RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 5 - Chambre 3
ARRÊT DU 14 OCTOBRE 2020
(n° , 14 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 18/23473 - N° Portalis 35L7-V-B7C-B6U52
Décision déférée à la Cour : Jugement du 30 Août 2018 -Tribunal de Grande Instance de Meaux - RG n° 16/00971
APPELANTE
SCS C&A FRANCE agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
immatriculée au RCS de PARIS sous le numéro 662 051 275
[Adresse 1]
[Localité 4]
Représentée par Me Fabrice POMMIER de l'ASSOCIATION AMIGUES, AUBERTY, JOUARY & POMMIER, avocat au barreau de PARIS, toque : J114
INTIMÉE
SAS SAINT THIBAULT agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
immatriculée au RCS de BOBIGNY sous le numéro 788 521 730
[Adresse 2]
[Localité 6]
Représentée par Me François TEYTAUD de l'AARPI TEYTAUD-SALEH, avocat au barreau de PARIS, toque : J125, avocat postulant
Assistée de Me Emmanuel MOULIN de l'AARPI MIGUERES MOULIN, avocat au barreau de PARIS, toque : R016, avocat plaidant substitué par Me Martin VALLUIS de l'AARPI MIGUERES MOULIN, avocat au barreau de PARIS, toque : R016, avocat plaidant
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 1er septembre 2020, en audience publique, devant la Cour composée de :
Madame Agnès THAUNAT, présidente de chambre
Madame Sandrine GIL, conseillère
Madame Elisabeth GOURY, conseillère
qui en ont délibéré,
un rapport a été présenté à l'audience dans les conditions prévues par l'article 804 du code de procédure civile.
Greffière, lors des débats : Madame Marie-Gabrielle de La REYNERIE
ARRÊT :
- contradictoire
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Madame Agnès THAUNAT, présidente de chambre et par Madame Marie-Gabrielle de La REYNERIE, greffière à laquelle la minute du présent arrêt a été remise par la magistrate signataire.
*****
FAITS ET PROCÉDURE :
Aux termes d'un bail commercial en date du 31 décembre 1989, la société ESDERS S.A, devenue la société REDEVCO France a donné à bail à la société BRENNINKMEIJER et Compagnie, devenue la société C&A France, des locaux à usage d'entreposage et de bureaux dépendant d'un ensemble immobilier situé [Adresse 5] pour une durée de neuf années à compter du 1er janvier 1990 ; le bail a expiré le 31 décembre 1998 et s'est alors poursuivi par tacite reconduction.
Par acte sous seing privé en date du 6 novembre 2007, la SA REDEVCO a renouvelé le bail au profit de la société C&A France pour une durée de 12 ans, à compter du 1er janvier 2008 et expirant le 31 décembre 2019, moyennant un loyer annuel, hors taxes et hors charges de 2.048.591 euros, payable trimestriellement et à terme échu, les 31 mars, 30 juin, 30 septembre et 31 décembre de chaque année.
Deux avenants au bail ont été signés entre les parties les 4 novembre 2009 et 12 avril 2012, ce dernier aménageant une faculté de résiliation triennale pour le preneur à effet du 31 décembre 2015.
Par acte extrajudiciaire du 25 juin 2015, la société C&A France a donné congé à la société SAINT THIBAULT venant aux droits de la SA REDEVCO pour le 31 décembre 2015.
Le 15 octobre 2015, des gens du voyage et leurs véhicules ont investi les parkings du site loué par la société C&A France.
La société C&A France a saisi le juge des référés du tribunal de grande instance de Meaux, aux fins de solliciter l'expulsion des occupants sans droit ni titre et par ordonnance en date du 18 novembre 2015, le juge saisi a ordonné l'expulsion des occupants. L'expulsion est intervenue avec le concours des forces de police le 23 décembre 2015.
Les parties au bail avaient convenu de procéder à l'état des lieux de sortie le 29 décembre 2015 ; à cette date la société SAINT THIBAULT a refusé la restitution des clés.
Par courrier en date du 30 décembre 2015, la société C&A France s'est engagée à réaliser un nettoyage global et les remises en état lui incombant et notamment le démontage du rail transbordeur des vêtements qu'elle indiquait n'avoir pas pu réaliser compte tenu de l'inaccessibilité du site du fait de son occupation par les gens du voyage.
Par lettre recommandée en date du 5 janvier 2016, le conseil de la société SAINT THIBAULT a mis en demeure la société C&A France de lui régler, sous huitaine, la somme de 547.395,90 euros TTC au titre du loyer, des charges et accessoires du 4ème trimestre 2015.
Aux termes d'un protocole d'accord en date du 27 mai 2016 il a été convenu le règlement par la locataire d'une indemnité forfaitaire de 225.955 euros au titre des travaux de remise en état des locaux, cette somme venant s'ajouter aux travaux déjà engagés par le locataire pour un montant de 142.617,55 euros HT, que le bailleur fera son affaire personnelle de l'exécution des travaux de remise en état des locaux qu'il estimera nécessaire, que concomitamment au paiement, le locataire restituera au bailleur les locaux et lui remettra les clés, les parties convenant de ne pas procéder à un état des lieux de sortie, les parties renonçant à toutes demandes futures ayant pour origine objet ou fondement l'état des locaux, les travaux de remise en état réalisés par le locataire ou ceux restant à réaliser et l'exécution par le locataire de ses obligations d'entretien et de réparation des locaux.
La société SAINT THIBAULT a diligenté une procédure en référé :
Par acte d'huissier de justice en date du 15 janvier 2016, la société SAINT THIBAULT a assigné la société C&A France devant le juge des référés du tribunal de grande instance de Meaux aux fins notamment de solliciter la condamnation provisionnelle de celle-ci au paiement des sommes de 547.395,50 euros au titre du loyer et charges du 4ème trimestre 2015 et 54.739,59 euros au titre de la clause pénale.
Par ordonnance en date du 24 février 2016, le juge des référés a rejeté la demande de la société SAINT THIBAULT ; sur appel de cette dernière, et par arrêt du 13 décembre 2016, la cour d'appel de Paris a infirmé l'ordonnance de référé et a condamné la société C&A France à payer à la société SAINT THIBAUT la somme de 547.394,90 euros, correspondant au loyer et la provision sur charges au titre du 4ème trimestre 2015, avec intérêts au taux légal à compter du 5 janvier 2016 et la somme de 3.000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
La société C&A France a réglé la somme de 547.394 euros à la société SAINT THIBAULT dans le courant du mois de janvier 2017.
La société C&A France a diligenté une procédure au fond :
Par acte d'huissier de justice en date du 15 janvier 2016, la société C&A France a fait assigner la société SAINT THIBAULT aux fins de solliciter sa condamnation à lui payer la somme de 340.900,12 euros, représentant, arrêté à la date du 31 décembre 2015, le coût du gardiennage renforcé mis en place depuis le 15 octobre 2015, le coût du nettoyage du parking et les frais afférents à la procédure d'expulsion, de dire et juger que les loyers et charges ou provisions sur charges du terme du 4ème trimestre 2015 ne sont dus qu'à hauteur de 130.899,02 euros TTC, et ordonner la compensation judiciaire de la condamnation prononcée à hauteur de 340.900,12 euros avec cette somme de 130.899,02 euros, correspondant au solde restant dû au titre du terme du loyer et provisions sur charges du 4ème trimestre 2015.
Par jugement du 30 août 2018, le tribunal de grande instance de Meaux a :
- Déclaré irrecevables les conclusions régularisées à la requête de la société C&A France, ainsi que la pièce complémentaire communiquée par son conseil après l'ordonnance de clôture ;
- Dit que les voies d'accès et aires de stationnement constituent des "dépendances" telles que visées à l'article 1er du bail et sont incluses dans l'assiette du bail.
- Débouté la société C&A France dc ses demandes de condamnation de la société SAINT THIBAULT à lui payer la somme de 416.496,88 euros, en remboursement des loyers et charges sur le terme du 4ème trimestre 2015 ;
- Débouté la société C&A France de ses demandes de condamnation de la société SAINT THIBAULT à lui payer la somme de 797.757,05 euros, représentant, à concurrence de 781.919,05 euros TTC le coût du gardiennage renforcé entre le 15 octobre 2015 et le 27 mai 2016, à hauteur de 4.400 euros TTC le coût du nettoyage des parkings et voies d'accès après expulsion des gens du voyage, ainsi que les frais afférents à la procédure d'expulsion, pour les montants de 7.200 euros TTC d'honoraires d'avocat et de 4.238 euros de frais d'huissier ;
- Condamné la société C&A France à payer à la société SAINT THIBAUT la somme de 547.395,90 euros, augmentée des intérêts de retard au taux légal à compter de la mise en demeure du 5 janvier 2016 jusqu'au paiement, au titre du paiement de la facture n°F00020 du 28 septembre 2015 ;
- Condamné la société C&A France à payer à la société SAINT THIBAULT la somme de 10.000 euros, augmentée des intérêts de retard au taux légal à compter du présent jugement, au titre de la clause pénale ;
- Débouté la société SAINT THIBAULT de ses demandes de condamnation de la société C&A France au titre d'une indemnité d'occupation ;
- Débouté la société SAINT THIBAULT de ses demandes de condamnation de la société C&A France au titre de ses demandes d'amende civile et de dommages et intérêts ;
- Condamné la société C&A France à payer à la société SAINT THIBAULT la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- Débouté la société C&A France de sa demande de condamnation de la société SAINT THIBAULT au paiement des frais irrépétibles ;
- Ordonné l'exécution provisoire ;
- Condamné la société C&A France aux entiers dépens de l'instance.
Par déclaration du 2 novembre 2018, la SCA C&A FRANCE a interjeté appel de ce jugement.
Dans ses dernières conclusions, notifiées par le RPVA le 12 juin 2019, la SCA C&A FRANCE demande à la Cour de :
Vu les articles 1134 anc. et 1719 du code civil,
Infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a :
- Dit que les voies d'accès et aires de stationnement constituent des « dépendances » telles que visées à l'article 1er du bail et qu'elles étaient incluses dans l'assiette du bail,
- Débouté la société C&A France de ses demandes de condamnation de la société Saint Thibault à lui payer la somme de 416.496,88 € en remboursement des loyers et charges sur le terme du 4ème trimestre 2015, et la somme de 797.757,05 € au titre du coût du gardiennage renforcé, du nettoyage des parkings et voies d'accès et des frais de la procédure d'expulsion,
- Condamné la société C&A France à payer à la société Saint Thibault la somme de 547.395,90 € au titre du terme de loyer et charges du 4ème trimestre 2015 et celle de 10.000 € au titre de la clause pénale prévue dans le bail, outre intérêt,
- Condamné la société C&A aux dépens et à payer à la société Saint Thibault une somme de 2.000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Dire et juger que les loyers et charges ou provisions sur charges du terme du 4ème trimestre 2015 ne sont pas dus à hauteur de la somme de 416.496,88 € TTC en application de l'article 7.12 du bail,
En conséquence, condamner la société Saint Thibault à payer à la société C&A France la somme de 556.015,88 €, outre intérêt au taux légal à compter du 12 janvier 2017, et celle de 12.000 €, outre intérêt au taux légal à compter du 8 octobre 2018,
Ordonner la compensation judiciaire entre ces condamnations et la somme de 130.899,02 € TTC correspondant au solde restant dû au titre du terme de loyer et provisions sur charges du 4ème trimestre 2015,
Condamner la société Saint Thibault à payer à C&A France la somme de 797.757,05 €, représentant, à concurrence de 781.919,05 € TTC le coût du gardiennage renforcé entre le 15 octobre 2015 et le 27 mai 2016, à hauteur de 4.400 € TTC le coût du nettoyage des parkings et voies d'accès après expulsion des gens du voyage, ainsi que les frais afférents à la procédure d'expulsion, pour les montants de 7.200 € TTC d'honoraires d'avocat et de 4.238 € de frais d'huissier, avec intérêt au taux légal à compter de la date de l'assignation du 15 janvier 2016,
Ordonner la capitalisation des intérêts en application de l'article 1343-2 du code civil,
Débouter la société Saint Thibault de toutes ses demandes,
Subsidiairement, réduire à néant la clause pénale dont l'exécution est réclamée par la société Saint Thibault,
En toute hypothèque, condamner la société Saint Thibault aux dépens et à payer à la société C&A France la somme de 10.000 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Dans ses dernières conclusions, notifiées par le RPVA le 5 juin 2020, la société Saint Thibault, demande à la Cour de :
Vu les nouveaux articles 1103 (anciennement 1134), 1242 (anciennement 1384) et 1362 (anciennement 1347), 1719, 1721, 1725, 1727, 2048 et 2049 du Code civil,
Vu l'article 145-28 du Code de commerce,
Vu l'article 32-1 du Code de procedure civile,
Vu les pièces versées au débat,
A titre principal,
- DIRE ET JUGER que les parkings et les voies d'accès sont inclus dans l'assiette du bail commercial ;
- DIRE ET JUGER que la société SAINT THIBAULT n'était pas de tenue de garantir la société C&A France contre le trouble que des gens du voyage apportaient par voies de fait à sa jouissance des locaux loués objets du bail commercial en application de l'article 1725 du Code de civil ;
- DIRE ET JUGER que l'impossibilité totale ou partielle d'exploiter les locaux loués et/ou d'y accéder relève du fait exclusif de la société C&A FRANCE ;
En conséquence,
- CONFIRMER le jugement rendu le 30 août 2018 par le Tribunal de Grande Instance de Meaux en ce qu'il a rejeté la demande de la société C&A FRANCE visant au remboursement des frais de gardiennage ayant couru jusqu'au 27 mai 2016, des frais relatifs à la procédure d'expulsion et des frais de nettoyage des parkings et des voies d'accès après leur expulsion ;
- CONFIRMER le jugement rendu le 30 août 2018 par le Tribunal de Grande Instance de Meaux en ce qu'il a rejeté la demande de la société C&A FRANCE visant à la réduction des loyers et des charges ou provisions sur charges dus au titre du 4ème trimestre 2015 ;
A titre reconventionnel,
- CONSTATER le caractère certain, liquide et exigible de la créance de loyer et de provision sur charges de la société SAINT THIBAULT à l'égard de la société C&A France au titre du 4ème trimestre 2015 ;
- CONSTATER l'absence de paiement de la facture n°F00020 du 28 septembre 2015 dans un délai de 30 jours à compter de la mise en demeure du 5 janvier 2016 ;
En conséquence,
- CONFIRMER le jugement rendu le 30 août 2018 par le Tribunal de Grande Instance de Meaux en ce qu'il a condamné la société C&A FRANCE à payer à la société SAINT THIBAULT la somme de 547.395,90 euros, augmentée des intérêts de retard au taux légal à compter de la mise en demeure du 5 janvier 2016, au titre du paiement de la facture n°F00020 du 28 septembre 2015;
En outre,
- INFIRMER le jugement rendu le 30 août 2018 par le Tribunal de Grande Instance de Meaux en ce qu'il a limité la condamnation de la société C&A FRANCE à payer à la société SAINT THIBAULT la somme de 10.000 euros, augmentée des intérêts de retard au taux légal à compter de la mise en demeure du 5 janvier 2016, au titre de l'application de la clause pénale prévue à l'article 12 du bail commercial en date du 6 novembre 2007 ;
Et statuant de nouveau sur ce point,
- CONDAMNER la société C&A FRANCE à payer à la société SAINT THIBAULT la somme de 54.739,59 euros, augmentée des intérêts de retard au taux légal à compter de la mise en demeure du 5 janvier 2016, au titre de l'application de la clause pénale prévue à l'article 12 du bail commercial en date du 6 novembre 2007 ;
En tout état de cause,
- INFIRMER le jugement rendu le 30 août 2018 par le Tribunal de Grande Instance de Meaux en ce qu'il a rejeté la demande de condamnation de la société C&A FRANCE à payer à la société SAINT THIBAULT une indemnité d'occupation pour la période courant du 1er janvier 2016 au 27 mai 2016 ;
Et statuant de nouveau sur ce point,
- CONDAMNER la société C&A France à payer à la société SAINT THIBAULT la somme de 890.270,25 euros à titre d'indemnité d'occupation pour la période courant du 1er janvier 2016 au 27 mai 2016 et augmentée des intérêts de retard au taux légal à compter à compter du 1er janvier 2016, date d'effet du congé ;
En outre,
- INFIRMER le jugement rendu le 30 août 2018 par le Tribunal de Grande Instance de Meaux en ce qu'il a rejeté les demandes de condamnation de la société C&A FRANCE à payer une amende civile et des dommages et intérêts à la société SAINT THIBAULT pour procédure abusive ;
Et statuant de nouveau sur ce point,
- CONDAMNER la société C&A France au paiement d'une amende civile d'un montant de 3.000 euros ;
- CONDAMNER la société C&A FRANCE à payer à la société SAINT THIBAULT la somme de 50.000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive ;
En toute hypothèse,
- DEBOUTER la société C&A FRANCE de l'ensemble de ses prétentions, fins et conclusions ;
- CONDAMNER la société C&A FRANCE à payer à la société SAINT THIBAULT la somme de 10.000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile et la condamner aux entiers dépens dont distraction au profit de Maître François TEYTAUD, Avocat, conformément aux dispositions de l'article 699 du CPC.
L'ordonnance de clôture a été prononcée le 2 juillet 2020.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur l'assiette du bail
L'acte sous seing privé en date du 6 novembre 2007 stipule dans son article 1 "objet et désignation":
"le bailleur donne à bail (...) au preneur qui accepte, les locaux dépendant d'un ensemble immobilier sis à [Adresse 7] ci-après :
- locaux à usage d'entreposage, de bureaux, de locaux sociaux et de locaux techniques d'une surface utile d'environ 19.620m² situés au rez de chaussée de l'immeuble ;
- bureaux accessoires et locaux sociaux d'une surface utile d'environ 332 m² situés au premier étage de l'immeuble;
- bureaux accessoires et locaux sociaux d'une surface utile d'environ 334 m² situés au deuxième étage de l'immeuble.
Les locaux sont complétés par deux plateaux techniques légers installés à titre précaire par le preneur sous son entière responsabilité sur une surface utile d'environ 21.066m².
Le tout tel que délimité sur les plans réduits ci-après (annexe1) seuls documents auxquels les parties entendent se référer pour délimiter les locaux.
Tel que ces locaux existeront, avec leurs aisances et dépendances, le preneur déclarant bien connaître l'immeuble.
Il est précisé que toute erreur dans la désignation ci-dessus ne peut justifier ni réduction, ni augmentation du loyer."
Selon l'article 3.1 du bail : "les locaux devront être affectés par le preneur à l'usage exclusif suivant : "entreposage et bureaux accessoires".
Le bail fait par ailleurs allusion à la jouissance des autres occupants de l'ensemble immobilier (7.3) ou encore à l'existence de parties à usage commun dont le preneur doit prendre en charge toutes les réparations d'entretien et de gros entretien ainsi que les réparations locatives (8.1).
Les parties s'opposent sur l'assiette du bail. La société C&A soutient que les parkings et voies d'accès ne font pas partie de l'assiette du bail laquelle est limitée au bâtiment édifié, tel que défini par les plans annexés au bail lesquels ne portaient pas sur les parkings et voies d'accès ; que les "aisances et dépendances" évoqués dans l'acte correspondent aux surfaces figurant sur lesdits plans, mais non prises en compte dans le calcul des surfaces retenu dans l'acte ; que le bail évoque à plusieurs reprises des surfaces à usage commun, correspondant aux parkings et voies d'accès, entourant le bâtiment ; ce que conteste la bailleresse, qui soutient que les parkings et voies étaient compris dans l'assiette du bail en tant que dépendances.
Il est établi que l'ensemble de la parcelle cadastrée [Cadastre 3], d'une superficie de 38.680 m² appartient à un seul propriétaire. Sur cette parcelle ont été édifiés des bâtiments à usage industriel, commercial et d'entreposage, d'une surface selon le bail du 31 décembre 1989 de 16.800m², et de 19.620m², selon le bail liant les parties du 6 novembre 2007.
Il n'est pas contesté que la société C&A depuis l'origine, était la seule occupante, non seulement des bâtiments édifiés, figurant aux plans annexés, mais également, de la surface entourant les bâtiments édifiés, à usage de parkings et de voies d'accès, l'ensemble de la parcelle étant entouré d'un grillage, muni d'un portail. Il n'est pas contesté qu'elle assurait la charge du gardiennage de l'ensemble de la parcelle. Les pièces versées aux débats par la bailleresse montrent que depuis l'origine, la société locataire a utilisé l'ensemble de la parcelle et s'est comportée comme locataire de l'ensemble, ainsi que cela résulte notamment du dossier de déclaration ICPE en date du 14 décembre 2007, qu'elle a établi et dans lequel elle mentionne les voies de circulation et les parkings litigieux.
Les stipulations du bail devant être interprétées, il convient de rechercher la commune intention des parties.
Pour la société locataire le terme "dépendances" ne renverrait qu'aux surfaces correspondant aux différents auvents entourant le bâtiment pour une surface totale de 127,10 m², ainsi qu'aux surfaces figurant sur les plans annexés, mais non prises en compte dans la surface retenue de 19.620m².
La cour relève qu'il ne résulte pas de la lecture de la clause ci-dessus reproduite que les 'aisances et dépendances', seraient limitées aux surfaces incluses dans les plans annexés, étant d'ailleurs observé que lesdits plans mentionnent l'existence de parkings à proximité des locaux délimités par les plans. La société locataire ayant toujours eu la jouissance de l'intégralité de la parcelle, laquelle est clôturée et en ayant toujours assuré le gardiennage, il en résulte que dans la commune intention des parties, les espaces non bâtis, situés en dehors des bâtiments édifiés, à usage de parkings et de voies d'accès, nécessaires à l'exploitation de ce site de stockage, constituent les aisances et dépendances, sur lesquelles porte l'assiette du bail, en sus des surfaces délimitées par les plans annexés.
Le fait que le bail mentionne à plusieurs reprises des surfaces à usage commun 6.2 travaux ; 8.1 travaux d'entretien(le preneur 'supportera les travaux d'entretien des parties à usage commun'), sans préciser leur assiette, est sans incidence, dans la mesure où le site n'était occupé que par la société locataire, qui en a la jouissance exclusive ; que s'il est exact que l'acte de vente du 19 février 2013, évoquait la possibilité d'affecter 10.000m² à usage commercial, cette affectation du bien cependant ainsi que le précise l'acte du même jour par lequel la Banque Populaire Rives de Paris a consenti un crédit bail immobilier à la SAS SAINT THIBAULT, n'était envisagé qu'après le départ du locataire commerçant dont la date prévisionnelle de départ était fixée au 31 décembre 2015, si bien qu'il n'en résulte pas qu'une occupation simultanée de la parcelle par plusieurs preneurs était envisagée par le bailleur ; par ailleurs, le bail mentionne également l'existence d'une ASL, dont la lecture de l'acte de vente du 19 février 2013, (pièce 31 du bailleur), permet d'apprendre qu'elle a été dissoute le 4 mai 2011, ce qui peut expliquer la référence faite aux 'autres occupants de l'ensemble immobilier'.
Sur les relations des parties jusqu'au 31 décembre 2015
Se prévalant de l'application de l'article 7.12 du bail liant les parties, la société locataire soutient que n'ayant pu avoir accès aux locaux pris à bail, entre le 15 octobre 2015 et le 23 décembre suivant, en raison de l'occupation des parkings et voies d'accès entourant lesdits locaux, elle est dispensée du règlement des loyers pendant cette période. Elle soutient que l'article 1725 du code civil, n'a pas vocation à s'appliquer et qu'en toute hypothèse, à supposer qu'il soit applicable, l'article 7.12 vaudrait dérogation à cet article.
La société bailleresse se prévaut de l'application de l'article 1725 du code civil, et soutient que l'obligation de garantie de jouissance paisible qui pèse sur le bailleur trouve sa limite dans cet article qui exclut sa garantie pour des troubles que des tiers apportent par voie de fait à sa jouissance. Elle sollicite en conséquence le paiement de la totalité des loyers échus pour le 4e trimestre 2015.
Il convient de rappeler le libellé des articles 7.11 et 7.12 du bail.
- article 7.11 (le preneur s'engage à ) "n'exiger du bailleur aucune indemnité, ni diminution de loyer pour toute interruption dans les services de l'immeuble et, notamment, s'ils existent, ceux de ventilation, de chauffage central, d'ascenseur, ni pour tous accidents ou tous dégâts qui pourraient survenir dans les locaux par suite de rupture de canalisations de gaz, d'eau, d'électricité ou de chauffage central, renonçant dès à présent à exercer toutes actions de ce chef contre le bailleur ; ce dernier devra toutefois faire le nécessaire pour remédier dans la mesure où cela pourra dépendre de lui-même, aux causes de l'interruption;
- article 7.12 "toutefois, si exceptionnellement aucune exploitation ne s'avérait possible totalement ou partiellement et/ou si l'accès des locaux était totalement condamné notamment par suite de travaux imposés par le bailleur, le loyer et les charges cesseraient de courir pendant la durée de l'impossibilité d'accès".
L'article 7.12 du bail, invoqué par la société locataire pour obtenir une dispense du paiement des loyers et des charges pour la période écoulée entre le 15 octobre et le 23 décembre 2015 date de l'expulsion des gens du voyage, ce qui représente une somme de 416.496,88 euros est susceptible de plusieurs interprétations.
Introduit par l'adverbe "toutefois", il doit être interprété par rapport à l'article qui le précède, auquel il apporte un correctif. Formant un tout avec l'article précédent, sauf à le dénaturer, il n'est pas possible d'isoler le membre de phrase "si l'accès des locaux était totalement condamné", l'hypothèse ainsi visée est en lien avec l'exonération de garantie visée à l'article précédent.
Dans ces conditions, l'article 7.11 stipulant une exonération de garantie du bailleur dans son obligation de délivrance et de jouissance paisible en raison de perturbations liées aux dysfonctionnements des éléments d'équipement, par rapport aux dispositions légales, la clause 7.12, ne fait qu'apporter une limitation à cette exonération de garantie, en cas d'impossibilité d'exploitation totale ou partielle, notamment en raison de travaux imposés par le bailleur.
Selon l'article 1725 du code civil le bailleur n'est pas tenu de garantir le preneur du trouble que les tiers apportent par voie de fait à sa jouissance.
La clause 7.12, faute de stipulation expresse en ce sens, ne peut avoir pour effet de supprimer l'exonération légale de garantie prévue à l'article 1725 du code civil.
Dans ces conditions, la société locataire ne saurait prétendre être dispensée du paiement de son loyer et de ses charges en application de l'article 7.12 inapplicable en l'espèce.
Le défaut de jouissance des locaux loués est au cas présent directement lié à l'occupation des parkings et voies d'accès, entourant le bâtiment pris à bail, par les gens du voyage. Il n'est pas contesté que ceux-ci sont des tiers par rapport au bailleur.
Selon l'article 1725 du code civil, le bailleur n'est pas tenu de garantir le preneur du trouble que des tiers apportent par voies de fait à sa jouissance.
Seule une faute du bailleur dans ses obligations pourrait empêcher celui-ci de se prévaloir de cette exonération de garantie. En l'espèce, il n'est pas contesté que la société locataire assurait le gardiennage du site. Il n'est pas soutenu qu'elle aurait demandé à la bailleresse de le faire.
Dans ces conditions quelque soit la qualification des parkings et voies d'accès entourant le bâtiment, pris à bail, qu'il s'agisse de parties à usage commun ou de parties privatives, le bailleur en application de l'article 1725 du code civil, ne garantit pas les troubles apportés par des tiers à la jouissance du preneur, ce qui ne permet pas une diminution du montant des loyers, alors que l'article 1726 dudit code prévoit une telle diminution en cas de trouble de droit.
La société locataire reste tenue au paiement de l'intégralité des loyers et charges jusqu'au 31 décembre 2015 et la société bailleresse est bien fondée à solliciter sa condamnation à lui payer à ce titre la somme de 547.395 euros.
Sur la clause pénale
La société locataire demande de réduire à néant cette clause pénale, le préjudice éventuellement subi étant suffisamment réparé par l'octroi des intérêts moratoires, son défaut de paiement étant justifié par le rejet de la demande par le juge des référés, le montant de 10% apparaissant manifestement excessif d'autant que l'évolution générale des prix ou de l'indice des loyers commerciaux a été quasiment nulle en 2016.
La cour relève que le caractère manifestement excessif de cette clause pénale n'est pas établi ; que dès lors, il convient de faire droit à la demande de la bailleresse.
Sur la demande de remboursement du coût du nettoyage des parkings après expulsion, du gardiennage et des frais afférents à la procédure d'expulsion
La société locataire soutient que l'occupation par les gens du voyage a porté sur les voies d'accès et les parkings de l'ensemble immobilier et non sur les locaux loués ; que si le preneur pouvait user des parkings et voies entourant le bâtiment loué, il n'en était cependant ni le locataire ni le gardien ; qu'en sa qualité de gardien, la société bailleresse n'a pas pris suffisamment de précaution pour empêcher l'accès à ces parkings par les gens du voyage, qu'elle aurait dû, après cette occupation prendre à sa charge le gardiennage renforcé du bâtiment loué afin d'empêcher toute intrusion en son sein ; qu'elle avait la responsabilité d'assurer l'expulsion des occupants sans droits ni titre ; que la société Saint THIBAULT a commis une faute lourde en s'abstenant d'assurer correctement ses obligations, qu'elle doit être condamnée à rembourser le coût du gardiennage renforcé pour la période du 15 octobre 2015 au 27 mai 2016, le coût du nettoyage des parkings après l'expulsion des gens du voyage et à lui rembourser les frais afférents à la procédure d'expulsion. Elle soutient qu'elle n'a pas abandonné les locaux, que les locaux étaient surveillés lors le 14 octobre 2015 au soir jour de l'occupation des lieux par les gens du voyage ; que si l'exploitation des lieux avait cessé au 14 octobre 2015, il existait un maintien d'activité lié au déménagement, remise en état et nettoyage, qu'il était normal qu'elle prépare son départ des lieux et commence son déménagement avant la date d'effet du congé.
En l'espèce, la société bailleresse soutient que la société locataire a effectué son déménagement avant le mois de septembre 2015, qu'elle n'exploitait plus les locaux depuis à minima le 25 septembre 2015, qu'en ayant laissé les locaux inexploités et abandonnés plus de trois mois avant l'expiration du bail, elle est seule responsable de leur occupation sans droit ni titre par les gens du voyage à compter du 14 octobre 2015 et de toutes les conséquences qui en ont résulté.
En application de l'article 1725 du code civil, le bailleur n'est pas tenu de garantir le preneur du trouble que des tiers apportent par voies de fait à sa jouissance, sans prétendre d'ailleurs à aucun droit sur la chose louée, sauf au preneur à les poursuivre en son nom personnel ; la responsabilité du bailleur ne peut être engagée qu'en cas de faute imputable au bailleur ayant contribué au préjudice de la locataire en l'aggravant ou en le rendant possible.
La bailleresse établit ses dires par la production aux débats d'extraits du répertoire SIRENE de l'INSEE, de l'ouverture le 22 juillet 2015, par la société C&A d'un local pour une activité d'entreposage et de stockage non frigorifique à [Localité 8] et la fermeture le 25 septembre 2015, du local de [Adresse 7] affecté à cette même activité, ainsi que par la production d'un article du journal LE PARISIEN (pièce 41) relatant la grève des salariés de l'entrepôt C&A de Villenoy, et indiquant 'arrivés de [Adresse 7] en septembre 2015, les salariés ont vite déchanté :'on nous a vendu du rêve pour venir ici, on nous a dit que tout allait être automatisé. Résultat, on a moins de matériel qu'avant(...)' .
La société C&A, ne conteste pas qu'il lui incombait d'assurer la surveillance des lieux en ce compris celle du terrain entourant l'entrepôt, clôturé, l'entrée principale étant fermée par un cadenas. Elle produit aux débats les factures de gardiennage qu'elle a acquittées pour la période antérieure à l'occupation du parking par les gens du voyage, notamment pour l'ensemble du mois d'octobre 2015. S'il ne peut être contesté que le déménagement d'un entrepôt de 20.000 m², nécessite un certain délai, il n'en demeure pas moins, qu'ayant cessé l'exploitation commerciale des lieux au moins depuis le 25 septembre 2015, soit trois mois avant la date de fin du bail pour n'y maintenir qu'une activité résiduelle de déménagement et de remise en état du site, elle s'exposait à les voir irrégulièrement occupés par des tiers, et aurait dû en conséquence renforcer la surveillance des lieux ou demander au bailleur de le faire, ce dont elle s'est abstenue. Le fait que l'intrusion sur le site n'ait eu lieu qu'à 20h55, est sans incidence, car c'est le délaissement des lieux depuis plusieurs semaines qui a attiré l'attention des squatters et non leur défaut d'exploitation lié à l'heure tardive.
Le bailleur n'a pas davantage manqué à son obligation de délivrance laquelle persiste au cours du bail. N'ayant pas la charge d'assurer le gardiennage de la parcelle, n'ayant pas été averti par la société locataire de son transfert d'activité commerciale à compter du mois de septembre 2015, n'ayant pas été saisi d'une demande tendant à renforcer le gardiennage du site, il ne peut lui être reproché un défaut de diligence à l'origine de l'occupation de la parcelle par des tiers.
Dans ces conditions, le bailleur n'a commis aucune faute à l'origine du préjudice du preneur, né de l'obligation où il s'est trouvé d'assurer un gardiennage renforcé des locaux, non exploités commercialement, d'agir en expulsion des gens du voyage et au nettoyage consécutif des espaces extérieurs au bâtiment, mais compris dans l'espace clôturé.
En conséquence, la société locataire doit être déboutée de ses demandes tendant à obtenir le remboursement du coût du gardiennage renforcé du site à compter du 15 octobre 2015 et jusqu'au terme du bail en date du 31 décembre 2015, celui du coût de la procédure d'expulsion des tiers et celui du nettoyage des parkings après l'expulsion
Sur la période postérieure à la date d'effet du congé
Sur l'indemnité d'occupation
La bailleresse sollicite le paiement d'une indemnité d'occupation pour la période courant entre le 1er janvier 2016 et le 27 mai 2016. Elle soutient que la transaction conclue entre les parties ne concerne pas l'indemnité d'occupation, mais uniquement les travaux de remise en état des lieux et que l'indemnité d'occupation des locaux vise à compenser le préjudice subi par le bailleur par un preneur sans droit ni titre et en tout état de cause postérieurement à la date d'expiration d'un éventuel bail passé .
La société locataire soutient qu'en application de l'article 14 du bail elle n'est redevable d'aucune indemnité journalière pour la période nécessaire à la remise en état et postérieure à la remise des locaux. Elle soutient que la société bailleresse est seule responsable du retard pris en ce qui concerne les travaux de remise en état ; que de surcroît, la bailleresse est irrecevable à invoquer une faute de la société C&A au titre de la remise en état des locaux restitués ; que si la bailleresse s'est trouvée privée de la jouissance des locaux à compter du 29 décembre 2015, ce n'est pas parce que la société locataire s'est maintenue indûment dans les lieux, mais bien parce que la bailleresse a refusé la restitution des clés, mises à sa disposition ainsi que l'établissement contradictoire de la liste des travaux de remise en état ; que de surcroît la transaction conclue entre les parties le 27 mai 2016, stipule que le bailleur se reconnaît rempli de tous ses droits et demandes au titre de leur mise en état et qu'il renonce à toutes demandes futures ayant pour origine, cause, objet ou fondement l'état des locaux et l'exécution par la locataire de ses obligations d'entretien et de réparation des locaux, de sorte que la bailleresse est désormais irrecevable à invoquer dans la présente instance une prétendue faute de la société locataire au titre de la remise en état des locaux et donc à réclamer une quelconque indemnité d'occupation à ce titre.
L'article 2048 du code civil dispose que :
« Les transactions se renferment dans leur objet : la renonciation qui y est faite à tous droits, actions et prétentions, ne s'entend que de ce qui est relatif au différend qui y a donné lieu.
Et l'article 248 du dit code que :
« Les transactions ne règlent que les différends qui s'y trouvent compris, soit que les parties aient manifesté leur intention par des expressions spéciales ou générales, soit que l'on reconnaisse cette intention par une suite nécessaire de ce qui est exprimé. »
En l'espèce la transaction intervenue entre les parties le 27 mai 2016, rappelle que les parties ont procédé à un état des lieux de sortie le 29 décembre 2015, qu'à cette occasion, le bailleur a refusé de reprendre les clés des locaux au motif que des travaux de remise en état devaient être effectués par le locataire. Le locataire a procédé à divers travaux de remise en état des locaux et a écrit au bailleur pour lui soumettre des propositions concernant les travaux restant à réaliser. Les parties se sont accordées sur les travaux de remise en état restant à réaliser et incombant au locataire, ce qui fait l'objet de la présente convention.
L'article 1 de la transaction fixe le montant des réparations à la charge de la société locataire, l'article 2 indique que concomitamment au paiement mentionné à l'article 1, la locataire restitue au bailleur les locaux à la date de ce jour et lui remet les clés de ces derniers et le bailleur accepte la restitution des locaux en leur état au jour de la signature des présentes et se reconnaît, au titre de l'indemnité versée, rempli de tous ses droits et demandes au titre de leur remise en état.
Aux termes de l'article 3 de la transaction, 'sous réserve du parfait encaissement de l'indemnisation ci-dessus, les parties renoncent à toutes demandes futures ayant pour origine, cause, objet ou fondement l'état des locaux, les travaux de remise en état réalisés par la locataire ou ceux restant à réaliser et l'exécution par le locataire de ses obligations d'entretien ou de réparation. L'article 4 rappelle que 'la transaction a autorité de chose jugée en dernier ressort sur les points qu'elle renferme, conformément aux dispositions de l'article 2052"
En l'espèce, les parties s'opposent sur la portée de ladite transaction. Si cette transaction règle les relations des parties quant au montant des réparations locatives à la charge de la société locataire et la restitution des clés, elle ne contient aucune disposition sur une indemnité d'occupation à la charge de la société locataire jusqu'à la remise desdites clés, alors même que le bail ayant pris fin, par l'effet du congé au 31 décembre 2015 et le bailleur n'ayant pas accepté les clés des locaux à cette date, mais les ayant accepté le 27 mai 2016, lors de la signature de la transaction, le différend existait déjà entre les parties sur les sommes éventuellement dues à ce titre, or, la transaction ne vise que le différend existant entre les parties sur la charge des travaux et la remise des clés et non celui afférant aux éventuelles indemnités d'occupation entre la fin du bail et la remise des clés.
La société locataire se prévaut de l'application du dernier alinéa de l'article 14 du bail liant les parties, qui stipule : 'en aucun cas, le preneur ne sera redevable d'une quelconque indemnité journalière pour la période nécessaire à la remise en état et postérieure à la remise des locaux'.
Le bailleur ne précise pas son interprétation ce cet alinéa.
Selon l'article 14:
'En fin de bail, le preneur devra, un mois à l'avance, informer le bailleur de la date de son déménagement, proposer une date pour l'état des lieux contradictoire et lui communiquer sa nouvelle adresse. (...)
Il est précisé que (...) Le preneur s'engage à démonter intégralement son système de rail transbordeur de vêtements (actuellement de marque Dunrkopp).
Le preneur devra, au plus tard le jour de l'expiration du bail, rendre les locaux, en bon état de réparation, ce qui sera constaté par un état des lieux, à la suite duquel le preneur devra remettre les clés au bailleur. (...)
Les parties établiront, le cas échéant, et conjointement un relevé des réparations à effectuer incombant au preneur.
Dans les 8 jours de l'établissement du dit relevé, le preneur devra, s'il souhaite faire exécuter les travaux lui-même ou par les entreprise de son choix, adresser au bailleur pour agrément, les devis établis par des entreprises qualifiées.
A défaut, il appartiendra au bailleur de faire établir des devis par un bureau d'études techniques et/ou par des entreprises qualifiées qu'il soumettra pour agrément au preneur.
En cas de désaccord, la partie diligente saisira la juridiction des référés aux fins de désignation d'un expert.
En aucun cas, le preneur ne sera redevable d'une quelconque indemnité journalière pour la période nécessaire à la remise en état postérieure à la remise des locaux'.
Les parties s'opposant sur l'interprétation de cet article, il convient de rechercher leur commune intention. Il en résulte que ces dispositions ne trouvent à s'appliquer que dans l'hypothèse, où les locaux restitués en fin de bail par la locataire ne sont pas restitués en bon état de réparation par la société locataire. Dans ce cas, les parties doivent conjointement établir un relevé des réparations à effectuer, soit le preneur souhaite faire les travaux et il transmet pour agrément au bailleur des devis, si le preneur ne le fait pas, le bailleur fera établir des devis qu'il soumettra pour agrément au preneur ; si les parties n'arrivent pas à se mettre d'accord, l'une d'elle saisira le juge des référés en désignation d'expert.
Le dernier alinéa de l'article 14 vise expressément l'absence de paiement à la charge du preneur d'une indemnité journalière pour la période nécessaire à la remise en état, postérieure à la remise des locaux.
Il y a lieu de rappeler que l' indemnité d'occupation de droit commun n'est due que par celui qui se maintient indûment dans les lieux. Elle n'est pas due pour la période postérieure à la remise des clés, ou au refus abusif d'accepter les clés, quand bien même les locaux nécessiteraient-ils d'importantes réparations locatives. Dans ces conditions, le dernier alinéa de l'article 14 ne fait que rappeler la jurisprudence, seule une indemnité d'immobilisation du bien pourrait être exigée pour la période nécessaire à la remise en état des lieux, mais au cas présent, les parties ont décidé de ne pas exiger une telle indemnité.
En l'espèce, ainsi que le souligne la société locataire en page 28 de ses conclusions, si le bailleur a été privé de la jouissance des locaux à compter du 29 décembre 2015, c'est parce qu'il a refusé la restitution des clés, mises à sa disposition ainsi que l'établissement contradictoire de la liste des travaux de remise en état.
La société locataire établit ce fait par la production aux débats du constat d'huissier dressé le 29 décembre 2015. Il résulte de cet acte que le bailleur a refusé les clés que souhaitait lui remettre la société locataire, en présence de l'huissier de justice et refusé l'établissement ce jour là d'un relevé des opérations tel que spécifié à l'article 14 et demandé par la société locataire au motif que ce relevé devait être régularisé par des techniciens.
Cet acte ne fait pas mention du défaut de dépose du rail, comme motif du refus de réception des clés. Aucune autre pièce versée aux débats, ne justifie le refus par le bailleur d'accepter les clés, par la non dépose du rail.
En toute hypothèse, le retard pris dans la dépose du rail, est justifié par la difficulté où s'est trouvée la société locataire de faire procéder à sa dépose, compte tenu de la présence de gens du voyage au voisinage immédiat du local de stockage, l'entreprise pressentie ayant fait connaître par courrier du 12 novembre 2015, qu'il lui était difficile d'intervenir, en raison de l'importance du chantier et de la présence d'enfants sur le site (pièce 20 du preneur).
Le bailleur n'a pas proposé par la suite de rendez-vous pour faire procéder conjointement au relevé des réparations. Il en résulte que le bailleur a refusé abusivement la remise des clés mises à sa disposition en présence de l'huissier de justice.
Dans ces conditions, le bailleur n'est pas fondé à exiger du preneur le paiement d'une indemnité d'occupation irrégulière pour la période écoulée jusqu'à la fin mai 2016. En outre, en application de l'article 14, le preneur n'est pas tenu de lui verser une indemnité journalière d'immobilisation pendant la durée des remises en état.
Sur le gardiennage renforcé du site
Le bailleur ayant abusivement refusé la restitution des clés, il s'ensuit, que le preneur s'il était tenu d'assurer le gardiennage des locaux pris à bail jusqu'à la fin de son bail, même s'agissant d'un gardiennage renforcé, rendu nécessaire par son départ progressif des lieux, les rendant attractifs pour les squatters, en revanche, il n'était plus tenu à une telle obligation à compter de la fin du bail, puisque le refus du bailleur d'accepter les clés était abusif.
En conséquence, la société locataire est bien fondée à demander la condamnation du bailleur à lui rembourser la somme de 456.856,13 euros, calculée de la façon suivante :
janvier 2016 : 101.395 eurosTTC
février 2016 : 84.090,51 euros TTC
mars 2016 : 94.510,64 euros TTC
avril 2016 : 89.753,19 euros TTC
du 1er au 27 mai 2016 :87.106,79 euros TTC
total : 456.856,13 euros TTC
Contrairement à ce que soutient la société locataire, les intérêts moratoires de cette somme ne sont pas dus à compter de l'assignation, faute d'existence de la créance à cette date, mais à compter du 27 mai 2016.
Sur la compensation
Il convient d'ordonner la compensation entre les créances réciproques des parties.
Sur les demandes pour procédure abusive
La bailleresse ne pourra qu'être déboutée des demandes formées à ce titre, l'action engagée par la société locataire à son encontre ayant partiellement prospéré.
Sur les demandes accessoires
Chacune des parties succombant dans ses demandes, il sera fait masse des dépens de première instance et d'appel qui seront supportés par moitié par chacune d'elle.
Il ne sera pas fait application de l'article 700 du code de procédure civile, ni en première instance ni en cause d'appel.
PAR CES MOTIFS
La cour statuant contradictoirement,
Confirme le jugement entrepris en ce qu'il a :
- Condamné la société C&A France à payer à la société SAINT THIBAUT la somme de 547.395,90 euros, augmentée des intérêts de retard au taux légal à compter de la mise en demeure du 5 janvier 2016 jusqu'au paiement, au titre du paiement de la facture n°F00020 du 28 septembre 2015 ;
- Débouté la société SAINT THIBAULT de ses demandes de condamnation de la société C&A France au titre d'une indemnité d'occupation ;
- Débouté la société SAINT THIBAULT de ses demandes de condamnation de la société C&A France au titre de ses demandes d'amende civile et de dommages et intérêts ;
- Débouté la société C&A France de sa demande de condamnation de la société SAINT THIBAULT au paiement des frais irrépétibles ;
L'infirme pour le surplus,
statuant à nouveau et y ajoutant,
Condamne la société C&A France à payer à la société SAINT THIBAULT la somme de 54.739,59 euros, augmentée des intérêts de retard au taux légal à compter du jugement entrepris sur la somme de 10.000 euros et à compter du présent arrêt pour le solde, au titre de la clause pénale ;
Condamne la société SAINT THIBAULT à payer à la société C&A France la somme de
456.856,13 euros au titre des frais de gardiennage renforcé entre le 1er janvier 2016 et le 27 mai 2016 outre les intérêts au taux légal à compter du 27 mai 2016 ;
Ordonne une compensation entre les créances réciproques des parties ;
Déboute les parties pour le surplus de leurs demandes ;
Dit n'y avoir lieu à l'application de l'article 700 du code de procédure civile en première instance et en cause d'appel ;
Fait masse des dépens, dit qu'ils seront partagés par moitié par chacune des parties avec distraction au bénéfice de l' avocat postulant qui en a fait la demande en application de l'article 699 du code de procédure civile.
LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE