'elle a sa fille à récupérer et, dans le second, que sa fin de poste est effective (pièces 30 et 31) ;

- un mail du 23 mai 2014 où elle réclame le paiement de ses indemnités kilométriques (pièce 29) et un mail du 17 septembre 2014 adressé par Mme [O] [L], directrice d'exploitation, qui indique qu'il avait été convenu que Mme [F] serait remboursée de ses frais kilométriques puisqu'elle utilisait sa voiture pour travailler (pièce 43) ;

- un mail du 17 juin 2014 où elle indique qu'elle devait solder ses congés avant le 31 mai, qu'ayant été en arrêt pour maladie depuis le 4 mars et ayant repris le 19 mai 2014, elle n'a pas pu les obtenir et demande une régularisation, précisant qu'elle annule sa demande de congé pour le mois de juillet (pièce 33), un mail de relance à ce sujet le 3 juillet 2014 (pièce 36) ;

- de nombreux documents médicaux, arrêts de travail dont un certificat attestant de son hospitalisation du 05/12/2014 au 07/01/2015 « dans un contexte d'épuisement psychique » (pièce 60), des documents relatifs à son admission en invalidité, plusieurs certificats mentionnant le lien entre les conditions de travail et la dégradation de l'état de santé de Mme [F].

La société Axcess conteste l'existence du harcèlement allégué et fait valoir les éléments suivants :

- la privation de la pause déjeuner ne s'est produite que deux fois, la troisième fois ayant été décidée par la salariée elle-même qui n'en n'a avisé l'employeur qu'après ;

- les dépassements d'horaires se sont limités à trois fois et en raison du retard de l'agent de sécurité qui venait la relever et qui n'est pas un salarié de la société ;

- la formation alléguée était en réalité un accompagnement d'une journée des nouvelles hôtesses qui a représenté en tout 14 jours ;

- Mme [F] n'a pas travaillé lorsqu'elle était en maladie : l'échange de mails produit démontre que si sa supérieure lui avait demandé qu'elle vienne travailler car Mme [F] lui avait indiqué qu'elle n'avait pas encore d'arrêt de travail, la salariée n'a finalement pas travaillé le lendemain ;

- la société conteste avoir tardé à envoyer les attestations destinées à la CPAM et produit à ce sujet plusieurs mails échangés avec la caisse (ses pièces 3 à 6) expliquant les difficultés rencontrées notamment à propos de la période de mi-temps thérapeutique ;

- s'agissant des demandes de congés, elle fait observer que le bulletin de paie démontre que la demande de jours de congés pour juillet 2014 a bien été annulée et produit le relevé des demandes de la salariée établissant le report des jours non pris avant le 31 mai 2014 (pièce 11) ;

- concernant le remboursement des frais kilométriques, la société conteste l'accord allégué par la salariée, mettant en cause la valeur probante du « mail » produit par Mme [F].

Au vu des explications et pièces fournies par les parties, la cour relève que certains des faits allégués par la salariée ne sont pas établis.

Il en est ainsi d'une part, du travail pendant les arrêts maladie et les jours fériés le 27 février 2013 : Mme [F] n'a en réalité pas travaillé le 27 février 2013 et aucune pièce n'est produite pour les jours fériés prétendument travaillés.

D'autre part, ainsi que le fait observer la société, le mail attribué à Mme [O] [C] produit par Mme [F] pour justifier un prétendu accord au sujet des frais kilométriques ne respecte pas les prescriptions de l'article 202 du code de procédure civile ; le caractère probant de cette pièce est d'autant plus sujet à caution que le contrat de travail conclu entre les parties ne vise que le remboursement de la carte orange selon les modalités légales et que l'examen des bulletins de paie produits par Mme [F] pour toute la durée de la relation contractuelle (à l'exception de ceux des mois de juin 2013 à septembre 2013, mai et décembre 2014, mars à juin 2015, septembre, novembre et décembre 2015) ne fait apparaître aucun remboursement au titre de frais kilométriques.

Le défaut de prise en compte des demandes de la salariée quant aux congés n'est pas établi et est démenti par les pièces produites par la société et le prétendu retard dans le paiement des salaires ne repose que sur les seules allégations de la salariée, la cour relevant au surplus que de manière quasi-systématique, la société acceptait de lui verser des acomptes sur salaire.

Par ailleurs, le fait pour un employeur de solliciter du salarié les justificatifs de son absence repose sur l'exercice de son pouvoir de direction étant relevé qu'il n'est pas établi que les arrêts de travail réclamés avaient été envoyés par Mme [F], la CPAM elle-même signalant qu'il lui manque des arrêts.

Enfin, les différents documents médicaux produits, s'ils témoignent d'une dégradation de la santé de la salariée, ne peuvent établir la réalité des « conditions délétères de travail » de Mme [F], les praticiens qu'elle a consultés ne faisant que reprendre les déclarations faites par la patiente et n'ayant pas eux-même pu en faire le constat, étant observé en outre que le médecin traitant de Mme [F], rédacteur de la plupart des certificats produits a, suite à la plainte déposée à ce sujet par la société, indiqué à celle-ci avoir modifié les certificats litigieux et demandé à récupérer l'ensemble des originaux pour les détruire (pièces 7 à 9 société), les photocopies versées aux débats par Mme [F] correspondant néanmoins manifestement aux premiers certificats établis.

En outre, l'épuisement psychique évoqué par le Dr [N], psychiatre de l'établissement où Mme [F] a été hospitalisée du 05/12/2014 au 07/01/2015, n'est pas lié à ses conditions de travail, les pièces produites par la salariée elle-même démontrant que, parent isolé, elle rencontrait des difficultés personnelles graves liées notamment à une pathologie préexistante à son embauche et l'amenant à subir de nombreux arrêts de travail.

Les autres faits allégués laissent présumer une situation de harcèlement moral.

Cependant, au regard des pièces et explications fournies, la cour relève les éléments suivants :

- ainsi que le fait valoir à juste titre la société Axcess, l'absence de pause méridienne durant deux journées les 12 et 13 mars 2013 - celle du 25 mars 2013 a été prise et celle du 22 n'a été réduite que de la propre décision de la salariée, son employeur n'en étant avisé qu'après - ne peut être considérée comme un acte de nature à porter atteinte à la santé de la salariée et à provoquer un burn-out un an plus tard ;

- il en est de même :

* du fait d'avoir été amenée à accompagner des nouvelles hôtesses, à raison d'une à deux journées par mois entre février et juillet 2013, puis d'une journée entre octobre et décembre 2013 et enfin à 4 reprises entre février et août 2014, soit au total 14 jours ;

- d'avoir eu à effectuer à trois reprises des dépassements d'horaires en mai 2014, dès lors que ces dépassements au demeurant limités sont imputables au retard d'un salarié de la société où Mme [F] était affectée ;

- s'agissant du retard dans l'établissement des attestations journalières, les différents échanges de courriels démontrent les éléments suivants :

* à la suite d'un arrêt de travail en mars 2013, l'erreur portait sur l'omission dans l'attestation de la mention d'une prolongation de l'arrêt et il n'est ni établi ni même allégué que la société n'a pas régularisé la situation lorsqu'elle a été informée de la difficulté ;

* à la suite de la période de mi-temps thérapeutique, la prise en charge a été retardée à raison d'une « non-conformité de la prescription médicale » (pièces 46 et 47 salariée) ;

* la CPAM déplorait elle-même ne pas avoir été destinataire de tous les arrêts de travail (pièces 76, 82 et 87 salariée) ainsi que le fait qu'il n'y avait pas de concordance dans les arrêts enregistrés dans le logiciel de la caisse et les documents envoyés par l'employeur (pièce 86 salariée), la caisse ne réclamant d'ailleurs de la société les documents nécessaires que plusieurs mois après (avril et mai 2015) ;

* la société justifie de nombreux échanges avec la CPAM au sujet de la situation de Mme [F] ainsi que de l'envoi réitéré des attestations de salaires notamment pour le mois de juin 2014 sur la plate-forme internet dédiée de la caisse d'assurance maladie (pièces 3 à 5 société) ;

* ainsi, s'il n'est pas contestable que la salariée a subi un retard préjudiciable dans le versement de ses indemnités journalières, l'imputation de ces retards à la faute de son employeur n'est pas établie, ce retard résultant tout autant d'erreurs commises par le service comptabilité de l'entreprise que du défaut de traitement par la caisse d'assurance maladie mais aussi du fait que celle-ci n'avait pas été destinataire de certains des arrêts de travail de Mme [F] ou, en tout cas, ne les avait pas pris en compte, situation qui peut s'expliquer également au regard du nombre important des arrêts de travail subis par la salariée durant la relation contractuelle, tels qu'ils figurent dans le courrier adressé par son conseil en octobre 2014 (pièce 74 salariée).

En conséquence, il y a lieu de dire que les éléments invoqués par Mme [F], même pris dans leur ensemble, sont justifiés par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

Par conséquent, le jugement déféré, qui a alloué à Mme [F] la somme de 23.149,49 euros en réparation du préjudice subi du fait de l'impossibilité de percevoir la contrepartie de la prestation de travail et pour perte de revenus découlant des arrêts de travail pour une maladie découlant en partie du harcèlement moral dont elle aurait été victime, sera infirmé.

Mme [F] sollicite également le paiement des sommes de 15.000 euros pour préjudice moral distinct résultant de la dégradation de ses conditions de travail.

La réalité de cette dégradation n'étant pas retenue par la cour, Mme [F] sera déboutée de sa demande à ce titre.

Sur le licenciement

Il résulte des éléments retenus ci-avant que la cause de l'inaptitude professionnelle à son poste médicalement constatée de la salariée ne peut être rattachée à un harcèlement et donc à une maladie professionnelle.

Le licenciement de Mme [F] ne peut donc être déclaré nul et l'appréciation de l'existence de sa cause réelle et sérieuse doit être examinée au regard des dispositions de l'article L. 1226-2 du code du travail dans sa version applicable au litige qui dispose que lorsque, à l'issue des périodes de suspension du contrat de travail consécutives à une maladie ou un accident non professionnel, le salarié est déclaré inapte par le médecin du travail à reprendre l'emploi qu'il occupait précédemment, l'employeur lui propose un autre emploi approprié à ses capacités.

Cette proposition prend en compte les conclusions écrites du médecin du travail et les indications qu'il formule sur l'aptitude du salarié à exercer l'une des tâches existantes dans l'entreprise. L'emploi proposé est aussi comparable que possible à l'emploi précédemment occupé, au besoin par la mise en oeuvre de mesures telles que mutations, transformations de postes de travail ou aménagement du temps de travail.

Le 6 janvier 2016, Mme [F] a été déclarée inapte à son poste par le médecin du travail aux termes de deux visites et après étude de poste et des conditions de travail.

La société Axcess justifie avoir proposé à Mme [F] deux postes au sein de deux de ses clients (SNCF et Métropole) par courrier du 14 janvier 2016, propositions qui n'ont pas été acceptées par la salariée.

Elle établit également par la production de son registre du personnel qu'elle ne disposait pas d'autres postes disponibles que ceux d'hôtesse d'accueil pouvant être proposés à Mme [F] en vue de son reclassement et justifie ainsi le respect des obligations lui incombant à ce titre.

Il sera donc considéré que le licenciement de Mme [F] repose sur une cause réelle et sérieuse, la salariée étant déboutée de ses demandes au titre de la rupture.

Sur les autres demandes de Mme [F]

Mme [F], partie perdante à l'instance, sera condamnée aux dépens mais eu égard à sa situation d'impécuniosité, il ne sera pas fait application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS,

La Cour,

DÉBOUTE la SARL Axcess de sa demande de nullité du jugement déféré,

INFIRME le jugement déféré en ce qu'il a alloué à Mme [P] [F] la somme de 23.149,49 euros en réparation du préjudice subi du fait de l'impossibilité de percevoir la contrepartie de la prestation de travail et pour perte de revenus découlant des arrêts de travail pour une maladie découlant en partie du harcèlement moral dont elle aurait été victime et condamné la SARL Axcess aux dépens ainsi qu'à payer à Mme [P] [F] la somme de 700 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Le CONFIRME pour le surplus,

Statuant à nouveau,

DÉBOUTE Mme [P] [F] de l'ensemble de ses prétentions,

DIT n'y avoir lieu à l'application de l'article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE Mme [P] [F] aux dépens.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 11
Numéro d'arrêt : 18/10604
Date de la décision : 20/10/2020

Références :

Cour d'appel de Paris L2, arrêt n°18/10604 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2020-10-20;18.10604 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award