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15/10/2020 | FRANCE | N°18/00547

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 7, 15 octobre 2020, 18/00547


Copies exécutoiresREPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 7



ARRET DU 15 OCTOBRE 2020



(n° , 9 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 18/00547 - N° Portalis 35L7-V-B7C-B4ZHA



Décision déférée à la Cour : Jugement du 16 Novembre 2017 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BOBIGNY - RG n° f 16/00477





APPELANTE



SA DAVIMA

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INTIMEE



Madame [U] [M] [N]

[Adresse 1]

[Adresse 1]



Représentée par Me Laurence CAMBONIE, avocat...

Copies exécutoiresREPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 7

ARRET DU 15 OCTOBRE 2020

(n° , 9 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 18/00547 - N° Portalis 35L7-V-B7C-B4ZHA

Décision déférée à la Cour : Jugement du 16 Novembre 2017 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BOBIGNY - RG n° f 16/00477

APPELANTE

SA DAVIMA

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Représentée par Me Jérôme HASSID, avocat au barreau de PARIS, toque : E0048

INTIMEE

Madame [U] [M] [N]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Représentée par Me Laurence CAMBONIE, avocat au barreau de SEINE-SAINT-DENIS, toque : BOB183

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 09 Septembre 2020, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Bérengère DOLBEAU, Conseillère, chargée du rapport.

Ce magistrat, entendu en son rapport, a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Bérénice HUMBOURG, Présidente de Chambre,

Madame Marie-Hélène DELTORT, Présidente de chambre

Madame Bérengère DOLBEAU, Conseillère.

Greffier, lors des débats : Madame Lucile MOEGLIN

ARRET :

- CONTRADICTOIRE,

- mis à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile,

- signé par Madame Bérénice HUMBOURG, Présidente de Chambre, et par Madame Lucile MOEGLIN, Greffière, à laquelle la minute a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSE DU LITIGE

Mme [N] a été engagée par la société Davima selon contrat de travail écrit à durée indéterminée en date du 4 juin 2013.

Elle exerce les fonctions de préparatrice.

Par lettre recommandée en date du 29 septembre 2015, la société Davima a procédé au licenciement de la salariée pour insuffisance professionnelle.

Mme [N] a saisi le Conseil de Prud'hommes de Bobigny le 3 février 2016 d'une demande d'application de la convention collective des industries de produits alimentaires élaborés, de paiement de la prime annuelle, de paiement des heures supplémentaires et des congés payés afférents, de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

Par jugement rendu le 16 novembre 2017, le Conseil de Prud'hommes de Bobigny a dit que le licenciement de Mme [N] était dépourvu de cause réelle et sérieuse, et que la convention nationale applicable était celle des Produits alimentaires élaborés.

Il a condamné la société Davima au paiement des sommes suivantes :

3.618 euros au titre de la prime annuelle pour les années 2013 à 2015 ;

18.270,14 euros au titre du rappel des heures supplémentaires ;

1.827 euros au titre des congés payés y afférent ;

10.486 euros au titre des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

1.200 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;

La société Davima a interjeté appel de cette décision le 14 décembre 2017.

PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Dans ses dernières conclusions transmises par la voie du RPVA le 12 avril 2018, la société Davima sollicite l'infirmation du jugement entrepris, le débouté de l'ensemble des demandes de Mme [N] ainsi que sa condamnation aux dépens.

Elle soutient que concernant le motif de licenciement, Mme [N] avait un niveau de français lui permettant de comprendre l'importance du respect des règles d'hygiène et de sécurité dans l'exercice de ses fonctions et que la salariée n'a pas contesté la matérialité des griefs qui lui sont opposés.

Elle critique également la décision du conseil de prud'hommes en ce qu'elle écarte deux attestations rédigées en chinois, produites par l'employeur en raison de l'absence de traduction assermentée. De même, elle indique que l'attestation de Mme [R] n'a été que partiellement considérée par le Conseil.

Concernant la demande de paiement des heures supplémentaires, la société Davima soutient que les deux attestations sur lesquelles le Conseil s'est fondé ne sont pas objectives puisque ces dernières ont été rédigées par deux salariés en contentieux avec la société Davima et qui, pour l'un d'entre eux, entretenait une relation sentimentale avec Mme [N].

Elle indique également que le calcul des heures supplémentaires est fondé sur des fiches de pointage correspondant à cinq jours de travail et que le calcul n'a pas été versé aux débats.

De même, elle soutient que le rappel de salaire alloué à Mme [N] n'a pas été motivé.

Enfin, la société Davima précise que la convention collective des produits élaborés ne s'applique pas en l'espèce puisque l'activité de l'employeur vise la préparation à l'unité de produits frais destinés à la vente à emporter.

Dans ses dernières conclusions transmises par la voie du RPVA le 7 mai 2018, Mme [N] sollicite la confirmation du jugement entrepris à l'exception du montant de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Elle demande à la Cour de :

- recevoir son appel incident sur le montant retenu au titre de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,.

- d'infirmer la décision sur ce point et de condamner la société Davima à régler la somme de 20.000 euros,

- condamner la société Davima au paiement d'une somme de 2.000 euros conformément à l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991,

- condamner la société Davima aux entiers dépens.

Elle affirme que la convention collective des industries alimentaires est applicable à l'activité de la société Davima.

Elle sollicite le paiement de sa prime annuelle pour les années 2013 à 2015 au visa de l'application de la convention collective précitée.

Elle affirme avoir fermement contesté la matérialité des griefs formulés à son encontre dans la lettre de licenciement ainsi que l'avertissement en date du 31 août 2015.

Elle indique à ce titre ne jamais avoir fait l'objet de la moindre observation concernant son application des règles d'hygiène et de propreté préalablement à la date à laquelle elle faisait état de son amplitude horaire par courrier du 8 septembre 2015.

La salariée précise également que la société Davima avait connaissance du fait qu'elle ne parlait que la langue tibétaine mais que les planches explicatives des règles sanitaires étaient rédigées en chinois et en français uniquement.

Elle conteste la collecte des pièces adverses 6 à 8 dont le contenu n'est pas vérifiable puisque les rédacteurs ne sont pas identifiables et que les attestations sont établies sur papier en-tête de la société Davima.

Elle sollicite, au regard de l'actualisation de sa situation au 30 avril 2018, une indemnisation de 20.000 euros au titre du préjudice subi.

Enfin, concernant sa demande en paiement des heures supplémentaires, Mme [N] rappelle qu'elle travaillait 209,08 heures par mois et que son employeur est ainsi redevable de 50,91 heures par mois.

Elle précise que le décompte des sommes réclamées était expressément visé dans la lettre de mise en demeure qui a été adressée à l'employeur le 30 décembre 2015 et que ce décompte a été validé par le Conseil de Prud'hommes.

L'ordonnance de clôture a été prononcée le 26 février 2020.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la convention collective applicable et la prime annuelle :

Selon l'article L 2261-2 du code du travail, la convention collective applicable est celle dont relève l'activité principale exercée par l'employeur.

Le contrat de travail de Mme [N] du 4 juin 2013 ne mentionne aucune convention collective applicable, et sur l'ensemble des fiches de paie de juin 2013 à août 2015 ne figure également aucune mention. Seuls les bulletins de paie de septembre 2015 à décembre 2015 mentionnent la convention collective des produits alimentaires élaborés.

Si la mention d'une convention collective sur le bulletin de paie vaut engagement unilatéral de l'employeur à l'appliquer au salarié, il ne s'agit que d'une présomption simple de la volonté de l'employeur, qui est autorisé à rapporter la preuve contraire, par exemple en établissant l'existence d'une erreur manifeste.

En l'espèce, l'employeur conteste l'application de cette convention (1085Z), en indiquant que son activité principale est une activité de traiteur, puisqu'il cuisine des produits frais destinés à la vente à emporter sur des stands de cuisine asiatique, correspondant à la convention collective de la restauration rapide (5610C), et non une activité de préparation industrielle de produits à base de viande qui correspond à la convention collective nationale des produits alimentaires élaborés.

Elle verse aux débats pour en justifier :

- la situation au répertoire Sirene du 18 janvier 2017 qui mentionne que l'activité principale de la société Davima est le service des traiteurs (5621Z) ;

- les bons de commandes auprès de la société Davima, afin de démontrer leur activité de traiteur ;

- l'enquête trimestrielle ACEMO pour le quatrième trimestre 2016 qui mentionne un code APE 5621Z ;

- et l'article 1 de la convention collective des produits alimentaires élaborés qui substitue ce nom à l'ancienne dénomination « convention collective pour les industries de la conserve ».

Toutefois, il résulte des pièces versées aux débats par Mme [N] :

- que la société Davima a dénoncé par courrier du 7 septembre 2016 l'application de la convention collective nationale pour les industries de produits alimentaires élaborés, avec une fin d'application au 1er janvier 2017, ce dont il se déduit que cette convention collective était bien applicable antérieurement au sein de l'entreprise ;

- qu'un courrier du syndicat CGT du 7 octobre 2016 conteste cette dénonciation, et indique que la CCN de la restauration rapide, que la société Davima veut appliquer à la place de la CCN des industries des produits alimentaires élaborés, est sans rapport avec l'activité industrielle et commerciale de la société ;

- qu'un courrier du contrôleur du travail du 23 décembre 2016 indique que l'activité de la société Davima est bien visée par le champ d'application « Fabrication de plats préparés à base de viande, poisson, légumes et /ou pâtes », ressortissant au code NAF 1085Z, et qu'en revanche, la convention collective de la restauration rapide ne correspond en aucun cas à l'activité de la société, puisqu'elle s'applique aux commerces de vente directe aux consommateurs ;

- que l'INSEE indique que le code 1085Z soit la fabrication de plats préparés, se définit comme « la fabrication industrielle de plats cuisinés, élaborés, prêts à être consommés (c'est-à-dire préparés, assaisonnés et cuits), ces plats étant traités (congelés, réfrigérés, surgelés, appertisés ou sous-vide) en vue de leur conservation et généralement emballés et étiquetés pour la revente », ce qui correspond à la description de l'activité de la société Davima par elle-même.

Il y a donc lieu de constater qu'au vu des pièces produites, la société Davima ne rapporte pas la preuve que la convention collective mentionnée sur les fiches de paie de la salariée serait contraire à son activité principale.

Il y a donc lieu d'appliquer au contrat de travail conclu entre Mme [N] et la société Davima la convention collective nationale des produits alimentaires élaborés (1085Z).

En application de l'article 41 de cette convention collective, « il est institué dans chaque établissement, pour les salariés comptant au moins 1 an d'ancienneté, une prime annuelle qui se substitue à la prime de vacances et de fin d'année, et qui est calculée au pro rata du temps de travail effectif de l'intéressé au cours d'une période de référence déterminée pour l'établissement ('). Cette allocation annuelle est égale à 100 % du salaire de base de l'intéressé. »

Mme [N] sollicite le versement de cette prime pour les années 2013 à 2015 à hauteur de la somme de 3 618 €, outre les congés payés afférents.

Toutefois l'article 41 alinéa 2 précise que cette allocation ne fait pas partie de la rémunération totale retenue pour le calcul de l'indemnité de congé payé.

Seule la somme de 3 618 € sera donc accordée à Mme [N] au titre de la prime annuelle. Le jugement sera confirmé de ce chef.

Sur le bien fondé du licenciement :

L'insuffisance professionnelle désigne la situation dans laquelle se trouve le salarié dont les qualités professionnelles (connaissances, compétence) sont en inadéquation avec celles nécessaires à l'exercice de la fonction. L'insuffisance professionnelle est considérée comme une cause réelle et sérieuse de licenciement, mais elle ne résulte pas d'un comportement volontaire, contrairement à la faute disciplinaire, mais révèle l'incapacité du salarié à assumer ses fonctions et son incompétence.

Il est constant que l'appréciation des aptitudes professionnelles et de l'adaptation à l'emploi relève du pouvoir de l'employeur, que toutefois, l'incompétence alléguée doit reposer sur des éléments concrets et ne peut pas être fondée sur une appréciation subjective de l'employeur. A cet effet, l'insuffisance professionnelle peut être définie comme l'incapacité objective et durable d'un salarié à accomplir correctement la prestation de travail pour laquelle il est employé, c'est à dire conformément à ce que l'on est fondé à attendre d'un salarié employé pour le même type d'emploi et avec la même qualification.

La société Davima a licencié Mme [N] sur le fondement de l'insuffisance professionnelle, ce que celle-ci conteste, en indiquant les motifs suivants dans la lettre de licenciement du 29 septembre 2015 : 'Outre ces formations, vos supérieurs hiérarchiques, l'assistante HACCP et vos collègues vous ont, à maintes reprises, rappelé l'obligation de respecter les règles élémentaires d'hygiène et de propreté. Malgré ces rappels, force est de constater que vous persistez à ne tenir aucunement compte de la nécessité de respecter scrupuleusement les méthodes de fabrication et les normes d'hygiène alimentaire. A titre d'exemple, nous devons ainsi quotidiennement et systématiquement déplorer :

l'état de saleté de l'espace de travail dont vous devez pourtant assurer le nettoyage, obligeant vos collègues à suppléer à vos carences ;

le fait que vous ne rangiez pas les produits dans les chambres froides, vous contentant de les laisser à l'air libre dans les couloirs ;

le fait que vous ne mettiez pas correctement sous film les aliments ;

le non respect de la procédure de décongélation : absence d'étiquette avec la date de décongélation ou étiquette avec une mauvaise date ;

le non respect des règles relatives à la traçabilité des aliments : absence d'indication de la date de fabrication et de la date limite de consommation ;

le non respect des règles d'hygiène personnelle : port systématique de bijoux'.

Le manque de sérieux et de professionnalisme dont vous faites preuve dans l'exécution de vos fonctions, votre attitude irrespectueuse à l'égard tant de vos supérieurs hiérarchiques que de vos collègues sont à l'origine d'un mécontentement grandissant des membres de l'équipe à laquelle vous appartenez qui se plaignent régulièrement de vos manquements. Les difficultés que vous rencontrez dans la prise en charge de vos fonctions ont des conséquences négatives sur le bon fonctionnement de votre activité professionnelle, votre efficacité et celle de votre équipe 

L'employeur verse aux débats pour justifier de cette insuffisance professionnelle les pièces suivantes :

- une attestation dactylographiée du 23 septembre 2015 de Mme [I] [R], assistante HACCP au sein de l'entreprise, attestant que Mme [N] a reçu les formations sur l'hygiène les 15 mai 2014 et 26 mai 2015, et que celle-ci ne respectait pas toujours les normes d'hygiène, malgré ses demandes, et qu'elle a pu constater des oublis dans l'étiquetage de la date de décongélation, ainsi que la date de fabrication et la date limite de consommation, et le port systématique de bijoux, ce qui est contraire aux normes d' hygiène,

- une attestation en chinois et traduction libre du 29 septembre 2015 de Mme [Y], salariée de la société, qui indique que [U] [prénom de Mme [N]] n'est pas sérieuse et motivée par son travail, et qu'elle n'effectue pas les tâches de nettoyage à la fin de son travail, et que malgré les demandes, elle les ignore. Elle précise que le jour de l'attestation, après avoir fait les « bobuns », [U] n'a pas nettoyé son plan de travail, ni le sol, et a quitté son poste, ce qui arrive souvent,

- une attestation en chinois et traduction libre du 29 septembre 2015 de Mme [J] [G], salariée, qui indique qu'elle fait partie du département vietnam, comme [U], et que celle-ci oublie toutes sortes de choses, ne filme pas correctement les produits, et n'assume pas les tâches de nettoyage, ce qui oblige les autres salariées à le faire à sa place,

- une attestation de formation sur l'hygiène et la sécurité au sein de la société Davima le 5 novembre 2014, à laquelle a émargé Mme [N], ainsi que l'ensemble de la formation fournie ce jour là,

- un courrier d'avertissement du 31 août 2015 adressé à Mme [N] pour avoir quitté son poste le 28 août 2015 alors que son travail n'était pas terminé, malgré les demandes de sa responsable Mme [L].

Mme [N] conteste les faits reprochés, en versant aux débats :

- son courrier du 8 septembre 2015, en réponse au courrier d'avertissement, indiquant qu'elle avait fini vers 16h10 et qu'elle allait partir comme ses collègues quand sa chef l'a attrapée par le bras et lui a crié dessus en disant qu'elle ne pouvait pas quitter son poste tant que son travail n'était pas terminé,

- son courrier du 7 octobre 2015, en réponse à la lettre de licenciement, contestant les faits reprochés, et indiquant que le non respect de la procédure de décongélation avait pu arriver, mais de façon très ponctuelle, et que ces reproches arrivaient en raison de ses remarques sur les conditions de travail.

Il résulte toutefois des pièces versées aux débats par l'employeur, notamment les trois attestations des salariées de la société Davima, attestations qui ne sont pas contestées sur le fond par Mme [N], et qui émanent de collègues directes de la salariée et de la responsable de l'hygiène de la société, que d'une part Mme [N] ne respectait pas les normes d'hygiène mises en place dans la société, alors qu'elle avait reçu des formations récentes en 2014 et 2015 sur ces normes d'hygiène, ce qu'elle reconnaît a minima quant aux dates de décongélation, et d'autre part qu'elle ne nettoyait pas son plan de travail après la journée de travail.

Par ailleurs, aucune pièce ne vient attester que les reproches formulés envers Mme [N] par son employeur sont postérieurs à des réclamations de celle-ci sur ses conditions de travail. En effet, les deux courriers versés aux débats par Mme [N] sont des réponses aux courriers envoyés par l'employeur le 31 août 2015, puis le 29 septembre 2015.

Ces manquements répétés, qui obligeaient les autres salariés à effectuer ces tâches à sa place, constituent des insuffisances professionnelles importantes dans le cadre de la préparation de produits frais destinés à la consommation humaine, et pour lesquels les normes d'hygiène sont essentielles.

Il y a donc lieu de constater que les causes du licenciement sont réelles et sérieuses, et d'infirmer le jugement de première instance.

La demande de Mme [N] relative à l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse sera donc rejetée.

Sur les heures supplémentaires :

En application de l'article L.3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail effectuées, la preuve des horaires de travail effectués n'incombe spécialement à aucune des parties et si l'employeur doit être en mesure de fournir des éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié, il appartient cependant à ce dernier de fournir préalablement au juge des éléments de nature à étayer sa demande. 

 

En l'espèce, Mme [N] expose qu'elle a effectué de très nombreuses heures supplémentaires par semaine, alors que seules 5 à 6 heures supplémentaires par mois lui étaient payées, et qu'elle commençait à 6h30 et finissait vers 16h00, outre le samedi matin de 6h30 à 12h30.

Pour étayer ses dires, Mme [N] produit notamment :

- le contrat de travail du 4 juin 2013 qui mentionne un horaire de 35 heures par semaine ;

- une attestation du 28 mars 2016 de M. [B]-[X], chef d'atelier dans la société Davima, indiquant que Mme [N] a toujours débuté son travail à 6h30 et finissait à 16h00 ou 16h15, du lundi au vendredi, avec 15 minutes de pause et 45 minutes pour déjeuner, et que le samedi elle travaillait de 6h30 à 12h30 ;

- une attestation du 18 mars 2016 de Mme [V], préparatrice, indiquant que Mme [N] travaillait à 6h30 et finissait à 16h00 ou 16h15, du lundi au vendredi, avec 15 minutes de pause et 45 minutes pour déjeuner, et que le samedi elle travaillait de 6h30 à 12h30 ;

- une lettre d'information de la société Davima du 3 février 2015 rappelant les horaires de travail : « commencement : 6h30, horaire de nettoyage : 16h00, horaire de nettoyage (samedi) : 12h30, café : 15 minutes, déjeuner : 45 minutes » ;

- une feuille de présence du 28 septembre 2015 mentionnant l'arrivée de « [U] » à 6h20 ;

- une feuille de présence du 26 septembre 2015 mentionnant l'arrivée de « [U] » à 6h15 ;

- une feuille de présence du 24 septembre 2015 mentionnant l'arrivée de « [U] » à 6h12 ;

- une feuille de présence du 7 septembre 2015 mentionnant l'arrivée de « [U] » à 6h15 ;

- les bulletins de paie de Mme [N] des mois de juillet 2013 à décembre 2015 mentionnant des heures supplémentaires, chaque mois, entre 5h00 et 6h50 par mois .

Il s'ensuit que la salariée produit ainsi des éléments préalables qui peuvent être discutés par l'employeur et qui sont de nature à étayer sa demande.

L'employeur ne conteste pas que les horaires de travail étaient fixés de 6h30 à 16h00 ou 16h15, soit 8h30 par jour, déduction faite de la pause déjeuner et de la pause café d'une durée totale d'une heure par service, outre un travail le samedi matin de 6h30 à 12h30, soit 6h00, ce qui porte le total à 48,5 heures par semaine. Il soutient sans en justifier que Mme [N] n'effectuait pas la totalité de ces horaires-ci.

L'employeur produit seulement un récapitulatif des heures travaillées concernant un autre salarié, [D] [Z], pour la période 2016-2017.

Il apparaît que la lettre d'information de l'employeur du 3 février 2015, dont la véracité n'est pas contestée, et les attestations produites par Mme [N] qui ne sont contredites par aucune pièce, établissent la réalisation de 48,5 heures hebdomadaires par la salariée, alors que seules 35 heures hebdomadaires lui étaient payées, outre en moyenne 5 à 6 heures supplémentaires par mois.

Il en résulte qu'au vu des éléments produits de part et d'autre, et sans qu'il soit besoin d'une mesure d'instruction, la cour a la conviction au sens du texte précité que Mme [N] a bien effectué des heures supplémentaires non rémunérées à hauteur de 18 270,14 € pour la période de juin 2013 à décembre 2015, outre la somme de 1827 € au titre des congés payés afférents.

Le jugement sera confirmé de ce chef.

Sur l'article 700 du code de procédure civile :

Une somme de 800 € en application de l'article 700 du code de procédure civile est allouée à Mme [N].

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant publiquement par arrêt contradictoire et mis à disposition au greffe,

INFIRME le jugement en ce qu'il a dit que le licenciement était dépourvu de cause réelle et sérieuse, condamné la société Davima à verser à Mme [N] la somme de 10 486 € au titre des dommages intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, et ordonné le remboursement par l'employeur à Pôle Emploi des allocations de chômage versées à la salariée ;

CONFIRME le jugement pour le surplus ;

Statuant à nouveau, et y ajoutant :

DIT que le licenciement de Mme [N] présente une cause réelle et sérieuse ;

DÉBOUTE Mme [N] de sa demande au titre des dommages intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

CONDAMNE la société Davima à verser à Mme [N] la somme de 800 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE la société Davima au paiement des dépens d'appel.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 7
Numéro d'arrêt : 18/00547
Date de la décision : 15/10/2020

Références :

Cour d'appel de Paris K7, arrêt n°18/00547 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2020-10-15;18.00547 ?
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