La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

13/10/2020 | FRANCE | N°18/08294

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 11, 13 octobre 2020, 18/08294


Copies exécutoiresRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 11



ARRÊT DU 13 OCTOBRE 2020



(n° , 14 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 18/08294 - N° Portalis 35L7-V-B7C-B6AKD



Décision déférée à la Cour : Jugement du 01 Juin 2018 -Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de LONGJUMEAU - RG n° 15/00929





APPELANTE



Madame [Y] [N]

[Adresse 2]

[Loc

alité 4]

Représentée par Me Matthieu BOCCON GIBOD, avocat au barreau de PARIS, toque : C2477



INTIMÉE



SA AFI.ESCA

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentée par Me Frédérique ETEVENARD,...

Copies exécutoiresRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 11

ARRÊT DU 13 OCTOBRE 2020

(n° , 14 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 18/08294 - N° Portalis 35L7-V-B7C-B6AKD

Décision déférée à la Cour : Jugement du 01 Juin 2018 -Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de LONGJUMEAU - RG n° 15/00929

APPELANTE

Madame [Y] [N]

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représentée par Me Matthieu BOCCON GIBOD, avocat au barreau de PARIS, toque : C2477

INTIMÉE

SA AFI.ESCA

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentée par Me Frédérique ETEVENARD, avocat au barreau de PARIS, toque : K0065

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 01 septembre 2020, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Sylvie HYLAIRE, Présidente de chambre, chargée du rapport dans les conditions prévues par l'article 785 du code de procédure civile et Madame Laurence DELARBRE, Conseillère.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :

Sylvie HYLAIRE, présidente de chambre

Anne HARTMANN, présidente de chambre

Laurence DELARBRE, conseillère

Greffier, lors des débats : Madame Mathilde SARRON

ARRÊT :

- contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Sylvie HYLAIRE, Présidente et par Mathilde SARRON, Greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSÉ DU LITIGE

Mme [Y] [N], née en 1968, a été engagée par contrat de travail à durée indéterminée à compter du 2 janvier 2013 en qualité de déléguée régionale, statut cadre, classe 6 de la convention nationale de l'inspection d'assurance sur la région Ile-de-France par la SA AFI.Esca qui commercialise des produits d'assurance de personnes et emploie environ 280 salariés.

Le contrat précisait qu'elle exerce ses fonctions dans les départements 77 et 93 et 94 ainsi que dans 8 arrondissements parisiens et au titre des missions qui lui étaient dévolues :

- la mise en place d'un réseau de courtiers en assurances et son animation,

- l'animation et la gestion des courtiers de son secteur, le contrat prévoyant la remise à ce sujet d'une liste de ces courtiers comportant les codes des courtiers « conservés » par Mme [F], déléguée régionale Ile de France.

La rémunération prévue au contrat comportait :

- une partie fixe de 53.000 euros bruts par an payable en 13,50 mensualités, incluant la prime de vacances versée en juin et un treizième mois versé en décembre, soit 3.925,90 euros de salaire fixe,

- une partie variable dont les modalités de calcul relevaient d'une note signée des deux parties en début d'année, dont une partie était payée sous forme d'avance mensuelle d'un montant s'élevant en dernier lieu à 500 euros.

S'agissant de la durée du travail, le contrat faisait référence à un forfait annuel en jours.

Par lettre datée du 27 octobre 2015, Mme [N] a été convoquée à un entretien préalable à un éventuel licenciement fixé au 6 novembre 2015 avec mise à pied à titre conservatoire.

Elle a saisi le 6 novembre 2015 le conseil de prud'hommes de Longjumeau d'une demande de résiliation judiciaire de son contrat de travail.

Mme [N] a ensuite été licenciée pour faute grave par lettre datée du 26 novembre 2015 ainsi rédigée :

« (...)

Vous ne vous êtes pas présentée à l'entretien préalable organisé le 06/11/2015 (...)

En date du 21 /10/2015, nous avons été alertés par un courtier (Cabinet Avoda) que depuis le mois de juillet 2015, vous n'avez donné suite à aucune de ses demandes et ce, malgré plusieurs dizaines de mails et de messages téléphoniques ;

- En raison de l'exaspération de ce partenaire, une intervention du Directeur du réseau Courtage, Monsieur [H] [T], a été nécessaire afin que nous puissions poursuivre le développement de nos relations commerciales avec ce dernier, qui nous a confirmé ses multiples et vaines tentatives de vous joindre.

- Concomitamment différentes autres réclamations sont intervenues, à savoir :

* La Centrale de Financement : en date du 23/10/2015, aucune des agences situées dans les départements 93,94 et 77 n'a été visitée par vos soins depuis la mise en place de ce partenariat en octobre 2013

* Vous Financer.com : le 05/10/2015, vous avez rencontré les responsables de l'agence de [Localité 5] et avez pris l'engagement de leur transmettre des codes d'accès nécessaires au e-learning ; en date du 27/10/2015, cet engagement n'était toujours pas tenu et de plus, les Responsables de cette agence n'ont réussi à vous joindre ni par mail ni par téléphone et ce, malgré plusieurs tentatives

* Le Parrainage : idem, malgré plusieurs messages téléphoniques (avant les congés d'été et à la rentrée), le Responsable n'a pas réussi à vous joindre et n'a pas été contacté par vos soins, à tel point qu'en date du 30/10/2015, nous avons demandé à l'une de vos collègues d'intervenir auprès de ce partenaire particulièrement mécontent.

Compte tenu de l'autonomie de vos fonctions et des responsabilités attachées à votre poste, votre carence traduit une exécution fautive de vos missions.

Votre manque d'activité, qui a pu être masqué un temps par l'accroissement naturel du chiffre d'affaires provenant des Grands Comptes, partenariats mis en place par l'entreprise et pour lesquels le travail des Délégués Régionaux consiste en un simple entretien de bonnes relations commerciales, explique mieux à présent les raisons de votre insuffisance de résultats, constatée par notre courrier du mois de juin 2015.

Pour vous permettre de sortir de cette situation, nous avons même mis en place des mesures d'accompagnement qui ne pouvaient évidemment pas aboutir à un résultat au vu de votre absence d'accomplissement d'un travail effectif, efficace et concret.

Enfin, et c'est certainement en partie l'explication du délaissement de votre mission et votre absence d'activité concrète pour notre compte, il s'avère que vous exercez une autre activité dans une autre société commerciale (Jour 2 rêve) ; vous ne nous avez pas informés de cette autre activité, au mépris de la clause d'exclusivité figurant à l'article 1 de votre contrat de travail.

L'ensemble de ce qui précède s'analyse comme une exécution défectueuse délibérée de votre mission et donc du non-respect de vos obligations contractuelles. Les conséquences en sont une perte de chiffres d'affaires, une carence du développement de notre portefeuille, une perte de crédibilité auprès de nos partenaires, une atteinte à notre image de marque.

(')

Votre contrat de travail prend donc fin dès ce jour, 26/11/2015, sans préavis ni indemnité de licenciement.

La période de mise à pied conservatoire qui a débuté le 28/10/2015 ne vous sera pas rémunérée. (...) ».

A la date du licenciement, Mme [N] avait une ancienneté de 2 ans et 10 mois et la société AFI.Esca occupait à titre habituel plus de dix salariés.

Par jugement rendu le 1er juin 2018, le conseil de prud'hommes de Longjumeau, statuant en formation de départage, a :

- débouté Mme [N] de sa demande principale de résiliation judiciaire de son contrat de travail,

- dit que le licenciement pour faute grave dont Mme [N] a fait l'objet le 26 novembre 2015 est justifié et est pourvu d'une cause réelle et sérieuse,

- débouté Mme [N] de sa demande subsidiaire tendant à dire le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse,

- condamné la société AFI.Esca à payer à Mme [N] la somme de 3.060 euros au titre de l'indemnité d'occupation du domicile pendant toute la durée de l'exécution du contrat de travail,

- condamné Mme [N] à payer à la société AFI.Esca la somme de 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- débouté les parties du surplus de leurs demandes ou de toute autre demande plus ample ou contraire,

- condamné Mme [N] aux dépens.

Par déclaration du 2 juillet 2018, Mme [N] a interjeté appel de cette décision qui lui avait été notifiée par lettre adressée le 19 juin.

Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 16 août 2018, Mme [N] demande à la cour d'infirmer partiellement le jugement attaqué et de :

- à titre principal, prononcer la résiliation judiciaire du contrat de travail ;

- constater l'exécution déloyale du contrat de travail ;

- constater l'absence de validité du forfait jours et l'accomplissement de nombreuses heures supplémentaires impayées, dans des conditions que l'employeur ne pouvait ignorer ;

- constater l'absence de toute stipulation contractuelle prévoyant une ponction de 40% des commissions afférentes aux grands comptes ;

- Subsidiairement, constater qu'aucun des griefs à l'appui du licenciement n'est réel et sérieux ;

En conséquence,

- condamner la société AFI.Esca à lui payer les sommes suivantes :

* dommages-intérêts pour licenciement sans cause : 71.000 euros,

* indemnité de licenciement : 8.017,84 euros,

* indemnité compensatrice de préavis : 17.707,25 euros,

* congés afférents : 1.707,07euros,

* rappel de salaire au titre de la mise à pied conservatoire : 4.431,69 euros,

* congés afférents : 443,16 euros,

* dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail : 25.000 euros,

* rappel d'heures supplémentaires : 34.953,37 euros,

* congés afférents : 3.495,33 euros,

* rappel de commissions : 5.347,60 euros,

* congés afférents : 534,76 euros,

* indemnité pour travail dissimulé : 35.414,52 euros,

* indemnité d'occupation du domicile (télétravail) : 4.058,37 euros,

- condamner la société AFI.Esca à lui payer la somme de 5.000 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 9 novembre 2018, la société AFI.Esca demande à la cour de :

- déclarer Mme [N] mal-fondée en son appel à l'encontre du jugement de départage rendu par le conseil des prud'hommes de Longjumeau le 1er juin 2018 ;

En conséquence :

- confirmer le jugement dont appel dans toutes ses dispositions ;

Y rajoutant :

- condamner Mme [N] à lui verser une somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 1er juillet 2020 et l'affaire a été fixée à l'audience du 1er septembre 2020.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des moyens et des prétentions des parties, la cour se réfère à leurs conclusions écrites ainsi qu'au jugement déféré.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la rupture du contrat de travail

En application des dispositions de l'article 1184 du code civil, devenu l'article 1224, en cas d'inexécution de ses obligations par l'une des parties, l'autre partie peut demander au juge de prononcer la résiliation du contrat.

Lorsqu'un salarié sollicite la résiliation judiciaire de son contrat de travail en raison de faits qu'il reproche à son employeur, tout en continuant à travailler à son service, et que ce dernier le licencie ultérieurement pour d'autres faits survenus au cours de la poursuite du contrat, le juge doit d'abord rechercher si la demande de résiliation du contrat était justifiée. C'est seulement dans le cas contraire qu'il doit se prononcer sur le licenciement notifié par l'employeur.

Si le salarié n'est plus au service de son employeur au jour où il est statué sur la demande de résiliation judiciaire, cette dernière prend effet, si le juge la prononce, au jour du licenciement.

Sur la demande de résiliation judiciaire du contrat

Mme [N] sollicite à titre principal la résolution de son contrat de travail aux torts de son employeur.

La résiliation judiciaire à la demande du salarié n'est justifiée qu'en cas de manquements de l'employeur d'une gravité suffisante pour empêcher la poursuite de la relation de travail.

Au soutien de sa demande, Mme [N] invoque plusieurs manquements de l'employeur à ses obligations :

- un manquement à l'obligation de transparence quant à la part variable de la rémunération,

- une modification unilatérale du taux de commissionnement,

- le non-respect du secteur commercial contractuellement défini,

- l'exécution déloyale du contrat.

Sur le manquement à l'obligation de transparence quant à la part variable de la rémunération

Mme [N] fait exposer que les notes relatives à la part variable éditées par l'employeur chaque année dénommées « Intéressement des délégués et des inspecteurs régionaux du réseau Courtage France », au demeurant sont signées par elle, contrairement aux dispositions contractuelles, étaient totalement incompréhensibles de par leur complexité.

Elle soutient par ailleurs que les performances individuelles de chacun des commerciaux n'étant pas fournies, elle était dans l'incapacité de vérifier le calcul de l'intéressement qui lui était versé, la direction ayant d'ailleurs elle-même reconnu le caractère incompréhensible du système de calcul.

Elle ajoute qu'il n'y avait aucun référent en mesure de donner les informations sollicitées.

La société AFI.Esca fait valoir qu'au contraire, les précisions apportées sur ces notes quant aux modalités de calcul de l'intéressement étaient une garantie de fiabilité, le fait que certains paramètres soient constitués de plusieurs chiffres et décimales n'étant que la résultante des calculs de rentabilité effectués par le service actuaire de l'entreprise.

Elle prétend que les modalités de calcul, qu'elle détaille pour l'année 2014 en ce qui concerne Mme [N] (en page 19 de ses écritures), résultaient de l'application des règles, taux, seuil et objectifs, définis dans la note de 2013 et des objectifs individuels de chaque commercial.

Elle ajoute que Mme [N], comme les autres salariés, pouvait solliciter toute explication auprès du service actuaire, ce dont elle a d'ailleurs bénéficié à son arrivée dans l'entreprise ainsi qu'à d'autres reprises.

***

A titre liminaire, il sera observé que le défaut de signature des notes relatives à la rémunération variable par la salariée est dépourvu de pertinence dans la mesure d'une part, où le contrat ne prévoit pas que les modalités de calcul doivent être acceptées et, d'autre part, qu'il n'est pas contesté que Mme [N] en a eu connaissance.

L'examen de la note du 7 janvier 2013 permet contrairement à ce que soutient Mme [N], de comprendre les modalités applicables au calcul de la rémunération variable :

1° la production réalisée par le commercial (R) doit atteindre un seuil de rentabilité (S), dont la salariée a été informée annuellement, pour déclencher le droit à l'intéressement : si le résultat est inférieur à ce seuil, il n'y a pas d'intéressement,

2° lorsque le résultat est supérieur au seuil, deux hypothèses se présentent :

* soit le résultat est inférieur à l'objectif, il est alors appliqué pour le calcul de l'intéressement, un taux (dit T1) régulièrement porté à la connaissance de la salariée en fonction de l'objectif individuel,

* soit le résultat est supérieur à l'objectif, s'ajoute alors à l'intéressement ci-dessus, une partie calculée en fonction d'un second taux (T2) également communiqué et appliqué sur le différentiel entre le résultat et l'objectif.

Par ailleurs, T1 et T2 sont calculés en fonction de taux de pondération (tcm) qui ont également été portés à la connaissance de la salariée, pour chacun des produits d'assurance commercialisés, étant observé que l'employeur n'était pas tenu de communiquer les modalités de calcul de ces tcm, chiffrés par son service actuaire, la complexité alléguée résultant en réalité des calculs de ces taux de pondération, ce que soulignait M. [T] lui-même.

La vérification par le commercial supposait donc seulement, qu'en fonction du montant des produits qu'il avait placés à un instant «T», il applique les différentes formules et taux détaillés dans la note annuelle dont il était destinataire ; en cas de difficulté, il lui appartenait d'en référer soit à M. [T], soit de solliciter l'aide du service actuaire, ce que Mme [N] n'a manifestement pas fait, malgré d'ailleurs l'invitation faite à ce sujet notamment par Mme [D], (pièce 43 société) ou la précision apportée par Mme [G] dans son mail du 26 juin 2015 ; ce mail démontre à la fois qu'il avait été répondu à la demande de Mme [N], que l'interlocuteur à ce sujet était un membre du service actuaire et que chaque commercial pouvait se voir communiquer ses résultats à sa demande ; en outre, il ressort des pièces de la société (notamment pièces 12, 15, 18 et 23) que des estimations des variables, distinguant les résultats de chaque commercial, étaient régulièrement communiquées aux salariés.

C'est donc à juste titre que les premiers juges ont retenu que le manquement allégué n'était pas établi.

Sur la modification unilatérale du taux de commissionnement

Mme [N] soutient que la pondération de 40% sur les grands comptes n'était pas contractualisée et que l'application de cette pondération l'a privée d'un droit conséquent sur le montant de ses commissions, ce dont elle s'était plaint par courrier du 26 octobre 2015.

La société AFI.Esca fait valoir que la spécificité des grands comptes, dont la négociation est faite au plan national et qui génèrent un travail moindre des commerciaux ainsi qu'une rentabilité inférieure, justifie le taux de pondération de 40% appliqué aux résultats de tous les commerciaux et qui n'a jamais varié depuis l'embauche de Mme [N].

***

Ainsi qu'il l'a été précédemment rappelé, les modalités de calcul de l'intéressement ne résultaient pas d'un accord entre les parties et n'avaient donc pas à être acceptées par Mme [N].

Par ailleurs, le principe de cette pondération était très clairement exprimé dans la note du 7 janvier 2013 et il n'est ni contesté ni même allégué que le taux pratiqué, soit 40%, a été modifié au cours de la relation contractuelle ou n'aurait pas été celui appliqué à l'ensemble des commerciaux.

C'est dès lors à juste titre que les premiers juges ont estimé que ce manquement n'était pas établi et ont également débouté Mme [N] de sa demande de rappel de commission.

Sur le non-respect du secteur commercial contractuellement défini

Mme [N] fait valoir que nonobstant les dispositions contractuelles et la liste des courtiers lui étant réservés, figurant dans le courrier de l'employeur du 20 décembre 2012, elle s'est heurtée à plusieurs reprises à des retraits de certains courtiers que Mme [F] souhaitait conserver.

La société AFI.Esca fait valoir qu'aucun des courtiers figurant sur la liste de décembre 2012 n'a été retiré à Mme [N] en sorte qu'il ne peut être soutenu que celle-ci aurait subi une modification de son secteur géographique.

Elle ajoute que les ajustements ultérieurs, anciens et non contestés voire acceptés par Mme [N], n'ont pas eu d'impact sur ses résultats.

***

Ainsi que le soutient la société AFI. Esca, il n'est pas justifié que l'un quelconque des courtiers figurant sur la liste remise à Mme [N] le 20 décembre 2012 lui a été retiré, en sorte que le non-respect des dispositions contractuelles n'est pas établi.

Les ajustements ultérieurs intervenus en cours de période d'essai de Mme [N], aboutissant à maintenir au profit de Mme [F] des courtiers démarchés par celle-ci antérieurement à l'embauche de Mme [N], relevaient en tout état de cause du pouvoir de direction de l'employeur, celui-ci ne s'étant engagé que sur la liste exhaustive figurant dans le courrier du 20 décembre 2012, en sorte que Mme [N] n'est pas fondée à revendiquer le retrait prétendu d'autres courtiers ne figurant pas sur la liste de ceux qui lui étaient attribués. Par ailleurs, l'affirmation de celle-ci, selon laquelle elle aurait constaté qu'une douzaine de courtiers de la liste avaient fermé et que 18 des « plus gros courtiers sur les 43 restant » étaient affectés à Mme [F] en sorte qu'il ne lui restait que 21 courtiers et non 55, n'est pas étayée.

C'est par conséquent à juste titre que les premiers juges ont estimé que ce manquement n'était pas établi.

Sur l'exécution déloyale du contrat

Mme [N] invoque les faits suivants au soutien de la déloyauté constante et réitérée de l'employeur :

- la réduction de son secteur contractuel et le caractère incompréhensible de la rémunération variable : ces manquements ont été écartés précédemment,

- la modification unilatérale de ses objectifs le 16 juin 2015.

La société AFi.Esca conteste la mise en cause de sa loyauté, exposant que c'est suite à l'analyse de l'activité de Mme [N] à fin mai 2015 que des objectifs intermédiaires lui ont été donnés quant aux priorités d'actions à mener en direction des courtiers plutôt qu'auprès des clients Grands Comptes et que dans le même temps son objectif global a été initial a été réduit à 65%.

***

La note d'objectifs adressée le 18 décembre 2014 à Mme [N] prévoyait un objectif global de 564.376 euros mais ne distinguait pas entre le chiffre d'affaires généré par les Grands Comptes et par les courtiers ni n'imposait un nombre de courtiers à recruter et de contrats à conclure avec ceux-ci.

La lettre adressée le 16 juin 2015 par M. [T], directeur du réseau courtage, contient une analyse de l'activité de Mme [N] de janvier à fin mai 2015 et lui impartit des objectifs à atteindre d'ici au 31 décembre 2015 ainsi déclinés :

- recrutement d'au moins 10 courtiers qui auront chacun réalisé au moins une affaire chacun au 31/12/2015,

- limitation à 65% de la production résultant des grands comptes,

- répartir davantage la prospection entre les départements et les arrondissements parisiens,

- atteinte d'au moins 75% de l'objectif annuel.

Ainsi que le soutient la société, cette lettre ne peut être considérée comme une modification abusive de l'objectif initialement imparti à Mme [N].

En effet, d'une part, celui-ci ne portait que sur un volume de chiffres d'affaires à réaliser et non sur les cibles concernées.

D'autre part, la détermination d'objectifs quant aux cibles de prospection, axées prioritairement sur les courtiers, plutôt que les grands comptes, outre que ce choix d'orientation relève du pouvoir de direction de l'employeur, correspondait aux missions dévolues à Mme [N] par son contrat de travail, visant expressément « la mise en place et l'animation d'un réseau de courtiers en assurances » ainsi d'ailleurs qu'aux axes de développement qui figuraient dans son plan commercial pour 2015 (pièce 78 salariée), concernant exclusivement les courtiers (prospection, fidélisation et développement).

Par ailleurs, ces objectifs intermédiaires ne concernaient que les mois à suivre et non des résultats annuels à réaliser.

Or, l'objectif quantitatif d'au moins 10 nouveaux courtiers d'ici le 31/12/2015 était manifestement réalisable puisque dans le courrier du 16 juin, l'employeur précisait que 9 avaient été recrutés par Mme [N] entre les mois de janvier et mai 2015.

Si Mme [N] prétend que la limitation du chiffre d'affaires grands comptes était contraire aux précédentes préconisations de l'employeur, cette affirmation n'est pas étayée par les pièces 58 et 59 visées dans ses écritures constituées de deux courriels émanant de M. [T] relatifs à un nouveau grand compte (CAFPI) dans lequel il invitait les commerciaux à prendre contact avec les agences de leurs secteurs, courriels datés d'avril et juillet 2013, soit près de deux ans avant.

Enfin, les chiffres figurant dans la lettre du 16 juin 2015 quant à l'évolution de la production sur les courtiers entre 2013 et 2015 légitiment le souhait de l'employeur de voir Mme [N] concentrer son activité sur les courtiers, ce qui ne signifiait pas pour autant d'abandonner les grands comptes, contrairement à ce que soutient la salariée, mais de se consacrer prioritairement au développement du réseau de courtiers.

En outre, les nouvelles priorités fixées à Mme [N] étaient assorties d'une baisse de l'objectif en volume de chiffre d'affaires imparti initialement qui était ramené à 75%.

Mme [N] fait exposer à ce sujet que son objectif pour 2015 avait été augmenté de 50% et que dès lors même cette réduction n'était pas de nature à lui éviter d'échouer, la réalisation du chiffre étant plus difficile avec des courtiers qu'avec des grands comptes.

Néanmoins, le taux imparti à Mme [N], limitant à 65% le volume de chiffre d'affaires sur les grands comptes restait nettement plus élevé que la moyenne préconisée par la société en général, fixée à 25% (pièce 48 société) et la cour relève que l'objectif était certes passé de 378.344 euros en 2014 à 564.376 euros en 2015 mais se situait dans la moyenne appliquée sur le territoire national de 576.281 euros (pièce 39 société).

L'exécution déloyale du contrat ne peut donc être retenue.

***

Aucun des manquements invoqués à l'appui de la demande de résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de l'employeur n'étant établi ou de nature à justifier l'impossibilité de poursuivre la relation contractuelle, la décision déférée qui a débouté Mme [N] de ses demandes à ce titre sera confirmée.

Sur les demandes au titre de heures supplémentaires

Mme [N] sollicite le paiement des sommes de 34.953,37 euros bruts à titre de rappel de salaires pour les heures supplémentaires effectuées outre les congés payés afférents ainsi que la somme de 35.414,52 euros au titre de l'indemnité pour travail dissimulé.

La société AFI.Esca conclut au rejet des demandes au titre des heures supplémentaires.

***

Les parties conviennent que la convention de forfait annuel en jours, prévue au contrat de travail de Mme [N] n'est pas valable dès lors que la convention collective applicable ne contient aucune disposition à ce sujet, la société ne se prévalant pas d'un accord collectif applicable.

Dès lors, l'examen de la demande en paiement de Mme [N] doit s'effectuer au regard du régime de droit commun.

***

Aux termes de l'article L. 3171-2 alinéa 1er du code du travail, lorsque tous les salariés occupés dans un service ou un atelier ne travaillent pas selon le même horaire collectif, l'employeur établit les documents nécessaires au décompte de la durée de travail, des repos compensateurs acquis et de leur prise effective, pour chacun des salariés concernés. Selon l'article L.3171-3 du même code, dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016, l'employeur tient à la disposition de l'inspecteur ou du contrôleur du travail les documents permettant de comptabiliser le temps de travail accompli par chaque salarié. La nature des documents et la durée pendant laquelle ils sont tenus à disposition sont déterminées par voie réglementaire.

Par ailleurs, selon l'article L.3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, l'employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Si le décompte des heures de travail accomplies par chaque salarié est assuré par un système d'enregistrement automatique, celui-ci doit être fiable et infalsifiable.

Il résulte de ces dispositions, qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées.

Au soutien de sa demande, Mme [N] fait valoir qu'elle travaillait 45 heures au minimum par semaine, l'employeur sollicitant une implication des salariés de nature à empiéter sur leur vie personnelle par des réunions tardives, des déjeuners professionnels et des séminaires prévus sur plusieurs jours ainsi que l'envoi de mails supposant des réponses durant le week-end, durant les congés voire les arrêts de travail pour maladie.

Au soutien de ses prétentions, elle se réfère à divers mails :

- pièce 93 : mail relatif à l'organisation de séminaires ;

- pièces 94 et 95 : mails dans lesquels le directeur du réseau courtage, M. [T], fixe des rendez-vous « tardifs » : 08/01.2013 à 18h30, 17/12/2013 pour une réunion du 30/01/2013 à 19 heures ;

- pièce 96 : mail adressé le 03/02/2014 à 16:46 où M. [T] demande aux commerciaux de remplir un tableau relatif aux courtiers en les invitant à renseigner une colonne relative aux caractéristiques de leurs courtiers (CA - courtier en assurance ; CC : courrier en crédit ; R - restructurateur), s'excusant du caractère tardif de sa demande mais expliquant qu'il a besoin de ces éléments pour une réunion du lendemain matin ;

- pièce 97 : mail adressé le vendredi 09/05/2014 à 19:35 où M. [T] s'étonne que les commerciaux n'aient pas répondu à une demande relative aux risques spéciaux et leur demande de le faire pendant le week-end ;

- pièce 98 : mail adressé le 29 mai 2015 à 17:08 par lequel M. [T] demande à Mme [N] de venir mardi « un peu plus tôt que les autres, afin de faire un point trimestriel sur son année » ;

- pièce 99 :un mail adressé le 25 juillet 2014 à 18:07 par M. [T] par lequel celui-ci fait un point sur la réorganisation du réseau et annonce une date pour un séminaire le 25 septembre, indiquant qu'il pense que si pas mal des destinataires sont en vacances, les connaissant bien, ils liront quand même le message ;

- pièces 100, 101, 102 contenant de nombreux mails adressés ou reçus par la salariée « en dehors des heures classiques de bureau » pour les années 2013, 2014 ;

- pièces 103 : tableau récapitulant ces mails ;

- pièces 104, 105, 106 et 107 contenant des mails envoyés en 2014 et 2015 durant ses congés, RTT ou arrêts de travail ;

- pièce 109 : calcul de la somme réclamée à raison de 1.457,04 euros par mois (125 % de salaire horaire x 25,88 euros x 45 heures supplémentaires), corrigée par la déduction des arrêts de maladie et des congés payés.

Ainsi que l'ont relevé les premiers juges, la seule production de mails envoyés à des heures matinales ou tardives ne permet pas de retenir la réalité de l'amplitude journalière de travail accomplie dans l'intervalle après ou avant les heures de ces messages ; même si la salariée n'a pas tenu un décompte précis des horaires accomplis et ne produit en cause d'appel ni un tel décompte, ni, par exemple un agenda de ses rendez-vous, elle aurait pu, à tout le moins, donner une estimation de l'organisation de ses journées de travail.

L'appréciation forfaitaire systématique qu'elle fait de son temps de travail évalué à 45 heures par semaine ne peut être considérée comme établie par la seule production de courriels dont généralement le contenu ne permet pas de retenir que Mme [N] était contrainte à une réponse immédiate tardive ou n'avait pas pu répondre antérieurement durant les « heures classiques de bureau » et ce, alors même que travaillant soit à son domicile soit en déplacements auprès des clients, elle disposait de toute latitude pour organiser son emploi du temps.

Ainsi à titre d'exemples :

- le mail adressé le 25 juillet 2014 par M. [T] le 25 juillet 2014 était un mail informatif n'exigeant aucune réponse pas plus qu'une lecture immédiate (pièce 96) ;

- le mail adressé le 6 janvier 2014 à 21:06 à M. [I] ;

- le mail envoyé par M. [T] le 09/05/2014 à 19:35 qui faisait suite au fait que les commerciaux avaient omis de répondre à une demande formulée dans la journée ;

- le mail adressé le 03/02/2014 par M. [T], s'il exigeait une réponse immédiate, ne nécessitait que quelques minutes au regard de la demande formulée.

Par ailleurs, l'examen des mails prétendument adressés pendant les arrêts de travail RTT, congés ou maladie - arrêts dont les dates ne sont pas précisées, celles des mails n'étant pas toujours en conformité avec les mentions figurant sur les bulletins de paie -, témoigne pour plusieurs que les expéditeurs étaient dans l'ignorance de la situation de congés ou de maladie de leur destinataire ; pour certains, Mme [N] répond que le point sera fait ultérieurement, pour d'autres, il n'en ressort pas qu'une réponse immédiate s'imposait et pour nombre d'entre eux, il s'agit de simples transferts de documents ou de demandes pour des clients ne traduisant pas l'accomplissement d'une réelle prestation de travail de la part de Mme [N], y compris pendant ses périodes d'arrêt de travail pour maladie, étant observé que disposant à la fois d'un téléphone portable et d'une boîte de messagerie professionnels, elle restait nécessairement destinataire des messages des clients et que pour la plupart des messages, ils ont été envoyés de sa seule initiative, sans qu'il soit justifié d'une demande impérative de l'employeur.

Par ailleurs, les horaires de travail durant les séminaires ne sont pas plus précisés.

C'est donc à juste titre que les premiers juges, estimant que la salariée n'étayait pas sa demande par des éléments suffisamment précis, l'ont déboutée de ses prétentions au titre des heures supplémentaires, des congés payés afférents et de l'indemnité pour travail dissimulé.

Sur le licenciement

L'employeur ayant choisi de se placer sur le terrain d'un licenciement pour faute grave doit rapporter la preuve des faits allégués et démontrer que ces faits constituent une violation des obligations découlant du contrat de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié au sein de l'entreprise.

La lettre de licenciement repose sur deux griefs :

- les plaintes de courtiers mécontents,

- un manque d'activité et un délaissement de ses missions, pouvant s'expliquer, par le fait qu'elle exerçait une autre activité pour une société commerciale au mépris de la clause d'exclusivité figurant à son contrat de travail.

Sur les plaintes des courtiers mécontents

S'agissant du cabinet Avoda, la société AFI.Esca verse aux débats un courriel adressé le 21 octobre 2015 signalant que depuis le rendez-vous du 16 juillet 2015 avec Mme [N], il n'a pas eu de retour de celle-ci malgré plusieurs messages et appels téléphoniques et qui indique qu'il ne souhaite plus travailler avec elle.

Mme [N] conteste les termes de ce courriel, soutenant qu'elle s'est certes occupée de ce dossier en juillet 2015 mais a, selon elle, accompli les démarches nécessaires et n'a jamais été relancée par la suite par ce client.

La cour observe que nonobstant ses dénégations, Mme [N] ne justifie pas qu'il ait été donné suite au dernier courriel de ce client du 28 juillet 2015 (sa pièce 117) qui lui indique qu'il reste dans l'attente de la délégation à transmettre à [L] (M. [V]) ni n'explique, pourquoi si, ainsi qu'elle le soutient, elle n'avait plus de démarche à effectuer, elle a adressé le 27 octobre 2015, à ce client, un courrier « pour faire un point », le fait qu'elle ait signalé des difficultés de fonctionnement de son téléphone (et non de sa messagerie) étant inopérant à expliquer qu'elle n'aurait pas reçu les courriels de ce client.

Ce grief sera considéré comme établi.

***

S'agissant de la Centrale de financement, la société AFI.Esca verse aux débats un courriel du directeur de cette société qui signale qu'aucune de ses agences des départements 93, 94 et 77 n'a reçu de visite de Mme [N].

Mme [N] ne conteste pas ce grief mais explique que 4 des 5 agences concernées n'avaient ouvert qu'en 2015, qu'elle n'avait pas eu le temps de procéder à ces visites et qu'elle n'avait pas été relancée.

L'existence d'une surcharge de travail a été précédemment écartée et les explications de Mme [N] ne sont pas de nature à justifier l'inertie reprochée par l'employeur vis-à-vis de 5 clients dépendant de son secteur.

Ce grief sera considéré comme établi.

***

S'agissant du client Vous financer.com, la société AFI.Esca verse aux débats un courriel du client du 27 octobre 2015, signalant que suite à la visite de Mme [N] dans une nouvelle agence de [Localité 5] ouverte depuis le 5 octobre 2015, celle-ci devait leur transmettre des codes nécessaires au e-learning et que, depuis, ils n'arrivent pas à la joindre, le courriel signalant l'urgence d'avoir un interlocuteur.

Mme [N] explique qu'elle n'avait visité cette agence que le 15 octobre et, mise à pied le 27, soit 6 jours ouvrés après, elle n'a pas eu le temps de transmettre les codes, d'autant qu'elle n'avait pas eu l'accord de la direction.

La cour retient, ainsi que le relève la société, qu'il n'est pas justifié que Mme [N] a effectué une demande à sa direction et qu'en conséquence, ce grief est établi.

***

Sur le dernier client visé dans la lettre de licenciement, à savoir le Crédit Foncier (et non le « Parrainage »), la société AFI.Esca verse aux débats un échange de courriels entre Mme [F] et M. [R], directeur d'une agence Crédit Foncier à Champigny sur Marne.

Il ressort de cet échange de courriels que M. [R], avait été orienté par Mme [F] qu'il avait contactée, vers Mme [N], compte tenu du secteur où se trouvait son agence. Mme [N] peut difficilement prétendre ignorer à quoi il est fait allusion puisqu'elle était en copie de l'échange du 30 juillet relatif aux devis.

Or, ce client indique lui aussi avoir laissé des messages à maintes reprises à Mme [N] sans avoir obtenu de réponse, le fait que ce courriel du 30 octobre 2015 ait été adressé suite à une sollicitation de M. [T] n'étant pas de nature à établir le caractère mensonger du contenu de son courriel.

Ce grief sera considéré comme établi.

***

La société AFI.Esca produit également :

- un mail adressé le 26 août 2015 par un courtier, M. [C], installé dans le département 77, qui explique ne pas avoir pu obtenir de réponse de Mme [N] sur une difficulté concernant un dossier et demande les noms des responsables,

- un mail adressé le 22 septembre 2015 de M. [P], également courtier dans le 12ème arrondissement, qui se plaint également de n'avoir aucune réponse de Mme [N] et sollicite l'affectation d'un nouvel inspecteur, ajoutant « Nous ne sommes pas exigeants mais souhaitons être respectés ».

Ainsi qu'il l'a été à juste titre relevé par le jugement déféré, cette concordance des réclamations dans le temps et dans leur objet, à savoir l'impossibilité de joindre Mme [N] entre août et octobre 2015, révèle un certain retrait de la salariée dans l'exécution de ses fonctions et, dans la mesure où les premières réclamations datent d'août et septembre 2015 et sont manifestement spontanées, l'existence d'une mise en scène, imputée par la salariée à l'employeur dans le but de justifier son licenciement après qu'elle ait refusé une rupture conventionnelle, ne peut être retenue.

L'insatisfaction des clients et des courtiers traduit une négligence professionnelle au travers notamment de l'insuffisance de l'entretien des relations commerciales, élément clé des missions dévolues à la salariée.

Sur le non-respect des obligations professionnelles

La société AFI.Esca invoque un manque d'activité et un délaissement de ses missions et l'exercice d'une activité parallèle dans une autre société commerciale.

Elle verse aux débats :

- la lettre du 16 juin 2015 déjà évoquée,

- le relevé de production 2015 distinguant les courtiers existant à l'arrivée de Mme [N] et ceux recrutés par elle ainsi que le chiffre d'affaires générés auprès de ceux-ci,

- un relevé de statistiques des volumes générés par les grands comptes et par les courtiers.

Ainsi que développé longuement par la société, les grands comptes sont des clients plus aisés à visiter puisque relevant d'une enseigne ayant négocié avec l'entreprise au plan national en sorte que les chiffres d'affaires obtenus pour les établissements du secteur dévolu au commercial ne sont pas le fruit d'une véritable prospection, telle celle qui doit être menée auprès des courtiers traditionnels.

Cette réalité se traduisait d'ailleurs dans la pondération de 40% des contrats grands comptes conclus.

Or, les résultats de Mme [N] témoignent d'une répartition entre clients grands Comptes et courtiers traditionnels hors de proportion avec les moyennes enregistrées par les autres commerciaux puisque de janvier à septembre 2015, 75% du chiffre d'affaires réalisé par Mme [N] provenait des grands comptes alors que la moyenne des autres salariés se situait autour de 27%, moyenne qui était celle du secteur attribué à Mme [N] avant son arrivée.

Ces résultats traduisent un déficit de prospection auprès des courtiers traditionnels, également révélée par une chute significative du volume de chiffres d'affaires que ce soit sur les courtiers préexistant que sur ceux recrutés par Mme [N].

L'insuffisance des résultats obtenue avait été clairement notifiée à la salariée au mois de juin et une opportunité de redresser son activité lui avait été offerte, l'employeur ayant d'ailleurs organisé deux journées de travail en duo avec un autre salarié, M. [M].

Or, si la clause contractuelle d'exclusivité n'est pas opposable à la salariée, Mme [N], salariée à temps plein, était tenue de mettre en oeuvre les directives données par l'employeur et notamment la priorité à la prospection auprès des courtiers traditionnels, priorité qui, au vu des nombreuses plaintes évoquées, n'a pas été respectée.

En conséquence le jugement déféré sera confirmé en ce qu'il a retenu le caractère bien fondé du licenciement et débouté Mme [N] de ses demandes à ce titre.

Sur la demande au titre de l'indemnité d'occupation du domicile

Mme [N] sollicite la somme de 4.058,37 euros à ce titre.

Elle fait valoir que son contrat de travail est muet quant au lieu de travail et qu'elle a travaillé à son domicile durant toute la relation contractuelle sans être indemnisée, à l'exception de l'abonnement internet et l'achat d'une imprimante.

La société AFI.Esca rétorque que Mme [N] disposait d'un ordinateur portable, d'une clé 4G, d'un téléphone, d'une imprimante, d'une voiture de fonction fournis par l'employeur, le forfait téléphonique et les frais de courrier étant pris en charge par la société et sollicite la confirmation du jugement sur le quantum de l'indemnité d'occupation allouée.

***

Lorsque le salarié, qui n'est pas tenu d'accepter de travailler à son domicile, ni d'y installer ses dossiers ou ses instruments de travail, accède à la demande de l'employeur, ce dernier doit l'indemniser de cette sujétion particulière ainsi que des frais engendrés par l'occupation à titre professionnel du domicile.

Cependant, au regard d'une part des éléments déjà pris en charge par l'employeur ainsi que de la nature des missions dévolues à la salariée la conduisant normalement à un temps de travail important chez les clients, c'est à juste titre que les premiers juges ont évalué la somme due par l'employeur à 3.600 euros.

Sur les autres demandes

Mme [N], qui succombe en son appel, sera condamnée aux dépens ainsi qu'à payer à la société AFI.Esca une somme arbitrée à 1.500 euros au titre des frais irrépétibles exposés en cause d'appel.

PAR CES MOTIFS,

La Cour,

CONFIRME le jugement déféré dans toutes ses dispositions,

Y ajoutant,

CONDAMNE Mme [Y] [N] aux dépens ainsi qu'à payer à la société AFI.Esca la somme de 1.500 euros au titre des frais irrépétibles exposés en cause d'appel.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 11
Numéro d'arrêt : 18/08294
Date de la décision : 13/10/2020

Références :

Cour d'appel de Paris L2, arrêt n°18/08294 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2020-10-13;18.08294 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award